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Envie d’agir
Le mercredi 12 mars 2003, la première « Journée de l’engagement » donnait le coup d’envoi d’une grande campagne de mobilisation que Luc Ferry, le ministre de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche, ouvrait en direction des jeunes. Il s’agit d’encourager et de soutenir l’engagement tous azimuts des jeunes de onze à vingt-huit ans dans les domaines humanitaire, civique, culturel ou sportif, mais aussi de les inciter à réaliser des projets personnels comme la création d’une entreprise. Le ministre explique l’esprit de cette politique dont il veut faire l’une des priorités de son action.
Ministre de l’Education nationale
Entre la vie publique des jeunes (à l’intérieur des établissements scolaires) et leur vie privée, il y a une sphère intermédiaire où ils sont inoccupés, désœuvrés. A nous de leur proposer des activités qui donnent du sens, qui font qu’ils sont reconnus dans la cité.
Dans les familles, hormis le petit nombre de jeunes qui ont une passion, le reste des jeunes est dans l’incapacité de se poser dans l’existence. Ce sont des jeunes qui ne savent pas où poser leur corps, leur être. Ils cherchent leur vocation en traînant dans leur chambre ou dans la rue. Depuis 1968, les adultes ont cédé à l’absurde idéologie du jeunisme qui adresse aux jeunes ce message à proprement parler désespérant : « Restez jeunes ! Renoncez à devenir adultes ! »
Comment les jeunes pourraient-ils résister à la tentation de s’enfermer dans l’immaturité d’une « interminable adolescence » si on laisse perdurer, pour dire que la jeunesse est « formidable », cette fâcheuse tendance à dénigrer le monde des adultes ? Il faut cesser de présenter l’entrée dans la vie adulte comme un déclin et montrer au contraire qu’elle est une chance, la possibilité de mener une vie plus riche, plus intense, plus intéressante, plus passionnante. C’est ainsi seulement que nous pourrons aider nos enfants à vaincre le « syndrome de Peter Pan », le syndrome de l’enfant qui ne veut pas grandir.
A quoi est due cette situation ? Les jeunes ont le sentiment d’une perte du sens. Au forum de Porto Alegre en janvier dernier, le nombre des jeunes était très important : environ trente mille. Au premier regard, rien de neuf par rapport aux années 60 : des échos féministes, pacifistes, anti-américains, l’influence du New Age, la critique du libéralisme, de la société de consommation…
En réalité, une vérité plus profonde que l’apparence et plus grave : le cours du monde nous échappe ; nous sommes dépossédés d’une promesse de la démocratie : une démocratie participant à la construction de notre histoire. L’essentiel de notre monde est hors de notre contrôle. Le cours du monde parait définalisé. Il y a du progrès (voitures, portables…) mais personne n’est convaincu que ces progrès soient en réalité un progrès. Nos représentants politiques eux-mêmes ne définissent plus le cours du monde : la logique des marchés financiers nous échappe. La fermeture des entreprises échappe aux leaders politiques. L’une des métaphores qui revient à propos des OGM est celle de Frankenstein ou de l’apprenti sorcier : la créature échappe à son créateur. Le monde de la science, le monde de l’entreprise, pourtant créés par les humains, leur échappe. Dans quelle direction va ce processus mondial ? Personne ne le sait, ce qui engendre un sentiment de dépossession, de perte de sens.
Les jeunes ont alors deux réactions différentes : certains ont envie de reprendre la main, d’autres de se laisser couler.
A ces jeunes j’ai envie d’adresser trois messages.
• N’ayez pas peur de grandir ! Il s’agit de comprendre que la construction de soi passe par l’adhésion à des projets qui nécessitent – pour être conduits à terme – effort, patience et travail mais qui offrent la possibilité de conquérir la reconnaissance des autres et l’estime de soi.
• Donc, engagez-vous ! C’est ce qui donne du sens à la vie. Si vous êtes prêts à bouger, il se trouve dans les associations près de chez vous des adultes qui sont disposés à vous fournir l’information, les conseils et l’assistance dont vous avez besoin.
• Et j’ajouterais enfin : n’attendez pas, engagez-vous dès maintenant ! Vous ne représentez pas notre avenir mais notre présent. Autour de ces projets, de ces engagements, les générations peuvent se rassembler, de sorte que cet échange entre jeunes et adultes soit un échange « gagnants-gagnants ».
Au cours d’une émission télévisée diffusée le 15 décembre dernier, nous avons pu voir des jeunes qui se sont engagés dans le cadre de cette campagne « Envie d’agir ».
Axel (16 ans) qui, pendant son enfance a vu sa mère se droguer, a souffert du divorce de ses parents, a créé au sein de son lycée à Nancy « Dial Drogue » un collectif de lycéens pour agir contre la drogue. Ces lycéens s’informent, vont rencontrer de jeunes toxicomanes dans un centre d’accueil et décident d’informer leurs camarades des dangers de la drogue.
Théo (15 ans) et son frère Némo (12 ans), touchés par la situation de l’Algérie après le tremblement de terre (de nombreux Marseillais ont de la famille là-bas) ont organisé un match de football avec la participation de Zidane le 6 octobre dernier : une partie des fonds récoltés à l’occasion de ce match sont partis en Algérie pour venir en aide aux victimes.
Leila et Myriam, des jumelles de 14 ans, vont chaque mercredi après-midi distraire les enfants hospitalisés à Orléans ; elles leur font faire des marionnettes.
Thomas (28 ans) et Caroline (23 ans) de Clermont-Ferrand vont passer leurs vacances en Roumanie en se rendant utile. Ils se rendent régulièrement dans un hôpital pour déficients mentaux (trois cent cinquante patients dont cent cinquante enfants, deux cent cinquante salariés). Ils recensent les besoins du centre : ils ont déjà équipé la maison de lits commandés à des artisans locaux. Ils veulent apporter maintenant des semences et du matériel agricole à la ferme qui nourrit le centre. Ils voudraient apporter du matériel pédagogique pour que les adultes qui encadrent les enfants fassent autre chose que de la « garderie ».
Marion (26 ans) et son mari Farid, passionnés par le cirque, organisent des stages de trapèze dans les centres d’éducation fermés. Ils veulent donner aux jeunes en difficulté qui vivent dans ces centres le goût de se dépasser.
Hélène et Tiffany, deux fillettes de 12 ans, frappées par la mort d’un SDF à Cherbourg à cause du froid, s’engagent aux côtés d’une association : elles organisent des concerts, des spectacles dont le prix d’entrée est un produit d’hygiène et vont à la rencontre des SDF dans la rue. Leur but : rendre leur dignité à ces hommes de la rue.
Naser (25 ans) veut faire découvrir « l’école de la 2e chance », créée à Marseille en 1998. Ancien stagiaire de l’école, il y a préparé un diplôme d’éducateur sportif. Il veut faire connaître cette école dans le quartier pour lutter contre les préjugés et casser le manque de communication entre les générations. Il a organisé une soirée « portes ouvertes » à l’école pour que les gens du quartier la découvrent de l’intérieur.
Myriam, une jeune femme de 33 ans, d’origine métissée (famille d’origine algérienne, installée en France et en Allemagne) a écrit un livre avec des enfants tsiganes. Elle renouvelle l’expérience avec des enfants arrivés depuis peu en France. Son but : donner le goût de la lecture et permettre ainsi un égal accès à la culture.
Mathilde (15 ans), va avec ses copains du collège à la rencontre des personnes âgées de son village (La Neuville, près de Nancy) pour leur faire raconter leurs souvenirs. Ils filment leurs interlocuteurs et ont suivi une session de montage vidéo. Ils veulent constituer les archives filmées du village et se faire ainsi la « mémoire des personnes âgées ».