Groupe de recherche de parcours vocations


Denis Bourget
responsable du service des vocations diocèse de Nantes

 

Cet article est le fruit d’une expérience limitée dans le temps (5 ans) et dans l’« espace » (région des Pays de la Loire). C’est la raison pour laquelle certains éléments de réflexion seraient sans doute à nuancer tandis que d’autres questions concernant l’accompagnement des jeunes en recherche de vocations sembleront absents (par exemple : la diversité des origines culturelles des candidats est quasiment nulle pour le moment dans les diocèses des Pays de la Loire).

Tous ceux qui ont travaillé ou qui travaillent dans les services diocésains des vocations le savent : le nombre des jeunes qui demandent à être aidés dans leur question de vocation n’est pas très élevé. Ce qui induit des variations très rapides et déstabilisantes d’une année à l’autre. Cet état de fait nous oblige à chercher en permanence à adapter nos propositions et à inventer de nouvelles collaborations. Les groupes de recherches tels qu’ils sont définis dans les documents officiels du Service national des Vocations (un week-end par mois dans un diocèse pendant un an) semblent de plus en plus difficiles à tenir pour au moins deux raisons : le petit nombre de jeunes et le manque de disponibilité de prêtres accompagnateurs.

Cependant, même s’ils sont peu nombreux, (heureusement) il y a toujours des jeunes qui frappent à la porte de nos SDV et qui demandent à être accompagnés dans leur discernement. Il nous revient à nous, responsables des service diocésains des vocations, de mettre en place des propositions qui puissent répondre à leur demande de manière sérieuse et attractive. Or, il est difficile de faire vivre de manière dynamique un groupe trop restreint en nombre (moins de trois personnes). C’est pourquoi, depuis près de dix années, les diocèses de Luçon (Vendée), Angers (Maine-et-Loire), Le Mans (Sarthe), Nantes (Loire-Atlantique) et Laval (Mayenne) se sont associés pour proposer en commun un parcours d’accompagnement et de discernement pour les jeunes hommes qui expriment le désir de devenir prêtre. Ce regroupement s’explique en partie parce qu’il correspond également aux diocèses concernés par un même lieu de formation : le séminaire interdiocésain Saint-Jean, situé à Nantes. Un autre parcours vocations a été mis en place pour les jeunes femmes depuis quelques années.

 

Repérer les besoins en fonction des jeunes

Avant de présenter le contenu concret de cette proposition, il est bon de rappeler ce qui l’a motivé. En premier lieu, il s’agit donc de donner aux jeunes qui se présentent les moyens pour avancer dans leur réflexion et le discernement de leur vocation. Il nous faut donc commencer par repérer les moyens nécessaires à mettre en place en fonction de ce que sont les jeunes qui viennent nous rencontrer. Bien sûr, tout ce qui est nécessaire au discernement ne sera pas pris en charge par cette unique proposition.

Sans entrer dans une analyse sociologique, qui n’a pas sa place dans cet article et dont je n’ai pas la compétence, je soulignerai simplement quelques traits caractéristiques des jeunes qui viennent habituellement frapper à la porte de nos SDV.

 

L’isolement

C’est sans doute l’élément le plus évident à constater. Les jeunes qui portent un désir plus ou moins affermi de se consacrer à Dieu existent, mais sont isolés. Ils ne savent pas avec qui en parler : la famille est rarement réceptive et souvent mal placée pour permettre une réflexion objective. Ils pensent (peut-être à tort) ne pas avoir d’amis croyants (encore moins pratiquants) capables de comprendre leurs interrogations. Ils ont de moins en moins l’occasion de rencontrer des prêtres ou des religieux (ses). La démarche de foi catholique est tellement décriée dans la société civile et la question tellement intime qu’il vaut mieux la garder cachée. Tout ceci conduit ces jeunes à porter leurs interrogations dans une grande solitude qui bloque leur cheminement parfois pendant plusieurs années.

 

Une expérience spirituelle intense

Le point de départ de leur questionnement ou le moment à partir duquel ils ont accepté de se poser sérieusement la question de leur vocation est très souvent lié à une expérience spirituelle intense, où leur sensibilité a été fortement engagée. Elle a pu être vécue dans un groupe de prière, lors d’un pèlerinage ou d’un rassemblement de jeunes, ou encore à l’occasion d’une période d’épreuve ou d’échec. Elle advient souvent au milieu d’une démarche chrétienne discontinue et s’inscrit dans une vie spirituelle chaotique (pas de régularité dans la prière, pas d’insertion habituelle dans la vie de l’Église) ou mal équilibrée dans ses diverses composantes. Elle est rarement située dans une vie chrétienne stable et enracinée ecclésialement.

 

Une vie en « réseaux »

Un autre trait caractéristique est leur manière de vivre la foi. À l’image des relations sociales qui s’organisent de plus en plus en réseaux via les nouveaux moyens de communications (Internet, téléphone mobile) et de moins en moins en fonction d’une localisation géographique, la vie ecclésiale des jeunes est fortement marquée par l’appartenance à des groupes de prière, des mouvements, éventuellement à des réseaux d’amitié. Elle est beaucoup moins structurée par l’appartenance à une paroisse où se mélangent les générations et les sensibilités ecclésiales. Leur connaissance de l’Église est donc réduite et partielle avec le risque de considérer leur « réseau » comme se suffisant à lui-même.

 

Formation de la foi sommaire

Le dernier trait caractéristique commun se situe dans la connaissance superficielle de la foi qui se résume pour certains à des pratiques pieuses (tout à fait louables par ailleurs) apprises à l’occasion de temps forts (pèlerinage, retraite, rassemblements). Alors qu’ils ont développé des connaissances culturelles et scientifiques, acquis des savoir-faire techniques, leur formation dans le domaine de la foi s’est interrompue très tôt (rares sont ceux qui ont poursuivi au-delà de l’âge de douze ans !). Ce déficit de connaissance s’avère particulièrement pénalisant dans un processus de discernement car il peut entretenir chez les candidats des schémas erronés concernant les vocations à la vie consacrée.

Outre ces caractéristiques générales, un autre facteur est à prendre en compte dans les propositions des SDV : il s’agit de l’extrême diversité des candidats quant à leurs âges, leurs milieux sociaux et familiaux, leurs sensibilités ecclésiales. Faire entrer en dialogue un étudiant de vingt ans en classe préparatoire avec un homme de trente-cinq ans n’ayant pas suivi d’études supérieures et installé dans une vie professionnelle depuis plus de dix ans n’est pas très aisé. Leur questionnement poursuit le même objectif, mais prend des nuances sérieusement différentes. Or, le nombre de candidats n’étant pas considérable, cette situation se retrouve assez fréquemment dans les diocèses.

 

Contenu et organisation

En réponse à ces constatations, les diocèses des Pays de la Loire se sont associés pour proposer un parcours vocation pour les 18-35 ans. Cette proposition veut répondre à certains des besoins explicités précédemment : permettre aux jeunes de ne pas rester seuls face à leur question, offrir un approfondissement de la foi, faire passer leur questionnement d’une aventure personnelle à une aventure ecclésiale. Le parcours vocations régional s’organise donc en six week-ends (du samedi 12 h au dimanche 17 h). Il se déroule sur deux années, mais les participants ne s’engagent que pour une année à la fois. Si, à l’issue de la première année, leur choix s’est suffisamment éclairé, il n’est pas obligatoire de suivre la deuxième. Pour d’autres, ces deux années ne suffiront peut-être pas : il faudra trouver une autre manière d’accompagner le cheminement. Sur les six week-ends, le premier est un temps de convivialité et de prière pour apprendre à se connaître, les quatre suivants sont des rencontres de formation et d’échange, le dernier prend la forme de récollection de façon à relire tout ce qui s’est vécu dans l’année en vue d’éclairer une décision pour l’année suivante.

 

Un lieu de formation de la foi

Au cours de chaque week-end de formation, un intervenant est invité à faire trois conférences d’environ une heure chacune. Voici les thèmes qui sont abordés sur les deux années.

Année A
• Les éléments du discernement spirituel
• Découvrir l’Église pour y trouver ma place
• Affectivité, sexualité, chasteté, célibat consacré
• Se situer comme chrétien dans notre société

Année B
• Vie religieuse, vie missionnaire
• Les ministères
• Le Christ Jésus, Parole de Dieu
• Les sacrements

 

Un lieu de partage et de dialogue

La réussite de ces week-ends dépend en grande partie des relations de confiance mutuelle qui s’établissent entre les jeunes. C’est pourquoi le premier est entièrement dédié à prendre le temps de se connaître, de découvrir l’itinéraire qui a conduit les uns et les autres à se poser la question d’une vocation consacrée (chacun est libre de dire ce qu’il veut de son histoire). Autour d’activités ludiques et de temps de prière, un climat de confiance et de respect mutuel s’instaure qui permettra un échange plus profond et plus libre lors des rencontres suivantes. Les années où ce week-end n’a pas pu avoir lieu, les échanges au sein du groupe n’ont pas eu la même profondeur. De plus, au cours de chaque week-end, une large place est faite aux temps d’échanges en petits groupes (en fonction du nombre de participants) et au débat avec les intervenants. Les samedi soir sont réservés systématiquement pour vivre un temps de convivialité gratuite.

 

Un lieu d’accompagnement

Le groupe est accompagné dans tous les week-ends par le même prêtre et la même religieuse. Il est bon, en effet – quand c’est possible – d’être deux accompagnateurs, homme et femme. Cela permet un regard croisé, avec deux sensibilités différentes, sur chaque candidat. Il est important également pour les jeunes d’être suivis par les mêmes personnes tout au long de l’année : une connaissance mutuelle s’instaure, une confiance également qui permettra au jeune de venir poser ses questions personnelles à l’un ou l’autre des accompagnateurs. Bien sûr, il ne s’agit de faire double emploi avec l’accompagnement spirituel proprement dit.

 

Un lieu de découverte ecclésiale

Le parcours vocations veut aussi donner l’occasion aux jeunes de découvrir un peu plus l’Église, non seulement à travers un enseignement théorique, mais d’abord par la diversité des personnes rencontrées et des lieux visités. En effet, pour chaque week-end, un intervenant différent est invité. Il y a des prêtres diocésains, différents par leurs âges et leurs ministères (paroisse, enseignant au séminaire, vicaire épiscopal). Un couple intervient au cours du week-end sur la vie affective. Un(e) religieux(se) et un(e) missionnaire interviennent au cours de la rencontre présentant ces types de vocations.

D’autre part, les lieux où se déroulent nos rencontres sont également variés et permettent de découvrir une part de la diversité de l’Église : une rencontre par an se déroule au séminaire, deux autres dans une abbaye ou un monastère, deux autres dans un centre spirituel diocésain (dans ce cas, le groupe participe à la messe du dimanche matin en paroisse). Le premier week-end a souvent lieu dans une paroisse située au bord de la mer.

 

Un lieu de prière

Les rencontres sont rythmées par la prière en commun (vêpres du samedi soir, laudes et messe du dimanche) et par des temps de prière personnelle. Le dernier week-end est plus de type « récollection » donne davantage de place à la relecture et à la prière personnelle.

 

Un des moyens du discernement, parmi d’autres

Le parcours vocations n’est qu’un des éléments du dispositif proposé par nos SDV pour favoriser le discernement d’une vocation. Il doit s’articuler avec d’autres propositions. C’est pourquoi, en plus de la participation aux six rencontres, les jeunes s’engagent :
• à vivre un accompagnement spirituel (avec un accompagnateur choisi en concertation avec les responsables du SDV) ;
• à avoir une vie sacramentelle (eucharistie et réconciliation) régulière ;
• à entrer dans une vie de prière régulière (à évaluer avec leur accompagnateur) ;
• à participer à une activité ecclésiale régulière, comme l’animation d’un groupe dans une aumônerie d’étudiants, l’engagement dans une activité paroissiale, le lien avec un mouvement…
• à faire une retraite spirituelle de discernement au moment opportun.

Il faut enfin ajouter que chaque SDV reste libre d’organiser des rencontres souvent plus courtes (une soirée ou une demi-journée) entre les week-ends du parcours vocations. Cela permet de reprendre ce qui a été dit pendant le week-end en plus petits groupes et de renforcer les liens entre jeunes d’un même diocèse. Mais ce n’est pas toujours possible…

 

Conclusion

En guise de conclusion, voici quelques éléments statistiques relevés au cours des cinq dernières années.

Personnellement, j’accompagne ce parcours depuis cinq ans. Sur ces cinq années, 56 jeunes hommes de 18 à 38 ans ont fréquenté le parcours vocations. Cela correspond à des groupes de 10 à 15 jeunes chaque année.
• 21 n’ont pas poursuivi leur recherche dans la direction d’une vie consacrée.
• 16 ont commencé une formation vers le sacerdoce mais 5 ont arrêté dès la première année.
• 1 est entré dans un monastère trappiste.
• 1 est entré dans une fraternité sacerdotale.
• 1 est entré dans une communauté nouvelle. • 16 continuent leur réflexion avec le parcours.

La participation à ce parcours n’est pas obligatoire pour entrer au séminaire. Pendant cette même période, parmi tous ceux qui sont entrés au séminaire, tous ne sont pas passés par ce parcours, mais il s’avère être une aide très précieuse. Ceux qui y ont participé, quelle que soit la suite de leur cheminement, ont dit combien ils avaient apprécié de pouvoir s’exprimer librement sur une question aussi intime que leur vocation, de partager avec d’autres et de se sentir libres dans le choix qu’ils ont eu à faire. Si cette proposition présente de nombreux point positifs, reste cependant la question de la « largeur » de la tranche d’âge… Aujourd’hui, se présentent des personnes de 35 ans et plus. Pouvons-nous nous contenter de leur faire la même proposition qu’aux 18-30 ans ?