Catéchèse et vocation chrétienne


Mgr Michel DUBOST
président de la Commission
de la catéchèse et du catéchuménat

Le Service National des Vocations m’a donné le titre et le cahier des charges de mon propos : « Aujourd’hui, il nous semble important de redire que la catéchèse a toujours pour mission d’annoncer la vie chrétienne comme une vie de disciple du Christ, qu’elle présente les différentes vocations et qu’elle est souvent pour les catéchistes eux-mêmes, l’occasion d’approfondir leur foi et leur propre vocation. » Détaillons quelque peu.

Le Directoire général de la catéchèse (Rome, 1997) affirme : « La catéchèse est la forme particulière du ministère de la Parole qui fait mûrir la conversion initiale, jusqu’à ce qu’elle devienne une profession de foi vivante, explicite et agissante (n° 82). »
Pour ce Directoire, les tâches de la catéchèse sont :

- favoriser la connaissance de la foi,

- éduquer à la liturgie,

- donner une formation morale,

- enseigner à prier,

- éduquer à la vie communautaire,

- initier à la mission.

Ce dernier point est détaillé ainsi : « La catéchèse s’efforce de faire en sorte que les disciples de Jésus sachent être présents, en chrétiens, dans la société, dans la vie professionnelle, culturelle et sociale. Elle les préparera aussi à apporter leur collaboration dans les divers services d’Eglise, selon la vocation de chacun. Cet engagement pour l’évangélisation découle, chez les fidèles laïcs, des sacrements de l’initiation chrétienne et du caractère séculier de leur vocation. Il est également important de tout mettre en œuvre en vue de susciter des vocations sacerdotales et de particulière consécration à Dieu dans les diverses formes de vie religieuse et apostolique… (n° 86) »

Plus loin, le Directoire ajoute (n° 144) : « La catéchèse qui est donc une pédagogie en acte de la foi… [a pour] objectifs [qui] inspirent ses choix méthodologiques de :

- promouvoir une synthèse progressive et cohérente de l’adhésion totale de l’homme à Dieu et des contenus du message chrétien ;

- développer toutes les dimensions de la foi ;

- encourager la personne à s’abandonner « tout entière et librement » à Dieu ;

- l’aider à discerner la vocation à laquelle le Seigneur l’appelle.

A regarder de près, on trouvera une nuance entre le « susciter des vocations » (n° 86) et « aider à discerner » des vocations (n° 144). A vrai dire, la richesse du Directoire fait que le mot vocation lui-même est employé en des sens différents… Cette remarque me rend perplexe face à la question qui m’est posée : il est clair que tous les baptisés ont une vocation à la sainteté (cf. Lumen Gentium et Directoire, n° 27) ou ecclésiale (Directoire, n° 46). La catéchèse doit insiter sur la vocation chrétienne.Et les appels « particuliers », pour importants qu’ils soient, sont seconds.
La catéchèse doit insister sur la vocation chrétienne. En proposant, dans leur Lettre aux catholiques de France de novembre 2002, d’aller au cœur de la foi, les évêques français se sont inscrits résolument dans la dynamique d’un renouveau de la spiritualité baptismale. Vatican II est « la reprise de conscience du sacrement de baptême » (Cardinal Suenens). La réflexion à partir de la Vigile pascale ne peut pas avoir un autre sens. Que l’on me permette d’évoquer ici Jean-Paul II aux JMJ de Paris : « Le baptême est le signe que Dieu nous a rejoints sur notre route, qu’il embellit notre existence et qu’il transforme notre histoire en une histoire sainte.
Vous avez été appelés, choisis par le Christ pour vivre dans la liberté des enfants de Dieu, vous êtes aussi confirmés dans votre vocation baptismale et habités par l’Esprit Saint, pour annoncer l’Evangile par toute votre vie. »

L’exhortation Christifideles laici développe largement une spiritualité de la vocation chrétienne qui découle du baptême, nouvelle naissance, incorporation au Christ, transformation en Temple de l’Esprit Saint, participation à la triple fonction du Christ, vocation à la sainteté et à la mission…
Sans cet enracinement baptismal profond, toute pastorale des vocations particulières est vaine : elle se présenterait trop facilement comme une politique de recrutement pour des fonctions diverses et nécessaires et elle amènerait forcément à des surenchères pour valoriser telle ou telle « vocation » particulière. Ou pire, à faire que, dans l’esprit de beaucoup, la générosité soit un critère plus important que la « vocation » elle-même… et donc à faire qu’un engagement puisse en remplacer un autre.
Une pastorale des vocations est d’abord une pastorale de l’aide au discernement de l’appel spécifique de chacun, appel signifié dans le baptême… et que l’Eglise doit aider à mettre à jour. Chacun est unique aux yeux de Dieu. « Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu. Avant même que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré comme prophète des nations, je t’ai établi » (Jr 1, 5).
Nous sommes là devant une grave difficulté. Mais sans doute pas la plus importante. Dans leur lettre, les évêques font clairement allusion à la situation actuelle : « Longtemps, l’activité catéchétique s’est préoccupée des croyants. Elle travaillait à structurer leur foi. Lorsque l’environnement s’est fait hostile ou critique, nous avons dû justifier notre foi, la rendre crédible. Aujourd’hui, frappent à la porte des personnes qui cherchent un chemin possible. De l’Evangile, ils attendent une force de renouvellement pour l’existence. »

Evidemment, les évêques ne font pas ici une réflexion sur la société moderne… mais ils sous-entendent clairement qu’aujourd’hui beaucoup d’hommes et de femmes se refusent, au nom de la modernité, à recevoir une parole extérieure à eux-mêmes, une Révélation venant de plus loin que le quotidien de l’humanité.
Il est clair que la notion de vocation n’a pas de sens si Dieu n’est pas quelqu’un qui appelle. Et la catéchèse, pour que la notion de vocation ait un sens, doit faire faire un pas décisif : « Ouvrir le livre de la Parole de Dieu et aller à l’Eucharistie comme à une source. » Le chantier ouvert par les évêques a pour but de faire faire ce pas décisif.
A l’évidence, cela n’est possible, comme l’ont découvert beaucoup de ceux qui se sont chargés de ce travail :

- que si chaque « catéchète » ne se place pas dans la position de quelqu’un qui se fait un devoir de transmettre un savoir, mais comme un croyant qui partage sa foi avec un frère… en disant « je » et qui accepte, lui aussi, d’avancer dans la découverte de ce à quoi l’appelle le Seigneur ;

- que si, dans la transmission de la Parole de Dieu, chacun passe de la posture où l’on « étudie un texte » à celle où, à travers ce texte, on « écoute le Seigneur » ;

- que si la catéchèse est vraiment une initiation à la vie de disciple, à la sequela Christi sans cesse approfondie. Une des difficultés psychologiques qui existe à l’heure actuelle pour beaucoup d’enfants, c’est la limite dans le temps que le système « d’années de catéchisme » met dans leur esprit : on n’est jamais formé comme chrétien si l’on pense qu’on n’a plus à se former parce qu’on « a fait ce qu’il fallait » ;

- que si la catéchèse oblige à se confronter à des « oui » qui soient des « oui » ou à des « non » qui soient des « non ». Il est important de se confronter à la difficulté de dire oui aux questions du Credo baptismal. Et donc la catéchèse invite à une étude précise.

Pour les évêques, cette démarche a fondamentalement besoin de la communauté, c’est-à-dire du témoignage d’un groupe de fidèles – prêtres, diacres, laïcs – qui, par leur amitié, témoignent de l’altérité de Dieu et donc de sa possibilité de dire une Parole d’appel.