Introduction


Père Jean-Louis SOULETIE
Directeur du 2nd cycle de la STBS à l’Institut Catholique de Paris

Chaque année, le 2nd cycle des maîtrises de la Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses de l’Institut Catholique de Paris organise une session à thème. Le nombre important des participants à cette rencontre tient à la collaboration du Service National des Vocations qui s’y est associé, avec les responsables diocésains des vocations, ainsi que plusieurs responsables de séminaires et de noviciats.

La question des ministères dans l’Eglise est l’une des réflexions au centre de la préoccupation des Eglises diocésaines. C’est la nouvelle donne pastorale qui l’y a placée, avec la raréfaction des vocations et l’émergence des nouveaux acteurs de la pastorale. Au sein de cette préoccupation de la ministérialité dans l’Eglise surgit la question de la vocation, non seulement des ministres mais de tous les baptisés. Du même coup, plusieurs ont déjà fait le constat " d’un flou vocationnel [ 1 ] " qui ne contribue pas à éclairer l’appel au ministère presbytéral. D’une part, il y a le désir de Dieu et le chemin de sainteté qui s’inscrit dans la vie de chaque chrétien.

D’autre part, il y a l’appel de l’Eglise et, en elle, celui de l’évêque pour l’ordination. L’articulation des deux est une question et suscite un débat. Si, dans les premiers siècles l’Eglise appelle "Ambroise, évêque", confrontant la personne à l’appel objectif, au fil de l’histoire, le terme de vocation gagne en subjectivité, désignant une intuition spirituelle née dans le cœur de chacun.

Aujourd’hui, il semble qu’il faille retrouver une certaine objectivité, d’autant plus nécessaire qu’il y a raréfaction des candidats. L’objectivité n’est certes pas absente dans la formation des prêtres, puisque celle-ci vise à vérifier les aptitudes objectives aux ministères de diacre et de prêtre. Mais la question est plutôt celle de la "proposition" du ministère avec sa dimension d’objectivité, dans une culture individualiste. Parmi les 12-15 ans, une large majorité d’entre eux répond non à la question "Y a-t-il une religion plus vraie qu’une autre ?", parce que "La religion est au choix de chacun." Par ailleurs on choisit aujourd’hui dans les croyances celles qui apportent un confort ou une réalisation de soi. C’est l’ère du sujet autonome qui choisit sa loi. Il en découle un certain relativisme où chacun, en son for interne, détermine le croyable, le vrai et le juste. Cela ne signifie pas à proprement parler que s’efface ou disparaît la foi religieuse mais que celle-ci se détache nettement de son inscription institutionnelle. La question de la vocation s’en trouve profondément bouleversée.

Tel est, sommairement, évoqué le contexte théologique et culturel de cette session. Nous avons cherché dans notre travail une clarification terminologique des termes comme appel et vocation, puis nous nous sommes interrogés sur leur discernement.

La réflexion sur la polysémie du terme "vocation" a mis en relief le processus historique d’un itinéraire vocationnel. Mgr Simon a dressé le panorama historique et social de la crise des vocations avant de proposer une réflexion sur la possibilité de choisir le célibat dans notre culture. Joëlle Ferry a souligné que les récits de vocation de l’Ancien Testament nous interprètent : ils nous introduisent dans l’objectivité d’une temporalité et d’une forme pour nous comprendre comme appelés par Dieu. Claude Tassin a accentué cette temporalité dans la saisie d’une vocation à travers l’itinéraire de saint Paul. Le sens de sa vocation appelle une vérification de son Evangile et de sa mission par les Eglises. S’y trouvent mêlés les aspects objectifs de l’appel (institution, culture, langage, autorités, etc.) et ses aspects subjectifs, la réponse croyante inscrite dans l’histoire du sujet. Dès lors, le discernement d’une vocation apparaît sous les traits d’une aventure, jamais garantie à coup sûr, sans qu’il y manque pour autant ses aspects objectifs, comme l’a montré Maurice Vidal. En effet, c’est toujours dans le mystère de la foi que s’opère un tel discernement ; dans le mystère de la foi qu’est l’Eglise se renouvelle la liberté du sujet. Laurent Villemin, Anne-Marie Pelletier et Claude Flipo ont décliné le terme vocation en l’appliquant à la vie des baptisés, au mariage et à la vie religieuse.

Un deuxième temps a été centré sur le discernement des vocations : Constant Bouchaud a retracé ses évolutions depuis l’avant concile Vatican II jusqu’à aujourd’hui et Bernard Pitaud a présenté quelques critères contemporains pour appeler au ministère. Joseph Caillot a développé le processus de la formation des diacres permanents. Pour conclure, Maurice Vidal et Paul de Clerck ont débattu à partir de la conférence de ce dernier où il précisait que, si la liturgie ne connaît pas de candidats aux ministères, elle articule l’auteur de la grâce à l’action liturgique.

Resterait à préciser encore une théologie de la décision dans une culture pluraliste qui permette de choisir le célibat ou le mariage comme véritables possibilités humaines et spirituelles. Car parler de vocation aujourd’hui demande qu’on tienne compte d’un état de la culture pour la comprendre et parfois la contester, mais aussi qu’on perçoive une vision nouvelle de l’Eglise qui peut favoriser, écrivait le Père Congar, non pas un individualisme mais un régime d’option personnelle par conviction motivée. En effet, il importe d’évaluer notre temps présent pour savoir y discerner et y susciter des vocations ; et ce présent de la culture est marqué par le passage de l’appartenance objective à l’identité subjective dans la définition des rapports du croyant à sa foi et à son Eglise. Ce changement n’est pas d’abord ni exclusivement le fruit de la modernité sécularisée qui viendrait contrarier le mode d’être traditionnel du croyant. Il est aussi le fruit d’un mouvement interne à la conscience ecclésiale qui présente la foi comme une libre décision car "la vie chrétienne est cette disposition et cette orientation de la liberté humaine qu’a suscitées l’accueil du salut en Jésus Christ [ 2 ]." Loin d’être en tous points un obstacle à la vocation, le caractère subjectif et pluraliste de la culture contemporaine pourrait être le terreau d’appels nouveaux.

Notes

1 - Mgr Gilson, Jeunes et Vocations n° 96, 2000. [ Retour au Texte ]

2 - Proposer la foi dans la société actuelle. Lettre aux catholiques de France, Paris, Cerf, 1997, p. 69.[ Retour au Texte ]