Des laïcs au service des vocations


Hervé Balladur
membre du mouvement SERRA

 

Nous ne sommes encore qu’une poignée, douze à quinze chrétiens en région parisienne, accompagnés par un prêtre, à nous réunir chaque mois depuis plus de deux ans avec un unique objectif : travailler pour les vocations sacerdotales et religieuses. C’est dire la joie que nous avons d’être invités à écrire ici ces quelques lignes !

Tout a commencé début 2005, à Lyon, où l’archevêque installé depuis peu invite trois de ses anciens paroissiens franciliens à regarder ce qu’il en est du mouvement « SERRA International » qui « œuvre pour les vocations ». Le premier étonnement passé, l’intuition séduit les béotiens que nous étions : agir en tant que laïcs pour les vocations. Belle idée, étrange qu’elle ne nous soit pas déjà venue…

Certes, d’emblée, le mouvement SERRA impressionne et déroute : il est en effet international, rattaché à l’Œuvre pontificale pour les vocations sacerdotales, d’origine anglo-saxonne (et très anglo-saxon dans son fonctionnement). Né aux Etats-Unis en 1935, il n’existe pas en France mais rassemble plus de vingt mille membres à travers le monde, tous laïcs, tous mus par le même désir d’agir. L’intuition de ce mouvement nous « parle » et ses principes fondateurs aussi :

  • affirmer la richesse et la beauté de la vocation sacerdotale et de la vie religieuse ;
  • inviter tous les chrétiens à suivre l’appel de leur baptême, à servir dans l’Eglise et le monde ;
  • former et informer nos membres, dialoguer avec nos communautés afin de promouvoir les vocations sacerdotales et la vie religieuse.

Alors, nous en parlons à notre tour. Très vite un « noyau dur » se constitue autour de quelques intuitions partagées : la question des vocations nous concerne au premier chef, notre spécificité de laïcs doit permettre de l’aborder « autrement », en complémentarité avec les approches habituelles. Qui dit laïcs dit familles. Ce creuset des vocations nous est confié ; qu’en faisons-nous ? Nous sommes actifs dans nos communautés, nos paroisses, nos mouvements. Comment y inviter la question des vocations au-delà de la semaine nationale annuelle ? Quel regard portons-nous sur le prêtre ? Est-ce celui du monde – pour qui sacerdoce ne rime pas avec réussite – ou celui de la foi ? De l’extension de ce « noyau dur » naîtra une équipe soudée soutenue par une amitié fraternelle, le brassage des idées, la prière et les projets menés en commun.

Etudes, lectures, rencontres, prières deviennent et demeurent nos piliers, complétés par leur aboutissement naturel : l’action. Et celle-ci ne manque pas : animer des soirées en paroisse sur le thème que nous avons beaucoup travaillé, « Changer notre regard sur le prêtre », rencontrer les Equipes Notre-Dame au cœur de la question « famille et vocations », animer une après-midi paroissiale sur les vocations, échanger autour d’un film sur le prêtre avec des jeunes, sans oublier d’« adapter le concept SERRA » à notre approche française et à l’Eglise de France…

Au fil de nos rencontres et de nombreux échanges, certains points d’ancrages se précisent : il nous apparaît essentiel de mieux comprendre notre rôle de laïcs dans l’Eglise et dans le monde, il en va de notre compréhension des deux autres vocations, ministère sacerdotal et vie consacrée. Chacune des vocations éclaire les deux autres, elles ne se comprennent qu’ensemble. Ou encore, le Père des Cieux ne cesse d’appeler, aujourd’hui comme hier, mais les conditions pour que son « appel » soit accueilli ne sont pas toujours réunies. Ce constat général vaut même et y compris dans des familles authentiquement chrétiennes, bon nombre de nos rencontres nous permettent d’en prendre conscience : aussi sincère et profonde que soit la foi, la perspective d’un enfant prêtre ou religieux fait souvent peur. Il serait trop long ici d’en analyser les raisons, mais ce constat en amène un autre : le premier terreau qu’il faut « remuer » est celui-là même des chrétiens convaincus, « ceux » de nos paroisses, de nos mouvements, de nos groupes de prières. Comme il est utile de se redire mutuellement ce qu’écrivait Benoît XVI, alors cardinal Ratzinger dans Serviteur de votre joie : « Pouvoir être un grain de blé, un serviteur du grain de blé divin qu’est Jésus-Christ, voilà qui est en mesure de rendre un homme heureux au plus profond de son cœur. […] Il voit combien Dieu accomplit de grandes choses à travers lui, en se servant de sa faiblesse, et il est plein de joie. »

Mais d’autres voies que les actions « directes » sont à explorer, et nous en avons à peine franchi le seuil.

  • Celle de la collaboration avec ceux qui œuvrent au quotidien pour les vocations : les services diocésains des vocations, le Service national des vocations, les séminaires, les centres de formation. Un objectif : bâtir quelques ponts, mettre en commun les expériences, travailler ensemble à des projets, chacun avec son charisme propre.
  • Celle encore des « médias », où il serait intéressant d’expliquer que des laïcs, bien insérés dans le monde, s’intéressent aux vocations religieuses et sacerdotales, les considèrent comme un grand bien, mais aussi comme une voie éminente d’accomplissement personnel pour ceux qui y sont appelés. Ce dialogue dans les médias pourrait être une occasion de témoigner que pour beaucoup d’entre nous – chrétiens ordinaires – nos vies ont été profondément marquées par la rencontre d’un de ces consacrés.

Mais afin de ne pas se diluer dans l’action, la pensée doit sans cesse se nourrir et dans l’Eglise, pour qui cherche un peu, la nourriture n’est pas rare. La fréquentation de certains textes, comme les exhortations apostoliques de Jean-Paul II Pastores dabo vobis, Vita consecrata ou Christifideles laici vivifie notre réflexion depuis deux ans et féconde nos actions. « La question des vocations sacerdotales ne peut absolument pas être déléguée à certains spécialistes sur lesquels on se décharge, c’est une question vitale qui est au cœur même de l’Eglise » (Pastore dabo vobis). « Il est plus que jamais urgent, que se répande et s’enracine la conviction que ce sont tous les membres de l’Eglise, sans en exclure aucun, qui ont la grâce et la responsabilité du souci des vocations. […] Les fidèles laïcs, ont une grande importance dans la pastorale des vocations sacerdotales. En effet, plus ils approfondiront le sens de leur vocation et de leur mission dans l’Eglise, plus ils pourront reconnaître la valeur et le caractère irremplaçable de la vocation et de la mission sacerdotale » (Pastore dabo vobis). « Les ministères ordonnés sont une grâce immense pour la vie et la mission de l’Eglise, avant même d’être pour telle ou telle personne en particulier » (Christifideles laici).

Au seuil de nos trois ans d’existence, encouragés par notre évêque référent Monseigneur Pascal Roland, évêque de Moulins, nous avons à cœur de poursuivre les actions de terrain qui nous ont permis en quelques mois d’entrer en contact avec plus de deux cents personnes, laïcs, prêtres, séminaristes, jeunes et moins jeunes. Nous nous concevons comme des « hommes et des femmes de terrain au service des vocations ». Le monde caritatif, la pastorale conjugale, la liturgie ont leurs hommes de terrain, pourquoi le souci des vocations n’aurait-il pas les siens ?

Pour l’avenir proche, nous nous fixons pour objectif de tenir dans la prière commune et l’étude, sources irremplaçables de l’action. Nous souhaitons développer nos relations avec les services diocésains des vocations, avec le mouvement SERRA International, qui vient de tenir sa convention annuelle à Atlanta et intensifier les actions de terrain. De plus, il nous faut croître aussi en nombre, et si Dieu le veut, créer d’autres équipes en province ou à Paris, car le travail ne manque pas !