Les "donnés" en Chartreuse


Rémy Lebrun
diplômé en droit canonique

 

 

Les “donnés” en Chartreuse : une forme de vie laïque au sein d’une tradition monastique 1

En Chartreuse, la coexistence de plusieurs catégories de membres est traditionnelle et elle a certainement contribué à façonner la physionomie de l’ordre. Dès les origines, sans doute même depuis la fondation (en 1084), il y eut des clercs, appelés « moines », et des laïcs. Aujourd’hui encore, la communauté cartusienne comprend des « pères » et des « frères ». Les premiers (moines au sens strict, encore appelés « moines du cloître »), tous prêtres ou destinés à le devenir, vivent une solitude stricte et ne sortent pas de leur cellule en dehors des occasions qui sont de règle, ordinairement trois fois par jour (office à l’église, chapitre, repas au réfectoire) ; en particulier, ils y travaillent et leurs activités, qui ne peuvent donc pas nécessiter de moyens matériels importants, se limitent au sciage du bois pour le chauffage en hiver, à l’entretien de la cellule et de son jardin, et à d’autres occupations (reliure, ébénisterie, dactylographie…). Les seconds s’adonnent davantage au travail manuel et assurent ainsi, hors de la cellule, les divers services de la communauté, comme la cuisine, la menuiserie, la buanderie, l’exploitation forestière, etc.

En outre, le groupe des « frères » se compose de convers, religieux faisant des vœux exactement comme les « moines du cloître », et de donnés qui ne font pas de vœux – pour cette raison, les donnés ne sont pas des religieux bien qu’ils soient appelés « frères » et « moines » dans les constitutions 2 – mais, comme leur nom l’indique, se donnent à l’ordre des Chartreux par un engagement réciproque ayant la forme d’un contrat, appelé « donation ». Les donnés ont un règlement propre qui diffère de celui des convers : leur assistance aux offices, notamment à l’office de la nuit, est plus libre, ils sont astreints à moins de prières vocales et à moins de jeûnes ; ils vivent sans avoir rien en propre, mais conservent la propriété et la disposition de leurs biens. Les moniales chartreuses 3 connaissent également « moniales du cloître », converses et données.

Le présent article vise à faire ressortir les éléments caractéristiques de la vie des donnés qui se consacrent au service du Seigneur et s’appliquent à trouver Dieu dans le silence et la solitude. Plus que les moines, ils s’adonnent au travail manuel, et même encore davantage que les convers quand il leur arrive de s’acquitter de tâches plus difficilement compatibles avec les observances de ces derniers. Ceci constitue à la fois la cause et la conséquence des aménagements ou adoucissements que l’état de donné permet d’apporter aux austérités de la vie cartusienne.

 

Le lien des donnés, la profession des conseils évangéliques et la consécration

L’étude de la donation met en évidence différents éléments quant à la nature et à l’objet de cet acte juridique, et quant à la formation du lien qui en résulte. En les résumant, il est possible de la définir comme un contrat bilatéral par lequel :
• le donné s’engage à obéir à ses supérieurs et à observer les statuts en assumant les conseils évangéliques professés privément devant le supérieur compétent qui accepte cette donation au nom de l’ordre des Chartreux ;
• l’ordre des Chartreux s’engage à fournir au donné tout ce qui est nécessaire, selon les statuts, à sa vie matérielle et à sa vie spirituelle.

Depuis l’apparition de l’institution des donnés dans les textes législatifs cartusiens, la donation se distingue de la profession par l’absence d’émission de vœux ; ainsi, dans les Nouveaux Statuts de 1368, qui codifient le premier règlement détaillé relatif aux donnés. Néanmoins, comme pour la profession, il est d’abord question d’une promesse : dans la Carte du chapitre général de 1341 4, dans les Nouveaux Statuts de 1368, et encore dans la Nouvelle Collection de 1582. Mais, à l’époque moderne, une évolution voit le jour ; en 1572, une ordonnance du chapitre général définit différemment la nature des obligations ou conditions de réception du donné : non pas des vœux ou une profession régulière, mais une convention (« pacta ») et un contrat (« contractus ») de droit humain, et de simples obligations civiles. Cette précision est réitérée, dix ans plus tard, par la Nouvelle Collection qui, reprenant les dispositions des Nouveaux Statuts, prescrit en outre de matérialiser l’engagement des donnés par un acte (« instrumentum ») passé en présence d’un notaire civil, tandis que la référence à la promesse s’estompe peu à peu.

Dans les Cartes du chapitre général ultérieures, à propos de la séparation des donnés d’avec l’Ordre en cas de sortie (à l’amiable ou volontaire) ou de renvoi, il est clairement question de « contrat » (« contractus ») et de rupture du « contrat de donation » (« donationis contractus »). Mais les Statuts de l’ordre cartusien de 1924, qui accentuent le caractère spirituel de la donation, ne mentionnent plus explicitement de « contrat ». Dans les Statuts rénovés de l’ordre cartusien 5 comme dans les Statuts de l’ordre des Chartreux actuellement en vigueur, il est question d’un « engagement » (« obligatio ») et de « prendre un engagement » (« spondeo »), terme assez général qui s’applique ailleurs à tout postulant, tant à l’état de « moine du cloître » qu’à l’état de « moine laïc ». Les « promesses » du donné apparaissent, cependant, comme accidentellement, au détour d’une formule des rites de la vie cartusienne (« […] dum in promissis tuis fideliter maneas 6 »). En revanche, il est fait référence au « contrat de donation » à propos de sa rupture éventuelle (« Cum autem aliquis donationis contractus solvitur […] ») 7.

Néanmoins, puisque la donation engage à servir Dieu fidèlement, dans l’obéissance et la chasteté, sans avoir rien en propre et afin de concourir à la croissance de l’Église, comme l’énoncent en termes semblables les Statuts des moniales chartreuses et les Statuts de l’ordre des Chartreux, faut-il admettre que la vie des donnés est une vie consacrée au sens du droit ?

 Sans faire profession au sens du canon 654, les donnés assument 8 ou, au sens des canons 573 §2, 574 §1 et 603 §2, professent 9 les conseils évangéliques, mais d’une manière qui ne semble pas aller au-delà du simple propos. Cependant, le canon 573 §2 dissocie consécration et nature du lien 10 en établissant que la première vient, non par les vœux, mais par l’assomption des conseils évangéliques, même si celle-ci se fait au moyen de vœux 11 : l’élément constitutif commun à toutes les formes de la vie consacrée est l’engagement par lequel les fidèles s’obligent à la pratique des conseils évangéliques. C’est ainsi que les structures associatives dans lesquelles les conseils évangéliques ne sont pas explicitement professés n’entrent pas dans la catégorie des instituts de vie consacrée. Il manque alors à la donation, pour être considérée comme une entrée dans la vie consacrée au sens du droit, les deux facteurs qui contribuent à en définir l’essence, savoir, la profession publique des conseils évangéliques au moyen de (vœux ou autres) liens sacrés 12. Par conséquent, la nature et les éléments caractéristiques de la donation, tels que les décrivent et les présentent les statuts, ne permettent pas de considérer que la vie des donnés est une vie consacrée au sens du droit.

 

Les éléments caractéristiques de la vie des donnés

Les donnés travaillent pour subvenir aux besoins matériels de la maison, qui leur sont (ainsi qu’aux convers) spécialement confiés.

Le travail manuel structure en profondeur la vie des laïcs chartreux. Il les occupe environ six heures et demie par jour en semaine 13, contre deux heures par jour environ pour les « moines du cloître », comme le montre l’examen de leur emploi du temps à la Grande Chartreuse 14.

Chez les moniales, l’écart quantitatif entre le temps de travail des converses et données et celui des « moniales du cloître » est moindre (environ cinq heures contre deux), comme le montre la comparaison de leurs horaires à la chartreuse Notre-Dame de Reillanne (Alpes de Haute-Provence) 15 .

 Mais la différence entre les « pères » et les « frères » est surtout qualitative, et porte aussi bien sur la nature des tâches que sur la finalité du travail : pour les premiers, le travail est un moyen de fuir l’oisiveté et une manière de participer à la condition humaine, en partageant le sort de ceux qui sont obligés de travailler, et de s’exercer ainsi à l’humilité ; au contraire, le travail manuel constitue pour les donnés, plus encore que pour les convers puisqu’il leur arrive de s’acquitter de tâches plus difficilement compatibles avec les observances de ces derniers 16, un élément essentiel de leur consécration 17.

 Les donnés participent aux exercices de la vie cartusienne en suivant, tant pour l’office divin que pour les autres observances (abstinence, jeûne, etc.), les règlements qui leur sont propres mais qui peuvent néanmoins être adaptés aux besoins de chacun 18.

 D’une manière générale, la vie des donnés compte moins d’austérités que celle des convers qui, elle-même, en comporte moins que celle des moines ; interrompre son sommeil chaque nuit, ne faire qu’un seul vrai repas par jour plus de la moitié de l’année (pour les moines) ou un cinquième de l’année (pour les convers) et se contenter de pain et d’eau un jour par semaine peut être assez éprouvant.

 Les aménagements ou adoucissements que l’état de donné permet d’apporter aux austérités de la vie cartusienne concernent les pratiques pénitentielles et la participation aux offices liturgiques :
• les donnés ne sont obligés qu’à l’abstinence de laitages pendant l’avent et le carême, tous les vendredis de l’année et la veille de certaines solennités ;
• il est permis aux donnés de manger de la viande à l’extérieur des maisons ;
• les donnés ne sont pas tenus au lever de nuit et leur assistance à l’office de nuit est facultative ;
• l’office dont doivent s’acquitter les donnés est réduit 19 – en particulier, la récitation de l’office quotidien des donnés n’est pas doublée, comme celle des convers, de la récitation de Pater noster et Ave Maria correspondant à l’office de la sainte Vierge et, pour les défunts, les donnés récitent chaque semaine dix Pater noster et Ave Maria, alors que les convers que récitent chaque jour trois Pater noster et Ave Maria.

 En dehors des heures de travail, de la messe et des quelques offices en commun, en particulier, les dimanches, solennités et jours de retraite, puisqu’ils ne travaillent pas, les donnés se tiennent dans leur cellule ; il convient de noter que la garde de la cellule se complète et se renforce de préceptes assez rigoureux touchant la clôture extérieure et le silence.

 

 L’objet de la donation : les obligations réciproques

 La donation est un engagement réciproque 20 et ceci exprime le retour, l’action de rendre ce qui est reçu. Les statuts précisent les obligations qui en résultent. Les donnés reçoivent :
• pour leurs besoins temporels, le vêtement, la nourriture et le logement comme les autres moines (plus spécialement, les convers, en ce qui concerne la nourriture et le logement) puisqu’ils vivent sans avoir rien en propre ;
• pour leurs besoins spirituels :

-la disposition d’une cellule individuelle où ils s’appliquent à la lecture, à la méditation et à l’oraison ;

- trois jours de retraite annuelle ;

- une formation adaptée, initiale, sous la direction du maître des novices, avec chaque jour un certain temps consacré à une formation doctrinale qui a pour but de les introduire au contenu de l’Écriture sainte, de leur permettre d’assimiler de manière personnelle les mystères de la foi et, en même temps, de leur apprendre à réfléchir avec profit sur des livres consistants ; une formation continue, sous la direction du prieur, durant toute leur vie, avec une conférence hebdomadaire, de bon niveau, quoique demeurant à leur portée, et d’une durée suffisante.

 De la part du donné, le contrat comporte l’engagement de vivre dans l’obéissance et la chasteté, sans avoir rien en propre.

 

La pauvreté

 Le donné conserve la propriété et la disposition de ses biens, ainsi que la capacité d’acquérir ; cependant :
• il ne garde pas d’objets personnels avec lui ;
• le fruit de son travail revient à la maison où il a été réalisé ;
• ce qui pourrait lui advenir au titre d’une pension ou d’une assurance serait acquis à la maison où il réside, les contreparties dues comme, par exemple, des cotisations, étant à la charge de cette maison.

 C’est pourquoi il semble que le donné ait besoin, dans la vie courante, des mêmes permissions que celles accordées aux profès par les supérieurs en raison de leur pouvoir « domestique » 21 :
• pour échanger ou recevoir quoi que ce soit ;
• pour jouir de l’usage des livres ou autres objets, même de ceux acquis à l’Ordre grâce à lui ;
• pour aménager sa cellule ;
• pour disposer d’outils ou d’instruments, même seulement un peu coûteux.

 

L’obéissance

Indubitablement, les supérieurs ne peuvent, d’une manière générale, légitimement ordonner ni obliger en vertu de l’obéissance que ce qui est compris dans les statuts, puisque les donnés s’engagent selon la teneur des statuts (« ad normam Statutorum ») 22.

 En particulier, dans le cadre du travail, pour la marche des obédiences et tout ce qu’ils ont à leur disposition, les donnés doivent se conformer aux prescriptions du prieur ou à celles du procureur lorsqu’ils accomplissent des tâches qui leur sont confiées. En outre, les donnés ne doivent pas rechercher, ni accepter, les occasions de sortir de la maison, en dehors de celles qui sont de règle, mais se résigner à celles que suscite l’obéissance, souffrir d’être envoyés dans n’importe quelle maison de l’Ordre, en cas de nécessité ou pour un motif valable.

 Le cadre du travail en solitude crée un contexte où le risque est grand de se constituer un espace d’indépendance. C’est pourquoi les statuts accordent à l’obéissance une place privilégiée, en reprodui¬sant, à la fin du premier chapitre consacré aux « moines laïcs », le passage que la lettre de saint Bruno à ses fils chartreux destine aux premiers frères lais 23. Bien qu’écrite dans un contexte social et cultu¬rel très différent de celui d’aujourd’hui, elle continue d’indiquer aux convers et aux donnés la voie à suivre.

 

La chasteté

 Concernant la chasteté, les statuts ne donnent pas de norme d’application ni d’interprétation. Il convient toutefois de rappeler que s’engager par contrat, c’est-à-dire en justice, à faire une chose déjà obligatoire en raison d’une autre vertu est toujours possible. Puisque les conseils évangéliques sont à pratiquer conformément à la vocation de chacun, tout baptisé est appelé à la chasteté selon son état de vie particulier : les donnés, puisqu’ils sont célibataires, pratiquent la chasteté dans la continence.

 

Conclusion et perspective

 Le cadre de vie des donnés, caractérisé par la variété des tâches matérielles accomplies en divers endroits de la maison pour la bonne marche de la chartreuse, est susceptible d’apporter un équilibre plus abordable que l’érémitisme tempéré des « moines du cloître ». La proportion actuelle des donnés dans l’ordre des Chartreux (1/10e en moyenne sur les vingt dernières années) se situe néanmoins à un niveau inférieur à celui (1/8e en moyenne), remarquablement stable, observé du milieu du XVe siècle au milieu du XXe siècle. Le recrutement des donnés ne traduit donc pas de regain d’intérêt pour une vie monastique laïque, équilibrée entre le travail manuel et les activités spirituelles (un jour de semaine, environ six heures et demie pour le travail et six heures pour la récitation de l’Office, l’oraison mentale, la lecture de l’Écriture sainte et les autres exercices spirituels), relativement moins austère (lever de nuit facultatif, pratiques pénitentielles adoucies, office quotidien allégé), plus aisément adaptable aux santés médiocres et donc, en théorie, davantage accessible au plus grand nombre.

 La raison en est peut-être un manque de visibilité ou une présentation qui n’a pas su faire ressortir, du fait de la grande ressemblance avec les religieux (séparation du monde, célibat, etc.) 24, l’originalité de cette forme de vie. Celle-ci pourrait de surcroît passer pour anachronique : héritée du monachisme médiéval, elle paraît être un vestige de la féodalité ; resituée dans l’ensemble composite de la réalité associative existante, elle semble au contraire préfigurer des formes de vie apparues à la fin du XXe siècle. En effet, alors que de nombreux instituts religieux et sociétés de vie apostolique 25 ont entrepris d’instaurer ou de développer des relations privilégiées avec des chrétiens 26 souvent improprement appelés (certains sont des clercs) « laïcs associés 27 », le contrat d’association correspond aujourd’hui à la réalité de plusieurs instituts religieux et sociétés de vie apostolique.

 

 


1 – Cet article est adapté de Rémy Lebrun, Les donnés de l’ordre des Chartreux : statut canonique au regard du droit en vigueur, thèse en vue de l’obtention du doctorat en droit canonique présentée et soutenue publiquement le 5 juillet 2007, Institut catholique de Paris, Faculté de droit canonique, 391 p.
2 - Les Chartreux n’ont pas de « Règle » mais des statuts composites, qui renferment à la fois le code fondamental de l’Ordre, c’est-à-dire ce qu’il est convenu d’appeler ses « constitutions », et son coutumier. De ce fait, différentes versions se sont accumulées ou succédé au cours des siècles. Sont actuellement en vigueur les Statuts de l’ordre des Chartreux dont la première rédaction a été adoptée par le chapitre général en 1987, qui ont été confirmés par le chapitre général en 1989 et approuvés par le Siège apostolique en 1991.
3 - L’ordre des Chartreux comprend une branche féminine disposant de constitutions propres, les Statuts des moniales chartreuses (1991). Les Statuts des moniales suivent, en général, les Statuts de l’ordre des Chartreux ; en particulier, les articles qui concernent les données conservent la teneur de ceux qui leur correspondent dans les Statuts des moines et qu’ils reproduisent dans une large mesure.
4 - Les décisions du chapitre général sont résumées et rassemblées dans des protocoles appelés traditionnellement « cartes ».
5 - Les quatre premiers livres (chapitres 1 à 35) des Statuts rénovés de l’ordre cartusien forment les statuts proprement dits, approuvés par le chapitre général en 1971 et confirmés en 1973.
6 - Statuts de l’ordre des Chartreux, 5. 36. 16 : « […] pourvu que vous restiez fidèle à ce que vous avez promis ». L’article correspondant des Statuts des moniales chartreuses (32. 16) emploie une formule légèrement différente qui ne rend pas l’idée de promesse.
7 - Statuts de l’ordre des Chartreux, 2. 19. 5 : « Lorsqu’un contrat de donation est rompu… »
8 - Ce terme général est employé par le Code de droit canonique à propos des instituts religieux (canon 654), des instituts séculiers (canon 712) et des sociétés de vie apostolique (canon 731 §2). 9 - Le verbe « profiteor » signifie déclarer ouvertement, mais aussi proposer, s’engager à, promettre. Sur l’emploi de « professio » et « profiteor » dans le Code, voir Stefano-Maria Pasini, « Vita consacrata e consigli evangelici (II) : La distinzione tra “Consacrazione” e “Professione” », Commentarium pro Religiosis et Missionariis LXXVII, 1996, p. 353-356 ; la conclusion qui en est tirée, d’une incertitude dans la réflexion canonique dérivant d’un approfondissement insuffisant du rapport entre les dimensions juridiques et théologiques de la vie consacrée, est manifestement exagérée, puisque l’usage de « professio » est limité aux instituts religieux, tandis que l’emploi de « profiteor » est plus général.
10 - Germain Lesage, « Evolutio et momentum vinculi sacri in professione vitae consecratae », Periodica de re morali canonica liturgica LXVII, 1978, p. 433-444.
11 - Gianfranco Ghirlanda, « Les formes de consécration à la lumière du nouveau Code », Documents Episcopat n° 3, février 1990, p. 2-3 ; Stefano-Maria Pasini, « Vita consacrata e consigli evangelici (II) :La distinzione tra “Consacrazione” e “Professione” », Commentarium pro Religiosis et Missionariis LXXVII, 1996, p. 355.
12 - C’est ainsi que l’ermite n’est pas reconnu par le droit comme dédié à Dieu dans la vie consacrée s’il ne professe pas publiquement les conseils évangéliques, scellés par un vœu ou un autre lien sacré, entre les mains de l’évêque diocésain (canon 603 §2).
13 - Selon les Statuts de l’ordre des Chartreux, 3. 26. 6, la durée de leur travail ne doit pas, normalement, dépasser sept heures par jour.
14 - L’Ordre des Chartreux, La Grande Chartreuse, Association Auxiliaire de la vie cartusienne, 10e édition, 1996, p. 56-57
15 - Chartreuse Notre-Dame, Moniale à la Chartreuse Notre-Dame, Sainte-Maxime, Éditions CIF, « La tradition vivante », 1989 , p. 8-9.
16 - Statuts de l’ordre des Chartreux, 2. 19. 8.
17 - Statuts de l’ordre des Chartreux, 2. 11. 1 ; 2.19. 1 ; 2. 19. 8. Selon le texte spirituel contemporain, « Le travail du frère », in Jean-René Bouchet (éd.), Paroles de chartreux, Paris, Cerf, « Perspectives de vie religieuse », 1987, p. 151-152 : « Travailler est une œuvre contemplative. L’union à la volonté du Père en tous les travaux inspirés par l’obéissance est la nourriture inépuisable de celui qui a faim de Dieu. […] L’occupation du corps et des mains devient aisément, à qui en a la grâce, comme une ancre qui permet au cœur de se fixer en Dieu, et de demeurer présent à l’amour qui l’appelle dans le silence de l’obédience. […] Enfin, la valeur rédemptrice et purificatrice des travaux les plus rudes ou les plus éprouvants nous donne la possibilité, au prix de l’union à la croix du Sauveur, de rayonner la lumière pascale en nos cœurs et sur le monde. Ainsi le travail est-il par lui-même une prière aux aspects variés, en laquelle Dieu trouve ses complaisances si nous l’accomplissons avec bonne volonté à la mesure de nos moyens. Il est également une préparation directe aux heures plus spécialement consacrées à la louange liturgique ou au silence intérieur dans le recueillement de la cellule. […]. »
18 - Statuts de l’ordre des Chartreux, 2. 19. 8.
19 - Cependant, les donnés peuvent, comme les convers, choisir d’utiliser les livres liturgiques en usage dans l’Ordre (Statuts de l’ordre des Chartreux, 3.21.11 ; 7.49.10) et, pour les offices où la communauté est réunie à l’église, de participer plus activement qu’en égrenant leur chapelet ; à la messe conventuelle, les donnés, comme les convers, peuvent se joindre au chant ou s’unir silencieusement à la prière.
20 - Statuts de l’ordre des Chartreux, 2. 19. 8 ; Statuts des moniales chartreuses, 13. 1.
21 - Ce pouvoir est assimilable à celui d’un chef de famille sur sa maison, d’où son nom. Voir Colette Friedlander, « Les pouvoirs de la supérieure dans le cloître et dans le monde du Concile de Trente à nos jours », in Les religieuses dans le cloître et dans le monde des origines à nos jours. Actes du Deuxième Colloque International du CERCOR, Publications de l’université de Saint-Étienne, 1994, p. 242. Il est exercé légitimement dans tout institut religieux (canon 596 §1) et se distingue du pouvoir ecclésiastique de gouvernement que possèdent les supérieurs et les chapitres dans les seuls instituts cléricaux de droit pontifical (canon 596 §2).
22 - Statuts de l’ordre des Chartreux, 2. 19. 3 ; Statuts des moniales chartreuses, 13. 3.
23 - Statuts de l’ordre des Chartreux, 2. 11. 9. La lettre se compose de trois parties d’égale longueur : la première s’adresse à tous, moines et laïcs, la troisième concerne le prieur et la deuxième est pour les seuls laïcs ; elle comprend, notamment, le passage suivant : « Et puisque c’est un chemin très sûr pour aller à Dieu que de marcher sur les traces de nos Fondateurs, les frères prendront comme modèles les premiers convers de Chartreuse qui, avant toute règle écrite, ont donné à leur genre de vie sa forme et son esprit. Pensant à eux, saint Bruno, le cœur plein d’allégresse, écrivit : De vous, mes bien-aimés frères laïcs, je dis : Mon âme exalte le Seigneur, car je considère la grandeur de sa miséricorde sur vous, d’après l’exposé de votre prieur et père très aimant, qui se glorifie et se réjouit beaucoup à votre sujet. Nous nous réjouissons aussi car, bien que vous soyez dépourvus de la science des lettres, le Dieu puissant écrit de son doigt dans vos cœurs, non seulement l’amour, mais aussi la connaissance de sa loi sainte. Vous montrez en effet par vos œuvres ce que vous aimez et que vous connaissez. Car vous pratiquez avec tout le soin et le zèle possibles la véritable obéissance – qui est l’accomplissement des vouloirs de Dieu, la clef et le sceau de toute connaissance spirituelle, qui n’existe jamais sans une grande humilité et une patience insigne, qu’accompagnent toujours un pur amour du Seigneur et une authentique charité – rendant par là évident que vous recueillez avec sagesse le fruit très savoureux et vivifiant de l’Écriture sainte. Demeurez donc, mes frères, là où vous êtes parvenus. » Saint Bruno, « Ad filios suos Cartusienses » (§ 3), in Lettres des premiers Chartreux, introduction, texte critique, traduction et notes par un chartreux, Paris, Les Éditions du Cerf, coll. « Sources Chrétiennes » n° 88, 1962, p. 84-85.
24 - Ainsi, la règle qui attribue à la maison de résidence ce que le donné acquiert par son travail personnel reproduit une disposition du Code de doit canonique (canon 668 §3) concernant les religieux. En France, de surcroît, les donnés sont affiliés à la Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC).
25 - En France, selon les résultat d’une enquête menée par les deux Conférences des supérieurs majeurs en 2006, plus de 90 % des instituts ayant répondu « cheminent avec d’autres chrétiens sur les pas de leurs fondateurs » et 82 % de ces groupes sont nés après 1976.Voir Conférence française des supérieures majeures, Conférence des supérieurs majeurs de France, Rassemblement religieux-laïcs. Les familles spirituelles : un nouveau visage d’Église ? Vous serez mes témoins, Lourdes, 19-21 octobre 2007, p. 9-11.
26 - Bernadette Delizy, Vers des « Familles évangéliques ». Le renouveau des relations entre chrétiens et congrégations, Paris, Les Éditions de l’Atelier / Les Éditions Ouvrières, 2004, passim.
27 - Par exemple : Laurent Boisvert, Laïcs associés à un institut religieux, Montréal, Éditions Bellarmin, 2001 ; Jean Burton, « Laïcs associés : éléments de bibliographie », Vie consacrée LXXIV, 2002, n° 1, p. 21-24 ; Michel Dortel-Claudot, « Religieux et laïcs associés pour l’Évangile. Points de repère historico-canoniques »,Vie consacrée LIX, 1987, n° 4, p. 225-243 ; Les Laïcs associés. Participation de laïcs au charisme d’un institut religieux, Paris, Médiasèvres, 2001 ; Noëlle Hausman, « À propos des laïcs associés », Vie consacrée LXXIV, 2002, n° 1, p. 9-20. Cette désignation renvoie à la conception tripartite de la société ecclésiale (clercs, religieux, laïcs) autant qu’à l’acception ordinaire du mot « laïc ». Il convient toutefois de noter que l’expression « fidèles associés » est équivoque : désigne-t-elle des fidèles associés à un institut ou une société, ou bien des fidèles associés entre eux ? La figure de l’association du fidèle à un institut de vie consacrée ou une société de vie apostolique est plus rare.