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Un regard sur les Eglises catholiques orientales
à partir de la revue Proche-Orient chrétien
Un regard sur la situation libanaise nous permet de comprendre les questions nouvelles qui se posent dans ces Eglises par rapport à la vocation et à la formation des prêtres.
Un peu d’histoire
Autrefois, la majorité des prêtres mariés étaient des hommes qui avaient atteint la cinquantaine ; ils avaient acquis par leur travail, sinon l’aisance, du moins une certaine sécurité et l’estime des gens de leur village. Ils avaient élevé leurs enfants et étaient plus libres pour le service de la communauté, avaient prouvé leur honnêteté et leur fidélité, leur piété et leur dévouement. C’est pourquoi ils étaient proposés à l’évêque par la communauté paroissiale, ou étaient directement sollicités par l’évêque. Ils accomplissaient leur ministère dans leur village, au service des gens qu’ils connaissaient bien et à qui ils ressemblaient. Le ministère n’apportait guère de changements à leur vie familiale qui ressemblait à celle du notable du village.
La création de séminaires dirigés par des prêtres européens, (surtout les Pères Blancs et les Jésuites) a profondément marqué l’identité et le statut du prêtre au Liban. Les formateurs ont apporté leurs propres façons d’agir et encouragé la figure du prêtre non marié, religieux ou non. La formation étant longue, elle s’adressait plutôt à des candidats jeunes. On en chercha donc qui se destinaient au sacerdoce et étaient aptes à faire des études poussées. Il y eut désormais deux catégories de prêtres au service des paroisses : les prêtres mariés se trouvant principalement dans des régions isolées et ayant une formation très rapide, et les prêtres non mariés avec une formation intellectuelle de bon niveau, habitant surtout les villes.
Aujourd’hui, on trouve des prêtres mariés aussi bien en ville et sur la côte que dans les villages de la montagne qui se dépeuplent souvent très fortement en hiver. De plus, la plupart des hommes mariés qui accèdent au sacerdoce sont de plus en plus jeunes ; certains n’ont pas trente ans et n’ont pas cinq ans de vie conjugale. Quelques-uns ont déjà un ou deux enfants, d’autres aucun. Pour ce qui est de leur formation humaine, professionnelle et théologique, et de celle de leur épouse, nous trouvons un éventail de situations très ouvert.
Certains n’ont pas dépassé le niveau de la troisième, tandis que d’autres ont obtenu une licence, voire un doctorat. Certains n’ont aucune formation professionnelle, tandis que d’autres se sont spécialisés dans l’audiovisuel, le journalisme, les sciences économiques, la médecine et ont exercé leurs compétences avant de devenir prêtre. Quant aux épouses, la plupart sont du même milieu social, ont un même niveau de formation humaine, mais rares sont celles qui ont une vraie formation théologique ; quelques-unes ont suivi des cours dans des centres catéchistiques.
Le besoin d’une formation solide pour tous les prêtres se fait de plus en plus sentir.
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"Vocation" et contexte culturel
Le terme de vocation a un sens large. Chaque homme a une vocation, un appel de Dieu auquel il cherche à donner forme dans sa vie. Ainsi, le choix d’une profession, d’un métier, correspond à une vocation, de même que le choix d’un état de vie. Ainsi compris, le prêtre marié répond à trois éléments de vocation : il choisit le mariage, une profession pour faire vivre sa famille et se présente à son évêque pour que celui-ci l’appelle au sacerdoce. Chez les prêtres, aujourd’hui, tous les cas de figure sont possibles.
- Un jeune peut ressentir l’appel au sacerdoce qui devient pour lui l’orientation de toute sa vie. Durant sa formation, il prend conscience que Dieu l’appelle à fonder une famille. Il cherchera à établir une famille qui intègre le sacerdoce. La femme qu’il épousera saura qu’elle sera khairiyyeh (nom donné à l’épouse d’un prêtre) et fera ce choix avec lui. La profession choisie peut être motivée seulement par la nécessité de faire vivre sa famille : il ne s’y intéresse pas vraiment, le ministère sacerdotal étant pour lui prioritaire. Il peut aussi choisir sa profession en fonction de son sacerdoce ; beaucoup de prêtres travaillent dans l’enseignement parce qu’ils estiment que la formation de la jeunesse fait partie de leur ministère.
- Un jeune peut commencer par une vocation pour une profession donnée et découvrir, dans l’exercice de cette profession, un appel qui fait penser au sacerdoce.
- Pour un autre, enfin, il est possible que le premier appel entendu soit celui du mariage et qu’au sein de sa famille, l’appel au sacerdoce soit entendu, parfois après bien des années.
L’ordre de priorité entre ces trois types d’appel est important, car il déterminera la façon dont le sacerdoce sera vécu. L’ordre chronologique n’est pas à sous-estimer non plus, car l’appel devra s’accommoder d’une situation déjà existante. Avant la création des séminaires, on parlait peu de la vocation au sacerdoce. Il y avait la vocation à la vie religieuse, dont le choix devait être fait tôt, puisqu’il excluait le mariage. Le cas du veuf qui après son mariage pense à la vie religieuse n’était pas rare, mais ne constituait pourtant pas la règle. Le choix de l’ordination pour un homme marié se faisait souvent plusieurs années après son mariage. Il s’agissait plutôt d’une "élection" parmi les hommes mariés d’une communauté chrétienne, le plus apte étant choisi avec l’accord de l’évêque.
Une des caractéristiques des sociétés traditionnelles est leur caractère collectif. Les liens familiaux et de voisinage sont forts. La personne ne vit pas pour elle-même, mais pour sa famille. Les décisions importantes relèvent de celle-ci, personnifiée dans la figure du " patriarche ", le chef de la famille. Un mariage est décidé d’abord par les parents, avant de devenir un engagement des jeunes. Il s’agit plus d’une alliance entre deux familles que d’un engagement entre deux personnes. Ou encore, la famille décide qu’un de ses membres entre au monastère ou au séminaire. Elle choisira sans doute celui qui montre quelques aptitudes et quelque goût pour cette vie. Mais nous sommes loin de la conception individuelle d’une vocation. Le chemin à suivre est indiqué par l’environnement autant que par le choix conscient de l’individu. Loin de se sentir contraint, il trouvera d’ailleurs cette manière de faire tout à fait naturelle ; il admet de plein gré ce que sa famille décide pour lui.
Aujourd’hui, cette façon de faire existe encore, mais elle n’est plus admise de plein gré. Avec la multiplication des séminaires et leur organisation de plus en plus structurée, le paysage change profondément. La direction du séminaire devient un acteur important : elle admet ou refuse tel ou tel candidat. Cette direction prend progressivement la place qui revenait autrefois à la communauté. Elle va vérifier la vocation du candidat qui peut se destiner à la vie religieuse, comme autrefois, ou simplement au sacerdoce. Il pourra se marier plus tard, comme il pourra opter pour le célibat. Quoi qu’il en soit, le candidat au sacerdoce a aujourd’hui toute une série de décisions importantes à prendre et de choix à faire. C’est dans ce cadre qu’il faut placer la notion de vocation.
Et la formation ?
La formation du prêtre doit être adaptée à ce qui lui est demandé. Le prêtre marié d’autrefois devait surtout célébrer le culte. L’essentiel de sa formation consistait à lui apprendre à célébrer l’Eucharistie et à administrer les sacrements. C’était une formation très pratique, avec des activités concrètes à exécuter. Il était peu formé à la réflexion théologique et philosophique. Dans le contexte traditionnel où il fonctionnait, il lui était demandé de transmettre fidèlement les rites et coutumes. Il n’avait pas à inventer ni à faire face à de nouveaux problèmes. Sa fonction sacerdotale ne lui prenait pas beaucoup de temps : il ne s’occupait que de sa paroisse qui n’était pas très grande. Il continuait donc à travailler comme il l’avait déjà fait avant son ordination, sans que le travail le gêne dans l’exercice de son ministère.
Lorsque la société traditionnelle cède progressivement la place à une société moderne, moins basée sur le modèle de la répétition, des problèmes commencent à surgir. Il faut désormais inventer, faire du neuf. Cette société ne connaît plus l’homogénéité d’auparavant. La formation doit s’adapter :
- la formation spirituelle, philosophique et théologique est de plus en plus exigeante ;
- cette formation est nécessairement longue. La durée minimale se situe autour de cinq années d’études pour celui qui a auparavant achevé le cycle des études secondaires. Aussi devient-il difficile de placer cette formation avant le mariage du candidat au sacerdoce, qui se trouve ainsi tiraillé entre le souci de faire vivre sa famille et celui de poursuivre sa formation dans les meilleures conditions.
A la différence du Code de droit canonique qui est le code d’une seule Eglise, l’Eglise latine (CIC), le Code des Canons des Eglises Orientales (CCEO) est un code commun à ces vingt et une Eglises orientales catholiques. Chacune de ces Eglises est invitée à codifier son propre Droit dans un code particulier, qui adapte et met à jour sa propre discipline conformément aux demandes du nouveau code commun.
Le titre 10 de ce Code de Clericis, au chapitre 3, traite des droits et des devoirs des clercs ; il comprend une norme concernant le célibat et l’état marital du clergé oriental. Il s’agit du canon 373 : " Le célibat des clercs, choisi pour le Royaume des cieux et tant convenable pour le sacerdoce, doit être tenu partout en très haute estime, selon la tradition de l’Eglise universelle ; ainsi de même, l’état des clercs unis en mariage, sanctionné à travers les siècles par la pratique de l’Eglise primitive et des Eglises orientales, doit être tenu en honneur. "
Ce canon a été rédigé sur la base du décret conciliaire Presbyterorum ordinis (n° 16). Le CCEO exalte le célibat sacerdotal que l’Eglise universelle a toujours tenu en haute estime, comme signe et stimulant de la charité pastorale et source particulière de fécondité spirituelle dans le monde. Mais il confirme aussi la pratique de l’Eglise primitive et la tradition des Eglises orientales sur l’état du clergé marié.
Les Eglises orientales ont toujours maintenu les deux états. Elles ne marient pas les prêtres mais ordonnent prêtres des gens mariés. Le Droit des Eglises orientales oblige tout candidat à l’ordination qui est marié d’avoir le consentement de sa femme (canon 769 §1). Les prêtres mariés ne peuvent être nommés évêques ou administrateurs diocésains (canon 180 §3).
Les canons 374 et 375 du CCEO soulignent la vertu de la chasteté pour tout prêtre, marié ou non.