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Il me faut demeurer chez toi
novice au monastère de Voiron
A quarante ans, au bout de dix-neuf ans de combat spirituel mêlé d’attirance et de rejet, de désir, de peur, et malgré une petite voix qui me faisait signe régulièrement, j’ai enfin osé dire « Oui » au Seigneur. Comme Zachée, je me suis laissée atteindre : « Zachée, descends vite car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. »
Zachée
Il m’appelle par mon prénom : Claire-Marie.
Il me regarde, il tend les yeux vers moi.
Lui en bas, humble, implorant.
Moi, en haut, fière, je ne veux pas me mouiller.
Je veux le voir de loin, sans m’engager, rester à distance.
Descends
Jésus m’invite.
Il me demande de faire un geste, un déplacement pour le rejoindre.
Que nous soyons à la même hauteur.
Vite
Il m’implore.
Jésus se fait mendiant de ma personne.
Il y a urgence.
Aujourd’hui
Je suis restée longtemps à méditer ce « Aujourd’hui ».
Finis les dix-neuf ans de combat, de fuite.
Maintenant il faut faire le pas.
Savoir quel est mon aujourd’hui avec le Seigneur.
Il me faut
Oui, Seigneur, tu es vraiment mendiant.
Ton appel est vital.
Tu as la fragilité de ne pouvoir exister qu’à travers ta création.
Tu as besoin de l’homme pour être et pour dire ton Amour.
Demeurer
Tu nous as créés par amour pour que nous vivions et demeurions avec toi dans l’amour.
Chez toi
En toi
Comme le dit saint François de Sales : « Dieu est Dieu du cœur humain. »
Dieu se plait à venir prendre chair en nous par amour infini pour nous.
Puis vient ce cœur à cœur devant le Saint Sacrement.
Il m’était urgent, vital de dire oui.
Un oui tout disponible, sans calcul. Un oui confiant.
Un oui qui me dépasse complètement.
Un oui au bout d’un long chemin où l’un et l’autre nous nous cherchions.
Un oui intense, habité, plein de larmes d’abandon et d’amour.
Un oui qui ouvrait à tous les possibles. Sans arrière pensée. Je ne savais pas où il allait me mener :
• Oui à laisser s’épanouir encore plus en moi ma vie de baptisée ?
• Oui à la vie laïque consacrée ?
• Oui à la vie religieuse dans le monde ?
• Oui au mariage ?
• Oui à la vie monastique ?
Contre toute attente, c’est cette invitation à la vie monastique qui s’est imposée à moi avec tendresse, amour, paix et grande joie. Et j’ai prié avec Charles de Foucauld : « Seigneur, je suis prête à tout, j’accepte tout, pourvu que ta volonté se fasse en moi en toutes tes créatures. Ce m’est un besoin d’amour de tout remettre entre tes mains. »
C’est au monastère de la Visitation de Voiron que le Seigneur m’appelle. Monastère que je fréquente depuis déjà quatre ans, après avoir été fidèle à plusieurs endroits de prière toutes ces vingt dernières années. Je crois profondément que le Seigneur a guidé mes pas à la Visitation. Je crois en ma vocation de visitandine, même si j’ai beaucoup aimé mes temps de prière et de retraites chez les bénédictines de Pradines par exemple.
Mes amis, ma famille ont été surpris par cette vocation contemplative cloîtrée : « Tu aimes rencontrer du monde, t’engager, voyager... Pourquoi ne préfères-tu pas plutôt repartir en Afrique ? En plus là-bas tu aidais les autres ? » Je partage la surprise de mes amis et leurs questions.
Je n’ai pas choisi la vie monastique, c’est un cadeau de Dieu.
Le Seigneur n’est pas un séducteur qui retire les hommes et les femmes du monde pour son bon plaisir. Il m’a choisie pour me confier son humanité. Il m’invite à porter le monde en restant sous son regard. Il ne m’enlève pas de ma famille, de mes amis, de mes engagements professionnels et militants. Il m’invite à tous vous emmener avec moi au monastère. La prière la plus intime avec le Seigneur rejoint l’humanité. Nous ne sommes jamais seuls quand nous prions. Nous ne prions pas pour nous mais pour la création que le Seigneur nous confie. Les choses importantes de nos vies sont entre les mains du Seigneur.