Le diaconat permanent, un profil original


Père Joseph CAILLOT
eudiste, professeur de théologie à l’Institut Catholique de Paris

"Suivre le Christ dans le ministère diaconal est une aventure fascinante mais ardue..." (Directoire pour le ministère et la vie des diacres permanents, Rome, 22 février 1998, n° 50).

L’Etat des lieux : un peu d’histoire et quelques chiffres

Eu égard au thème de notre session, je voudrais ici, concernant ce que nous appelons désormais familièrement, y compris dans les textes officiels, le "diaconat permanent", dégager un profil qui a certainement quelque chose d’original et qui peut, en ce sens, renouveler notre théologie de la vocation et de l’appel.

Tout d’abord, un peu d’histoire. Nous savons tous que c’est Vatican II qui a pris l’initiative de "restaurer", ou de "rétablir" le diaconat permanent dans l’Eglise latine. Les deux textes principaux du Concile sont bien connus [ 1 ], et tout est donc né de cette intuition très forte, véritable inspiration de l’Esprit. Force est cependant d’avouer qu’on se lançait pour une bonne part dans l’inconnu, même si l’écho a été tout de suite favorable ! Pour notre pays, on peut observer ceci :

  • Dès octobre 1966, l’Assemblée plénière de l’épiscopat accepte le principe de la restauration du diaconat en France.
  • Dès 1967, les évêques de France transforment l’intuition du Concile en un sens résolument missionnaire ; ils entendent donner "priorité aux appels que constituent l’incroyance, la misère et le sous-développement".
  • En novembre 1968, l’Assemblée plénière invite alors les évêques, dans le choix des candidats au diaconat permanent, à tenir, je cite, "le plus grand compte des orientations données par l’assemblée plénière de 1967, de façon à ce que la restauration du diaconat permanent soit pleinement insérée dans l’effort missionnaire de l’Eglise de France".
  • Une telle orientation est encore confirmée en 1970. Les évêques ne veulent surtout pas "réduire" les diacres au rôle de "simples animateurs liturgiques chargés seulement de présider l’assemble chrétienne en l’absence du prêtre, d’y annoncer la parole de Dieu et de distribuer la sainte eucharistie". Bien au contraire, ils réaffirment marquer "leur préférence pour des diacres qui, quotidiennement au contact des hommes, grâce à leur situation familiale et professionnelle, puissent en pleine vie témoigner du service que le peuple de Dieu doit rendre aux hommes à l’exemple du Christ [ 2 ]".
  • Cette intuition missionnaire est vraiment une constante dans l’Eglise de France ; nous allons la retrouver tout à l’heure, dans le texte tout récent de l’Assemblée plénière des évêques de novembre 2000.

Ces éléments dûment rappelés, on peut également noter qu’il n’y a pas eu, au départ, de véritable "explosion" du diaconat permanent, mais plutôt une lente émergence effectuée en écho aux divers textes de Paul VI [ 3 ]. Il a fallu tâtonner, tant pour le discernement des premières vocations, que pour les processus d’admission, de formation, d’ordination et d’envoi en mission. Mais la théologie et la spiritualité du diaconat se sont en même temps affermies, et l’audace de l’appel a fini par gagner un assez grand nombre de diocèses. A partir des années 80, on note une croissance régulière, forte et continue puis, depuis une dizaine d’années, une réelle montée en puissance. Cette fois, on peut dire que la greffe a vraiment pris ; mais peut-être sommes-nous également arrivés à une sorte d’étiage : il n’est pas impossible que, dans les temps qui viennent, on arrive à une certaine stabilisation dans le nombre des candidats en formation et des diacres effectivement appelés à l’ordination.

Quelques chiffres...

Dans le monde

En janvier 1998, on comptabilisait environ 24000 diacres dans le monde, dont près de la moitié aux USA [ 4 ],avec partout un âge moyen relativement élevé (56,5 ans) et plus du tiers de ces hommes déjà en retraite professionnelle.

En France

Fin décembre 1999, quelque temps avant le jubilé des diacres à Rome, on comptait 1578 diacres ordonnés (60 décédés et 30 réorientés), soit 1479. 1319 d’entre eux étaient mariés (44 veufs, 1 divorcé) soit, évidemment, une écrasante majorité face aux 101 célibataires restants, et l’on comptait 3,44 enfants par couple. Moyenne d’âge, là encore, assez élevée : entre 56 et 57 ans, soit un âge médian de 49/50 ans au moment précis de l’ordination. 515 d’entre eux, soit un bon tiers, étaient également en retraite professionnelle. Pour ceux qui étaient encore en pleine activité, les secteurs dominants étaient l’industrie (15%), la finance (14%) ou encore l’enseignement (12%).

On a compté 114 ordinations en 1999 : le chiffre a doublé en 10 ans et il semble qu’il y ait désormais, chaque année, à peu près autant d’ordinations de diacres permanents que de prêtres. Restera à vérifier, dans les années qui viennent, si nous sommes parvenus à cet "étiage" signalé plus haut...

Je me propose de revenir plus loin sur les champs où s’exerce aujourd’hui la mission diaconale, telle qu’elle est reçue de l’évêque : en effet, si "profil original" il y a, tout au moins dans notre pays, c’est peut-être là qu’il faut aller le chercher... ce qui n’est pas sans influence sur le processus de discernement et de formation des futurs diacres ! En tout cas, la première impression globale qui se dégage à la lecture de ces chiffres est que tout est ici affaire d’homme "mûrs", humainement expérimentés, et que cela non plus n’est pas sans incidence sur une théologie de l’appel... Après ce bref état des lieux, j’aimerais maintenant procéder en deux étapes : opérer d’abord une plongée significative dans les textes officiels les plus récents, et proposer ensuite un court essai de reprise théologique systématique.

Les textes officiels

Un rapide parcours du texte du 22 février 1998 [ 5 ]

Nous avons désormais la chance de pouvoir largement et durablement nous appuyer sur un document officiel du Magistère romain. En fait, il y a deux textes, dont le titre global, Ministère et vie des diacres permanents, rappelle bien évidemment le décret de Vatican II sur les prêtres, Presbyterorum ordinis (dans les deux cas, le ministère est traité "avant" ses conditions concrètes d’exercice).

Le premier texte, émanant de la Congrégation pour l’Education catholique et signé le 22 février 1998 par le cardinal Laghi, a fonction de Ratio : il décrit par le menu les "Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents".

Le second texte, émanant de la Congrégation pour le clergé et signé le 22 février 1998 également, par le cardinal Castrillon Hoyos, est d’aspect plus canonique. Il se présente comme un "Directoire pour le ministère et la vie des diacres permanents".

En guise de conclusion à l’ensemble, nous trouvons une prière à la Vierge Marie, "modèle du service caché".

Ce que nos deux textes précisent, dans leur Introduction volontairement commune, c’est qu’au fond, depuis Vatican II, on a d’abord voulu laisser la vie se développer : de fait, nous avons maintenant derrière nous environ 35 ans de pratique. Dans sa sagesse et sa prudence, l’Eglise a donc pris le temps de laisser parler l’expérience pour s’en instruire. Mais maintenant que, je cite, le diaconat permanent "a connu ces dernières décennies, en de nombreux endroits, un essor important et a donné des fruits prometteurs, pour le plus grand profit de la mission si urgente d’une nouvelle évangélisation", l’heure est venue de discerner plus clairement les enjeux de cette brève et riche histoire, de préciser ce que l’on attend aujourd’hui des diacres et de légiférer pour l’avenir. Il s’agit, en d’autres termes, d’indiquer désormais, grâce à la "publication simultanée" des deux textes, les éléments normatifs et les points de repères qui apparaissent aujourd’hui indispensables à la bonne marche de ce ministère spécifique, tant à l’échelon universel qu’au niveau national et local. Aussi les documents portent-ils aussi bien sur les critères premiers indispensables au discernement et à la préparation directe au ministère de diacre, que sur la pratique ministérielle elle-même et la formation permanente des diacres déjà ordonnés. Notons enfin que les directives des deux textes visent tous les diacres, ceux des diocèses, bien sûr, mais aussi ceux des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique.

Nous en resterons, dans le cadre de cet article, à quelques éléments soulignés dans le premier document. Celui-ci veut s’appuyer sur une théologie sûre du diaconat : de par sa configuration spécifique au Christ, Seigneur et serviteur de tous (n°5), le diacre (et est ici reprise la fameuse formule de LG 29) n’est pas ordonné "ad sacerdotiumsed ad ministerium". Il reçoit, au moment de l’ordination, une grâce sacramentelle spécifique (n° 7) : le caractère diaconal est le signe distinctif qui, gravé dans l’âme de façon indélébile, configure la personne ordonnée au Christ qui s’est fait diacre, c’est-à-dire, une fois encore, "serviteur de tous". Les trois "munera" propres au ministère ordonné se retrouvent ainsi distribués selon la perspective spécifique de la diaconia (n° 9 : triple service de la liturgie, de la parole et de la charité ; cf. aussi le n° 44). Le diacre est en définitive appelé à vivre d’une spiritualité du service qui est celle de toute l’Eglise (n° 11).

Voyons maintenant, de façon plus précise, comment se pose la question du discernement et de la formation initiale des "candidats" au diaconat.

Les acteurs concernés
Qu’il s’agisse de vocation intérieure, d’interpellation par quelqu’un de l’extérieur ou d’appel décisif (nous reviendrons plus loin sur ces trois termes), le texte de Rome précise que ce sont toujours les évêques qui sont (et qui doivent être) en première ligne, que ce soit au niveau des Conférences épiscopales ou que ce soit à l’intérieur d’un diocèse précis. On va jusqu’à affirmer que la restauration du diaconat, si elle n’apparaît pas "opportune", n’est pas de droit requise dans tous les diocèses (n° 16) !

En tout cas, c’est toujours sous la responsabilité directe de l’évêque que se mettent en place les acteurs et les structures qui vont permettre le travail d’appel, de discernement, de formation, d’accompagnement. Certes, l’évêque, ici, comme tout un chacun, se soumet à l’Esprit (n° 18), premier vrai "protagoniste" ; mais c’est lui, précisément, qui est le premier signe et l’instrument de l’Esprit du Christ (n° 19).

Quatre préposés principaux à la formation sont alors nommément désignés :

  • le directeur de la formation (n° 21). Nommé par l’évêque, il assure et coordonne tout le processus et présente à l’évêque, au jour de l’ordination, les "aspirants" et "candidats", après avis des autres partenaires (sauf, évidemment, le directeur spirituel) sur le jugement d’idonéité. Cet homme est prêtre ou diacre, et, si possible, autre que le responsable des diacres déjà ordonnés.
  • le tuteur (n° 22). Accompagnateur direct de chaque aspirant ou candidat, il est chargé, au for externe, de suivre de près le cheminement de chacun. Son rôle mérite, à mon avis, d’être souligné au passage : nous avons là, très certainement, un élément original dans le processus de discernement engagé.
  • le directeur spirituel (n° 23). Choisi par chaque aspirant ou candidat, il doit être approuvé par l’Evêque ou le Supérieur majeur (il est bon que l’épouse, dans la mesure où elle est impliquée de part en part, soit, elle aussi, accompagnée ; cf. également les n° 54 et 56 du texte).
  • le curé (n° 24). Répondant pastoral nommément désigné pendant le temps de formation, il est notamment chargé de la vérification périodique du travail apostolique et pastoral fourni par le candidat.

A ces quatre préposés, il convient d’ajoutertrois instances "collectives" qui ont également toute leur importance :

  • les enseignants (n° 25). Pendant la formation intellectuelle et doctrinale proprement dite, ce sont eux qui doivent alimenter la foi des candidats et les habiliter à la fonction de maîtres du peuple de Dieu.
  • la communauté de formation (n° 26). Il s’agit ici de la communauté ecclésiale spécifique constituée par les futurs diacres, leurs épouses et leurs formateurs ; elle influe profondément sur l’ensemble du processus.
  • les communautés d’appartenance (n° 27). Commentons ici plus librement : celles-ci peuvent être variées : famille, communauté paroissiale, groupes ecclésiaux divers, communautés auxquelles, dans certains diocèses, on n’hésitera pas à ajouter les collègues de travail du futur diacre. Avouons que, là encore, nous avons un profil original dans le processus global de discernement et de formation du futur ministre.

Le document romain évoque enfin [ 6 ]  :

  • l’aspirant ou candidat lui-même (n° 28). Celui-ci sait (ou doit savoir !) que toute formation est d’abord et avant tout une "autoformation". Et cette dernière doit se dérouler dans la ferme détermination à croître dans la vie selon l’Esprit, en conformité à la vocation reçue, alimentée dans l’humble disponibilité à reconnaître ses propres limites et ses propres dons.

Le profil des candidats.
Autant le n° 28 du texte conclut ainsi une première séquence consacrée à tous les acteurs concernés, autant le n° 29 inaugure un nouveau développement, portant soigneusement sur le profil des candidats. Vu l’importance, pour notre sujet, de ce n° 29 qui s’attaque d’emblée à la question du "discernement ecclésial", il convient de le citer en entier.

"L’histoire de toute vocation sacerdotale comme d’ailleurs de toute vocation chrétienne, est l’histoire d’un dialogue ineffable entre Dieu et l’homme, entre l’amour de Dieu qui appelle et la liberté de l’homme qui, dans l’amour, répond à Dieu (cf. Jean-Paul II, Pastores dabo vobis n° 36). Mais, à côté de l’appel de Dieu et de la réponse de l’homme, il y a un autre élément constitutif de la vocation et en particulier de la vocation ministérielle : l’appel public de l’Eglise. "Vocari a Deo dicuntur qui a legitimis Ecclesiae ministris vocantur" (Catechismus ex decreto Concilii Tridentini ad Parochos, pars II, c. 7, n° 3). L’expression ne doit pas s’entendre en un sens à prédominance juridique comme si c’était à l’autorité qui appelle de déterminer la vocation, mais en un sens sacramentel qui considère l’autorité qui appelle comme le signe et l’instrument de l’intervention personnelle de Dieu, qui se réalise dans l’imposition des mains. Dans cette perspective, toute élection régulière traduit une inspiration et représente un choix de Dieu. Le discernement de l’Eglise est donc décisif pour le choix de la vocation ; ceci vaut d’autant plus, en raison de sa signification ecclésiale, pour le choix d’une vocation au ministère ordonné.

Un tel discernement doit être conduit sur la base de critères objectifs qui mettent à profit l’antique tradition de l’Eglise et tiennent compte des nécessités pastorales actuelles. Parmi les qualités à prendre en considération pour le discernement des vocations au diaconat permanent, les unes sont d’ordre général et les autres plus en correspondance avec l’état de vie particulier des appelés."

On le voit, ce passage constitue un bon résumé des enjeux et débats de notre session. Observons tout d’abord que le choix de Dieu y reste prioritaire : Dieu est "nommé" six fois, et l’Eglise, chargée de discerner et de ratifier ce choix, ne l’est que trois fois. Relevons également l’expression finale, dans la mesure où, soulignant non seulement les qualités générales mais également "l’état de vie particulier des appelés", elle contribue au profil original que nous cherchons à détecter ici.

Les aptitudes requises sont donc fonction à la fois de qualités générales et de qualités spécifiques, détaillées avec soin par la suite (aux n° 36 à 39) ; sont successivement examinés : le cas des diacres appelés à demeurer célibataires, lesquels garderont "un cœur non partagé" ; puis celui des hommes mariés, dont l’expérience familiale doit être "positive", avec soutien et consentement de l’épouse ; celui, encore, du veuf, appelé à rester "humainement et spirituellement solide" ; celui, enfin, des diacres incorporés dans les instituts de vie consacrée ou les sociétés de vie apostolique.

Le texte balise alors, de façon relativement classique, l’itinéraire de la formation (n° 40 à 65) : présentation, période propédeutique, rite liturgique d’admission parmi les candidats, collation requise des ministères du lectorat et de l’acolytat, puis enfin, ordination diaconale elle-même. Notre document précise au passage que le temps de la formationdure au moins trois ans pour tous, et que des adaptations peuvent être prévues, que ce soit pour les jeunes candidats (n° 50), ou pour les candidats d’âge plus mûr (n° 51) : se fait jour, ici, une réelle souplesse des modèles d’organisation.

Les dimensions de la formation
Au terme de notre brève enquête dans ce texte officiel appelé à faire date pour longtemps, nous pouvons souligner une analogie assez constante avec la Ratio qui préside aujourd’hui à la formation des futurs prêtres : il apparaît clairement, dans les deux types d’itinéraires, que le discernement ne peut correctement s’effectuer sans un véritable travail collégial où sont engagés beaucoup d’acteurs. Dans les deux cas, est également fortement soulignée l’importance de la durée du parcours et des seuils à franchir. Enfin, on met partout en relief le caractère décisif d’une unification de toutes les dimensions de la formation (humaine, spirituelle, doctrinale, pastorale). Le sérieux du travail ecclésial est ainsi présent à chaque instant et à chaque étape du processus, au point que l’on peut se demander si les diocèses ont, et auront tous, les moyens de répondre concrètement à des exigences aussi cadrées, nécessitant partout un "personnel" nombreux, disponible et compétent...

Normes pour la formation [ 7 ]

Ce texte de novembre 2000 s’inspire étroitement de celui de Rome, mais avec quelques pointes originales qu’il est bon de relever. Deux points semblent particulièrement remarquables pour notre propos :

  • Tout d’abord, la qualité des repères proposés au moment du premier discernement. On y retrouve nettement l’orientation missionnaire, soulignée, on l’a dit, dès 1966 et 1967, puis rappelée en 1970 (ainsi, d’ailleurs, qu’en 1996). L’axe est nettement accentué en direction des exclus de la société, et il faut savoir que ces références importantes sont elles-mêmes soulignées en gras dans le texte original.
  • L’insistance, ensuite, sur les trois ans de formation complémentaire après l’ordination. Ces trois ans font suite aux trois ans de formation initiale, mais c’est le tout qui constitue, de manière indivisible, la formation fondamentale, avant même que soit envisagée la nécessité de la formation permanente (là encore, le texte des évêques souligne lui-même en gras ces points d’insistance).

II - Essai de reprise théologique

En m’appuyant sur les travaux assez remarquables menés depuis trois décennies (sans pouvoir évidemment citer tous les théologiens concernés), je voudrais maintenant défendre la "thèse" suivante : le discernement des vocations au ministère de diacre relève d’un travail continu de cohérence qui a, ecclésialement parlant, son profil propre. C’est bel et bien l’originalité de ce "processus instituant" qu’il s’agit de dégager, et j’insisterai, pour ce faire, sur trois grandes déterminations.

Un travail de discernement ecclésial

Au niveau de l’Eglise diocésaine

  • Une mission reçue de l’évêque. Si, on l’a vu, l’évêque est au cœur du dispositif (au départ comme à l’arrivée), moyennant le respect des longues et complexes médiations que l’on a évoquées, il faut préciser, dans la ligne de l’antique Tradition apostolique de saint Hippolyte de Rome, que le diacre n’existe que d’être vraiment appelé (en tant que) "diacre de l’évêque [ 8 ]." Je voudrais donc commencer ici par l’arrivée, par l’aval, c’est-à-dire par la mission reçue au jour de l’ordination, laquelle constitue à la fois un terminus ad quem et un terminus a quo. Les aptitudes discernées pour l’appel qui convoque à la mission doivent être (à mon avis du moins) directement référées à l’échelon même du diocèse. C’est bien, en d’autres termes, en tant que "diacres de l’évêque", que les ministres concernés sont d’emblée requis et convoqués à "niveau diocésain", et non pas d’abord à hauteur d’une paroisse, d’un secteur ou d’un doyenné. Et si leur vocation a, sacramentellement parlant, cette dimension diocésaine, cela ne peut pas ne pas jouer dans le processus de discernement et de formation. Autrement dit, là encore, si l’évêque appelle (et est comme "tenu à appeler") ce n’est pas en fonction d’idées générales, mais en fonction des besoins précis du diocèse et, du coup, discernement et formation sont eux-mêmes tenus de s’adapter au profil de la mission envisagée [ 9 ]. Reste simplement à s’assurer que les garanties existent pour que la vocation du futur diacre tout autant que les aptitudes que l’on peut déceler chez lui soient, de part en part, intégrées à cette exigence "directement" diocésaine [ 10 ].
  • Une mission qui doit rester "spécifique". Ici, il vaut la peine de reprendre brièvement les statistiques établies par le Comité National du Diaconat au 30 juin1999. Plus de la moitié des missions reçues par les diacres sont, de fait, des missions spécifiques (837 sur 1418), 354 étant en corrélation directe avec la profession exercée, et 186 "seulement", si j’ose dire, touchant la mission pastorale territoriale [ 11 ]. Bien sûr, dans la lettre de mission normalement reçue au jour de l’ordination, plusieurs fonctions sont cumulables (et l’on estime d’ailleurs à 2,4 le nombre effectif des charges aujourd’hui confiées à un diacre permanent). Mais il reste à mes yeux significatif que la mission spécifique, reçue le plus souvent à l’échelon du diocèse ou d’un secteur pastoral élargi, et respectant le plus souvent les orientations mises en œuvre par l’épiscopat français, prime nettement sur les charges locales (ce qui peut d’ailleurs éviter les conflits de pouvoir avec les prêtres et/ou les laïcs sur un territoire donné, tout comme les désagréables réputations de "suppléance", "bouche-trou", "prothèse"... qui n’ont pas manqué d’être faites au ministère diaconal).

Articuler vocation, interpellation et appel
Le travail continu de discernement peut et doit alors exprimer, en amont de l’ordination, une interaction originale entre ces trois éléments décisifs que sontla vocation personnelle, l’interpellation effectuée par un tiers et l’appel officiel adressé par l’évêque [ 12 ].

  • Dans la ligne du "premier document romain" et du n° 29 que nous y avons repéré, il reste important de faire jouer ensemble la vocation à l’intime du cœur, à savoir "l’intime conviction d’être appelé par Dieu [ 13 ]" et l’appel de l’Eglise ; en effet, les hommes qui se sentent intérieurement appelés ont à découvrir qu’il ne suffit pas de vouloir être diacre pour le devenir. On ne peut, certes, exclure a priori ceux qui se présentent d’eux-mêmes : la disponibilité qu’ils énoncent est peut-être authentique ! Mais si l’attrait personnel reste indispensable, si le choix libre et conscient du candidat reste requis, le critère décisif pour lui (comme pour les prêtres, d’ailleurs) sera toujours, en dernière instance, l’appel de l’évêque.
  • Toujours en amont - mais nous avons là, du coup, une pratique vraiment originale et que l’on peut mettre en œuvre sans crainte - se trouve l’interpellation : il s’agit de la question directe venue un jour d’une tierce instance (personne ou communauté), question à laquelle un homme se retrouve confronté sans y avoir vraiment songé auparavant, question qui engage chez lui une réflexion de longue durée, et qui peut finir par être perçue à la fois comme un appel de l’Eglise et comme un appel de Jésus. Il y faudra du temps et du "travail sur soi" : "la caractéristique de ces candidats est que, au moment où ils se présentent pour le discernement, ils se demandent encore s’ils sont faits pour le diaconat. Leur intime conviction n’est pas claire [ 14 ]." Mais, incontestablement, le fait que l’Eglise appelle maintenant au ministère des hommes mariés qui n’y avaient pas songé les premiers renouvelle les perspectives de la "vocation". Tout se passe en effet comme si la disponibilité personnelle d’un homme était comme "éveillée" à elle-même, du fait d’avoir en quelque sorte à venir "s’aligner" sur des aptitudes repérées ou pressenties par d’autres. L’Eglise retrouve en tout cas l’audace de convoquer elle-même à un ministère précis, et elle redécouvre en même temps qu’elle est toujours habilitée à le faire. L’interpellation apparaît donc, en définitive, comme une belle pratique traditionnelle, réveillée aujourd’hui par la restauration du diaconat, avec l’avantage d’être souvent plus facile et "évidente" que dans le cas de la prêtrise. Précisons simplement que si elle peut être le fait de plusieurs acteurs ecclésiaux, elle n’a pas à être déclenchée par l’évêque lui-même, afin que la liberté du candidat, comme la liberté de l’Eglise, soient l’une et l’autre sauvegardées.
  • Le terme appel, enfin, désigne toujours clairement l’appel de l’Eglise, l’appel par l’évêque (comme on parlait autrefois d’appel aux ordres). Dans tous les cas de figure, comme pour la prêtrise (et, bien entendu, l’épiscopat), le candidat ne se présente pas de lui-même. Il est présenté à l’Eglise, et quand l’évêque l’ordonne, l’un et l’autre sont engagés par un choix de Dieu qui les dépasse. D’une part, en effet, l’évêque ne peut appeler qu’au nom de Dieu : "Dieu, donne à N. que tu as choisi comme diacre..." D’autre part, la vocation personnelle, non seulement n’est pas supprimée lorsqu’elle est authentifiée par l’appel de l’Eglise, mais c’est précisément dans cet appel qu’elle reçoit une nouvelle amplitude et une nouvelle exigence [ 15 ]. Ainsi, pour préciser ce qu’écrit le n° 29 du premier texte romain évoqué ci-dessus, l’appel de Dieu et l’appel de l’Eglise ne sont pas "à côté" l’un de l’autre, mais bien plutôt intérieurs l’un à l’autre.

Un exercice et une expérience de liberté
La triple intrication que nous venons de rappeler a sans nul doute de quoi renouveler, de façon structurante et unifiante, la question de la liberté : liberté de Dieu, liberté du "candidat", liberté de l’Eglise, médiatisées les unes et les autres par le travail ecclésial engagé. On vérifie ainsi une fois encore, à propos du diaconat, que si rien n’est plus personnel que la vocation à l’ordination (puisque cela touche au plus intime et au plus libre de la relation de chacun avec Dieu), rien non plus n’est plus ecclésial et public (puisque l’appel donne à la vocation, tout autant qu’à l’interpellation, un statut public définitif). Mais ce qui est ici original, spécifique, c’est que Dieu a choisi cet homme-là comme signe sacramentel de l’Eglise servante sans le retirer des conditions ordinaires de son existence d’homme, un homme engagé le plus souvent dans le mariage et la responsabilité parentale, le plus souvent aussi engagé professionnellement dans la société. Un tel "choix de Dieu" peut toujours apparaître inattendu, déconcertant, mais dans la mesure où il est en même temps vérifié et authentifié dans et par le discernement des aptitudes requises, il fonde et exige la liberté de tous les partenaires concernés.

Un travail de discernement théologique

Un travail continu de discernement, qui se laisse vraiment guider par la théologie et la spiritualité du diaconat, est nécessaire.

Faisons le point, en reprenant brièvement les choses d’un peu plus haut : le diaconat, en tant que degré "propre" (adjectif préférable à "inférieur") de la hiérarchie exprime en acte, au bénéfice de toute l’Eglise, une configuration sacramentelle au Christ Serviteur : par la triple charge de la charité (qui reste, quoi qu’il arrive, "la plus grande des trois"), de la parole et de la liturgie, "le diaconat est comme la traduction institutionnelle de la vocation de l’Eglise servante et pauvre au milieu du monde [ 16 ]."

"Ce que tous ont à faire dans l’Eglise, certains ont à le signifier de manière particulière" : on le voit, la célèbre dialectique quelques-uns/tous s’applique donc, elle aussi, de plein droit au diaconat permanent. Celui-ci est une chance pour l’Eglise, pour l’ensemble du peuple de Dieu, pour les évêques, les prêtres... et les diacres eux-mêmes ! L’insistance sur le fait que le diaconat n’est pas une suppléance (notamment dans la répartition des tâches liturgiques), mais une figure spécifique du ministère reçu et conféré par ordination, peut d’ailleurs s’appuyer sur le fait que sa restauration a été décidée à une période où les séminaires étaient encore pleins ! Au moment où les pays développés continuent de subir une diminution vertigineuse du nombre de prêtres, le diaconat doit suivre sa route propre, en manifestant pleinement par lui-même que l’Eglise a aujourd’hui un besoin urgent de ce signe sacramentel-là, elle qui se veut servante et pauvre, prête à servir tout homme et tout l’homme dans des actes de guérison, de réconciliation, de restauration d’une dignité perdue, etc. Et quelle que soit demain la configuration de la prêtrise, on ne peut donc se priver, concernant le diaconat, d’un tel appel de l’Esprit, d’une telle richesse de renouvellement de la vocation ecclésiale. Il est clair, de toute façon, que l’on ne reviendra plus en arrière : les appels de l’Esprit continueront donc, sans nul doute, d’exiger, de la part de tous, une conversion des mentalités, pour que, dans chaque Eglise locale, l’on en vienne à traduire concrètement dans les faits l’articulation vivante entre les trois degrés du sacrement de l’Ordre.

Prendre au sérieux les " considérants " anthropologiques

Dernier trait que nous voudrions encore souligner, après l’avoir déjà évoqué au passage : la chance du diaconat, notamment avec la barre de l’âge minimal (25 ans pour les célibataires, 35 ans pour les hommes mariés, condition à laquelle l’épiscopat français ajoute les 10 ans requis de mariage), c’est également de pouvoir interpeller et appeler des hommes qui sont normalement vraiment des adultes, partageant la condition de vie ordinaire du plus grand nombre. Avant de parler des aptitudes requises, les textes officiels insistent donc à juste titre sur les qualités déjà trouvées dans l’état de vie des candidats. La maturité humaine éprouvée de ces derniers, leur statut le plus fréquent d’homme marié et de père de famille, leur activité professionnelle, la vérification progressive des qualités que l’on attend d’eux, le rôle original confié à leur épouse, mais aussi à leurs enfants, voire à leurs collègues de travail et à leurs amis, etc. : tout cela manifeste déjà bien pourquoi et comment on peut interpeller des hommes déjà pleinement engagés dans la conduite de leur existence, des hommes qui ont déjà appris à humaniser celle-ci dans l’aventure de la foi ecclésiale. A ce titre, il nous semble que mieux vaut encore appeler aujourd’hui des "candidats" d’un certain âge, ayant fait la preuve de la solidité de leur foyer, moins soumis aux aléas (extrêmement prégnants aujourd’hui) de la vie professionnelle, ayant des enfants qui, autant que faire se peut, ont eux-mêmes déjà traversé les turbulences de l’adolescence. L’enracinement familial, l’épanouissement professionnel (jusqu’à la solidité de la situation financière), doivent être pour les diacres et les futurs diacres des soutiens réels et constants, et non pas des "obstacles" de plus à franchir... Nous l’avons vu plus haut, les statistique ne trichent pas : en 35 ans d’expérience, l’Eglise, de fait, a plutôt appelé des hommes autour de la cinquantaine ou déjà en retraite professionnelle. Une telle constante ne peut être sans signification.

Rappelons ici au passage (et là encore, c’est une richesse pour l’ensemble de l’Eglise) que tous les métiers peuvent être représentés : "les diacres peuvent venir de tous les milieux sociaux et exercer n’importe quelle activité professionnelle, pourvu que, selon les normes de l’Eglise et au jugement prudent de l’évêque, elle ne soit pas inconvenante à l’état diaconal. Par ailleurs, cette activité doit être pratiquement conciliable avec les engagements de formation et l’exercice effectif du ministère" (Premier texte de Rome, n° 34). En France on précise que : "Par décision de l’autorité civile française, les instituteurs publics du primaire ne peuvent être ordonnés diacres. De son côté, l’autorité militaire n’interdit plus l’ordination mais exige que la mission du diacre s’exerce seulement hors de l’armée [ 17 ]." Avec une palette aussi large, les diacres, que l’on désigne souvent comme les "hommes du seuil", peuvent non seulement partout signifier sacramentellement le Christ serviteur, mais le faire en tant que ministres de l’Eglise sur les terrains de mission les plus urgents et les plus inattendus.

Conclusion

La restauration du diaconat permanent reste, sans nul doute, une pierre de touche pour la réception, encore à venir, de Vatican II. Et grâce aux textes officiels,aux travaux des théologiens, à l’expérience du terrain à l’échelon des diocèses, nous avons maintenant de bons outils pour continuer le travail de discernement, de formation et d’appel.

Y a-t-il des risques ?

Oui, toujours, quand il s’agit d’êtres humains, finis, pécheurs, divisés... Oui, sur le terrain, les déceptions, les échecs, les erreurs existent, y compris dans le travail de discernement. Le péché, la non-articulation des rôles, les conflits de pouvoir, les difficultés d’ordre conjugal et familial pour les diacres mariés, la concurrence avec les prêtres et d’autres acteurs ecclésiaux ne sont pas des vues de l’esprit. Mais n’est-ce pas là le risque inhérent à tout renouvellement de la vie ? Et quand il s’agit d’un grand corps aussi complexe que celui de l’Eglise, dans notre Eglise "humaine, trop humaine", on comprend que ce risque existe et doit être assumé comme tel : Ecclesia semper purificanda.

Y a-t-il des chances ?

Oui, et, bien évidemment, infiniment plus. La restauration du diaconat, que l’on n’aura sans doute même plus, un jour, à appeler "permanent", sa vitalité assez étonnante, représentent aujourd’hui pour toute l’Eglise, et notamment pour chaque Eglise locale, une chance réelle et des exigences neuves dans l’art d’appeler à la mission commune des collaborateurs qualifiés et inattendus, dans l’art d’exprimer de façon plus visible et lisible pour nos contemporains la ministérialité de toute l’Eglise, à l’heure où l’on parle de "temps nouveaux pour l’Evangile". De plus, on l’a vu, le sérieux du processus de discernement engagé par rapport à un état de vie précis a vraiment de quoi faire vivre "autrement" les critères traditionnels de l’intention droite, de la liberté spirituelle devant Dieu et de l’aptitude à la charge pastorale... Enfin, avec beaucoup de commentateurs, on peut encore insister sur la chance de renouvellement apportée dans le mystère de la vocation elle-même. Du fait que l’on peut précisément aujourd’hui apprendre à combiner une théologie d’états de vie différents, qui disent que "la gloire de Dieu, c’est bien l’homme vivant", il est clair que la restauration du diaconat rénove l’ensemble du dispositif sacramentel qui ne cesse de "faire" l’Eglise. Baptême, confirmation, mariage et ordre sont à nouveau vécus ensemble dans la "chair" des diacres, et nous n’avons pas fini de découvrir les fruits d’une telle redécouverte, y compris sur le terrain de l’œcuménisme. Je me permets, pour finir, de citer ici, à nouveau, Alphonse Borras et Bernard Pottier : "Il existe à nouveau dans l’Eglise des clercs mariés... par le passé, on a beaucoup étudié la chasteté, la continence et le célibat, ecclésiastiques ou consacrés. Indépendamment, on a développé également toute une théologie et spiritualité du mariage. Avec l’apparition de cette nouvelle exigence, on est invité à élaborer une réflexion qui touche à la fois l’un et l’autre état de vie et leur fournit une dimension commune dont l’importance est peut-être plus grande qu’il n’y paraît à première vue. N’y a-t-il pas là une occasion à saisir pour articuler l’une sur l’autre une théologie et une spiritualité de ces deux états de vie, cessant de les voir comme opposés ou intrinsèquement différents ? La liberté chrétienne qui s’exerce dans l’engagement à la stabilité de l’état de vie n’est-elle pas la même dans les deux cas ? En viendra-t-on à articuler de surcroît une spiritualité adaptée au diacre marié qui vit à la fois le sacrement de mariage et le sacrement de l’ordre ? Là encore, la théologie sacramentaire y gagnera sans doute un chapitre inédit, qui nous rapprochera à coup sûr des Eglises d’Orient [ 18 ]".

Bref, les risques et les limites entrevus sont aussi le prix à payer d’un appel de l’Eglise qui renouvelle sa propre vocation à servir le Seigneur et à servir comme le Seigneur, Serviteur de tous. Avec la spécificité de la vocation et de l’appel au diaconat, nous avons à nouveau sous les yeux un beau processus instituant, où se dessine lentement mais sûrement un nouveau visage de l’Eglise, laquelle redécouvre avec bonheur qu’elle n’est jamais seulement semper convocata mais aussi, et fort heureusement, semper convocans.

Notes

1 - Cf. les textes 1 et 2 donnés en annexe. Observons que par rapport à Lumen Gentium 29, donnant un descriptif assez classique de la fonction des diacres, Ad Gentes 16 voulait sans doute dessiner, à l’usage des jeunes Eglises, un profil plus missionnaire, lequel, hélas, n’a pas toujours été suivi d’effets. [ Retour au Texte ]

2 - Voir Documentation Catholique 67, 1970 p. 318. . [ Retour au Texte ]

3 - Ceux-ci sont rappelés dans notre bibliographie jointe, en fin d’article. . [ Retour au Texte ]

4 - Ce qui explique l’importance des discours de Jean-Paul II aux diacres d’Amérique du Nord ; on en trouvera quelques extraits significatifs dans le petit ouvrage Diacres de Jésus-Christ, collection "Ce que dit le Pape", Paris, Fayard, 1991. . [ Retour au Texte ]

5 - Cf. Documentation Catholique n° 2181 du 3 mai 1998, p. 405-447. . [ Retour au Texte ]

6 - Cf. annexe, texte 3. . [ Retour au Texte ]

7 - Cf. annexe, textes 4 et 5. . [ Retour au Texte ]

8 - "Le diacre n’est pas ordonné au sacerdoce, mais au service de l’évêque, pour faire ce que celui-ci lui indique", La Tradition apostolique § 8 (vers 215 après J-C), Sources chrétiennes 11 bis, Paris, Cerf, 1968, p. 59. . [ Retour au Texte ]

9 - Ces points d’insistance sont perceptibles dans le livre de Michel Cancouët et de Bernard Violle, Les diacres, Paris, Desclée, 1990, p. 111-124, ainsi que dans l’article d’Hervé-Marie Legrand, "L’originalité du ministère des diacres. Une réflexion théologique", Les Cahiers de l’Atelier (Masses Ouvrières), janvier-mars 2001, p. 59-75 (cf. notamment les p. 73-74). . [ Retour au Texte ]

10 - Le deuxième texte romain parle d’abord du ministère paroissial (n° 41) avant d’évoquer le ministère diocésain du diacre permanent (n° 42) ; nous plaidons ici, on l’aura compris, pour une sorte d’inversion des priorités. . [ Retour au Texte ]

11 - Le journal La Croix du 19 février 2000 apporte quelques précisions intéressantes : les principaux champs d’activité des diacres sont le monde de la santé (pour 40 % d’entre eux) et le secteur social au sens large (33 %). . [ Retour au Texte ]

12 - Pour ce triple vocabulaire, nous nous inspirons des remarques d’Hervé-Marie Legrand dans Diaconat aujourd’hui, n° 12-13 de septembre 1980. . [ Retour au Texte ]

13 - Expression de Michel Cancouët et Bernard Violle, op. cit., p. 112. . [ Retour au Texte ]

14 - Michel Cancouët et Bernard Violle, ibid. . [ Retour au Texte ]

15 - A ce titre, mais à ce titre seulement, la dénomination usuelle de "candidat" (utilisée par Paul VI en 1972, et, depuis par tous les textes officiels), préférable sans doute à celle d’"aspirant", ne court pas le risque de cette "dérive subjectiviste" souvent dénoncée par Hervé-Marie Legrand. . [ Retour au Texte ]

16 - Alphonse Borras et Bernard Pottier, La grâce du diaconat, questions actuelles autour du diaconat latin, Bruxelles, Lessius, 1998, p. 203. . [ Retour au Texte ]

17 - Les Evêques de France, Le diaconat permanent, normes pour la formation, Paris, Cerf/ Centurion/Fleurus-Mame, 2000, p. 28, n° 1. . [ Retour au Texte ]

18 - Op. cit., p. 204. . [ Retour au Texte ]


Annexes

Texte 1
"Au degré inférieur de la hiérarchie, se trouvent les diacres auxquels on a imposé les mains "non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du service." [Constitutiones Ecclesiae aegyptiacae III,2 : Funk ; Didascalia II, p. 103 ; Statuta Eccl. Ant. 37-41 : Mansi 3, 954]. La grâce sacramentelle, en effet, leur donne la force nécessaire pour servir le peuple de Dieu dans la "diaconie" de la liturgie, de la parole et de la charité (in diaconia liturgiae, verbi et caritatis), en communion avec l’évêque et son presbyterium. Selon les dispositions prises par l’autorité qualifiée, il appartient aux diacres d’administrer solennellement le baptême, de conserver et de distribuer l’Eucharistie, d’assister, au nom de l’Eglise, au mariage et de le bénir, de porter le viatique aux mourants, de donner lecture aux fidèles de la Sainte Ecriture, d’instruire et exhorter le peuple, de présider au culte et à la prière des fidèles, d’être ministres des sacramentaux, de présider aux rites funèbres et à la sépulture. Consacrés aux offices de charité et d’administration, les diacres ont à se souvenir de l’avertissement de saint Polycarpe : "Etre miséricordieux, zélés, marcher selon la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur de tous" (Saint Polycarpe, Ad Phil. 5,2 : Funk I, p. 300. Christus dicitur "omnium diaconus factus" [l’auteur dit : "Le Christ s’est fait le diacre -serviteur- de tous]. Cf. Didache 15,1 : ib. p. 32 ; Saint Ignace, Trall. 2,3 : ib., p.242 ; Constitutiones Apostolorum 8, 28, 4 : Funk ; Didascalia I, p. 530).

Comme la discipline actuellement en vigueur dans l’Eglise latine rend difficile, en plusieurs régions, l’accomplissement de ces fonctions extrêmement nécessaires à la vie de l’Eglise, le diaconat pourra, dans l’avenir, être rétabli en tant que degré propre et permanent de la hiérarchie. C’est à la compétence des groupements territoriaux d’évêques, sous leurs formes diverses, qu’il appartient, avec l’approbation du Souverain Pontife, de décider de l’opportunité, quant aux principes et quant aux lieux, et pour le soin des âmes, de l’institution de ces diacres. Si le Pontife romain y consent, ce diaconat pourra être conféré à des hommes mûrs, même mariés, ainsi qu’à des jeunes gens aptes à cet office, mais pour lesquels la loi du célibat doit demeurer ferme."

(Vatican II, Lumen Gentium 29)

Texte 2
"Là où les conférences épiscopales le jugeront opportun, l’ordre du diaconat devra être rétabli comme état de vie permanent, selon les dispositions de la Constitution sur l’Eglise (LG 29). Il est utile en effet que des hommes qui accomplissent un ministère vraiment diaconal, soit en prêchant la Parole de Dieu comme catéchistes, soit en gouvernant au nom du curé et de l’évêque les communautés chrétiennes éloignées, soit en exerçant la charité dans les œuvres sociales ou caritatives, soient fortifiés par l’imposition des mains transmise depuis les apôtres et plus étroitement unis à l’autel, pour qu’ils s’acquittent de leur ministère plus efficacement, au moyen de la grâce sacramentelle du diaconat. "

(Vatican II, Ad Gentes 16 (7 décembre 1965) [traduction du Centurion, Paris, 1967, légèrement modifiée])

Texte 3
L’aspirant et le candidat.
[...] "Celui qui se prépare au diaconat doit se dire protagoniste nécessaire et irremplaçable de sa formation : toute formation est finalement une autoformation" (Pastores dabo vobis n° 69).

L’autoformation ne signifie pas isolement, fermeture ou indépendance par rapport aux formateurs, mais responsabilité et dynamisme dans une réponse généreuse à l’appel de Dieu, en valorisant au maximum les personnes et les instruments que la Providence met à disposition.

L’autoformation a son origine dans une ferme détermination à croître dans la vie selon l’Esprit en conformité à la vocation reçue et elle s’alimente dans l’humble disponibilité à reconnaître ses propres limites et ses propres dons.

(Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents, Document de la Congrégation pour l’Education catholique du 22 février 1998, n° 28)

Texte 4
Critères pour un premier discernement [N.B. : à propos de la période initiale, discernement préalable à l’entrée dans un groupe de recherche]

n° 6 : Qualités requises
"On admettra à la préparation diaconale des hommes mariés ou célibataires de valeur humaine, professionnelle et spirituelle attestée par les chrétiens qui les connaissent. Il est important que ceux-ci soient assez discrets pour ne pas handicaper la liberté de l’éventuel candidat.

L’expérience a confirmé les repères suivants :

  1. Maturité humaine : des hommes pas trop âgés, pour qu’ils puissent exercer activement et durablement le ministère, des hommes psychologiquement équilibrés, ouverts au dialogue et capables de communiquer.
  2. Vie familiale : s’ils sont engagés dans le mariage, des hommes dont le foyer donne un bon témoignage et qui aient le consentement et la compréhension de leur épouse. On veillera aussi à la manière dont les enfants peuvent accueillir la démarche de leur père.
  3. Vie professionnelle : des hommes reconnus dans leur profession, par leur qualification, leur valeur humaine, leur sens des responsabilités à l’égard des autres ; des hommes qui aient donné un authentique témoignage de laïcs et dont l’expérience ne se limite pas à l’intérieur de la communauté ecclésiale.
  4. Vie chrétienne  : des hommes bons et honnêtes, de valeur spirituelle sérieuse, ayant une vie sacramentelle personnelle, capables d’obéissance et de communion fraternelle, manifestant un esprit de collaboration dans les services vécus et qui acceptent de s’interroger sur une possible orientation diaconale. On sera particulièrement attentif à discerner des hommes vivant en solidarité avec les délaissés, les exclus, les jeunes, les familles, ainsi que les hommes vivant dans des lieux où se prennent des décisions concernant le développement.
  5. Vie ecclésiale : des hommes ayant le sens de l’Eglise, déjà liés à une ou des communautés chrétiennes, en relation avec des chrétiens, prêtres ou laïcs (notamment des laïcs appartenant aux groupements organisés), capables de communion avec d’autres vivant des réalités très différentes ; des hommes dont on pense que le ministère sera accueilli favorablement par l’entourage. Qu’ils aient le sens et la pratique du dialogue oecuménique serait bon signe.

Au départ du cheminement, certaines des aptitudes requises peuvent être seulement amorcées mais il faut avoir un espoir fondé d’un progrès suffisant pour répondre aux exigences du ministère diaconal. Les discernements successifs permettront les vérifications utiles. Mais il importe que ceux qui sont admis en groupe de recherche aient déjà fait l’expérience d’engagement dans un service effectif."

(Les Evêques de France, Le diaconat permanent, normes pour la formation, novembre 2000)

Texte 5
A propos de la formation fondamentale

11. Durée et étapes
"Selon les prescriptions de la Conférence des évêques de France, la formation s’échelonne normalement sur six années de formation dite "fondamentale" :

  • trois ans, au moins, avant l’ordination : "formation initiale", faisant suite à l’étape de recherche ;
  • trois ans près l’ordination : "formation complémentaire" qui doit permettre la mise en œuvre et l’approfondissement de la pratique ministérielle. En aucun cas, on ne peut considérer la formation complémentaire comme facultative.

Elle devra se prolonger dans une "formation permanente" tout au long de la vie ministérielle du diacre. Ces points seront développés ci-dessous et en quatrième partie".

12. Une situation tenant compte des situations et de l’objectif poursuivi
" La formation fondamentale propose un parcours spirituel, théologique et pastoral unifié et structuré par la perspective du ministère diaconal. Il devra être aménagé en tenant compte des acquis et des formations antérieures. Mais on n’oubliera pas que ceux-là mêmes qui ont déjà une solide formation ont cependant besoin de temps et de moyens appropriés pour unifier leur vie et leur pensée selon leur vocation au ministère diaconal. Les épouses ont également besoin de temps pour le cheminement spirituel qui leur est propre.

Le temps de discernement a normalement modifié l’équilibre intérieur des intéressés. Ils réalisent mieux l’évolution à laquelle ils sont appelés : une fois ordonnés, ils auront à se situer avec les autres ministres ordonnés et acteurs pastoraux, en responsables, dans l’obéissance à l’évêque et en communion avec lui. Ils entrevoient et, dès avant l’ordination, ils expérimentent ce que cela va entraîner dans leur environnement familial et professionnel. A côté des enseignements magistraux, le partage en groupe de leur expérience passée, de leurs questions et réactions actuelles, contribuera fortement à mûrir leur personnalité diaconale. Des temps de contact avec les diacres déjà formés seront utiles. Généralement les futurs diacres et diacres vivent de façon heureuse un tel partage de richesses dans la diversité des origines sociales et des parcours ecclésiaux. La pédagogie mise en œuvre devra favoriser cette formation mutuelle.

Temps d’apprentissage dans la réponse à une vocation, le temps de formation est un moment privilégié pour orienter plus radicalement sa vie à la suite du Christ. Temps de relecture et de discernement à partir d’une expérience humaine déjà forte, le temps de formation sera un temps d’accueil et de découverte d’aspects de la vie des hommes qui leur sont peu familiers. Temps de maturation et d’unification d’une vie chrétienne déjà solide, le temps de formation sera aussi un temps de découverte de l’Eglise diocésaine et de l’Eglise universelle dans leurs richesses et leurs diversités."

(Les Evêques de France, op. cit.)


Eléments de bibliographie

Textes officiels

o Concile Vatican II : essentiellement Lumen Gentium 29 et Ad Gentes 15 et 16 [pour un commentaire complet, cf. Philippe Xeber in Diaconat XXIe siècle, Bruxelles, 1997, p. 77-99].
o Paul VI :

- Motu proprio Sacrum Diaconatus Ordinem, 18 juin 1967.

- Lettre apostolique Ad Pascendam, 15 août 1972.
o Code de Droit Canonique (1983) : canons 236, 276, 281 §3, 288 (droits et obligations des diacres permanents) ; canons 1008, 1009, 1015 §1, 1016 (l’ordre du diaconat articulé à celui de l’épiscopat et du presbytérat) ; canons 1024 à 1031, 1032 §3, 1033 à 1039, 1040 à 1054 (les conditions requises pour l’ordination). [cf. l’étude très complète d’Alphonse Borras, "Le Diaconat dans le Code de droit canonique" in Diaconat XXIe siècle, p.173-200 ; cf. aussi Roch Page, Diaconat permanent et diversité des ministères. Perspective du droit canonique, Montréal, Editions Paulines, 1988].
o Jean-Paul II, Diacres de Jésus-Christ, coll. "Ce que dit le Pape"Paris, Le Sarment/Fayard, 1991.
o Catéchisme de l’Eglise catholique (1993) n°1569-1571.
o Les Evêques de France :

- Vers l’an 2000. Diaconat, proposition de la foi (Assemblée de Lourdes 1995), Paris, Centurion, 1996.

- Orientations pour la pratique de l’interpellation (Assemblée de Lourdes 1996).

- Les Diacres permanents. Normes pour la formation, collection Documents d’Eglise, (Présentation de Mgr Hippolyte Simon) Paris, Centurion/Cerf/Fleurus-Mame, 2000.
o Congrégation pour l’Education catholique et Congrégation pour le Clergé, "Le Ministère et la vie des diacres permanents" 22 février 1998, Documentation Catholique n° 2181, 3mai 1998, p. 405-447.

Livres

o Borras Alphonse et Pottier Bernard, La Grâce du diaconat, questions actuelles autour du diaconat latin, Bruxelles, Lessius, 1998.
o Cancouët Michel et Violle Bernard, Les Diacres, Paris, Desclée, 1990.
o Collectif, Le Diacre dans l’Eglise et dans le monde d’aujourd’hui, coll. "Unam Sanctam" 59, Paris, Cerf, 1966.
o Collectif, Le Diaconat permanent, recueil de textes théologiques (période de 1973 à 1982), édité par le Centre National du Diaconat, Avignon.
o Collectif (André Haqiuin et Philippe Weber, éd.) Diaconat XXIe siècle, Bruxelles, Lumen Vitae/Novalis/Cerf/Labor et Fides, 1997.
o Colson Jean, La Fonction diaconale aux origines de l’Eglise, Paris, DDB, 1960.
o Schaller Denis, Diacres dans le monde d’aujourd’hui, Lyon, Apostolat des Editions, 1967.
o Schaller Denis et Bourgeois Henri, Nouveau monde, nouveaux diacres, Paris, Desclée, 1968.
o Warnier Philippe, Le Diaconat, coll. "Tout simplement", Paris, Editions de l’Atelier, 1994.

Revue

Diaconat aujourd’hui, éditée par le Comité National du Diaconat.

Sur le thème "appel, vocation, discernement, formation..."

o Borras Alphonse et Poittier Bernard, "L’Appel de l’Eglise et l’investiture sacramentelle" op. cit. p. 101-105.
o Cancouët Michel et Violle Bernard, "Discernement et marche vers le diaconat" op. cit. p. 111-124.
o Fonteyraud Gérard, p.s.s. "La Formation des diacres en France" Diaconat aujourd’hui n° 90 (septembre/octobre 2000), p. 32-36.
o Leclercq Jean-Pierre, "Diacres, pourquoi ?" in Diaconat permanent, recueil de textes théologiques, p. 111-126.
o Legrand Hervé, "Vocation au diaconat et interpellation, réflexion ecclésiologique à partir de la tradition, in Documents Episcopat n°3, février 1985.
o Legrand Hervé, "Vocation, ordination et ministère des diacres" in Diaconat permanent, recueil de textes théologiques, p. 57-72.
o Legrand Hervé, "L’originalité du ministère des diacres. Une réflexion théologique" in Les Cahiers de l’Atelier (Masses Ouvrières), janvier/mars 2001, p. 59-75.