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Célébration eucharistique, appel à la vie religieuse
Dominicaine, Centre National de Pastorale Liturgique
La célébration eucharistique (et toute célébration chrétienne) entraîne dans un mouvement destiné à transformer l’assemblée et chacun de ses membres : les fidèles sont convoqués et peu à peu sollicités par un dynamisme spirituel qui les constitue à chaque fois en « peuple que Dieu envoie dans le monde ». Ainsi, à sa manière propre, la célébration eucharistique invite à vivre « symboliquement » l’aventure chrétienne. Celle des Apôtres, depuis leur appel et leur rassemblement jusqu’à leur envoi en mission dans le monde sous le souffle de l’Esprit, ou bien celle des disciples d’Emmaüs, avec cette découverte progressive du Seigneur, qui renverse leur route. Et celle de toute vocation. L’Eucharistie est située au cœur de la vocation religieuse et toute la structure de la célébration de la messe met en valeur des éléments importants du mystère chrétien qui font aussi partie de l’appel à la vie consacrée.
La célébration eucharistique apparaît trop souvent comme une succession de prières, de rites, de textes que nous risquons de mettre sur le même plan. Or, il s’agit d’éléments différents, aux fonctions multiformes, appelant de nous des attitudes variées. Ils trouvent leur unité dans une attitude intérieure aux expressions diverses, dans une structure et un déroulement qui offrent à l’assemblée et à chaque participant d’entrer progressivement dans l’attitude spirituelle qui les conduira jusqu’à la communion au sacrifice du Christ.
Le mot “vocation” vient du verbe latin vocare qui signifie“appeler”. Celui qui estime avoir la vocation religieuse découvre qu’il a été appelé par le Seigneur. Ce n’est pas lui qui s’est donné cette vocation, il la reçoit. De même, à chaque messe, nous sommes appelés, convoqués (con-vocare : appeler ensemble), c’est le Seigneur qui nous invite, c’est lui qui nous rassemble, nous sommes sollicités pour répondre. L’initiative vient du Seigneur, pas de nous. C’est Dieu qui vient à nous et nous allons vers lui. Cet échange merveilleux met en valeur l’originalité chrétienne. Il trouve sa source dans le mystère de l’Incarnation, dans le fait que le Christ est à la fois Dieu et homme. S’établit alors un échange mystérieux entre Dieu et nous. La vocation religieuse nous fait aussi vivre cela.
L’eucharistie : lieu d’assemblée et d’accueil
La messe est un lieu d’Eglise. Dans la célébration, l’Eglise se construit, s’édifie. L’Eucharistie nous fait homme ou femme de notre temps, « aujourd’hui », comme aime à le dire la liturgie. Ce rassemblement eucharistique sans cesse renouvelé est très important pour notre temps. Nous célébrons toujours avec l’Eglise dans sa diversité, même dans une toute petite assemblée.
Par l’Eucharistie, nous pouvons combattre toute tentation de renfermement sur nous-même, ce rassemblement nous ouvre à l’Eglise. Nous vivons là un enrichissement personnel mais aussi un enrichissement plus profond : celui d’une appartenance à une communauté. Bien évidemment, cet aspect est essentiel dans la vocation religieuse : l’appel retentit pour nous au cœur de l’Eglise, dans l’assemblée des chrétiens. C’est pourquoi, en particulier, l’Eglise aime à célébrer la profession religieuse perpétuelle au cœur du rassemblement chrétien. Et la vie religieuse ne cesse de nous ouvrir aux autres, de nous tourner vers les autres.
Pécheurs pardonnés, artisans de réconciliation
Ensemble, nous reconnaissons que nous sommes pécheurs, et nous recevons le pardon de Dieu. C’est en découvrant la miséricorde de Dieu, c’est-à-dire son amour débordant de tendresse qu’il nous est possible de voir notre péché. De même, toute réponse à une vocation commence par l’émerveillement devant la miséricorde du Seigneur à notre égard : le sentiment d’être attendu, accueilli par un amour infini et absolument gratuit.
Au cœur de la vocation religieuse se trouve aussi la dimension de la conversion : un autre aspect de la préparation pénitentielle au début de la messe.
Le fait d’avoir reçu le pardon du Seigneur nous engage à devenir témoins et artisans de réconciliation : cela vaut pour tout fidèle, et a fortiori pour ceux qui sont appelés à la vie religieuse. Par vocation, ils doivent créer des liens, favoriser la paix, témoigner de la sérénité profonde qu’apporte la vie avec le Christ.
Nous accueillons et partageons la Parole de Dieu
A la célébration de l’Eucharistie, nous accueillons la Parole de Dieu pour en vivre. Dieu nous parle. Il vient à nous. Il se révèle. « Dieu silence, tu nous as parlé » : c’est le texte d’un chant qui exprime bien ce mystère de la Parole de Dieu. Or, il ne peut y avoir de vocation chrétienne sans Parole de Dieu accueillie, célébrée, partagée, vécue et donc étudiée, mâchée, ruminée, priée. Toute personne qui s’engage à la suite du Christ le fait en s’appuyant sur les grands croyants de l’Ancien et du Nouveau Testament : Abraham, Moïse, Jean-Baptiste et tous les prophètes, Jésus lui-même, et tous les Apôtres. Ils sont partis, se sont mis en route sur la Parole de Dieu. Cette Parole est pour le religieux la nourriture pour sa vie : aussi bien dans la prière de chaque jour (la liturgie des heures) que dans la célébration des sacrements ou dans sa méditation personnelle. La manière de répondre à la Parole de Dieu est de s’efforcer de la mettre en pratique dans le concret de l’existence.
La proclamation de la Foi : le Credo
Le dimanche, jour du Seigneur, l’Eglise nous fait proclamer le Symbole de la Foi, au cœur de la liturgie eucharistique. Nous manifestons notre foi commune au Père, au Fils et au Saint-Esprit dans la sainte Eglise, et nous sommes ainsi renouvelés dans cette foi. Toute vocation religieuse ne peut être fondée sur autre chose qu’un acte de foi. La profession religieuse est évidemment une profession de foi : il n’est pas étonnant qu’on utilise le même mot. Récemment, au cours d’une conférence, nous avons entendu le cardinal Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles, affirmer que le manque de vocations religieuses correspond au manque de foi en la Résurrection. En effet, comment celui qui croit qu’à la mort tout est fini, peut-il s’engager pour toujours dans les vœux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté ?
La prière universelle : l’Eucharistie nous ouvre au monde
« En faisant la prière universelle, l’Eglise rassemblée, croyant d’une foi ferme à la communion des saints et à sa vocation universelle, manifeste qu’elle est instituée comme la grande suppliante, avocate pour les hommes. C’est un des actes majeurs du « peuple de prêtres, peuple de rois » : participant au sacerdoce du Seigneur, les baptisés peuvent exercer, en lui, par lui, une médiation entre les hommes et le Père des cieux. » (Document officiel sur la Prière Universelle).
Le texte cité par ce document officiel correspond à la parole qui accompagne l’onction du saint-chrême dans la liturgie baptismale. C’est dans ce moment particulier que s’enracine l’exigence, pour le fidèle chrétien, de participer à la prière universelle, c’est à dire de porter le monde devant Dieu. Le baptisé participe ainsi à la mission universelle de l’Eglise. Au cœur de toute vocation chrétienne est inscrite cette dimension de prise en charge de tous les frères et sœurs en humanité. Le religieux, la religieuse, deviennent des frères universels.
Nous célébrons dans l’action de grâce le repas pascal
Après le temps du rassemblement et le partage à la table de la Parole de Dieu qui constituent les deux premiers mouvements de la messe, nous nous réunissons autour de la table de l’Eucharistie. Ainsi nous faisons mémoire de Jésus-Christ mort et ressuscité, en renouvelant, selon son ordre, les gestes de la Cène. Nous l’acclamons vivant, nous accueillons son Esprit-Saint, nous appelons la plénitude de sa venue. En rendant grâce, nous nous unissons à l’offrande qu’il fait aujourd’hui de lui-même au Père pour la vie du monde entier. En communiant, nous entrons en relation nouvelle avec le Père et avec les frères : nous devenons le corps du Christ.
Prendre le pain : le temps de l’offrande
« Comblant la pauvreté de nos dons,
il se livre entre nos mains pour être notre offrande.
Et, dans l’Eucharistie de son Eglise,
Il nous présente avec lui au Père tout-puissant. »(Liturgie orientale, cantique C 54)
Quand nous répondons à l’appel du Seigneur dans la vie religieuse, nous nous offrons à lui mais nous savons que cela est encore un don de sa grâce, une bénédiction. Nous joignons en quelque sorte l’offrande de nous-mêmes à l’offrande du Christ. C’est pourquoi la profession religieuse trouve naturellement son lieu au cœur de l’Eucharistie. Il s’agit profondément du même mystère.
La prière eucharistique
Elle est tout entière action de grâce, mémorial de la Pâque, offrande faite au Père, demande que l’Esprit-Saint accomplisse son œuvre de sanctification. Les éléments qui composent la prière eucharistique sont divers et pourtant ils constituent un dynamisme unique qui anime l’ensemble, un peu à la manière d’une symphonie qui comporte une belle unité mais fait se succéder des thèmes variés.
A l’ouverture, le chant de la Préface met en valeur la reconnaissance de la louange due au Père, par le Christ notre Seigneur, et énumère des motifs d’action de grâce. Que serait la vocation religieuse si elle ne s’efforçait d’être louange à la gloire du Père par le Christ ?
Le Sanctus exprime l’adoration de l’assemblée : ce chant a en quelque sorte une portée cosmique ; l’Eglise de la terre s’unit à l’adoration des anges et des « esprits bienheureux ». Par son aspect le plus profond, la vie religieuse conduit à l’adoration du Seigneur unique.
« Envoie ton Esprit Saint... » C’est par l’Esprit que le mystère pascal s’accomplit dans cette célébration, et son intervention n’est pas de l’ordre de la magie. Elle nous est garantie, mais il est essentiel que nous la demandions : c’est une grâce. Celui ou celle qui chemine vers la vie religieuse sait aussi combien il a besoin de l’Esprit Saint, et reçoit son appel comme une grâce, tout en traversant quelquefois des moments très difficiles de résistance à ce même Esprit Saint. Mais il sait que son chemin est un don de Dieu.
« Vous ferez cela en mémoire de moi. » Il s’agit de Jésus de Nazareth qui, au terme d’une existence donnée dans l’amour, a scellé définitivement sa démarche en acceptant d’être livré ; il s’agit de Jésus ressuscité, source de vie pour le monde entier, dans l’espace et le temps. En célébrant l’Eucharistie, l’Eglise a conscience d’obéir à un ordre du Seigneur. C’est pourquoi la participation régulière des religieux à l’Eucharistie est si importante : le Seigneur l’a demandé à tout baptisé, a fortiori à des personnes qui lui sont particulièrement consacrées et désirent entrer à sa suite dans cette démarche d’offrande de tout leur être au Père.
« Gloire à toi ! Viens ! » Cette acclamation s’adresse au Christ alors que toute la prière eucharistique s’adresse au Père. Le « tu », à ce moment, affirme mieux que tout la « présence réelle » de celui qui, passé par la mort, est vivant et se donne sous les signes eucharistiques. Le « Viens ! » exprime l’impatience d’une rencontre plénière dans la lumière, qui comblera l’attente de toute la création. La vocation religieuse n’est-elle pas le cri qui exprime cette attente active du monde à venir, cette impatience ? Le vœu de chasteté prend ici un relief tout particulier. Il s’agit en quelque sorte de l’anticipation de ce monde de paix, de réconciliation, de lumière.
« Faisant mémoire, nous offrons » (anamnèse). Il ne s’agit pas de se reporter dans le passé, mais de rendre présent, de faire émerger dans notre « aujourd’hui » l’acte unique et décisif de la Pâque. Faisant mémoire de l’offrande du Christ, nous la présentons au Père comme l’offrande de l’Eglise. C’est dans ce même mouvement que s’inscrit la vocation religieuse. L’offrande de nous-mêmes est jointe à l’offrande du Christ.
« Rassemblés par l’Esprit pour devenir offrande. » C’est l’Esprit Saint qui « fait » le corps eucharistique. C’est lui, don par excellence du Christ glorifié, qui fait des croyants-communiants, le corps du Ressuscité. Il fait ainsi de l’Eglise une offrande à la gloire du Père : chacun et tous ensemble deviennent, dans le concret de leur existence, « vivants pour Dieu » (Rm 6, 11). Ce moment de la prière eucharistique, lié au précédent, situe les religieux dans ce qui fait l’essentiel de leur vocation : l’offrande d’eux-mêmes au Christ, dans la communion de toute l’Eglise.
C’est la vie de chacun qui devient offrande spirituelle, ou sacrifice. Ce mot n’est pas toujours bien compris aujourd’hui et laisse chez certaines personnes un goût un peu suranné et même morbide, parfois. Cependant, nous ne pouvons oublier que le sacrifice est un acte positif : même s’il comporte des ruptures, même s’il implique de prendre sa croix pour suivre le Christ, il est essentiellement ouverture à une plénitude d’Alliance qui nous est offerte. Se mettre, à l’image du Serviteur, au service du Père et de ses frères, c’est faire sien l’amour qui est Dieu lui-même, et qui a pris un visage d’homme pour se donner à nous.
Notre participation à l’Eucharistie nous fait entrer dans le mouvement sacrificiel de Celui qui, en entrant dans le monde, a pu dire d’un cœur totalement libre, à son Père : « Voici, je viens faire ta volonté. » Dire son « Amen » à l’Eucharistie -à la prière eucharistique et au Corps du Christ que l’on reçoit en communion - c’est vouloir participer de tout notre être, avec tout ce qui tisse nos journées, au dynamisme d’une offrande qui manifeste que tout est de Dieu, par Lui et pour Lui : pour la louange de gloire de sa grâce, selon l’expression de saint Paul dans la Lettre aux Ephésiens. La vie consacrée des religieux en est le signe permanent dans le peuple des croyants.
La prière du Seigneur
L’Eglise a apposé comme un sceau à la prière eucharistique, où elle exprime l’essentiel de sa foi pascale, la prière reçue du Seigneur. L’Esprit Saint qui vient d’être appelé sur les participants pour en faire un seul corps est aussi celui par qui nous pouvons dire : « Abba, Père ! » Ceux qui sont appelés à la vie religieuse sont aussi ces enfants et ces frères et sœurs du même Père : il leur est demandé de vivre de cette filiation comme un signe dressé, de manière à entraîner tous les baptisés dans ce sillage.
La fraction du pain et la communion sacramentelle
« C’est toi, Seigneur, le pain rompu,
livré pour notre vie.
C’est toi, Seigneur, notre unité,
Jésus ressuscité. »
Les paroles de ce chant composé pour le Congrès Eucharistique International de 1981 expriment bien le sens de la fraction. Ce geste a paru tellement caractéristique qu’il a servi aux premiers chrétiens pour désigner l’Eucharistie elle-même. La tradition en a souligné divers aspects :
• l’unité de ceux qui communient à l’unique Corps du Christ ;
• l’exigence de partage qui en découle ;
• le sacrifice du chrétien (cf. saint Ignace d’Antioche).
Ces trois significations ne se retrouvent-elles pas dans l’essentiel de la vocation religieuse : travailler à l’unité du Corps du Christ, donner sa vie en partage, s’offrir en sacrifice (au sens où nous l’entendons ci-dessus). Mais ce geste révèle aussi le vrai visage de Dieu lui-même qui est partage. Le pain partagé révèle la présence du Christ. C’est à la fraction du pain que les yeux des disciples d’Emmaüs s’ouvrirentet qu’ils reconnurent Jésus... mais il avait disparu de devant eux (Lc24,31). Le vrai visage de l’Amour, c’est le don et le partage. Aimer, c’est donner sa vie. C’est le contraire de l’égoïsme et de l’individualisme. Cette vie partagée est source de vie pour le croyant et pour la communauté. Le baptisé, a fortiori, le consacré dans la vie religieuse, a pour vocation de manifester cette ressemblance avec son Dieu.
Le pain unique eucharistique : Corps sacramentel du Christ, est rompu au moment de la fraction, il est distribué à chacun des communiants ; ils sont ainsi unis en devenant l’unique Corps mystique du Christ. Ce geste de la fraction, signe d’amour, nous engage au partage. Il nous invite à entrer dans le mouvement pascal de la mort et la résurrection du Christ. L’Apôtre Jean l’écrit dans sa première lettre : « Parce que nous aimons nos frères, nous sommes passés de la mort à la vie. » (1 Jn 3, 14). Passage de l’égoïsme à la générosité, du repli sur soi à la fraternité, de l’exclusion à la solidarité, de l’intérêt personnel au sens du bien commun, du profit à la gratuité, de l’individualisme au décentrement de soi, de la rancune au pardon. Ce passage ne va pas toujours sans douleur, sans sacrifice, mais il conduit à la vie, à la vie en plénitude, à la suite du Ressuscité. Dans ce mouvement, ceux qui sont appelés à la vie religieuse doivent être premiers de cordée !
Le geste de paix proposé dans la liturgie au moment de la fraction du pain manifeste ce désir de partage selon l’Evangile. Il est aussi don reçu du Christ : « Je vous donne ma paix », possibilité reçue de se donner la paix du Christ, responsabilité de la donner aux autres, supplication pour devenir artisan de paix, émerveillement devant l’œuvre de paix du Christ. Joie : « Bienheureux les pacifiques. » N’est-ce pas un programme pour les religieux tout particulièrement ?
Nous sommes envoyés pour vivre l’Eucharistie
Nous prenons conscience que la célébration s’achève, et nous renvoie aux tâches quotidiennes. Nous nous savons engagés par l’Eucharistie à donner un sens nouveau à notre vie : il ne s’agit pas de consignes morales, mais nous portons désormais sur Dieu un regard renouvelé, sur ceux que nous rencontrons, sur les événements que nous vivons. « Il ne s’agit ni d’efforts ni de records, mais de Dieu qui s’attendrit. » (Rm 9, 16). Et nous prenons notre part dans la mission d’une Eglise sans cesse à construire, à édifier.
Il est bon que le rassemblement eucharistique s’épanouisse dans la joie fraternelle des moments qui suivent, sur le parvis, ou dans la journée passée ensemble : les religieux ont ici une place toute particulière ! Si les chrétiens se dispersent, ils ont conscience qu’ils demeurent liés à leurs frères croyants avec qui ils se sont rassemblés, et que dans l’un et l’autre cas ils sont solidairement responsables du témoignage que l’Eglise donne au monde. Comment les religieux, en tout premier lieu, ne prendraient pas leur place dans ce projet, entraînant tous leurs frères et sœurs baptisés ?
La messe s’achève sur une parole de bénédiction. Dieu bénit son peuple : ce geste parle et cette parole fait du bien. L’Eucharistie est la célébration d’un Dieu Trinité qui ne veut pas avoir d’autre puissance que celle de l’amour, un Dieu qui se donne à celui qui le reçoit avec foi et amour. C’est le sens de la bénédiction. De même, dans notre vie quotidienne, par nos paroles et nos actes, nous sommes appelés à devenir bénédiction pour nos frères. N’est-ce pas le sens essentiel de la vocation religieuse ?
*
Dans la tradition de l’Eglise, la profession religieuse est célébrée habituellement au cœur de l’Eucharistie, comme un acte eucharistique accompli par nous. Nous nous engageons dans la suite du Christ, nous nous engageons à le laisser transformer notre vie. C’est comme un prolongement des relations trinitaires : vivre pour le Père, par le Christ, dans l’Esprit Saint. On pourrait dire qu’à chaque célébration eucharistique, on fait comme une profession religieuse. On s’engage à la suite du Christ, on passe de la mort à la vie avec lui. Ceux qui sont appelés à la vie religieuse doivent donc avoir faim et soif de l’Eucharistie. Aujourd’hui, les hommes et les femmes ont soif de Dieu mais ils ne le savent pas. A nous, consacrés, de le leur révéler par notre participation régulière à l’Eucharistie. Nous somme appelés à témoigner de ce que nous vivons dans l’Eucharistie.
Les religieux trouvent le sens de leur obéissance qui les donne à Dieu, dans l’Eucharistie. Dieu se donne à eux, et eux se donnent à Dieu. Si nous donnons notre vie, c’est parce que le Seigneur a donné sa vie pour nous. Notre vie religieuse est une réponse à l’engagement divin.
Il est important que les religieux honorent personnellement et communautairement l’Eucharistie. Dans notre vie, comme dans la célébration de la messe, nous vivons du même lien avec le Christ, par Lui, avec Lui et en Lui. Sans désir de l’Eucharistie, il n’y a pas de vie chrétienne possible, il n’y a pas de vie religieuse possible. La communauté n’est pas réunie par des convictions communes ou par une sensibilité commune, mais par l’Eucharistie.