- accueil
- > Eglise et Vocations
- > 1999
- > n°095
- > Dossier
- > Permettre à Dieu de faire du neuf
Permettre à Dieu de faire du neuf
évêque d’Aire et Dax
Présenter l’état d’un diocèse sept ans après la clôture d’un synode et trois ans après le réaménagement de son tissu paroissial n’est pas chose facile. D’abord parce que le recul manque pour la mise en perspective et l’objectivité nécessaires (nous savons que tout changement dans l’Église demande au moins vingt à trente ans) ; ensuite parce qu’il s’agit en l’occurrence, non d’une opération technique dont on pourrait faire un bilan exhaustif, mais de l’examen du comportement d’un diocèse face à la mystérieuse action de l’Esprit, fondateur et inspirateur de toute réalité ecclésiale.
Un enjeu
Le 6 décembre 1992, au cours de la dernière assemblée synodale, j’écrivais : " Vous êtes une lettre écrite (2 Cor. 3,2)... vous êtes une lettre à écrire. Cette lettre d’Amour de Dieu pour nous, il s’agit maintenant de l’écrire dans le cœur des hommes, nos contemporains. Notre tâche n’est pas terminée : nos textes écrits avec de l’encre, fruits de notre souci apostolique, il faut désormais les imprimer comme un message d’espérance, dans la vie concrète des personnes vers qui nous sommes envoyés. L’enjeu missionnaire est capital : il s’agit de répercuter jusqu’aux moindres de nos quartiers ou hameaux l’onde de choc que l’Evangile a produite aux premiers temps de l’Église, et qui a été relayée jusqu’à nous par les apôtres et les missionnaires. Voilà qui justifiera les changements que nous serons amenés à apporter à nos paroisses, nos services, notre fonctionnement diocésain. "
Des axes de travail pastoral
Des années de démarche synodale (1988/1992) est sorti un cahier synodal qui contient l’axe de marche pour les années à venir : quatre points ont été retenus, et sont intégrés depuis dans toute lettre de mission donnée par l’évêque.
• Une Église au service de l’humanité, qui manifeste l’amour du Père pour l’humanité, face aux questionnements sur la vie et la mort, aux familles fragilisées, aux blessures, aux peurs... et aussi aux joies et aux espérances des hommes et des femmes ; une Église qui révèle une expérience de vie nouvelle, à cause de l’Amour du Père.
• Une Église qui proclame et propose la foi en Jésus-Christ dans un contexte souvent peu favorable de minorité, mais au nom de la liberté du croyant.
• Une Église qui vit la communion, dans la confiance réciproque et le partage des responsabilités (à ceci on croira que vous êtes mes disciples).
• Une Église qui célèbre le mystère de la foi, qui refait les gestes du Christ, redonne valeur aux gestes sacramentaux, invite à la prière.
...Voilà autant de chapitres qui pourraient paraître secs et incantatoires, si chacun ne met pas de la chair sur ce squelette, en " avançant en eau profonde " dans le mystère du Christ.
Des réalisations
De fait, depuis la clôture du synode en mai 1993, plusieurs chantiers ont été ouverts ou renforcés dans le champ pastoral du diocèse.
• Le service diocésain de la Formation a été considérablement étoffé, tant dans ses structures d’ensemble (Centre de formation pastorale, diplôme universitaire délivré à des laïcs en liaison avec l’Institut Catholique de Toulouse) que sur le terrain le plus proche des utilisateurs (cycle " Croire aujourd’hui ", ateliers bibliques, théologiques liturgiques...).
• Mise en place de la CERCA (cellule d’études et de recherches chrétiennes sur l’actualité) qui a déjà à son actif plusieurs productions.
• Mise en place d’un Conseil diocésain de Pastorale.
• Un service des Vocations renforcé, dont il sera question plus loin.
• La réalisation la plus spectaculaire fut le lancement du chantier " réaménagement du territoire pastoral " que nous aborderons plus en détail.
Des paroisses...
Signes visibles et lisibles de l’Amour de Dieu pour les hommes
Il était évident que la paroisse serait l’objet d’une étude approfondie après un synode de cette importance. Nous nous souvenions que le concile Vatican II l’avait présentée comme " un remarquable exemple d’apostolat communautaire, car elle rassemble dans l’unité toutes les diversités humaines qui se trouvent en elle, et elle les insère dans l’universalité de l’Église " (Décret sur l’apostolat des laïcs, n° 42).
Voici le bref résumé de l’opération " réaménagement des paroisses " qui s’est déroulée entre 1993 et 1996 dans les Landes.
• En mars 1993, les actes synodaux sont promulgués, dans lesquels on peut relever l’article 19 " donnant mission à un vicaire épiscopal d’étudier les critères et conditions nécessaires pour qu’une communauté de fidèles puisse être reconnue paroisse, et établie selon les normes du droit canonique, en tenant compte des contingences géographiques, historiques, administratives, notamment scolaires, des lieux. "
• Un vicaire épiscopal est spécialement nommé pour cette tâche. Aidé d’une équipe de trois prêtres et quatre laïcs (dont deux femmes), il met en route un projet sur trois années comprenant :
- un travail dans les paroisses pour analyser le terrain au plan humain et chrétien et faire des premières propositions de regroupements ;
- un travail au niveau des conseils pastoraux de secteurs pour accueillir les propositions venues des paroisses, les analyser et faire des seconds regroupements ;
- enfin un travail par l’équipe diocésaine, en liaison avec le Conseil presbytéral, pour soumettre à la décision de l’évêque les propositions retenues.
• A Noël 1995 un schéma géographique était adopté, ainsi qu’un vocabulaire pour désigner les diverses instances pastorales (paroisses et relais paroissiaux). Après une assemblée générale des prêtres sur un dossier pastoral et technique, un temps de formation entre prêtres, religieux, religieuses et laïcs sur l’ensemble du dispositif diocésain et sur les moyens à mettre en œuvre (presbytère, comptabilité, registres, répartition des tâches ministérielles, etc...).
• En juin 1996 était promulguée l’ordonnance épiscopale érigeant les paroisses nouvelles sur l’ensemble du diocèse et prenant effet au 1er septembre 1996. A la même époque, la totalité des responsables civils (préfet, conseillers généraux, maires) recevaient le dossier de cette réorganisation, à laquelle beaucoup avaient accepté volontiers de collaborer.
Il est important de noter que durant ces trois années de va-et-vient entre les équipes sur le terrain et l’équipe épiscopale, celle-ci a dû intervenir pour éviter une "frilosité" trop grande dans la recherche des solutions : par exemple sur le nombre optimal d’habitants (aux environs de cinq mille) et la répartition des prêtres dans les nouvelles paroisses (ne pas hésiter à diviser par deux le nombre actuel, ce qui s’avère hélas juste à l’usage !)
Dix fois moins de paroisses
Depuis le 1er septembre 1996, l’Église qui est dans les Landes a ouvert une nouvelle page de son histoire déjà riche, en s’organisant dans la communion au service de l’Évangile. Le diocèse est divisé en 36 paroisses (au lieu de 360) ayant chacune à sa tête un curé (assisté d’un ou plusieurs prêtres coopérateurs) et président d’un conseil pastoral paroissial (CPP). Chaque paroisse est composée de relais paroissiaux correspondant en général aux anciennes paroisses. Ces relais ont une équipe d’animation pastorale dont le nombre varie suivant l’importance du relais (en ville par exemple, les relais correspondant aux anciennes paroisses urbaines).
Ce redéploiement territorial n’a pas stoppé pour autant le processus de raréfaction du clergé landais. En quatre ans, le nombre total des prêtres du diocèse est passé de 243 (en 1994) à 216 (en 98). Le nombre des prêtres en activité est passé, toujours dans ce laps de temps, de 194 à 161. Le clergé landais en activité en paroisse est passé de 150 à 127.
Si cette tendance se confirme, on peut raisonnablement prévoir que le nombre de prêtres en activité sera de 128 en 2002, 95 en 2006, 62 en 2010. La moyenne d’âge actuelle du clergé landais est de 67 ans.
Après ces chiffres plutôt alarmants, quelques bonnes nouvelles : depuis 1993, date de la clôture du synode, douze prêtres ont été ordonnés dans les Landes, dont deux pour la mission à l’extérieur (Missions Étrangères). Cela ne compense pas hélas les décès de prêtres et les départs à la retraite !
Les structures diocésaines présentent quelques nouveautés. Un CDP (conseil diocésain de pastorale) regroupe les diverses forces apostoliques présentes : mouvements, paroisses, clergé, vie religieuse. Les paroisses mettent en place leurs propres conseils pastoraux et leurs conseils économiques, avec des statuts appropriés. Quant aux relais paroissiaux (anciennes paroisses) nous avons tenu à ce qu’ils aient leur identité au plan de l’animation pastorale, et même au plan financier, à charge pour eux de participer à l’alimentation d’une caisse paroissiale, pour les besoins propres à la communauté dans son ensemble.
Quelques orientations ont été données à l’occasion de cette mise en place :
• spirituelles d’abord : car si un tel réaménagement est né du double désir de fidélité au réel et à la mission reçue, il comporte une dimension spirituelle. Accepter de bouger, c’est se convertir, c’est accepter de recevoir du Seigneur la clef du changement de vie : une telle disponibilité ne s’acquiert que dans l’intimité de la prière et dans l’analyse lucide des événements, dont St Vincent de Paul, le saint landais, disait " qu’ils sont nos maîtres ".
• psychologiques ensuite : la résistance au changement s’accentue avec l’âge, les habitudes prises, parfois les soupçons ! Or avant d’accepter de bouger avec ses pieds, il faut consentir à bouger dans sa tête, vérifier, et éventuellement remettre en question telle pratique pastorale qui a pu être déviée de sa source évangélique ou ne plus répondre aux vrais besoins du monde à évangéliser. Gestion de l’argent communautaire, répartition des charges pastorales, déplacement d’une paroisse à une autre, nouvel horaire des messes... autant de points sensibles qui demandent à la fois liberté d’esprit et vigilance.
• Enfin un appel à partager la responsabilité. Le redécoupage des paroisses n’a pas été conduit d’abord pour des raisons de raréfaction des prêtres, mais pour permettre une meilleure prise en charge des diverses fonctions communautaires par les baptisés conscients de leur engagement, et pour stimuler la vocation de chacun dans son milieu de vie. Certes la pratique des mouvements, des services ecclésiaux, des conseils pastoraux existait déjà dans le diocèse, mais elle demandait à être renforcée et étendue.
• Nous avons également insisté sur le nécessaire esprit de pauvreté à accepter dans une telle entreprise. Pauvreté en moyens apostoliques, malgré certaines apparences trompeuses (les annuaires diocésains font parfois illusion !), en moyens matériels, financiers, pauvreté de nos insuffisances, et parfois de nos contre-témoignages... 2000 ans de la vie de l’Église sont là pour nous apprendre la modestie et nous éviter le découragement !
• La pastorale de l’appel n’a pas été oubliée, bien sûr ! Les propositions du dernier synode sur ce point gardent toute leur valeur et leur importance : il est dit dans l’article 11 des Statuts synodaux que " l’idéal du ministère presbytéral et de la vie religieuse demande à être proposé avec discernement, mais aussi avec audace apostolique par toutes les communautés chrétiennes... par la prière pour les vocations, par l’animation spirituelle des enfants et des jeunes qui se posent la question de la vocation. "
Où en sommes-nous en 99 ?
Dès septembre 96, il était clair qu’un peu de souplesse serait nécessaire pour la mise en œuvre d’un tel réaménagement qui concerne le diocèse tout entier. Personne ne pouvait prétendre imposer un cadre rigide qui ne demanderait qu’obéissance aveugle ! La pastorale en milieu urbain n’est pas tout à fait comparable à celle qui existe en milieu rural. Les paroisses nouvelles de la zone nord du diocèse ont dû tenir compte des distances kilométriques (parfois cinquante kilomètres), celles de la côte Atlantique de l’afflux touristique de l’été... Enfin un tel redéploiement pastoral n’est pas exempt de quelques imperfections. Aussi est-il prévu qu’après quelques années d’expérimentation des ajustements seront nécessaires.
Je puis témoigner que la grande majorité des forces apostoliques diocésaines est entrée courageusement dans cette aventure. Un dossier " Landes-paroisses nouvelles " a servi de document de référence comprenant les indications sur l’organisation pastorale, les actes administratifs, les statuts des divers Conseils.
Des avancées réelles
Sans pouvoir faire à ce jour de bilan exhaustif, on peut cependant noter des avancées réelles sur les points suivants :
• Une participation des laïcs aux diverses instances pastorales, depuis le relais paroissial jusqu’aux conseils diocésains. La rencontre systématique des maires concernés par la mise en place de chaque paroisse a permis aux autorités civiles et religieuses de mieux se comprendre et s’entraider pour le bien commun des habitants d’une petite région.
• Une meilleure concertation dans le travail en commun des prêtres d’une même paroisse. Le schéma retenu (un curé par paroisse, et des prêtres coopérateurs avec le statut canonique de vicaires paroissiaux) a été accepté, non sans mérite de la part de prêtres à qui il était demandé de renoncer à leur titre curial. Une telle expérience de disponibilité a permis, à quelques exceptions près, une réelle avancée dans l’unité du presbyterium. Par ailleurs, la plupart des communautés paroissiales a compris la nécessité de s’organiser pour demander à leurs pasteurs ce qui correspond à leur mission propre de ministres de l’Eucharistie, de la Parole, du pardon, et de répartir autrement les charges inhérentes à la vie de la communauté.
• Une répartition plus équilibrée de la présence du clergé sur l’ensemble du territoire, en tenant compte de besoins particuliers, comme par exemple la prise en charge du monde scolaire dans les villes ou les centres importants. Cet équilibrage n’est pas encore tout à fait réalisé, il est lié par ailleurs à une politique de nominations cohérente. Par exemple, il ne faudrait pas trop facilement prendre son parti de ce que le monde rural s’habitue à ne plus voir de prêtres jeunes à son service, sous prétexte qu’ils sont indispensables en secteur urbain.
• Je note avec plaisir que les diverses activités de la Pastorale des Jeunes et du Service des Vocations permettent à des prêtres nouvellement ordonnés, ainsi qu’à des séminaristes, de côtoyer une jeunesse qui ne demande qu’à rencontrer des témoins de la foi proches de leur sensibilité de jeunes.
Des difficultés
Par contre, il faut retenir quelques difficultés sur lesquelles une réflexion s’impose :
• La première n’est pas nouvelle : une décatéchisation accélérée dans certaines régions du diocèse pose d’une manière accrue la question de la formation initiale des enfants à la foi et à la pratique sacramentelle.
• La seconde concerne l’ensemble de nos communautés : comment rester proche des gens alors que les prêtres se font rares, que la mobilité professionnelle renouvelle plus rapidement qu’avant les populations, et que beaucoup tiennent encore à ce que le prêtre seul soit l’agent de proximité de l’Église ?
• Le diaconat (permanent) existe certes et fait maintenant partie du paysage diocésain (trois se préparent à rejoindre les quatre déjà ordonnés). Mais on n’a pas encore accueilli ce signe donné au cœur de l’Église, comme complémentaire du ministère du prêtre, sans pour cela le suppléer.
• Pourquoi ne pas signaler les freins qui existent et ralentissent cette marche en avant ? Certains voudraient encore garder leur prêtre, tant qu’il est parmi eux, sans penser à préparer l’avenir ; d’autres n’acceptent pas de se déplacer lorsque l’eucharistie dominicale est célébrée hors de leur église ; nous nous étions demandé si le Denier de l’Église ne souffrirait pas de tels bouleversements ! En fait, la légère diminution du chiffre global enregistrée la première année était davantage dûe à la mort de vieux cotisants qu’à une mauvaise humeur organisée !
Et les vocations dans tout cela ?
C’est pourtant le deuxième mot du titre annoncé. Mais il était impossible de bien en parler sans brosser le décor dans lequel il évolue.
Loin de moi la pensée de trouver dans le réaménagement des paroisses la panacée pour une relance de l’appel aux vocations.
Il convient de rappeler brièvement l’histoire de la pastorale des vocations dans le diocèse des Landes. Jusqu’en 1987, elle était jumelée avec la pastorale des jeunes du diocèse, sous l’impulsion vigoureuse d’un prêtre qui a marqué bon nombre de jeunes de cette génération en recherche de vocation. C’est ainsi que toutes les propositions de routes de jeunes, de pèlerinages en Terre Sainte ou à Rome se déroulaient sous la houlette du SDVL (Service diocésain des Vocations des Landes). Les heureux résultats de cette époque n’ont pas caché la nécessité qui est apparue de séparer ces deux services, d’une part pour mettre à l’aise les jeunes qui répugnaient à marcher sous l’étiquette SDVL, d’autre part pour apporter à ceux qui le désiraient des conditions meilleures de recherche vocationelle. Par ailleurs la disparition progressive d’un petit séminaire, puis d’un foyer-séminaire a rendu plus nécessaire que jamais la mise en place de structures propres à un accueil et à un suivi de garçons et de filles désireux de réfléchir à une vocation possible, au milieu de leurs études ou de leur travail. C’est chose faite actuellement.
Actuellement, le Conseil pastoral des Jeunes anime de nombreuses opérations destinées à l’ensemble de la jeunesse (préparation des JMJ à Rome - routes des Rameaux - divers pèlerinages - forum de la solidarité - École de la foi) tandis que le Service diocésain des Vocations propose de son côté des actions plus ciblées (récollections pour enfants - retraites pour jeunes - organisation de la prière pour les vocations dans le diocèse - publication de la revue diocésaine Vocations…).
En quoi ce chantier de renouveau des paroisses est-il susceptible de déclencher une pastorale renouvelée de toutes les vocations ? L’expérience encore trop fraîche que j’en ai me fait avancer quelques éléments de réponse :
• La redistribution des tâches paroissiales a incontestablement fait redécouvrir à beaucoup leur vocation baptismale, et donc leur place dans l’Église, corps du Christ.
• Elle a mieux fait percevoir que nous avons tous besoin les uns des autres, que les diverses vocations sont complémentaires et irremplaçables.
• Les paroisses actuelles sont plus aptes, au moins en principe, à susciter dans leur sein de petites communautés missionnaires qui permettent de partager la Parole de Dieu, de prier et célébrer le mystère central de la foi, en même temps que d’avoir le souci d’un regard chrétien sur les réalités humaines du secteur dans lesquelles travaille l’Esprit. Ainsi en est-il des équipes pastorales paroissiales, et des équipes animatrices de relais paroissiaux.
• La prise en charge par les laïcs de tâches administratives, au sein des conseils économiques, facilite la libération du prêtre pour des tâches apostoliques, et modifie sensiblement le visage qu’il présente. Par ailleurs, là où cela existe, une plus grande proximité avec les laïcs responsables dans la collaboration pastorale crée une plus grande convivialité et une meilleure connaissance mutuelle.
• Entre les prêtres eux-mêmes, invités à partager une charge commune en tenant compte des compétences et des âges de chacun, s’instaure un climat propice à une vie fraternelle. Même s’ils vivent dans des presbytères différents (ce qui est préférable pour une présence au plus près des communautés) l’appartenance à une même paroisse les amène à se retrouver plus souvent, pour prier, célébrer, se détendre, réfléchir sur un thème retenu, se répartir les permanences. Les gens sont habitués à respecter cette nouvelle organisation du temps, nous sentons que nos prêtres en ont besoin pour une vie plus équilibrée, et nous en sommes heureux !
• Les rassemblements eucharistiques dominicaux de chrétiens venant de plusieurs relais et tournant sur plusieurs églises permettent des assemblées plus nombreuses, plus dynamiques, et donc mieux aptes à accueillir les jeunes.
Les structures paroissiales, particulièrement les conseils pastoraux, permettent de déceler les besoins de formation doctrinale et spirituelle, et d’y répondre avec plus d’efficacité, en liaison avec les instances diocésaines. L’information circule mieux, la voix des jeunes peut être mieux perçue dans l’écoute de leurs attentes et le financement de leurs projets !
Et la vie consacrée ?
Un récent sondage auprès des communautés contemplatives du diocèse a révélé des points intéressants sur les conséquences du réaménagement paroissial :
" Nous voyons moins de prêtres, ce ne sont plus eux qui viennent chercher les hosties… par contre les laïcs qui viennent découvrent le monastère.
La participation de deux sœurs au Conseil pastoral paroissial permet à la communauté d’être davantage au courant de la vie paroissiale à tous niveaux, d’avoir un contact direct avec les autres communautés religieuses, de prendre tout cela dans notre prière monastique. "
Souvent l’une des messes paroissiales est célébrée dans la chapelle du monastère : " De ce fait des paroissiens des villages plus éloignés y participent avec nous, certains s’arrêtent à l’Accueil, confient leurs intentions de prières.
…Ce renouveau paroissial peut être une chance, à condition qu’il y ait une certaine souplesse lors du premier accueil, afin de ne pas multiplier les "démarches", comme dans l’administration…
Une plus grande connaissance de la vie paroissiale par les laïcs engagés dans cette pastorale, peut les faire réfléchir et proposer à des jeunes de s’engager eux aussi dans l’Église locale, diocésaine ou universelle. Un contact plus grand avec les religieuses vivant et œuvrant dans les paroisses, peut leur faire découvrir la valeur de la consécration à Dieu, et la diversité des vocations…
L’accueil de l’icône de " Notre Dame du OUI " (cette icône parcourt le diocèse et soutient la prière à l’intention des vocations) dans notre paroisse pour 15 jours est un temps fort de prière pour les vocations. Toute la nouvelle paroisse est appelée à y répondre… "
Quelques convictions nées de cette expérience…
Les nouvelles structures paroissiales ont-elles apporté un élan nouveau à l’éveil des vocations dans le diocèse ? Je suis conscient que je donne une réponse bien faible à cette question. Je ne suis pas pour autant découragé, mais au contraire persuadé que nous sommes sur la bonne voie, à condition de garder quelques convictions qu’une telle expérience confirme :
• Les structures de nos institutions ecclésiales, aussi étudiées soient-elles, doivent être au service de la mission, et non l’inverse. Il faut laisser la place à l’irruption de l’Esprit qui s’engouffre parfois hors de nos canaux habituels (sur les douze prêtres ordonnés ces trois dernières années, un seul est sorti du foyer-séminaire diocésain).
• Ce n’est pas la crise des vocations qui est première, c’est la crise d’une foi vécue au sein des institutions (famille, école, communautés chrétiennes).
• La paroisse n’est pas le seul " lieu vocationnel " du diocèse. Des mouvements apostoliques comme le MEJ, la JOC, le scoutisme, ont le souci d’intégrer dans leur pédagogie l’écoute d’un appel du Seigneur. L’École catholique doit elle aussi fournir les conditions nécessaires à une telle écoute.
• Il faut toujours se redire où réside l’enjeu de la nouveauté : la vie de communautés, signes visibles et lisibles de l’Amour de Dieu pour les hommes.
• Le souci que nous portons à l’éveil des enfants et des adolescents ne doit pas nous dispenser de porter attention à l’accompagnement des jeunes adultes. Chez beaucoup d’entre eux, la préparation d’un métier ou même l’exercice d’une profession vont de pair avec une soif d’absolu et la recherche d’une forme de service plus radicale.
• La fidélité des membres des communautés paroissiales est sans cesse à nourrir de la Parole de Dieu et de l’écoute de la vie des hommes.
• On ne peut se passer du respect de l’histoire de chaque pays, milieu, famille, dans sa richesse… et sa fragilité.
• La proximité pastorale ne peut être assurée que par une Église représentée à la fois par ses ministres ordonnés et ses laïcs engagés.
Ce qui doit encore être amélioré :
- l’image du prêtre dans la conscience collective : homme surchargé, seul, jamais là et pourtant on exige tout de lui ;
- une information sur la signification du ministère presbytéral : le prêtre homme de l’eucharistie, de la Parole de Dieu, du pardon, veilleur au sein des communautés, éveilleur de vocations spécifiques et de vocations de laïcs dans le monde et dans l’Église ;
- le partage effectif des responsabilités et la formation adéquate ;
- l’amélioration des conditions de vie des prêtres en paroisse ;
- la conscience d’une responsabilité commune dans l’appel aux vocations, dans leur diversité et leur complémentarité. Chacun doit se sentir à se faire l’écho du Bon Pasteur, sans fausse honte ni pudeur.
Au fond, le cher cardinal Marty avait bien raison : " Mon petit, le prêtre, c’est bien plus simple que cela : c’est quelqu’un qui a les pieds sur la terre, la tête au ciel et le cœur au chaud ! "
Puissions-nous aborder le troisième millénaire avec cette lucidité et cette humilité !