Former les animateurs de la pastorale des vocations


père Raffaele Sacco
Œuvre pontificale des vocations pour les prêtres et les consacrés

Former les animateurs aujourd’hui n’est plus un vœu pour l’avenir, mais une conscience déjà traduite dans des actions efficaces. Les initiatives en ce sens, souhaitées par la Congrégation pour l’Education catholique et la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les société de vie apostoliques, et mises en œuvre par diverses facultés ecclésiastiques avec une réponse satisfaisante, d’une part d’éducateurs de séminaire, d’autre part des responsables de communautés de formation dans plusieurs pays, en sont la démonstration.

On peut affirmer, avec données à l’appui, que le document à ce sujet émanant, en 1993, de la Congrégation pour l’Education catholique, a su interpréter une exigence universellement ressentie chez les formateurs actuels et a obtenu un accueil satisfaisant non seulement en théorie mais avec des résultats concrets. Ce document exprimait les raisons suivantes de former les formateurs :

o L’insuffisance du bon sens : la formation au sacerdoce et à la vie religieuse ne permet plus un mode d’agir improvisé et fortuit, non seulement à ceux qui sont confrontés à l’éducation mais au choix même des formateurs des séminaires et des centres de formation.

o Les exigences du renouveau pédagogique ne s’obtiennent pas seulement par des moyens didactiques (en ajoutant des matériaux d’enseignement et en procurant de nouvelles informations). Il faut, en plus, aider le formateur à créer pour lui-même cette synthèse humaine et spirituelle qu’il pourra ensuite susciter chez le candidat au sacerdoce ou à la vie consacrée, en lui fournissant une base objective qui l’aidera à affiner ses prédispositions souhaitables pour une telle tâche, le rendant capable de jugements sages et équilibrés, libres le plus possible du transfert de ses propres difficultés sur ses élèves, faisant ainsi obstacle à leur propre développement humain et spirituel.

o La contribution de la psychologie par la connaissance des dispositions humaines : "L’éducateur doit être en mesure de ne pas se faire illusion et de ne pas faire illusion sur la consistance supposée et la maturité de l’aspirant et de l’élève. Pour cela, le "bon sens" ne suffit pas, mais il faudra un regard attentif, affiné par une bonne connaissance des sciences humaines, pour aller au-delà des apparences et du niveau superficiel des motivations et des comportements, et pour aider les jeunes à se connaître en profondeur, à s’accepter avec sérénité, à s’amender et à mûrir à partir de leurs racines réelles, et non pas illusoires, au cœur même de leur personne."

o La nécessaire médiation philosophique pour faire un usage sain des apports des sciences humaines, qui permette de repérer leur vision anthropologique sous-jacente (et souvent implicite) afin d’apprécier sa compatibilité avec la vision chrétienne. L’usage de cette médiation philosophique permet de recourir à ces sciences sans généralisations indues, en faisant abstraction de leurs conclusions toujours particulières et sans les conditionnements idéologiques qui dénaturent leur apport.

o L’invitation à créer des instituts et des centres de formation organisés explicitement dans ce but.

Traiter le thème de la formation des formateurs n’a plus l’objectif de sensibiliser à une exigence à faire naître, mais celui de maintenir une pratique ancrée dans les raisons mêmes qui l’ont fait naître. Cette formation doit répondre à six points.

I - Une exigence positive et universelle

Avant tout, il y a une attente radicale, comme un besoin inné et ineffaçable, présent en chaque être humain, de se connaître soi-même, de savoir qui il est, qui il est appelé à être, dans toutes les phases de la vie. La vocation est l’identité de la personne et sa dignité ; elle n’est pas simplement un état de vie ou une façon d’être, une profession ou un service ecclésial et/ ou civil ; elle est tout cela à la fois, tenu ensemble par une conviction profonde : la vocation est le nom que Dieu m’a donné, c’est sa pensée, ou son rêve, sur ma vie, elle est ce que le Créateur a mis en moi et en même temps ce qu’il désire pour moi ; elle est la seule route selon laquelle je serai heureux et satisfait : elle est la condition pour que je me sente positif, digne d’estime, elle est le chemin de ma réalisation.

Qui ne constate l’exigence de découvrir tout cela ? De savoir que sa vie, son être-là, n’est pas livrée au hasard ou à un coup de fortune (ou d’infortune) ou à une compétition... mais à l’amour de ce Dieu qui, lorsqu’il aime et précisément parce qu’il aime, appelle. Tout homme a le droit et le besoin de savoir qu’il existe parce que Quelqu’un l’a appelé, a voulu pour lui une existence "d’appelé" plutôt que de le laisser aux ténèbres du néant, au froid du non-être. Il continue encore à l’appeler chaque jour, parce que chaque créature est précieuse aux yeux du créateur et parce que, chaque jour, Dieu révèle son plan, il y a chaque jour un appel nouveau, jusqu’à la mort, qui est par excellence le moment ultime de toute vocation. C’est pour cela que ce ne sont pas seulement les jeunes qui sont appelés à vivre cette annonce vocationnelle, mais tous les croyants qui savent parfaitement que "chaque vocation est "de l’aurore", qu’elle est la réponse donnée chaque matin à un appel nouveau au quotidien [ 1 ] ".

Comme la vie serait triste d’ailleurs si personne ne m’avait jamais appelé ! Cela voudrait dire que je ne compte pour rien, pour personne. Plus encore, nous n’existerions même pas si personne ne nous avait jamais appelés. Et nous sommes vivants aujourd’hui dans la mesure même où nous nous laissons encore appeler, nous attendons sans cesse cet appel, nous savons le reconnaître, nous l’accueillons en tremblant, nous le réalisons...

Et pourtant, cette conscience n’est pas toujours acquise. Beaucoup d’hommes et de femmes aujourd’hui vivent sans vocation, sans disponibilité à se laisser appeler par quelqu’un, ils estiment ne jamais avoir été appelés. C’est à eux principalement que devrait être faite cette annonce vocationnelle.

II - Le droit et les devoirs des jeunes

S’il est vrai, nous l’avons déjà dit, que tous sans exception, sont engagés dans cette découverte vocationnelle et qu’une telle recherche est quotidienne et dure toute la vie, il reste qu’il y a cependant une phase de la vie, dans laquelle la recherche vocationnelle est très exactement ce qui qualifie cet âge, qui en constitue l’élément le plus essentiel et le plus décisif : la jeunesse est le temps vocationnel par excellence. Le temps dans lequel ce projet divin prend une forme et des contours précis, demandant au jeune le courage d’une décision définitive.

Il sera alors important que le jeune soit convenablement accompagné dans cette recherche, chaque jeune, dans l’idéal, pas seulement les "nôtres", ceux qui sont plus proches des milieux ecclésiaux ou ceux qui semblent manifester tout de suite un certain intérêt, les meilleurs et les plus méritants, ceux qui ont déjà fait un choix de vie... Il est nécessaire aujourd’hui "d’étendre courageusement à tous, au moins en théorie, l’annonce et la proposition vocationnelle, au nom de ce Dieu qui ne fait pas acception des personnes, qui choisit des pécheurs dans un peuple de pécheurs [ 2 ] ."

Si la vocation est le projet du Créateur sur la créature, chaque jeune a le droit d’être aidé dans le discernement d’un tel projet. Il a le devoir, sur un plan plus actif et personnel, de se laisser accompagner, d’une part, et d’autre part de mettre toute son attention pour reconnaître cette voix qui l’appelle, ce Dieu qui l’aime.

L’expérience encore vivante des JMJ à Tor Vergata nous montre bien que les jeunes non seulement ne craignent pas et savent encore reconnaître la voix du Dieu qui appelle parce qu’il aime, mais ils ont besoin d’une médiation humaine, d’un frère ou d’une sœur aîné qui les aide à répondre librement de façon responsable et libre à Celui qui ne cesse d’appeler.

Si la vocation est "de l’aurore", qui mieux et plus que les "sentinelles de l’aurore" est appelé à la reconnaître et à l’accueillir, afin que chaque jour soit vocationnel, afin que cette année en particulier soit vocationnelle ?

III - Une tâche et une nécessité pour l’Eglise

L’Eglise est une assemblée d’appelés, et même, plus exactement, une communauté d’appelés et d’appelants ; une fraternité dans laquelle résonne l’appel du Dieu qui convoque, un appel qui est normalement transmis par la médiation ecclésiale et surtout par la médiation de celui qui a accueilli son appel personnel et le vit fidèlement et qui peut, précisément par la force de son expérience personnelle, s’approcher du jeune qui cherche ou qui a peur d’être appelé. Pour cela, toujours dans l’idéal, tous, dans l’Eglise, sont appelés et tous sont appelants, tous sont éducateurs de vocations, formateurs au choix vocationnel. Nous pourrions dire que personne ne peut prétendre vivre fidèlement sa vocation propre s’il n’a pas le courage et la disponibilité d’appeler à son tour, "prêtant" sa voix à celui qui appelle sans voix, dans le secret silencieux de la conscience.

Il sera alors important que l’Eglise prépare les responsables des vocations pour qu’ils assument avec une plus grande décision cette mission de médiation, afin que toute l’Eglise soit vocationnelle, que toute sa pastorale soit vocationnelle, ou plutôt que la conception, l’organisation et la réalisation de l’annonce de la Bonne Nouvelle dans chaque moment de son expression rende explicite l’appel (de la part de Dieu) et sollicite la réponse (de la part de l’homme) : si une homélie, une catéchèse, une liturgie, une rencontre de prière, un partage de la Parole... ne sont pas vocationnels, s’ils ne transpercent pas le cœur et ne font pas naître cette demande stratégique("que dois-je faire ? quel est le projet de Dieu sur moi dans tout cela ?"), alors il ne s’agit pas de pastorale chrétienne mais d’un simple vague à l’âme. "La pastorale des vocations est la vocation de la pastorale aujourd’hui", tandis que "la vocation est le cœur battant de la pastorale comme un tout [ 3 ] ."

Naturellement, dans cette action ample et tournée vers tous, l’Eglise aura en vue le seul intérêt de la personne, pour qu’elle sache discerner le projet de Dieu dans sa vie, selon les dons reçus de façon toujours originale dans un contexte de vie et de personne. Une pastorale des vocations authentique sera donc ouverte à toutes les vocations, dont elle cherchera à favoriser le développement, "parce que dans l’Eglise du Seigneur, tous grandissent ensemble, ou personne ne grandit [ 4 ] ". Mais c’est très précisément ce respect pour les différents appels et, dans une ultime analyse, pour la personne unique, qui constituera l’humus fécond rendant possible la croissance dans la communauté des croyants de ce qu’on appelle les "vocations consacrées", ministères ordonnés, vie religieuse, sociétés de vie apostolique et instituts séculiers. La pastorale des vocations est une tâche que l’Eglise, comme nous l’avons dit, doit assumer dans toute sa complexité, mais elle répond aussi à une nécessité de l’Eglise, la nécessité de disposer de personnes qui assument elles-mêmes sa propre mission humaine et divine, dédiant entièrement leur vie à l’édification de la communauté des croyants autour de la célébration eucharistique, en se consacrant totalement à l’évangélisation, la sanctification, le témoignage de l’invisible, la promotion humaine et chrétienne.

Voilà le pourquoi de cette formation : replacer la vocation et les vocations au centre de la pastorale et le singulier au centre de l’attention de l’Eglise. Ainsi, une Eglise décentrée de cette façon sera certainement plus fidèle au message de son Seigneur, qui ne lui fera pas manquer d’ouvriers pour sa moisson.

IV - Une urgence mondiale

Le titre peut sembler exagéré ; en réalité, la pastorale des vocations n’est pas seulement une exigence ou une tâche qui regarde la communauté des croyants, mais elle concerne la société civile tout entière, même si elle ne s’en rend pas compte. Notre monde a un besoin urgent de s’entendre dire qu’il n’est pas voué au néant, mais qu’il est appelé au salut par ce Dieu "qui a tant aimé le monde qu’il lui a envoyé son propre Fils", et pour appeler et envoyer encore aujourd’hui ses propres enfants proclamer une année de grâce. La culture dans laquelle nous vivons et que nous respirons ne peut continuer à être une culture "antivocationnelle", parce que toute culture est une relation, une ouverture, une altérité, elle est tension vers un signifié, elle est un appel de la vérité qui pousse à sortir de soi, la culture n’est pas ce qui enferme l’homme dans ses limites dans une sorte de contemplation morose de soi. L’homme notre frère ne peut continuer à être un "homme sans vocation", parce que cela voudrait dire un homme sans dignité, sans amour, sans avenir, sans espérance, sans... humanité ; il est nécessaire, au contraire, que chacun découvre sa route et la parcoure fidèlement, non seulement pour son bien, mais pour celui de tous.

Cette société sécularisée qui est la nôtre a besoin -au-delà des apparences- de sainteté, de cette sainteté non seulement individuelle mais aussi communautaire, qui consiste à être jusqu’au bout ce qu’elle est appelée à être. Elle a besoin, comme le dit encore le document du congrès sur les vocations, de "pères et de mères ouverts à la vie et au don de la vie, d’époux et d’épouses qui, dans leur amour, témoignent et célèbrent la beauté de l’amour humain béni par Dieu ; de personnes spirituelles capables de dialogue et de charité culturelle, pour traduire le message chrétien dans les langages de notre société ; de spécialistes comme de personnes simples capables d’imposer à l’engagement dans la vie civile et aux rapports de travail et d’amitié la transparence de la vérité et l’intensité de la charité chrétienne ; de femmes qui redécouvrent dans la foi chrétienne la possibilité de vivre pleinement leur génie féminin ; de prêtres au cœur grand comme celui du Bon Pasteur et à l’impatience missionnaire de diffuser partout et par tous les moyens la lumière et le sel de la Bonne Nouvelle, de diacres permanents qui annoncent la Parole et la liberté de service pour les plus pauvres, d’apôtres consacrés capables de s’immerger au cœur du monde et de l’histoire avec un cœur de contemplatif et de mystiques si familiers avec le mystère de Dieu qu’ils sachent célébrer l’expérience du divin et indiquer la présence de Dieu dans la vie de l’action.

Ce monde, qui est le nôtre, a besoin de nouveaux confesseurs de la foi, de la beauté, de la lumière de croire, de témoins qui soient des croyants crédibles, courageux jusqu’au sang, pour rendre raison de leur espérance pour donner l’espoir même à ceux qui ne croient pas, de vierges qui le soient non pas pour elles-mêmes, mais qui sachent indiquer à tous cette virginité qui est dans le cœur de chacun et qui renvoie immédiatement à l’Eternel, source et principe de tout amour... [ 5 ] "

Une formation des responsables des vocations signifie la prise de conscience de ces attentes, qui ne sont peut-être pas tout de suite évidentes -même pour ceux qui les sentent dans leur cœur- et la tentative de les faire entendre, surtout, et de leur donner une réponse.

V - Crises et espérance

La lettre apostolique de la fin du grand jubilé considère comme "dramatique" le problème de la diminution numérique des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, "en raison des transformations du contexte social et du dessèchement religieux qui découle du consumérisme et de la sécularisation [ 6 ] ". C’est un problème qui existe depuis un certain temps, auquel on a essayé de donner réponse, et auquel cette réflexion veut continuer à donner une réponse, tout en évitant certaines attitudes qui, dans le passé, n’ont certainement pas permis d’affronter la situation de façon convenable.

Il sera important alors, avant tout, de convaincre les responsables des vocations de concevoir une pastorale des vocations non comme une nécessité liée à la situation de crise et de manque des vocations et donc dictée par la peur (d’être moins nombreux, de perdre pouvoir et signification) mais comme une "expression stable et cohérente de la maternité de l’Eglise, ouverte au plan de Dieu, que nul ne peut arrêter et qui engendre toujours la vie en elle", et donc ouverte à l’espérance chrétienne "qui naît de la foi et qui est projetée vers la nouveauté et le futur de Dieu [ 7 ] ".

Elle devra pousser en avant les responsables des vocations vers une pastorale vocationnelle courageuse, capable de sortir d’un certain complexe d’infériorité en face d’une culture antivocationnelle ou même en face d’autres secteurs de la pastorale, courageuse parce qu’animée "de la certitude qu’il existe en chaque personne, sans exclusion, un don original de Dieu qui attend d’être découvert [ 8 ] ".

Alors une telle pastorale des vocations devra être considérée comme "largement diffusée... suscitant une réflexion plus attentive sur les valeurs essentielles de la vie, qui trouvent leur aboutissement dans la réponse que chacun est invité à donner à l’appel de Dieu, spécialement quand cet appel invite au don total de soi et de ses énergies pour la cause du Royaume [ 9 ] ". Un principe pédagogique importantest ici affirmé : une authentique animation des vocations est à la racine éducation de la foi, qui repose, dans sa structure, sur une catéchèse élémentaire sur les valeurs essentielles de la vie, pour en transmettre le sens fondamental : la vie est un bien reçu qui tend, par sa nature, à devenir un bien donné. Un jeune doit comprendre qu’il est libre de faire le choix auquel il pense, mais qu’il ne peut en aucun cas sortir de cette logique, ni penser son avenir et son bonheur en dehors de ce lien entre le bien qui est reçu et celui qui est donné. Si cette vérité est transmise, alors l’animation vocationnelle rejoint et convoque tout le monde et deviendra "largement diffusée" : si la pastorale réussit à communiquer de façon convaincante la logique du don, alors toute proposition de vocation devient possible, même la plus courageuse et la plus risquée, celle d’une consécration spéciale [ 10 ].

VI - Autres raisons

Nous pouvons trouver une autre raison de former les responsables des vocations dans la tendance, si actuelle aujourd’hui, à la mondialisation qui, dans notre cas, signifie une convivance et une rencontre toujours plus grande des cultures(et par conséquent de candidats et de séminaristes d’un même diocèse, mais provenant de nations différentes) : nous devons avoir les instruments pour distinguer ce qui appartient au contenu universel de la vocation et ce qui est culturellement contingent et variable.

Une autre raison est la variété des études antérieures de nos candidats et séminaristes : ils sont nombreux ceux qui viennent d’études plus techniques qu’humanistes (qui seraient plus capables de préparer à l’acquisition de la pensée théologique), d’ambiances sécularisées plutôt que de patronages ou de centres d’éducation catholique, de milieux familiaux éclatés ou d’années d’éloignement de la pratique religieuse ; aussi, à cause de ces situations, il faut des éducateurs qui soient de vrais pédagogues, pour initier à une mentalité nouvelle corrigeant éventuellement la précédente. Une autre raison est l’inéluctable confrontation avec les sciences humaines, en particulier la sociologie et la psychologie, par dessus tout en matière de formation, où les aspects humains et spirituels trouvent de nombreux points de rencontre. Ce sont encore des motifs de demande pastorale : en raison de l’augmentation de la formation théologique du laïcat, on posera au prêtre de demain des questions toujours plus exigeantes en terme de contenus théologiques et de pistes d’action pour les différents contextes historiques. Dans le même ordre d’exigences pastorales, nous nous rendons toujours davantage compte que dans un proche avenir le dialogue avec les plus éloignés comme avec les autres religions, impose au prêtre non seulement la tâche de parler de Jésus-Christ, mais encore de justifier le fait d’en parler et de montrer le caractère plausible et nécessaire de se référer à ce Dieu, ce qui implique une formation plus profonde que celle qui était jusqu’alors proposée.

Parmi les motifs d’ordre négatif qui rendent urgent de former les formateurs, nous pouvons énumérer les différents maux qui frappent la vie actuelle du prêtre et du consacré ; des plus frappants comme l’abandon à ceux plus cachés comme le fait de rester dans le sacerdoce par volonté de refuge et non par une conviction renouvelée, parce qu’on y a trouvé un équilibre décent dans le nid de sa propre situation. Dans cette même ligne, nous pourrions rappeler les raison inhérentes à l’identité de l’appelé aujourd’hui ; beaucoup de recherches empiriques à ce sujet établissent chez les nouvelles générations un "moi" faible insuffisamment équipé pour soutenir une décision d’une vie totalisante et durable, un "moi" qui tend à se motiver et à se décider plus selon ses besoins qu’à l’appel de valeurs selon une mentalité de la réalisation de soi (self-fulfillment) plutôt que de la transcendance de soi (self-trascendence). Les autres motifs que nous pouvons repérer sont les problématiques affectives inhérentes au célibat et, plus profondément, à la liberté pour un amour oblatif, dans les conflits de génération, dans les difficultés relationnelles ou plus simplement dans la chute numérique des vocations qui touche les pays qu’on appelle plus développés.

Justifier l’engagement dans ce secteur de formation seulement par les raisons susdites serait un investissement à courte vue et de brève durée. Une réponse éducative qui naît sous la pression du milieu et qui est élaborée en fonction d’une situation contingente ne correspond pas aux canons de la pédagogie qui, si elle est stimulée par l’aujourd’hui, ne s’arrête pas à poursuivre l’aujourd’hui mais répond à ce qui ici et maintenant prétend faire naître un processus de croissance dans le temps pour garantir un changement progressif et une évolution de la personne qui soit trans-situationnel. Eduquer, en effet, ce n’est pas seulement faire vivre aujourd’hui, mais permettre à la personne d’ "être" encore demain et d’ "être mieux" qu’aujourd’hui.

Au-delà de l’alarmisme et du souci d’efficacité

Libres de la pression du contingent, mais libres aussi de l’alarmisme. Quand l’exigence de préparer de bons éducateurs et de bons animateurs de vocations part de la constatation de traumatismes éducatifs survenus dans nos maisons de formation, du choc des espérances placées dans des jeunes prêtres, mais déçues par la suite, des scandales de l’Eglise qui intéressent tant les médias… la consternation et l’inquiétude du moment poussent à rechercher avec frénésie des réponses immédiates et à se fier sans discernement aux différents packages éducatifs existant aujourd’hui sur le marché des vocations avec l’espoir mirifique d’avoir finalement la recette miracle. On s’arrête, de cette façon, à la demande fatidique du "Que faire ?" sans aller plutôt vers le plus fondamental du "Comment comprendre ?" La hâte de réparer le dommage causé et d’en éviter d’autres tue la tranquillité de réfléchir et de comprendre le mystère de la vocation. Nous ne nous intéressons pas à nos candidats et à nos séminaristes pour éviter, prévenir ou réparer, mais pour les aider à se réjouir de devenir des prêtres et de se consacrer à Dieu.

Si l’éducateur ne se prépare pas à devenir tel en raison de la faiblesse de ses élèves, il ne peut pas non plus le faire parce qu’il se retrouve lui-même faible dans son intériorité. C’est vrai : le conducteur doit reconnaître les limites de sa personnalité et de sa spiritualité et tenter de les dominer pour ne pas les transférer sur ceux qu’il veut éduquer et accompagner, avec pour conséquence qu’un aveugle guidant un autre aveugle tombe avec lui dans le fossé. A cette faiblesse de caractère, on doit pouvoir remédier.

La faiblesse à éviter est ontologique. A savoir celle qui, par une fausse modestie, porte l’éducateur à frapper à la porte des écoles de formation parce qu’il estime que son assimilation actuelle et personnelle du message évangélique qu’il devra transmettre à ses élèves (par exemple sa conception de Dieu, son degré actuel d’amour pour Lui, la dignité plus ou moins estimable de sa réponse, sa plus ou moins grande maturité spirituelle…) ne constitue pas une médiation éducative convenable, quelque chose donc qu’il faudrait garder en dehors de la relation éducative parce que ne pouvant pas édifier le disciple. Quand il vit ainsi la relation entre son intériorité et le rôle reçu, il s’inscrit à l’école non pas pour améliorer sa maturité vocationnelle actuelle, mais pour compenser, avec des techniques et des instruments, son indignité personnelle présumée, dans l’espérance que la connaissance acquise puisse camoufler sa faiblesse. Ceci est une erreur, parce qu’une des qualités fondamentales du bon éducateur est évacuée : la disponibilité d’utiliser son existence et son expérience comme instrument de relation éducative, autrement dit, la liberté d’offrir à l’autre l’usage de son propre "moi" sans se sentir menacé et sans en tirer avantage, ce qui sera possible quand l’éducateur aura confiance dans la valeur pédagogique de son propre être comme prêtre et comme personne. Comment faire pour éduquer l’autre si nous ne mettons pas à sa disposition notre intériorité ? Comment est-il possible de se faire des illusions sur la possibilité de devenir de bons éducateurs en espérant que la technique suppléera au risque de se laisser impliquer dans sa propre intériorité ? Le diplôme de formateur devra attester la capacité reconnue de faire mieux parler son cœur, non la capacité du technicien qui diagnostique sans comprendre, qui conseille sans se compromettre. C’est dans la rencontre de deux intériorités que le dialogue éducatif trouve son efficacité.

Désormais, il existe des écoles pour tout : pour être de bons parents, fils, pères, grands-parents… pour apprendre à se nourrir, à respirer, à marcher, à peindre et à jouer d’un instrument… Quelquefois, si l’on accède à ces écoles avec l’illusion "efficacionniste" que, pour être de bons parents, fils, pères, grands-parents… il faut retourner sur les bancs de l’école parce que par intuition personnelle et par nature, on ne se croit pas capable d’être une présence de bien-être. Les écoles pour formateurs ne servent pas à transplanter les organes dans des corps incapables de survivre avec les leurs, mais à affiner ceux qui existent déjà et de les impliquer dans le dialogue éducatif. Sinon, les instruments acquis seraient utilisés comme des boucliers pour cacher son intériorité sous une apparence de suffisance pieuse. Celui qui se prépare à être éducateur ne devrait pas dire comme l’eunuque éthiopien : "Comment pourrais-je comprendre ce que je lis s’il n’y a personne pour me l’expliquer ?" (Ac 8,31) mais plutôt comme Jean : "Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux, ce que nous avons vu et que nos mains ont touché, c’est le Verbe, la Parole de la vie… et c’est nous qui écrivons cela, afin que nous ayons la plénitude de la joie" (1 Jn 1, 1.4)

Quand une personne juste use de moyens erronés, ceux-ci agissent de façon juste, mais quand une personne erronée use de moyens justes, ceux-ci agissent de façon erronée.

Réflexion et don de soi

On ne peut entrer dans le champ de la formation sans se compromettre soi-même. Qui accepte d’être animateur et formateur doit se compromettre. Se compromettre signifie entrer dans le dialogue éducatif avec l’usage conjoint de la réflexion et du don de soi. L’intériorité d’autrui se laisse découvrir et toucher par la réflexion et le don de soi conjoints. La réflexion privée du don de soi fait de l’éducateur un consultant détaché. Le don de soi privé de la réflexion en fait un tuteur protecteur.

L’union des deux activités en vue d’un entraînement éducatif n’est pas une découverte de la pédagogie moderne. Déjà la philosophie thomiste l’avait repérée comme la clé de l’accès à l’intimité. L’intellect, avec ses instruments d’enquête et de réflexion, projette un copie de l’autre dans l’esprit de celui qui connaît (la vérité est ainsi dans le sujet). Le don de soi, avec ses instruments d’écoute et d’accueil, laisse l’autre s’exprimer dans son intériorité (la vérité est ainsi dans l’objet). L’intellect assimile l’autre en soi, tandis que le don de soi s’étend vers l’autre. Par l’intellect, je "comprends" l’autre en termes de causalité (pourquoi il est comme cela), par le don de soi, je le "com-prends" en terme de signification (que signifie être comme il est). Comprendre est moins que com-prendre. Comprendre pourquoi l’autre pleure ne signifie pas encore com-prendre la signification de sa douleur (il arrive que je puisse me dire les raisons de son mal-être mais que je ne me rende pas compte de sa sensation intérieure de mort jusqu’à ce que j’apprenne par le journal qu’il s’est suicidé).

L’éducateur apte à penser se fait une idée de l’autre (il l’assume en lui), mais risque de rester prisonnier des pré-compréhensions établies et de dialoguer avec elles et non pas avec l’originalité de cet autre. Si, en plus, il est capable encore d’offrir à l’autre l’usage de son propre moi, s’il s’adapte à cet autre en se mettant à sa disposition afin que finalement cet autre puisse se découvrir lui-même, alors cette copie intérieure établie par la pensée permettra de mieux faire ressortir la singularité de l’autre. Avec l’intelligence on connaît l’autre, avec l’amour on se compromet avec lui, selon le modèle johannique décrit plus haut.

La main qui veut s’élancer jusqu’à toucher le cœur de l’autre doit être élan de connaissance et d’amour parce que, si la réflexion identifie la présence de l’autre, c’est l’amour qui en saisit la réalité ultime. Sans ce don de soi amoureux, la connaissance n’atteint pas sa plénitude parce que, toute seule, elle n’est pas capable de saisir la réalité ultime de l’homme qui, au contraire, est saisie par l’amour. Ce que soutient Lonergan en tant que théologien vaut aussi pour l’éducateur : sa dignité ultime réside dans la disponibilité personnelle à la conversion, dans un processus d’autocorrection et d’examen d’un investissement correct de son être. C’est la raison pour laquelle on recommande aux instituts de formation d’offrir à leurs étudiants, en plus des contenus didactiques, des occasions de vérification personnelle de leur disponibilité intérieure effective, aussi bien avec des parcours d’introspection psychologique qu’avec des expériences de nature spirituelle.

La raison la plus excellente

La vocation est un dialogue entre Dieu et la personne humaine. Dieu, l’interlocuteur principal, appelle qui il veut, quand il veut et comme il veut, "selon sa résolution et sa grâce" (2 Tm 1,9). Son appel a une influence sur toute l’existence du disciple. Il comporte, en effet, une exigence de totalité qui envahit l’être concret de la personne dans tous ses aspects et dans toutes ses relations,en en marquant intérieurement l’existence. Et c’est de ce rapport très particulier avec le Seigneur et par suite avec l’Eglise que découlera, comme effet, le service du monde.

La sublimité de la vocation est repérable sous ce double aspect de contenu offert et de motivation exigée.

Contenu : Dieu nous appelle à nous dépasser nous-mêmes dans un amour pour Lui et pour le prochain semblable à celui qui a inspiré la vie de Jésus-Christ, par suite dans un amour nouveau qui ne naît pas du cœur de l’homme mais qui a été révélé par le message biblique et par les paroles et les exemples de Jésus-Christ et donc un amour déposé dans le cœur humain par la grâce divine.

Motivation : la réponse naît d’un amour désintéressé pour Dieu, exempt le plus possible de motivations utilitaires et défensives (J’aime comme le Christ parce que le Christ est le Christ, le Fils de Dieu vivant et non par scrupule de conscience, par obligation envers les parents, recherche de ma propre image…)

La sublimité repose donc dans l’apparence de la transcendance. "Dieu appelle la profondeur de notre être, de notre cœur, à la liberté pour l’auto-transcendance théocentrique."

La transcendance théocentrique est l’incessant dépassement de soi-même pour rejoindre Dieu qui nous attire à le faire. Elle se distingue de la transcendance égocentrique dont l’objectif est de se retrouver soi-même sur un mode plus vrai et plus authentique en recherchant une réalisation pleine et complète de ses propres virtualités. La transcendance philantropico-sociale est aussi différente et plus limitée, en ayant comme objectif la réalisation progressive de la communauté humaine d’habitude accompagnée d’une réalisation plus grande de celui qui permet de l’atteindre. Pour devenir prêtre, il ne suffit pas d’avoir à cœur la réalisation de sa propre existence ni de se mettre à la disposition du service des frères. La différence entre les trois types de transcendance est facilement compréhensible si nous nous rappelons que la première ne comporte pas toujours la totale réalisation de sa propre potentialité (la conséquence peut même être la mortification) ni même une meilleure cohabitation sociale (la conséquence peut aussi envisager l’épée et la guerre).

Un élément suivant à l’appui de la sublimité de la vocation est l’analyse des modalités par lesquelles le disciple se transcende théocentriquement : modalité de connaissance, moralité et amour. Il s’oriente vers Dieu en cherchant le vrai (conversion intellectuelle), en cherchant le vrai qui est en même temps le bon (conversion morale) et, par dessus-tout, en cherchant le vrai et le bon qui sont encore suprêmement louables (conversion religieuse). Le sommet du chemin ascétique est la conversion religieuse "qui consiste à être pris par ce qui nous touche absolument. C’est se passionner de manière ultra mondaine. C’est se livrer totalement et pour toujours sans conditions, retenue ni réserve."

Ces traits synthétiques de l’appel offrent la réponse centrale au pourquoi de la formation des formateurs : à cause de la sublimité de la vocation sacerdotale et consacrée. Il est besoin de formateurs préparés parce que la vocation est un mystère sublime dont il faut se réjouir le plus possible. Je pense que le plus important de la formation est d’éduquer au plaisir d’être prêtres et consacrés.

traduit de l’italien
par le Père Jean-Robert Armogathe

ORIENTATIONS

1 - Penser avec sagesse

Il faut aider l’éducateur à passer d’une pensée qui constate et explique à une pensée qui scrute et comprend. La première, bien illustrée par la pensée de la technique, se meut sur le seul plan du phénomène et de ce qu’il veut expliquer. La seconde, bien illustrée par la pensée de la sagesse, soupçonne que le plan du phénomène (pour être compris non seulement en termes de causes physiques ou psychiques mais en termes de sens) renvoie à un autre plus profond qui est le fondement du précédent. La pensée qui explique nous rend capables sur les choses, mais la pensée qui comprend fait de nous des sages dans la vie.

2 - Capacité de transcender les traductions subjectives

"Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Ecritures ?" (Lc 24, 32).

Le cœur des disciples d’Emmaüs brûlait déjà au moment où ils parlaient avec un Jésus qu’ils n’avaient pas reconnu, mais ils ne deviendront capables de reconnaître cette ardeur qu’ a posteriori, lorsque Jésus lui-même se révélera à eux. Dans la conversation "en direct" avec Jésus ressuscité mais ignoré d’eux, leur cœur éprouvait seulement la tristesse d’une espérance déçue : "Nous espérions… voici déjà trois jours… quelques femmes de notre groupe sont allées au tombeau mais elles ne l’ont pas vu." En ce moment de l’expérience sensible, ce qu’ils éprouvaient dans leur cœur était la déception pour une absence, tandis que déjà en eux habitait l’ardeur pour une présence dont ils avaient déjà l’expérience sans pour autant en avoir l’intelligence. La déception est la traduction subjective de leur être de disciple, l’explication qu’ils tiraient de leur vécu mais non la profonde compréhension. Ils savaient se lire sur le plan psychologique mais pas encore à la lumière du mystère, seulement sur la base de ce qu’ils avaient éprouvé, entendu, vu, mais non sur la base de ce qu’il y avait en eux au delà de leur entendement psychologique. Ils ne font qu’après la nouvelle lecture. Jésus leur dit en effet : vous êtes lents à croire.

Nous observons le paradoxe de leur cœur simultanément habité par un double objet : la déception et l’ardeur. Ces disciples ont donné un contenu à leurs structures psychiques tandis que la puissance du Christ ressuscité donne un contenu différent et opposé sans toutefois annuler le premier. Une structure à laquelle a été donnée une tonalité de déception contient aussi une tonalité d’ardeur. Il arrive ainsi que nous donnions à la vie vécue une certaine forme d’expression tandis que Dieu se sert de cette même vie vécue pour y susciter une autre forme d’expression. S’apercevoir de cela revient à se lire à la lumière du mystère. Pour cette lecture, la pensée de la technique ne suffit pas : avec sa tendance à analyser seulement les traductions subjectives amputées de leurs racines, elle fait vivre le moment particulier, comme s’il était le moment de la totalité. Elle rend tout trop proche et quand tout est trop proche, on ne réussit pas à distinguer et à se réjouir dans le fragment de la présence de la totalité.

3 - L’étude de la théologie

L’instrument qui stimule la pensée de la sagesse est l’étude de la théologie, à condition cependant que la description qu’elle fournit de la vocation ne vienne pas présenter seulement comme un simple souhait préalable mais comme le compte rendu d’une réalité déjà présente dans celui est appelé au niveau de son moi actuel comme de son moi idéal. En tant que description du moi actuel, la théologie sensibilise à saisir dans ce que vit la personne appelée les signes de la présence du mystère à partir de la réponse déjà donnée. En tant qu’elle décrit le moi idéal, elle sensibilise à saisir chez l’appelé d’autres appels, nouveaux et postérieurs, au devoir être.

NOTES --------------------------------

1 - De nouvelles vocations pour une nouvelle Europe, 26 b. [ Retour au Texte ]

2 - Id., 13 c. [ Retour au Texte ]

3 - Id., 26 b et g. [ Retour au Texte ]

4 - Id., 13 c. [ Retour au Texte ]

5 - Id., 12 b. [ Retour au Texte ]

6 - Novo millenio ineunte, 46 [ Retour au Texte ]

7 - De nouvelles vocations pour une nouvelle Europe, 13 c. [ Retour au Texte ]

8 - Id., 13 c. [ Retour au Texte ]

9 - Novo millenio ineunte, 46 [ Retour au Texte ]

10 - De nouvelles vocations pour une nouvelle Europe, 26 c. [ Retour au Texte ]