Edito


Le SNV reprend, dix ans plus tard, un des thèmes qu’il déployait dans Jeunes et vocations n° 102. On y parlait de l’existence chrétienne comme d’une existence appelée (1).

De nombreux textes du Magistère participent à une définition de cet « être appelé ». Ce qu’il est, ce qu’il n’est pas ; ce qui est du côté de la spécificité, ce qui relève de la particularité et parfois les deux à la fois (2) La spécificité qualifie de manière récurrente le presbytérat et la vie consacrée. Cependant, le Magistère emploie le mot « particularité » pour désigner l’ensemble des laïcs (3) et dans ce groupe de « spécificité » (4), de « vocation spéciale »(5) s’agissant de la vocation des femmes. Ainsi il y a une spécificité qui concerne les femmes, composante numériquement significative des catholiques qui participent à la vie de l’Église mais dont les compétences ne sont pas encore suffisamment utilisées dans les instances participatives et sapientielles de l’Église. Même si nous relevons de belles avancées, sur ce plan il y a encore beaucoup à faire ; certains s’y attellent vaillamment.

Cette vocation baptismale comporte d’autres déclinaisons qui concernent une fraction, quantitativement plus petite, du corps ecclésial. Elle est constituée d’hommes (prêtre, religieux, moines, etc.) et de femmes (religieuses, vierges consacrées, moniales, etc.). Ces consécrations s’enracinent dans le baptême, « marqueur » premier de tout appel. Là est le point de départ de toute aventure qui se revendique du Fils, face et dans la communauté humaine.

Au plan phénoménologique il y a un écart entre le baptême d’un bébé et celui d’un adulte, même si ce sacrement conserve dans les deux cas l’intégralité de ses caractères propres ; nous projetons souvent sur « le baptême » des considérations difficilement transposables, au risque d’élaborer des théologies du baptême plus apologétiques et virtuelles qu’incarnées. Chaque baptême est un acte singulier et particulier, voilà pourquoi ce sacrement est reçu, en règle générale, devant une communauté rassemblée. Il s’agit d’incorporer au dialogue intérieur, là où au plus profond la conversion opère, un dialogue avec le monde pour vivre ce que le baptême implique : tenir la mission que l’Église a reçue du Christ avec d’autres. Peut-être est-ce en ce lieu que se tient l’instance de vérification de la vérité de l’engagement chrétien ; le baptême, la vie avec Christ n’est pas un abri douillet, un espace de rêveries intérieures. C’est un lieu où toute expérience est trinitaire au sens où elle n’est pas un vis-à-vis fermé sur lui-même.

Parler de vocation baptismale ne saurait signifier qu’hors du baptême pas de vocation ! Nous sommes entourés de personnes qui, sans se revendiquer du Christ, témoignent de la bonté et de l’intelligence des hommes. Aussi quand nous tenons le lien entre vocation et baptême nous signifions que le baptême est d’abord un engagement à tenir la vocation des hommes selon Dieu, par le Christ et l’Esprit Saint. Ainsi, dans une culture où le catholicisme sociologique, voire habitudinaire, n’est plus majoritaire, revient au galop la question de la conversion, comme entrée dans le sens profond du baptême.

Ne trouvez-vous pas que les textes élaborés par nos premières communautés résonnent avec une vigueur renouvelée à nos oreilles ? La contribution d’Izabela Jurasz entrouvre pour nous ces trésors ; pour peu que l’on soit curieux et que l’on cherche à trouver de nouvelles voies, lire les textes d’un temps où l’Église était en travail permet de mesurer l’importance de l’intelligence, de la foi, de la créativité et de l’inventivité de ces hommes. Ils avancent en chercheurs, aidés de tous les instruments de la science de leur temps. C’est à partir de ce donné qu’ils prennent position ; ils ne craignent pas la controverse, ils la suscitent. Pourquoi prennent-ils de tels risques ? Parce que l’Évangile est une parole adressée et non pas assénée et qu’en conséquence il est essentiel de dialoguer, donc d’être avec et pour le monde, sans que cela n’obère le désir, un peu fou, de participer à la venue du Royaume. En ce temps où l’Église devient une minorité parmi d’autres, c’est en creusant le sillon de l’intelligence, de l’inventivité et de l’exemple qu’elle peut être distinguée d’autres propositions.

Parmi les questions de fond que posent la modernité et la sécularisation à la vocation baptismale – qu’il serait bien plus fécond d’envisager, de manière objective et dialectique, comme un « état de la culture » occidentale – nous retenons ici celle d’une théologie du laïcat et des ministères, qui s’essaierait à ne plus à élaborer à partir de définitions par défaut ou en creux.

L’Église a besoin de toutes ses forces vives !

1 - Pour une approche ecclésiologique, lire l¹article de Laurent Villemin (Jeunes et vocations n°102). Il y distingue notamment trois périodes : celle des oeuvres, celle de la théologie du laïcat et celle qui commence avec Vatican II.
2 - Cf. Christifideles laici.
3 - « Le caractère singulier est le caractère propre et particulier des laïcs », cf. id.
4 - Id., n° 52.
5 - Id., n° 49.