Crise des vocations... crise des SDV ?


Crise des vocations… Crise des SDV ?… De fait, on constate cette année que deux diocèses de France n’ont plus de délégué aux vocations et qu’une dizaine d’autres ont un délégué commun pour les vocations et la pastorale des jeunes. Les deux cas de figure sont présents dans la région Provence-Méditerranée. Le SNV a invité le SDV de Nîmes à réagir sur ces situations nouvelles et à s’interroger sur l’avenir de la pastorale des vocations.

Betty Delichère
l’équipe SDV de Nîmes

Le service diocésain des vocations se compose à Nîmes de quatre personnes : deux prêtres (dont le délégué diocésain), une religieuse, une laïque (mariée et mère de famille). Sa mission s’enracine dans la deuxième orientation du synode diocésain"Bonne Nouvelle pour l’an 2000" ("Eveiller à l’appel"). Pour l’épauler, l’équipe s’est dotée de deux instances particulières : le conseil diocésain des vocations (des prêtres, des laïcs, des religieux, des consacrés, connus pour leur "sensibilité vocationnelle", mais ne représentant pas forcément un secteur pastoral) ; l’atelier appel à la vie religieuse (constitué de religieux, hommes et femmes, de vie apostolique ou contemplative).

Nous n’avons pas la prétention à nous quatre et en quelques lignes, de faire le tour de l’avenir des SDV. Celui-ci dépasse largement le service d’Eglise locale que nous sommeset prend place dans l’ensemble des grandes questions posées à l’Eglise en ce début de millénaire. De nouveaux défis concernant la foi, l’annonce de l’Evangile et les communautés chrétiennes sont à relever. La Lettre des évêques aux catholiques de France fait référence en ce domaine.

Notons aussi que notre réflexion, à Nîmes, est pour une bonne part nourrie des échanges et du travail régulier avec les autres services des vocations de notre région apostolique (1).

Au programme de notre dernière rencontre régionale, la question de l’avenir des SDV a été abordée. Force est de constater des réponses qui diffèrent dans le fonctionnement, mais surtout dans des options plus fondamentales. Ainsi, les diocèses de Marseille et de Nice ont-ils opéré de nouveaux choix.

A Marseille, le SDV en tant que service autonome a été supprimé : il n’y a pas eu de nomination de nouveau délégué diocésain et l’équipe n’a pas été renouvelée ; c’est la pastorale des jeunes qui porte désormais la question de l’appel, accompagnée pour cela par l’évêque auxiliaire qui fait le lien avec le Service national. Si des jeunes se présentent spontanément, ils sont dirigés vers la propédeutique (garçons).

A Nice, le prêtre responsable de la pastorale des jeunes a été également nommé délégué diocésain aux vocations, mais l’équipe SDV est maintenue, celle-ci s’intégrant dans la pastorale des jeunes sous l’angle des vocations spécifiques. Il est à noter, dans le même temps, la réouverture d’un grand séminaire diocésain.

Ces choix ne sont pas des cas isolés ; une dizaine d’autres diocèses français ont entrepris ce type de déplacement.

DES INITIATIVES QUI NOUS INTERPELLENT

Ces initiatives ne doivent pas nous heurter, mais nous interpeller :

  • elles rejoignent le sentiment de "mal-être" et d’impuissance qui nous gagne parfois ;
  • elles sont motivées par la recherche d’une meilleure adaptation à la situation actuelle ;
  • elles sont dans tous les cas, un appel à nous redire et à mieux communiquer notre spécificité, un appel aussi à renouveler nos pratiques et à innover.

Mais pour différentes raisons, nous ne souhaitons pas y souscriretotalement car elles oublient l’originalité d’un service des vocations qui, comme tout autre service, a pour mission de révéler une attitude évangélique et de la mettre en œuvre.

Des textes sources orientent la pastorale des vocations. Rappelons quelques textes bibliques fondateurs :

  • Ce que dit l’Evangile sur les premières rencontres de Jésus et l’appel des disciples (Jn 1, 35-46), signifiant bien que, si l’appel de Dieu est toujours premier, il a besoin de médiations humaines pour se faire entendre.
  • Ce que dit l’Evangile sur Jésus qui invite à prier le Maître de la Moisson pour les foules sans berger (Mt 10, 35-38), rappelant la responsabilité des communautés chrétiennes à prier pour que le Seigneur leur donne "des pasteurs selon son cœur".
  • Ce que dit l’Evangile sur Jésus marchant aux côtés des disciples d’Emmaüs (Lc 24, 13), révélant ainsi l’attitude pédagogique de l’accompagnement spirituel.
  • Ce que dit l’Evangile sur l’attitude de Jésus qui recherche le bonheur des siens (Jn 17, 12) et prie pour leur unité (Jn 17, 20-24), invitant les SDV à prier et à travailler pour le "bien " du Peuple de Dieu et l’unité de l’Eglise.

Ces attitudes évangéliques concernent toute l’Eglise, mais les SDV sont chargés de les rappeler à tous et de se consacrer à leur mise en œuvre.

Parce qu’ils sont veilleurs et éveilleurs de l’appel de Dieu, signes de l’Eglise qui se rend disponible et solidaire pour relayer cet appel et accompagner les réponses, les SDV ne peuvent, à notre sens, disparaître.

Ces initiatives ne tiennent pas compte du fait qu’aujourd’hui les réponses données (notamment pour les vocations spécifiques) ne se font pas toujours dans la tranche d’âge des "jeunes" !

De plus, sans vouloir minimiser l’impact des grands temps forts et des JMJ, comment la pastorale des jeunes rejoint-elle collégiens, lycéens, étudiants, jeunes professionnels ?

Les effectifs des mouvements et aumôneries ne sont pas extraordinaires ! Beaucoup de jeunes susceptibles d’être appelés par le Seigneur, ne font pas nécessairement partie de groupes reliés à la pastorale des jeunes.

La pastorale des jeunes est partenaire privilégié de celle des vocations, mais elle a ses préoccupations propres ("crise de la transmission", présence dans les établissements d’enseignement, recrutement des animateurs…). Bien sûr, la question de l’éveil et de l’accompagnement des vocations ne doit pas la laisser indifférente, mais elle ne peut la porter seule.

Considérer la pastorale des jeunes comme un substitut du SDV, ou comme le seul champ à moissonner, est trop restrictif. L’Eglise doit se garder de la tentation d’un certain jeunisme qui la scléroserait car, alors :

  • Comment seront prises en compte les réponses tardives et celles surgissant hors des "sentiers battus" ?
  • Comment seront accompagnés les jeunes qui sont aujourd’hui en groupes de recherche ? L’expérience montre que les jeunes porteurs de questions vocationnelles ont tout intérêt à les partager avec d’autres, porteurs de ces mêmes questions, à sortir d’un certain isolement…
  • Comment seront sensibilisés, initiés et formés les accompagnateurs de jeunes à la question des vocations spécifiques ?
  • Comment seront rejoints les autres terreaux vocationnels que sont les paroisses, la famille, la catéchèse, le catéchuménat ?
  • Qui encouragera à ne plus avoir peur de parler des vocations spécifiques, à oser dire qu’elles sont un chemin d’épanouissement personnel ?

Devant "l’urgence de la situation du clergé" nous craignons que certaines de ces nouvelles expériences s’accompagnent d’une focalisation sur le ministère presbytéral, au risque d’oublier les autres vocations. Car dans "l’urgence", de qui parle-t-on ?

Par son lien particulier avec la CEMIOR, la pastorale des vocations a pour tâche d’être attentive à l’éveil et au soutien des ministères ordonnés. Mais d’autres chemins - particuliers ou non - existent pour répondre à l’appel à la sainteté et toutes les vocations ne sont pas masculines !… Une véritable pastorale des vocations doit aider à les révéler, les discerner, les accomplir. Il en va de la dignité des personnes et de la vitalité du Corps du Christ, l’Eglise.

On ne peut parler de vocations spécifiques qu’en lien avec le peuple des baptisés dans lequel elles sont enracinées et qui leur donnent sens… En même temps, on ne peut parler de la vocation baptismale, sans évoquer les vocations spécifiques qui vont lui permettre de grandir.

Si l’Eglise souffre du manque de prêtres, elle souffre tout autant de la crise des vocations religieuses, du vieillissement de ses communautés paroissiales et, dans une certaine mesure, de l’essoufflement de l’apostolat des laïcs.

La pastorale des vocations n’a pas toujours su bien expliquer cette complémentarité et cette articulation qu’elle doit servir et sans laquelle l’Eglise serait comme amputée. Cela lui vaut, aujourd’hui encore, des critiques : "trop timide…", "trop volontariste…", "trop floue…", "agent de recrutement…"

RENOUVELER NOTRE HÉRITAGE

En période de crise, il est habituel d’en rechercher les responsabilités… Les SDV sont-ils coupables ? Faut-il les supprimer ? Entre suppression pure et simple et fusion avec la pastorale des jeunes, existe-il une autre voie ?

La pastorale actuelle des vocations et les SDV sont des fruits du concile Vatican II : "Le devoir de cultiver les vocations revient à la communauté chrétienne toute entière, qui s’en acquitte avant tout par une vie pleinement chrétienne […] Ce sont principalement les familles et les paroisses qui doivent collaborer à cette tâche. Les maîtres et tous ceux qui, d’une manière quelconque, ont la responsabilité de la formation des enfants et des jeunes gens, les associations catholiques surtout, auront le souci d’éduquer les adolescents qui leur sont confiés, de manière qu’ils puissent percevoir la vocation divine et y répondre de tout cœur. […] Le Concile ordonne en outre que les services des vocations déjà fondés, ou qui doivent l’être, dans le ressort de chaque diocèse, région ou nation, organisent de façon méthodique et cohérente toute l’action pastorale en faveur des vocations et la mènent avec autant de sagesse que de zèle (2)."

Nous sommes riches de cet héritage. Fondamentalement, aujourd’hui, le message que les SDV ont à transmettre n’a pas changé (l’appel de Dieu est à la source de toute vie chrétienne) ; de même, les médiateurs de cet appel demeurent l’Eglise et chaque croyant. Mais les temps ont changé et la communication de la foi est rendue plus difficile : "Dans ces conditions nouvelles, tout en demeurant bénéficiaires de l’héritage reçu, nous avons à devenir des "proposants" de la foi (3)."

Au regard des thèmes choisis pour les dernières Journées Mondiales de prière pour les Vocations (4), l’organisation de congrès régionaux des vocations, les outils pédagogiques proposés par le service national (oratorio, prières…), on voit bien que la pastorale des vocations a commencé à entrer dans cette démarche de proposition de la foi.

Localement, les SDV savent qu’ils ont aussi des choses à innover pour creuser le sillon. Mais en ont-ils les moyens ? C’est une autre question…

LES DOUTES DES SDV

Face à la crise des vocations, nos évêques et leurs collaborateurs s’interrogent, l’Eglise tout entière s’interroge. Les SDV aussi. Mais leurs doutes ne viennent pas des chiffres ! Tous ceux qui à un titre ou un autre sont (ou ont été) impliqués dans la pastorale des vocations peuvent témoigner du souffle particulier et du "joyeux courage" qu’ils y ont puisé !

Chacun de nous l’expérimente : la pauvreté renvoie toujours à l’essentiel et, dans le désert, on trouve "le buisson ardent, devant lequel on quitte ses sandales" (J.-M. Launay, ancien délégué national).

De quel "mal-être" souffrent les SDV ?

D’un manque de confiance et de reconnaissance : la pastorale des vocations est difficile ; elle a du mal à se défaire d’une mauvais image de "recrutement", due à son passé et la plupart du temps, même, les SDV sont complètement inconnus ! Sans le soutien clair et affirmé de l’évêque, la mission des SDV n’a pas de souffle.

D’un manque de disponibilité ! Toujours, le délégué diocésain a plusieurs responsabilités et les membres de l’équipe - souvent trop réduite - sont aussi engagés par ailleurs. Conséquences : pas le temps de vivre la proximité, de tisser la confiance, de faire des propositions innovantes, de communiquer pour se faire connaître. On est là dans un cercle vicieux qui freine en outre le renouvellement de l’équipe, notamment celui des laïcs dont l’expérience de couples, de parents, de paroissiens, d’apôtres est concrètement très précieuse.

LES SDV ONT UN AVENIR !

Nous sommes sensibles aux quatre défis de ces "temps nouveaux" que nos évêques ont invité à relever au cours de leur dernière assemblée plénière :

- le défi de l’évangélisation,

- le défi de l’initiation chrétienne,

- le défi de la formation et de l’intelligence chrétienne,

- le défi de l’incorporation dans l’Eglise.

Ceux-ci sont déjà pris en compte, d’une manière ou d’une autre, dans les projets des SDV :

- le lien à l’évangélisation par leurs partenaires : les paroisses, la famille, les jeunes - tous lieux de croissance,

- le lien à l’initiation chrétienne par l’accompagnement spirituel,

- le lien à la formation et à l’intelligence de la foi par la prière et la responsabilisation,

- le lien à l’incorporation, par la transversalité et ce qui se vit déjà de façon particulière dans les équipes, véritables "laboratoires" où s’éprouvent tous les états de vie.

Pour ces raisons, nous croyons toujours en la mission d’Eglise spécifique des SDV, du côté de l’appel, comme de celui de la réponse. A condition toutefois, que les Eglises diocésaines les soutiennent et qu’ils sachent innover en demeurant vigilants par rapport à tout ce qui se vit du côté du catéchuménat et des recommençants - et de tout ce qui émerge du côté de la catéchèse et de l’initiation chrétienne.

Qu’il nous soit permis pour conclure de partager quelques propos de l’évêque de Nîmes, MgrRobert Wattebled, à la veille d’entreprendre une visite pastorale dans notre diocèse : "Reconnaître la beauté de notre vocation, là où elle nous situe, dans le Peuple de Dieu, l’apprécier en rendant grâce au Seigneur, ne peut qu’enrichir nos perspectives et notre action apostolique.

Plus profondément, je souhaite que chacun apprécie toujours mieux sa vocation personnelle, qu’il en rende grâce, que nous puissions dire :

- avec le psalmiste : "Quelle merveille je suis" (Ps 138, 14) ;

- avec Saint Paul : " Je suis ce que je suis, par la grâce de Dieu" (1 Co 15, 10) ;

- avec Marie : "Le Puissant a fait pour moi des merveilles" (Luc 1, 49)…"

Notes

1 - Regroupant les diocèses d’Aix, Ajaccio, Avignon, Digne, Fréjus, Gap, Marseille, Mende, Montpellier, Nice et Nîmes. [ Retour au Texte ]

2 - Optatam totius Ecclesiae renovationem, n°2. [ Retour au Texte ]

3 - Lettre aux catholiques de France, p. 40. [ Retour au Texte ]

4 - 1999 : Choisis par le Père, témoins de sa tendresse – 2000 : Dans nos communautés proposer de devenir prêtre (et la diffusion du texte de la CEMIOR) – 2001 : Toute vie est vocation, chaque homme chaque femme est don de Dieu pour le monde – 2002 : Tous appelés, qu’il me soit fait selon ta Parole. [ Retour au Texte ]