Dans le diocèse, vivre la joie du don


L’engagement n’est jamais à sens unique. Dans cette homélie prononcée lors de la célébration des admissions au séminaire d’Issy les Moulineaux en octobre dernier, Mgr Jean-Paul James soulignait l’engagement du diocèse dans l’accompagnement des séminaristes.

Jean-Paul James
évêque de Beauvais

Aujourd’hui, sous son regard et dans l’Esprit du Seigneur, se nouent deux engagements : l’engagement de six de nos frères vers le ministère presbytéral, l’engagement de l’Eglise à bien les accompagner. L’étape est importante, c’est celle des préparatifs avant le départ. Les consignes du Seigneur, dans ce passage d’Evangile, valent pour eux. La première : « Priez le Maître de la moisson ! » Pour saint Luc, c’est clair : il n’y a pas de mission qui ne soit précédée par la prière. L’Eglise naissante a exécuté ce commandement : avant la Pentecôte, ce premier jour de l’évangélisation du monde, Marie et les onze étaient réunis et assidus à la prière. La communauté de Jérusalem prie avant l’envoi des sept, la communauté d’Antioche prie avant l’envoi de Paul et Barnabé. En quoi cette prière est-elle si fondamentale, pour nous ? Jésus nous donne deux pistes.
C’est le temps de la moisson. Les blés sont déjà mûrs... Nous sommes envoyés recueillir « ce qui, nous dit Jésus, ne vous a coûté aucune peine » (Jn 4,38). Oh bien sûr, il nous faut aussi semer ; la Parole de Dieu doit être lancée sur bien des terrains. Il nous faut entretenir, désherber, soutenir des jeunes plantes. Bien des jeunes sont à accompagner et à faire grandir. Mais l’activité pastorale n’est pas seulement celle des semailles ou de la croissance, elle est aussi celle de la récolte. Etre prêtre, peut-être d’abord par l’action de grâce, par la joie d’admirer l’œuvre de Dieu, par la contemplation du travail de l’Esprit qui purifie et redresse. Chacune de nos journées est rythmée par le cantique de Zacharie : Béni soit le Seigneur qui visite nos communautés, notre histoire pour en faire une histoire sainte. Par le cantique du Magnificat, par le cantique de Syméon : car mes yeux ont vu, aujourd’hui, le salut. Oui, savourons les fruits que Dieu nous donne et rendons grâce.

La moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux. Notre travail est sans proportion avec la mission à assumer ; le Seigneur ne nous prend pas en traître ; Il nous prévient : de toutes façons nous n’arriverons pas à tout faire ! Il ne le dit pas pour que nous baissions les bras, ou que nous soyons désinvoltes.
Mais il y aura toujours un écart entre la mission et ce que nous pouvons faire : les meilleurs cours de théologie, les meilleurs formateurs ne l’enlèveront pas. De Moïse à Pierre, en passant par Isaïe et Jérémie, tous ont mesuré cet écart, leurs limites. Ils ne s’en désolent pas mais ils appellent, ils s’abandonnent à Celui qui les envoie. Ils sont avides d’être unis au Seigneur. Plus nous avançons dans les charges qui nous sont confiées, plus nous savons ne pas avoir en nous les forces nécessaires. Cela ne nous décourage pas. Cela ne nous rend pas méfiants vis-à-vis de nous-mêmes. Au contraire ! Cela nous rend libres, vraiment libres ; cela nous libère de la prétention d’avoir LA solution à l’évangélisation. Cela nous libère de la peur. J’aime ce que disait le patriarche Athénagoras : « La guerre la plus dure est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer. J’ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible mais je suis désarmé ; je n’ai plus peur de rien, je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses. J’accueille et je partage. »

Tout cela change nos relations entre nous,tout cela change la vie de nos communautés : « Une communauté chrétienne est vraiment communauté lorsqu’elle est ouverte aux autres, lorsqu’elle demeure humble et vulnérable, lorsque les membres grandissent dans l’amour, la compassion et l’humilité » (J. Vanier). Je me souviens d’un confrère prêtre, très doué, brillant en particulier dans ses homélies. Dans la sacristie, quand il ne prêchait pas, il s’approchait de nous, et avec un sourire, il disait : « Etonne-moi ! » Il était tout écoute.

Nous avons cette grâce d’être prêtres diocésains, ou de nous préparer à être prêtres diocésains. Nous demeurons avec les gens d’un territoire donné. Nous nous enracinons dans un diocèse. Là encore, défi énorme quand on nous parle du monde comme d’un petit village. Nous enraciner dans un diocèse, mais qu’est ce qu’un diocèse ? C’est si petit à l’échelle du monde, peuvent penser certains, pas pour moi qui ai à découvrir le mien ! C’est là, et pas ailleurs, que nous sommes attendus. Cela nous limite et c’est bien : il y a une dispersion, un papillonnage qui n’est pas don de soi. Accepter de n’être pas tout-puissant, se réconcilier avec l’ordinaire de la vie de tous les jours.

Cette modestie du travail que nous entreprenons laisse déjà pressentir que le plus important sera fait par Celui qui viendra après nous : le Christ Jésus. Et c’est là notre force. Saint Paul le disait : « Je ne suis pas venu vous annoncer le témoignage de Dieu avec le prestige de la parole ou de la sagesse. » Nous n’avons aucun moyen de pression ; nous n’avons rien pour nous imposer, sinon la volonté de paix et de communion. Cela nous rend libres, libres pour aimer gratuitement, totalement. C’est la beauté de notre ministère. C’est la beauté de notre vie : avec audace et confiance, nous sommes les envoyés de Jésus-Christ, mon Seigneur. Amen.


Prêtre diocésain
Une vocation et un métier d’avenir

Thierry Magnin,
coll. Racines, Nouvelle Cité, 184 p., 2003

Le sous-titre l’annonce d’emblée : être prêtre diocésain est une aventure passionnante dans le monde d’aujour­d’hui. Cette présentation s’adresse d’abord à des jeunes entre 18 et 35 ans, mais elle peut intéresser tous ceux qui sont engagés en pastorale et qui ont à cœur de transmettre aux jeunes l’appel à devenir prêtre et donner l’occasion d’une réflexion entre prêtres et laïcs.
L’auteur, Thierry Magnin, vicaire général du diocèse de Saint Etienne, a travaillé pendant vingt-six ans dans la recherche scientifique en physique. Il a publié de nombreux ouvrages sur les relations entre science et foi. Il a également fondé une Ecole de l’Evangile proposée à de jeunes adultes cherchant à choisir leur vie à la lumière de l’Evangile.
Situé dans la ligne de la Lettres des évêques aux catholiques de France, ce livre prend en compte les difficultés auxquelles l’Eglise se trouve confrontée dans une société traversée par des évolutions rapides, des mutations profondes. Mais cette Eglise est pour le monde ; elle a à accompagner les hommes et les femmes de notre temps dans leur quête du bonheur et leur recherche de sens. Etre prêtre est d’abord une vocation avec « un appel et une mission », un appel souvent personnel et une mission donnée par l’Eglise ; mais « c’est aussi un métier qui s’apprend, aussi bien au séminaire […] qu’à travers la pratique pastorale et une formation continue. »
L’axe central de la réflexion est étayé par de nombreux témoignages. La spiritualité du prêtre diocésain est présentée comme « immanente au ministère, un ministère vécu consciemment avec la patience et la charité inspirée par Dieu », soutenu par la prière des Heures, la relecture du vécu, la pratique de l’Eucharistie et les rencontres pastorales.
Un livre à découvrir personnellement et à partager en équipe !