Pour des temps nouveaux, proposer de devenir prêtre


Jacques Anelli
Coordonnateur du SNV

Dans une société en pleine mutation

En général, lorsqu’on parle de la crise des vocations, on n’évoque en réalité que la diminution du nombre de prêtres. La réalité des entrées en formation vers le ministère presbytéral et le nombre des ordinations sont rarement évoqués.
Un premier constat est qu’après un premier effondrement du nombre d’entrées au séminaire, une certaine stabilité des effectifs était constatable depuis 1975. Bien qu’insuffisantes, les entrées étaient relativement stables de 1975 (202 entrées en 1ère année) à 1995 (204 entrées), avec une moyenne entre ces deux dates de 236 entrants. Depuis, nous assistons à un inexorable effritement (de 180 en 1996 à 116 en 2002 soit une moyenne de 164). De 1975 à 2002, 6113 jeunes sont entrés au séminaire pour l’ensemble des diocèses de France, soit une moyenne de 218.
Un second constat : sur la période 1975-1995, la moyenne du nombre d’ordinations est de 119. Et pour la période 1975 à 2002, 3384 prêtres ordonnés soit une moyenne de 121 (de 1996 à 2002 : 125). Ainsi, malgré un nombre moins important de séminaristes, le nombre d’ordinations est plutôt stable.

Trois périodes

Pour les vocations en France, il nous paraît pertinent de déterminer trois périodes (cf. graphique 1).

Graphique 1 - Les séminaristes en France (1966-2002)

1ère période : celle d’un effondrement constant des chiffres, de 1950 à 1974, avec une remontée durant la période conciliaire (1962 à 1964). Cette époque est celle d’un changement profond de notre société marquée notamment par la forte diminution du monde rural, la diminution des familles nombreuses, l’ouverture généralisée des collèges d’enseignement secondaire et, par voie de conséquence, la disparition des petits séminaires.

2ème période : celle d’une relative stabilité, de 1975 à 1995. La plupart des jeunes qui entrent au séminaire sont ce que l’on appelait avant des « vocations tardives ». Elles sont liées à une démarche spirituelle qui, dans la découverte d’une relation personnelle au Christ, engage dans une vie donnée. Les entrants sont très majoritairement issus de familles nombreuses dont les parents sont pratiquants et engagés dans la vie de l’Eglise.

3ème période : celle d’une baisse sensible des effectifs depuis 1996. L’âge moyen d’entrée au séminaire est de 26 ans. Nous sommes dans la génération dont les parents ont vécu les années postmai 1968. Dans bien des familles, cette période est marquée par une rupture de transmission de la foi, des valeurs évangéliques, et une défiance vis-à-vis des institutions. Ce constat se vérifie auprès des jeunes rencontrés dans la préparation au mariage (l’un pas baptisé, et l’autre baptisé et pas catéchisé), et au catéchuménat.

Deux ruptures

Face à la situation des vocations au ministère presbytéral, nous avons à faire un travail d’analyse, en terme de ruptures et non de déclin. Sur la période évoquée, nous relevons deux ruptures. La première rupture est liée à l’évolution sociologique de la société française (1ère période) ; son incidence sur les vocations est immédiate. La deuxième rupture (3ème période), à effet différé d’une génération, correspond à l’évolution des mentalités. L’une et l’autre sont naturellement liées. De plus, ce travail exigerait un regard précis sur les réalités humaines de chaque diocèse. Les années à venir vont être difficiles. Car les effets des deux ruptures évoquées vont s’additionner : départ en situation de retraite des prêtres ordonnés avant 1960 et diminution des ordinations à venir.

Première rupture : la disparition d’un monde

Les petits séminaires permettaient à des enfants et des adolescents d’accomplir toute leur scolarité du second degré. Ce genre d’institution suscitait, encourageait, cultivait des vocations d’enfants. Le petit séminaire est alors « une institution d’Eglise, où des enfants, doués des qualités physiques et morales nécessaires chez un prêtre éventuel, issus de familles de qualités, saines et chrétiennes, acceptent de se préparer à la vie, dans la prière, la réflexion, l’étude et l’effort généreux, de sorte qu’à 17 ou 18 ans, ils soient prêts, intellectuellement et moralement, à s’orienter de façon plus déterminée vers le sacerdoce, s’il apparaît que le Bon Dieu les appelle à être prêtres (1). »74 % des séminaristes en venaient en 1957, ils étaient encore 60 % en 1968 et 42 % en 1974.
Revenir sur cette période aide à comprendre que ce qui s’est passé ne relève pas d’une « stratégie ecclésiale, mais du fait des mutations de la société et notamment du système de scolarisation (2) ». L’évolution démographique de notre pays produit un effondrement de ce qui était la France rurale. Comme l’évoque le cardinal Jean-Marie Lustiger, « Dans les années qui suivirent la Libération de 1944, les chiffres d’entrées dans les formations sacerdotales se sont effrités ou effondrés. Ils étaient traditionnellement liés à l’univers des paroisses rurales et des petits séminaires dans les régions de chrétienté. Or les campagnes commençaient à se vider et les moyens de scolarisation se généralisaient dans le secondaire (3). » Ces évolutions de la société contribuent grandement à la situation actuelle. Le P. Hugues Derycke, lors d’une rencontre des vicaires épiscopaux du rural dont le thème était « une Eglise minoritaire dans une société en crise », disait : « La crise des vocations correspond aussi à un déplacement sociologique de celles-ci : le milieu populaire et rural, qui était le terreau naturel de beaucoup de vocations, a été profondément touché par les évolutions sociales et l’émergence des études possibles pour tous (4). »
A ces facteurs sociologiques, s’ajoutaient des facteurs religieux. Cette institution était considérée par certains comme des « serres chaudes » qui, s’adressant à des jeunes encore immatures, posaient la question de leur liberté.
Mais les facteurs liés à la politique scolaire de l’époque sont encore plus déterminants. Dès 1959, la création des CEG dans chaque chef-lieu de canton, puis des CES a un effet immédiat sur la fréquentation des petits séminaires. Le ramassage scolaire, un système éducatif privilégiant l’enseignement scientifique et technique au détriment des études littéraires, l’allongement généralisé de la durée du temps scolaire ne font plus des petits séminaires un lieu privilégié de formation et de promotion sociale.
La plupart des prêtres ordonnés jusqu’aux années 1970 sont issus de telles filières... De telles démarches étaient accompagnées par les familles et par nombre de prêtres. Devenir prêtre était considéré comme un avenir possible. C’était une manière de s’intégrer, de prendre sa place dans la société.

Deuxième rupture : une révolution culturelle

Elle est marquée par une profonde évolution des mentalités, dont mai 1968 est révélateur. C’est une époque marquée, pour beaucoup, par une prise de distance par rapport aux institutions et par une rupture de la transmission. Les années 60-75 constituent un temps de ruptures sociales, culturelles, éthiques, de perte d’une certaine mémoire. « Il est évident que l’Eglise catholique ne s’y trouve plus aujourd’hui en position dominante... On peut même ajouter que l’affirmation publique de la foi, la référence explicite à l’Evangile et à l’Eglise apparaissent souvent comme minoritaires (5). »
Temps nouveaux pour l’Eglise parce que nous sommes dans des temps nouveaux de la société. Beaucoup attendaient de Vatican II et du renouvellement de la pastorale un réveil de la pratique religieuse. Or ce qui a été constaté, c’est une accélération de la crise et la désaffection des églises. Nous devons avoir une conviction : ce n’est pas l’Eglise qui se serait mal, trop vite ou pas assez vite adaptée à la société ; c’est la crise de la société qui a été plus profonde et plus radicale. Nous vivons une crise généralisée de la transmission des valeurs, de valeurs qui soient fondement de l’action sociale et fondement du sens de l’homme.
Ainsi, « en quelques années, l’Eglise a cessé d’être définie comme Mater et Magistra, “mère et éducatrice des peuples”, selon le titre de l’encyclique de Jean XXIII. Cette définition, qui revient à la situer antérieurement aux peuples et aux individus, fait de l’Eglise l’instance première. Elle est là, d’avance, et c’est elle qui éduque les peuples (6). » « Aujourd’hui, le rapport Eglise/société s’est complètement inversé. C’est la société civile qui est devenue mater et magistra  ; elle engendre, éduque, oriente, soigne et accompagne. L’Eglise, elle, est redevenue ce qu’elle n’a pas cessé d’être en réalité : le sacrement d’un Salut qui nous dépasse (7). » Cette situation nouvelle nous « pousse à aller aux sources de la foi et à devenir disciples et témoins d’une façon plus décidée et plus radicale (8). »
L’évolution des mentalités se traduit par une évolution très forte, sur ces mêmes périodes, de la pratique dominicale. En 1961, 34 % de la population française avait une pratique dominicale, 24 % en 1966, 13,5 % en 1975, 11,3 % en 1986, pour descendre finalement à 8 % en 1991. Avec une relative stabilisation depuis. Les courbes des ordinations sacerdotales et de la pratique religieuse se ressemblent étonnamment (cf. graphiques 2 et 3).

Graphique 2 - Les ordinations sacerdotales en France (1946-2002)

Graphique 3 - La pratique religieuse dominicale en France (1946-2002)

Qui sont les jeunes qui entrent au séminaire ?

Aujourd’hui encore, une part importante des vocations au ministère presbytéral s’enracine dans la part la plus active de nos communautés chrétiennes. Mais là aussi, nous constatons une nette évolution au fil des ans. Si en 2001, 72 % des mères et 60 % des pères sont catholiques pratiquants, ils étaient 83 % et 75 % en 1974. Par contre, l’engagement apostolique connaît une sensible progression : 47 % des mères et 33 % des pères sont actifs dans la vie de l’Eglise alors qu’ils n’étaient que 36 % et 26 % en 1974.
65 % sont issus de famille de trois enfants et plus (moyenne 3,8). 31 % des pères sont cadres supérieurs, 15 % cadres moyens, 14 % employés ; les mères : 30 % au foyer, 5 % cadres supérieurs, 14 % cadres moyens, 22 % employés. Seulement 4 % des pères et 2% des mères sont agriculteurs. En 1974, 21 % étaient issus de familles d’agriculteurs.
Même si nous constatons une augmentation des séminaristes à l’itinéraire atypique, le plus grand nombre d’entre eux restent issus de familles chrétiennement engagées et ont été plutôt bien insérés dans la vie de leurs communautés chrétiennes durant leur enfance et leur adolescence. Quel que soit leur itinéraire, il est important de constater que même si des prêtres, des événements d’Eglise ont compté pour eux, ce qui a été déterminant dans leur décision d’en­trer au séminaire, c’est une rencontre personnelle avec le Christ. Une Rencontre qui bouleverse leur existence : il s’agit alors pour eux de rendre compte de la joie nouvelle qui les habite. Des études engagées et souvent menées à terme, pour certains une vie professionnelle commencée, indiquent ainsi un chemin de conversion. Dans une vie chrétienne souvent qualifiée d’heureuse, sans histoire, un élément nouveau a permis une rencontre plus personnelle avec le Christ. Ce peut être la lecture de la Bible, des Confessions de saint Augustin, un temps fort qu’ils se sont donné pour faire le point sur leur vie. La joie de cette rencontre intime avec le Christ leur donnant le désir d’en témoigner par toute une vie.
Depuis trente ans, en moyenne 120 jeunes, en France, ont renoncé chaque année à un avenir professionnel, à une carrière commencée, pour s’engager généreusement dans le ministère presbytéral au service des Eglises locales. Mais cela n’est pas suffisant. Il s’agit donc de passer de l’accompagnement et du discernement, qui de toute manière seront toujours nécessaires, à une pratique de l’appel. Le développement de cette culture de l’appel doit s’accompagner d’une compréhension renouvelée du ministère presbytéral.

Des temps nouveaux pour la pastorale des vocations

Une Eglise pauvre et pleine de vitalité

Devant la situation des vocations au ministère presbytéral ou à la vie consacrée, nous avons à faire un travail d’analyse, en termes de ruptures et non de déclin. De plus, ce travail exige une courageuse lucidité sur la situation de la réalité humaine de chaque diocèse. Il ne s’agit pas de culpabiliser ni de trouver des coupables mais de vivre dans la conviction que nous sommes dans des « temps nouveaux pour l’Evangile », où nos Eglises diocésaines vivent l’aventure de la mission.
A partir de ce que nous vivons aujourd’hui, nous avons à porter un regard sur ce qui peut être germes d’avenir, sur ce qui doit être le lieu du courage et de l’espérance. Synodes diocésains, aménagements pastoraux, vie des conseils pastoraux et paroissiaux, des équipes d’accompagnement attestent de l’esprit missionnaire, de la volonté de ne pas renoncer à porter la Bonne Nouvelle à nos frères. Dans tous nos diocèses, la préparation des JMJ de 1997, du Jubilé de l’an 2000, autant de moments qui paraissaient au-delà de nos forces et qui furent des temps forts de nos Eglises locales. Notons encore le renouveau de la pratique du sacrement de la confirmation avec ce qu’elle permet comme dialogue avec les adolescents. Les recommençants, les néophytes, des catéchumènes par leur simple présence témoignent de cette rupture de transmission de la foi dans bien des familles, mais aussi révèlent l’Esprit à l’œuvre en ces temps. Voyez ceux qui cherchent et vivent des nouvelles formes de vie chrétienne, à travers ce que nous appelons les « communautés nouvelles ».

Une Eglise ministérielle, une Eglise d’appelés

Vatican II a réaffirmé avec force le sacerdoce commun des fidèles et l’égale dignité de tous les baptisés. C’est aussi se reconnaître membres d’un même Corps et, comme nous le dit saint Paul, le Corps a besoin de chacun de ses membres dans sa fonction propre, il n’y a pas de membres inutiles. La vocation baptismale est de plus en plus mise en valeur, dans la « gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu » (LG 31) et la contribution à la vie du Corps. Il y a à aider tous les baptisés à prendre davantage conscience que chacun d’entre eux est appelé par le Christ à vivre de son baptême, à prendre sa place dans la ministérialité de toute l’Eglise.
Il s’agit aussi de reconnaître que tous les services rendus, les missions accomplies participent à la vie « ministérielle » de l’Eglise. Pour certains, cette responsabilité s’inscrit dans une durée et contribue à une certaine structuration de la vie de l’Eglise : équipes pastorales, catéchèse, responsabilité d’aumônerie, de service diocésain... Vivre ces missions, c’est vivre un ministère confié par l’Eglise. D’une Eglise qui relaie l’appel du Seigneur, en le qualifiant, dans le cadre d’un discernement. Tout ministère est don de Dieu et appel de l’Eglise.
Une Eglise missionnaire

Le cardinal Ratzinger, interviewé sur la « réduction numérique » de l’Eglise disait : « L’Eglise de masse est peut-être quelque chose de très beau, mais ce n’est pas l’unique modalité d’existence de l’Eglise. L’Eglise des premiers temps était petite, sans être pour autant une communauté sectaire... Nous ne pouvons accepter tranquillement que le reste de l’humanité se précipite dans le paganisme qui est de retour. Nous devons trouver une route pour porter l’Evangile aux non-croyants. » Ne nous le cachons pas, les années qui viennent seront particulièrement difficiles, et l’effondrement du nombre de prêtres, compte tenu de la courbe des âges, obligera à inventer « un nouvel art de vivre en Eglise (9). » Un nouvel art de vivre qui ne soit ni un repli frileux sur nous-mêmes, ni de la résignation.

Des prêtres pour des temps nouveaux

Se renouveler dans la foi

Ces dernières années ont vu augmenter le nombre de ceux qui participent activement aux différents aspects de la pastorale. C’est un signe de la vitalité du Corps du Christ, de la réponse confiante au travail de l’Esprit. Même si cela appelle encore à des apprentissages dans la manière de se recevoir mutuellement.
Dans une société en crise où nous voulons proposer la foi, il y a « à reconstituer la mentalité chrétienne », engendrée et soutenue par la foi. Plus que jamais, l’évangélisation consiste à présenter inlassablement le vrai visage de Dieu comme un Père qui, en Jésus-Christ, appelle chacun de nous, ainsi que l’authentique sens de la liberté humaine, comme principe et force du don responsable de soi. C’est seulement ainsi que seront posées les bases indispensables pour que toute vocation, y compris celle des prêtres, puisse être perçue dans sa vérité, aimée dans sa beauté, et vécue avec dévouement total et joie profonde (10). » C’est l’urgence d’une pastorale des vocations comme le souligne le pape Jean-Paul II, dans son exhortation apostolique Pastores dabo vobis.
Ce texte du Saint Père nous rappelle aussi « que le sacerdoce ministériel est le signe de la gratuité du don de Dieu, et qu’il acquiert sa signification authentique et réalise sa pleine vérité dans le service et la croissance de la communauté chrétienne et du sacerdoce des fidèles (11). »
Aussi faisons l’acte d’Espérance que la redécouverte de la vocation baptismale, où chaque membre du peuple de Dieu doit prendre sa place dans le témoignage de la Bonne Nouvelle, dans une qualité de présence à la cité et à la communauté chrétienne, sera source de vocations au ministère presbytéral. Plus les baptisés vivront une foi active, nourrie de la Parole de Dieu, participant activement à la vie sacramentelle, plus chacun ressentira le besoin d’être accompagné et soutenu dans son chemin de foi, et plus la nécessité du ministère presbytéral sera justement reconnue.

Etre au service des frères

Les prêtres vivent l’aventure de la mission commune en se faisant serviteur de la vocation, de la mission de chacun. Par leur vie donnée, dont le célibat est un des signes, les prêtres ne vivent pas pour eux-mêmes. Leur ministère n’est vraiment service que lorsqu’il est pour l’autre, qu’il se met au service de leurs frères dans leur vocation à la sainteté.
Toutes les vocations se reçoivent du Christ, elles ont pour mission commune d’annoncer l’Evangile, dans le dynamisme de la Résurrection. En ce monde, l’Eglise est le signe du Christ ressuscité. L’action pastorale de l’Eglise est de manifester que le salut, la vie en Dieu, la dignité d’enfant de Dieu, sont offerts à tous.
Le ministère presbytéral est à l’articulation du Christ qui se donne et de la communauté qui n’est vraiment Corps du Christ qu’en se recevant. C’est ce qui est signifié dans la célébration de l’Eucharistie. Parce qu’il est le signe d’une communauté, Corps du Christ qui se reçoit de son Seigneur, le ministère presbytéral doit permettre à chaque baptisé, à chaque laïc, de prendre toute sa part à la mission de l’Eglise selon sa vocation propre. Il ne peut donc y avoir de concurrence entre les vocations.

Vivre le temps du courage et de l’espérance

Cette Eglise, qui naît tous les jours de ces engagements des uns et des autres, chacun prenant, dans la mesure de ses possibilités et de son temps, sa part du ministère de l’Eglise pour le monde, est le terreau des vocations de demain.
Nous sommes en train de vivre comme un Gethsémani ecclésial, nous aimerions que la coupe s’éloigne de nous... Mais ce qui doit nous animer, c’est une dynamique de l’espérance, car la volonté du Père c’est que nous ayons la vie, et que nous soyons les signes de cette vie donnée.
Nous reconnaissant une Eglise d’appelés, soyons une Eglise appelante pour que nos communautés chrétiennes aient les prêtres donc chacun a besoin pour vivre sa vocation baptismale.

Développer une culture de l’appel

En 1991, le congrès des vocations de Lourdes s’intitulait : « Baptisés, serviteurs de l’Appel ». Une telle conviction est une étape vers ce que nous sommes appelés à vivre aujourd’hui : être une Eglise appelante parce qu’elle se reconnaît appelée par le Dieu de l’Alliance.
En 2000, la Commission épiscopale des ministères ordonnés invite tous les baptisés à relayer l’appel de Dieu, et demande aux communautés d’Eglise de poser la question du ministère de prêtre à ceux qui pourraient remplir les conditions de l’ordination (12). Cet appel reste à entendre. Sa mise en pratique nécessite des conversions.

Donner une vraie liberté de choix
Dans nos communautés, sommes-nous sûrs de donner aux jeunes la liberté de faire le choix d’être prêtre ? Pour bien des familles, une vie réussie l’est professionnellement avec un statut social et économique reconnu. Bien des parents ont pour leur enfant le désir d’une vie de couple, et de famille. Récemment la mère d’un jeune prêtre citait le cas d’un séminariste qui avait attendu d’être indépendant pour imposer à ses parents son choix d’entrer au séminaire. Elle évoquait aussi les appels d’amis, catholiques pratiquants engagés, qui ne comprenaient pas que leur fils puisse faire le choix de devenir prêtre...

Oser interpeller
A un jeune, qui participe activement à la vie de la communauté chrétienne, et qui y rend compte de la foi, nous avons à réapprendre à oser poser la question du ministère presbytéral. Lui poser la question ce n’est pas le contraindre, c’est donner lui donner la possibilité de réfléchir sur ce qu’il veut faire de sa vie, c’est l’ouvrir à un choix.

Le « métier » du prêtre
Ne faudrait-il pas « éviter la sacralisation de la fonction presbytérale » comme nous y invite Mgr Hippolyte Simon (13) ? « Si le fait de devenir prêtre est notre réponse à une vocation... les modalités concrètes de l’exercice de cette vocation, notre ministère, ne sont pas sans affinités avec l’exercice d’un métier (14)... Si l’on admet qu’un métier doit comporter à la fois un profit pour la société et du sens pour celui qui l’exerce, il est plutôt intéressant de dire que notre ministère peut être considéré, sous son angle social, comme un métier. Et si l’on ajoute qu’un métier doit être exercé en toute conscience professionnelle, avec ce qu’il faut de compétence, de rigueur, de continuité et de formation continue, il est clair que ces exigences doivent être aussi les nôtres. » Il y a des manières de sacraliser le prêtre, de le mettre à part, qui ne sont pas respectueuses de ce qu’il vit. Cette formulation de l’évêque de Clermont a le mérite de nous interroger sur la conception du ministère des prêtres. En effet, trop de baptisés, de chrétiens engagés dans la vie de l’Eglise ont des idées caricaturales de la vocation, de la vie dans les séminaires et du ministère des prêtres.

Le célibat, chemin de liberté
La proposition du célibat dans la suite du Christ est une nouveauté de l’Evangile. Cette liberté chrétienne tranchait aux premiers siècles, elle permit par conséquent de percevoir le mariage aussi comme un choix libre et non plus comme une obligation sociale. Nous avons à redécouvrir cette dimension de liberté portée par la double proposition évangélique du célibat et du mariage. Rappeler que le célibat est un choix libre dans la suite du Christ, c’est aussi respecter ceux qui l’ont fait et le vivent.

Une existence singulière
Nous avons à aider les jeunes à découvrir la dimension singulière de leur existence. Aussi, une pastorale de la proposition passe par des lieux de formation, d’initiation à la vie spirituelle. Avoir des lieux où des jeunes pourront s’ouvrir à une intelligence de la foi, à un approfondissement de leur relation personnelle au Christ, des lieux où ils pourront découvrir le goût des autres, le goût d’une vie donnée.

Pour une nouvelle compréhension du ministère presbytéral

Pour proposer de devenir prêtre, les services diocésains des vocations ont à accompagner une nouvelle compréhension du ministère presbytéral. Ils ont à surmonter l’ambiance délétère générée par ceux qui attendent une évolution des conditions de l’appel, considérant que, devant les difficultés engendrées par la diminution du nombre des prêtres, l’Eglise finira bien par évoluer. Ils ont à faire percevoir que les collaborations dans la mission invitent à une meilleure compréhension entre partenaires.
Les services diocésains des vocations ont à aider à percevoir combien la vitalité de l’Eglise, Corps du Christ, passe par une bonne compréhension de l’articulation entre les différentes vocations, entre les différents ministères. Ils ont aussi à acclimater les autres services de l’Eglise diocésaine à la nécessité qu’il y a à présenter les vocations à la vie consacrée et au ministère presbytéral comme des manières possibles de vivre sa vie baptismale. Trop souvent encore, tout en reconnaissant la nécessité pour l’Eglise de ces vocations, les acteurs de la pastorale n’aiment pas quand l’appel se fait trop explicite. Or pour sa vie, l’Eglise a besoin de ministres ordonnés. Il faut que le mot « vocation », parce qu’employé pour tous, ne fasse plus peur lorsqu’il s’agit de quelques-uns.
La situation des vocations spécifiques s’inscrit dans le contexte général de mutations profondes de notre société qu’évoque la lettre Proposer la foi dans la société actuelle. Aussi, il n’y a ni à culpabiliser ni à chercher des coupables mais à vivre dans la conviction que nous sommes dans des temps nouveaux pour l’Evangile, où nos Eglises diocésaines vivent l’aventure de la mission. La pastorale des vocations s’inscrit dans cette dynamique en invitant les familles et les acteurs de la pastorale des jeunes à prendre l’initiative de l’appel, et en aidant les communautés à redécouvrir la place du prêtre dans la mission de l’Eglise.

Notes

1 - Vocations sacerdotales et religieuses n°186, avril 1954, p. 65 : « Petits séminaires, conseils pratiques pour l’entrée au petit séminaire ». [ Retour au Texte ]

2 - Gaston PIETRI, La Vocation, Salvator, 2002, p. 119. [ Retour au Texte ]

3 - Jean-Marie LUSTIGER, Les prêtres que Dieu donne, Desclée de Brouwer, 2000, p. 47. [ Retour au Texte ]

4 - « Une Eglise minoritaire dans une société en crise », Documents Episcopat n°11, juillet 2000, p. 3. [ Retour au Texte ]

5 - Lettre aux catholiques de France, p. 33-34. [ Retour au Texte ]

6 - Hippolyte SIMON, Libres d’être prêtres, éditions de l’Atelier, 2001, p. 56. [ Retour au Texte ]

7 - Id., p. 59. [ Retour au Texte ]

8 - Lettre aux catholiques de France, p. 21. [ Retour au Texte ]

9 - Joseph Doré et Maurice Vidal, Des ministres pour l’Eglise, Bayard, 2001, p. 235. [ Retour au Texte ]

10 - Jean-Paul II, exhortation apostolique Je vous donnerai des pasteurs, Cerf, § 37. [ Retour au Texte ]

11 - Id. [ Retour au Texte ]

12 - Dans nos communautés, proposer de devenir prêtre, CEMIOR, Edition SNV. [ Retour au Texte ]

13 - Hippolyte SIMON, op. cit., p. 97 et 99. [ Retour au Texte ]

14 - Le mot « métier » et le mot « ministère » ont même origine étymologique. Le Dictionnaire historique de la Langue française (Rey) écrit : « métier vient de ménestier, équivalent populaire de ministère »... [ Retour au Texte