La famille, lieu d’une première annonce


Françoise Verdonnet
ancienne responsable du SDV d’Annecy

 

En novembre dernier les chrétiens de France ont reçu de leurs évêques un Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France. Ce texte invite à comprendre différemment le mot de catéchèse, en le décloisonnant de la seule enfance. Il invite également à convertir le regard porté sur ceux que nous rencontrons en famille, au travail, dans nos différents engagements d’Eglise. Porter un regard dénué d’a priori sur ceux qui cherchent, qui font un pas parfois fragile vers la foi chrétienne. Le trésor que nous avons reçu dans la foi ne nous appartient pas. Il ne laisse place ni à la suffisance, ni à la supériorité liée au savoir.
Le texte parle des chrétiens « confirmés » comme de frères aînés. Ceux qui cheminent « avec », qui tendent une main, qui montrent une direction tout en continuant eux-mêmes le chemin. Frères aînés, passeurs, Jean-Baptiste d’aujourd’hui, peu importent les mots… pourvu que soit rendu possible un itinéraire. Etre chrétien n’est jamais un état mais un devenir à la rencontre de Quelqu’un…

Lorsque Christian Bobin, dans son petit livre L’homme qui marche, évoque Jésus, il dit : « Cet homme ne dit pas j’ai la vérité, mais je suis la vérité. » La nuance est de taille.

Parmi les quatre pistes d’orientation dégagées par les évêques, il y a celle appelée « première annonce ». Cette première annonce donne à entendre ce qui fait vivre les croyants, selon la manière du Christ qui n’a de cesse de rencontrer, de chercher la relation, d’appeler à la foi. Une action de première annonce est ponctuelle, motivée par un événement, un moment privilégié. Celui qui reçoit cette annonce est libre de l’entendre, d’y adhérer ou non, de se laisser questionner. La famille en est un lieu privilégié.
Au premier regard, nous pourrions penser qu’il s’agit du plus facile ! Vous savez tout comme moi qu’il n’en est rien !


Changer de regard



Nous vivons aujourd’hui dans un contexte de pluralité religieuse auquel ni nous, ni nos enfants n’échappent. Chacun doit construire par lui-même ses propres raisons de vivre et tout est mis « en jugement. » Il est parfois difficile de se présenter comme disciple du Christ et a fortiori pour les plus jeunes. Dans ce contexte d’hyper individualisme, parler de l’aspect communautaire du christianisme, de l’Eglise, est souvent perçu comme extrêmement négatif. Beaucoup de nos contemporains veulent bien entendre parler de Jésus mais pas de son Eglise appréhendée comme un lieu de perte de leur liberté, ce qui bien sûr, est loin d’être exact, mais là n’est pas notre propos !

Dans beaucoup de nos familles, des parents se trouvent désarmés par la manière d’appartenir à l’Eglise de leurs enfants. Ils la vivent parfois comme un échec de leur éducation en matière de foi. Désarmés et culpabilisés, en pensant qu’ils n’ont pas su faire, qu’ils auraient dû être plus ceci, davantage cela…
Comme parents ou grands-parents, laissons de côté ces culpabilités pesantes et regardons nos enfants avec les yeux de Dieu.

La question tourne souvent autour du fait d’aller ou de ne pas aller à la messe ! Peut-être s’agit-il de la déplacer ? Ces nouvelles orientations données par les évêques, sans rien brader des exigences du christianisme, nous décentrent d’une certaine manière d’évaluer… en commençant par valoriser tout ce qui est déjà pierre d’attente pour l’Evangile : passer du temps ensemble, vivre une relation empreinte d’humanité, de respect les uns des autres, de dialogue. Chaque individu possède en lui son propre cheminement. Soyons davantage des guetteurs, capables de reconnaître en chacun ce désir de Dieu, peut-être prêt à être éveillé par une attitude de bienveillance, d’attention, de reconnaissance…
C’est ce regard que nous retrouvons dans tout l’Evangile : regard de Jésus qui remet debout, qui donne dignité et confiance en la vie. Que de blocages dans des refus d’admettre que la foi n’est pas un chromosome transmissible de génération en génération mais une invitation à la rencontre de Quelqu’un qui veut que l’homme soit heureux.

Nos enfants appartiennent au Christ et il est présent en eux… Notre travail est d’être simplement des vivants présents à ce qu’ils sont, à ce qu’ils vivent ! Notre témoignage est, avant d’être dans des mots, dans cette humble présence. N’allons pas trop vite à des choses à faire ou à dire pour « atteindre » nos proches ; prenons d’abord le temps de nous interroger : est-ce que ma foi « dilate » et accomplit mon humanité ? Qu’est-ce que je donne à voir de ce trésor ? Des obligations, des principes ou une manière de vivre qui fait envie ? La foi de mes enfants ne dépend-elle que de moi, de mon éducation ou y a-t-il là quelque chose du mystère de Dieu qui me dépasse ?


Accompagner



Lorsque nous sommes parents de jeunes enfants, l’Eglise nous donne des lieux privilégiés comme celui de l’éveil à la foi, de la catéchèse. Ils éclairent d’autres instants précieux pour les familles : une balade ensemble, une discussion sur le sens de la vie, un échange où parents et enfants peuvent dire leurs questions et leurs doutes. Dire sa foi à ces enfants n’est pas une énumération de choses à croire mais une manière de se tourner vers Quelqu’un avec une confiance totale.
Nous devons avoir à cœur de soutenir ces familles, qui pour une part démarrent dans leur cheminement de foi avec davantage de questions, de peurs que de certitudes. S’ils ne rencontrent pas sur leur route des hommes et des femmes fraternels et accueillants, ils risquent de renoncer.
Nos communautés paroissiales ont une grande responsabilité face à ces familles que nous rencontrons pour le baptême ou la première eucharistie de leurs enfants.
Pour nous, chrétiens enracinés, la première annonce passe aussi par notre façon d’accueillir ces personnes. Par un simple bonjour, par une attention à la vie quotidienne, par un mot ou un sourire.

Plus que quelque chose à faire, cette première annonce nous invite à regarder l’autre, nos proches avec le regard de Dieu ; même si nous savons que nous n’y arriverons jamais nous pouvons quand même nous exercer… Les résultats risquent d’être surprenants, pour nous surtout !



Nous remercions La Page de Saint-André
(revue du SDV d’Annecy)
de nous avoir autorisé à reproduire cet article.