Réaménagement pastoral dans le diocèse de Besançon


père Louis Mauvais
vicaire général du diocèse de Besançon

Le diocèse de Besançon, comme beaucoup d’autres en France aujourd’hui, est à l’heure de ce qu’on appelle, selon les lieux, "réaménagement pastoral", "réorganisation pastorale" ou "redéploiement pastoral". La diversité du vocabulaire fait déjà pressentir la diversité des approches et les difficultés inhérentes à ce qui, pourtant, apparaît une nécessité dans le contexte actuel de l’Eglise.

La question, en effet, est la suivante : que deviennent et que deviendront les communautés chrétiennes dans les prochaines années ? Quel est le seuil de " viabilité" pour les paroisses dont la mission est d’être " en un lieu, l’Eglise pour tout et pour tous " ? (Alphonse Borras)1. Quel "redéploiement ministériel" pour assurer non pas tant la survie, mais l’avenir et la mission de l’Eglise (cela dans une interaction qu’il faut revoir entre le territorial paroissial d’une part et les services et mouvements d’autre part) ?

Telles sont, parmi bien d’autres, quelques unes des questions qu’inévitablement les responsables d’un diocèse rencontrent, sans pouvoir, au départ, en prédéterminer ni le contenu, ni a fortiori la solution...

Quelques mots sur le diocèse lui-même et sur la manière dont la réorganisation a été conduite permettront, dans une seconde partie, d’analyser des incidences sur les ministères et sur les vocations.

Assez vaste géographiquement (près de 10 000 km2), le diocèse n’est que relativement peuplé (535 000 habitants, en majorité des ruraux) avec une ville importante (Besançon) et d’autres villes moyennes. Il était divisé en 10 zones pastorales, 36 doyennés et 771 paroisses juridiquement constituées, allant de 20 000 à 15 habitants : c’est dire que certaines, depuis de nombreuses années, étaient déjà regroupées avec d’autres. Les prêtres, encore assez nombreux (à peu près 350 en activité pastorale à l’époque), mais vieillissants (la moyenne d’âge était de 69 ans) se voyaient confier des responsabilités de plus en plus étendues (trois, quatre, dix paroisses) sans que leur manière d’être curé en soit modifiée pour autant.

Au cours des années précédentes, la mise en responsabilité pastorale "d’équipes animatrices" de laïcs avec un prêtre modérateur (canon 517 § 2) avait permis de mesurer qu’une autre manière de faire vivre les communautés chrétiennes et de vivre le ministère ordonné était possible.

C’est en fonction de cette situation que le travail a commencé, sans a priori sur les conclusions qui pourraient en être tirées : "faire Eglise autrement" et répondre mieux à la mission d’annoncer la Bonne Nouvelle étaient les seuls impératifs que les responsables s’étaient fixés.

Les différentes étapes

Plusieurs étapes ont marqué le cheminement ; une évaluation était faite régulièrement, pour mesurer le chemin parcouru et déterminer les étapes suivantes.

Les deux premières années ont été consacrées à l’observation, à la réflexion, à l’information et à la consultation non seulement des chrétiens, mais des personnes engagées dans les domaines sociaux, politiques et économiques, susceptibles d’apporter leurs compétences et leurs connaissances des problèmes humains et ecclésiaux.

Un premier questionnaire a été travaillé dans les paroisses ; les résultats ont été confrontés aux données humaines, géographiques et économiques puisées ailleurs. Il a permis de se faire une première idée du type de réorganisation pastorale qui pourrait être initié. Au terme de cette première année, il est apparu que deux impératifs devaient être honorés, sans que les modalités apparaissent encore clairement.

1. Coordination

Un regroupement des anciennes paroisses ne pourrait se justifier que s’il permettait à des communautés chrétiennes, assez fortes et assez vivantes d’assurer les services essentiels d’une vie d’Eglise.

• Comment, en effet, vivre une vie d’Eglise avec des rassemblements dominicaux squelettiques ?

• Comment permettre à des jeunes de vivre leur foi au milieu de communautés souvent âgées ?

• Comment assurer le service de la solidarité avec les plus pauvres dans le cadre trop étroit des paroisses anciennes ? Etc.

Il fallait donc envisager une mise en commun des forces vives de l’Eglise pour les rendre plus dynamisantes et plus appelantes.

2. Proximité

Un "regroupement" des paroisses (terme que nous avons toujours évité d’employer !) ne devait pas dévitaliser et démobiliser le local au plus proche du terrain. Des fonctions de proximité devaient être honorées, comme la visite des malades, l’attention aux personnes plus ou moins éloignées de l’Eglise pour qu’elles sachent à qui s’adresser pour un baptême, un mariage ou un enterrement, etc. Il fallait donc à tout prix maintenir une proximité du tissu ecclésial : l’idée de "relais paroissiaux" dans un village ou groupe de villages rapprochés est née de cette constatation.

La deuxième année (1992-1993) a surtout consisté (et cette étape a été sans doute la plus déterminante) à permettre aux chrétiens de s’exprimer ; des rencontres ont été organisées sur l’ensemble du diocèse, ouvertes à tous ceux qui s’intéressaient à la vie de l’Eglise et à son avenir. Les données sociologiques récoltées au cours de la première année et propres à chaque secteur, étaient présentées avec, à la clé, ces questions :

• Comment, dans ce contexte, l’Eglise pourra-t-elle, au mieux, remplir la mission qui lui est impartie

• Quels types de regroupement seront nécessaires, en fonction de l’évolution de la société et de l’Eglise, pour que des communautés vivantes puissent être "proposantes" de la foi ?

Ce fut un immense déballage avec, on s’en doute, des propositions contradictoires. Les éléments les plus actifs de l’Eglise percevaient bien la nécessité de changer le visage que donnaient les communautés chrétiennes, tandis que d’autres, centrés davantage sur les seuls services religieux qu’à leurs yeux l’Eglise devait assurer, étaient plus réticents sur une possible évolution. Ce qui est certain, c’est que la parole donnée aux chrétiens et conduisant à une prise de conscience, était nécessaire pour que la réorganisation territoriale n’apparaisse pas comme une réforme administrative, mais soit vécue dans la perspective d’une meilleure annonce de l’Evangile.

Premières perspectives

C’est au terme de ces deux premières années de réflexion et de consultation internes que sont apparues aux responsables les premières perspectives plus concrètes de la réorganisation pastorale du diocèse.

1. La création "d’unités pastorales" appelées à devenir les nouvelles paroisses. 66 unités pastorales allaient remplacer les 771 paroisses existantes. Il est à noter que même si, canoniquement parlant, ces unités pastorales étaient bien des paroisses, nous n’avons pas voulu, jusqu’à présent, mettre une équivalence entre les deux termes, de manière à ce que les chrétiens puissent changer, dans leur conception mentale, le type paroissial qu’ils avaient connu jusqu’alors. Mais cela ne change rien au fond. 13 doyennés allaient également remplacer les 36 existants.

2. Mise en place "d’équipes de coordination pastorale"

Ces équipes, composées en moyenne de sept personnes, recevaient la charge pastorale des nouvelles paroisses.

Animées par un prêtre coordinateur qui, canoniquement, aurait le titre et la fonction de curé, elles seraient composées des autres prêtres encore présents sur l’unité pastorale - mais ils ne seraient plus curés - et d’au moins quatre autres membres, des "fidèles chrétiens". Cette équipe recevait mission (une lettre de mission voulait signifier que ce n’étaient pas des volontaires de bonne volonté, mais des membres appelés et envoyés) pour être en charge de la vie de l’Eglise dans ces nouvelles unités pastorales. L’appellation "équipe de coordination pastorale" signifiait, par elle-même, un des axes majeurs de la mission : faire la communion et assurer l’unité de la mission ecclésiale avec d’anciennes paroisses habituées à vivre une certaine autonomie.

3. Un conseil pastoral, par unité pastorale, devait peu à peu remplacer les anciens conseils pastoraux de paroisses existant jusqu’alors, en veillant toutefois à assurer les fonctions de proximité dont il a été question : cela exigeait beaucoup de doigté, de patience et de sens pastoral.

4. Un conseil de doyenné est apparu nécessaire pour impulser la dynamique de la vie ecclésiale. Ces conseils ne sont pas encore en place partout, mais là où ils existent, ils sont un des éléments essentiels de la revitalisation du diocèse.

5. La mise en place, dans chaque unité pastorale, d’un conseil économique. Ce n’était pas, pour les responsables, un aspect marginal de cette réorganisation voulue et souhaitée par la majorité des chrétiens. En effet, quand on commence à parler de mise en commun des propriétés des paroisses, de leurs finances (alors que beaucoup sont attachés à leurs particularités !), on avance dans le sens d’une communion, d’une vision plus large de la mission de l’Eglise et d’une réflexion sur la dimension pastorale (et pas seulement économique) des ressources de l’Eglise. La nomination, au niveau diocésain, d’une femme comme économe diocésain, a permis sur ce point une évolution très positive.

Telles sont les grandes lignes de l’architecture qui, peu à peu, se sont imposées au fil de l’expérience et de la réflexion : il restait à la confronter avec la réalité pastorale du diocèse. Les surprises et les difficultés n’ont pas manqué, mais aussi la vérification que les intuitions allaient bien dans le sens du renouveau souhaité.

La mise en œuvre s’est faite progressivement à mesure que les nouvelles unités pastorales pouvaient être constituées (avec, ici et là, quelques rectifications à partir de la consultation des chrétiens), que les équipes de coordination pastorale étaient appelées et commençaient leur ministère. Ce n’est qu’en 1997, après avoir pris l’avis du conseil presbytéral, que l’évêque promulguait officiellement la nouvelle organisation du diocèse. Dès 1994, une rencontre mensuelle des treize nouveaux doyens avec le conseil épiscopal, permettait de réfléchir aux nouvelles questions que posait cette réorganisation et de tenter d’y faire face avec la participation active de ceux qui étaient chargés de la mettre en œuvre sur le terrain.

Cette perspective "structurelle" ne doit pas faire oublier ce qu’étaient (et demeurent) les objectifs de ce réaménagement pastoral.

"Faire Eglise autrement"

Il ne s’agit pas de travailler à un réaménagement pastoral des paroisses pour un nouveau découpage des doyennés ou des paroisses. Cela ne devait être qu’un moyen, en vue d’une plus grande fidélité à la mission de l’Eglise dans un monde qui avait évolué depuis que le "quadrillage" paroissial avait été instauré (surtout au siècle dernier) comme la meilleure manière de remplir cette mission. Il s’agissait, en effet, de "faire Eglise autrement", c’est-à-dire de permettre à des communautés chrétiennes trop souvent repliées sur elles-mêmes de pouvoir être vivantes et dynamisantes et de pouvoir assurer la mission qui leur est impartie, à savoir être témoins du Christ ressuscité dans un monde sécularisé où la foi n’est pas forcément la première préoccupation de nos contemporains.

Redynamiser les communautés

Si la diminution du nombre des prêtres et des religieuses qui avaient assuré, jusqu’à présent, l’essentiel de la charge apostolique a pu être un facteur déclenchant de la prise de conscience de la nécessité de cette réorganisation pastorale, le problème le plus important n’était pas là. Y aura-t-il demain des communautés chrétiennes suffisamment vivantes pour continuer à être témoins d’une Bonne Nouvelle dont chaque génération est redevable pour la génération suivante ? Comment, autrement dit, les fonctions essentielles de cette transmission seront-elles rendues possibles aux meilleures conditions, que ce soit le service de la catéchèse, de la proposition de la foi à des jeunes durement interrogés par l’incroyance qui les entoure, la présence de l’Eglise aux problèmes essentiels de notre société comme la montée de la pauvreté et de l’exclusion, la capacité des communautés, souvent squelettiques, à célébrer le dynamisme de la mort-résurrection du Christ, et bien d’autres éléments qui peuvent faire qu’une Eglise devienne de mieux en mieux missionnaire ?

Les responsables ont eu le souci, dès le départ, de ne pas se laisser impressionner par les problèmes urgents, mais de voir ce qui est essentiel.

Changer les mentalités

Dans le même sens, mais pour concrétiser cette intuition qui a guidé l’orientation générale, nous avons voulu que cet aggiornamento diocésain soit d’abord une expérience spirituelle avant d’être une réorganisation structurelle et institutionnelle. " Il a fallu, écrit l’évêque au terme du processus, beaucoup de patience et de ténacité à ceux qui ont fait aboutir ce travail délicat... Ce qui pouvait être un simple travail administratif a été en réalité un chemin de conversion très simple et très concret ". " Attention, danger : réorganisation " intitulait-il son éditorial du bulletin du diocèse officialisant la mise en place des nouvelles paroisses. Et il ajoutait : " Il ne suffit pas de modifier l’organisation des paroisses, de mettre en place des nouvelles "unités pastorales"... pour que la vie chrétienne soit améliorée. Ce serait même dangereux si les chrétiens n’acceptaient pas de vérifier leurs réflexes et de changer leurs habitudes ".

C’est pour atteindre ces objectifs que, dès le départ du processus de réorganisation, des journées spirituelles ont été proposées aux chrétiens pour leur permettre d’en vivre la dimension spirituelle et l’appel à la conversion des habitudes.

C’est également dans ce but que, dès 1993, le diocèse s’est donné deux axes qui sous-tendent tout l’effort pastoral qui doit le conduire au Jubilé de l’An 2000 :

- l’enracinement en Dieu, avec toute une série de réflexions proposées sur les sacrements, la prière ; des fiches à travailler en groupes, etc.

- l’enracinement dans la solidarité : la visée n’était pas de créer de nouvelles structures de présence aux pauvretés, mais de changer l’état d’esprit des communautés chrétiennes, de manière à ce que cette dimension devienne inhérente à toute la vie chrétienne.

Les conséquences du réaménagement pastoral sur les vocations

La nouvelle situation des paroisses nous fait rencontrer, de manière quasi immédiate, la question des ministères. Ce n’est pas un hasard si l’évêque a demandé, dernièrement, que l’on ait une certaine "photographie" des ministères dans ces nouvelles paroisses que sont les unités pastorales, et si l’articulation des paroisses avec les services et les mouvements est également, peu à peu, réfléchie. Qu’il me suffise de relever quelques points qui peuvent apparaître - seul l’avenir le dira - ou comme des butées et des difficultés, ou comme des éléments porteurs d’avenir.

Parmi les chrétiens, les réactions sont diverses

Si les chrétiens les plus engagés dans la vie de l’Eglise et les plus conscients des enjeux pour les années à venir sont heureux de la manière dont se passe la réorganisation et en expérimentent tout le bénéfice, les chrétiens plus "consommateurs" souffrent parfois de ne plus avoir à leur disposition les services auxquels ils étaient habitués. Cela provoque parfois des tiraillements, des incompréhensions et des dysfonctionnements qu’il faut gérer au jour le jour. Un seul exemple peut illustrer ce type de difficultés : comment aider des chrétiens à comprendre qu’il est nécessaire de participer au rassemblement dominical, alors que la célébration a lieu à dix ou quinze kilomètres de leur lieu de résidence ? Ils veulent bien "aller à la messe" lorsqu’elle est célébrée dans leur village, mais ils ne perçoivent pas forcément la nécessité de "faire Eglise" aussi au prix d’un déplacement.

Ne va-t-on pas vers une Eglise à "deux vitesses" qui privilégierait les plus dynamiques au risque de laisser au bord de la route ceux qui, pour de multiples raisons, ne parviennent pas forcément à suivre la marche ? Un grand rassemblement diocésain, en juin 2000, avec tout ce qu’on peut deviner comme préparation, voudrait tenter de prendre en compte ce souci. D’autre part, si nous avons bien travaillé sur le volet "coordination", le volet "proximité" (cf. supra) devra sans doute être mieux pris en compte qu’il ne l’a été jusqu’à présent.

Des répercussions difficilement analysables

Sur les prêtres, leur vie et leur ministère, les répercussions de ce réaménagement sont énormes et encore difficilement analysables.

La question du ministère ordonné se révèle, en effet, cruciale et parfois douloureuse. Il y a 66 unités pastorales, il ne peut y avoir que 66 curés (au sens canonique du terme). Que deviennent les autres prêtres ?

Au moment de l’officialisation de la réorganisation pastorale, en 1997, une rencontre personnelle avec chaque prêtre a permis de déterminer le statut de chacun :

- Soit prêtre "coordinateur" (curé) au sein de l’équipe de coordination pastorale.

- Soit prêtre "coopérateur" (nous n’avons pas voulu dire vicaire, pour ne pas induire des images du passé souvent trop négatives). Les prêtres coopérateurs font en général partie de l’équipe de coordination pastorale.

- Soit prêtre "au service de l’unité pastorale" recevant une mission seulement pour un service précis.

- Soit prêtre "en retraite", mais restant disponible pour des services ponctuels que l’équipe de coordination pastorale pourrait lui demander.

Tout cela est bien clair dans la théorie, ce l’est moins dans le concret de la pratique, compte tenu du fait que beaucoup ont à apprendre à être pleinement prêtres sans forcément être "curés" au sens où ils l’avaient conçu jusque-là.

Apprendre aux prêtres coordinateurs à être pleinement pasteurs dans une autre manière de vivre leur ministère ; leur permettre de vivre leur ministère ordonné autrement que ce qu’ils avaient vécu jusqu’à présent ; vivre une fraternité sacerdotale entre tous, quel que soit leur statut : tel est l’objectif d’une réflexion qui se poursuit.

Une avancée nettement perceptible

Une avancée est nettement perceptible (même si elle reste toujours fragile) du côté des laïcs appelés à faire partie de l’équipe de coordination pastorale, chargée d’animer la vie et la mission de l’Eglise localement. Nous en sommes à une mutation qui soulève de multiples questions théologiques (cf. l’article de A. Borras, ainsi que l’ouvrage Des laïcs en coresponsabilité pastorale ? sous la direction également de A. Borras (2).

Deux points me paraissent porteurs d’avenir pour la question des ministères :

• Les laïcs sont appelés et reçoivent une lettre de mission. C’est tout autre chose que de se proposer comme volontaire pour telle ou telle tâche. Etre appelé : c’est répondre à une mission qui ne nous appartient pas parce qu’elle est celle de l’Eglise tout entière, "symbolisée" par l’évêque qui appelle. Peu à peu, la distinction entre l’Equipe de coordination pastorale "appelée" et le Conseil pastoral "délégué" permet de pressentir ce que peut être une mission reçue et de faire l’expérience de ce que veut dire le mot "pastorat" jusqu’ici réservé aux seuls ministres ordonnés.

• Les laïcs passent d’une responsabilité partielle (catéchèse, liturgie, souci des pauvres, etc.) à une responsabilité globale, c’est-à-dire à la vie et à la mission de l’Eglise locale dans son ensemble. Il y a là un élargissement des perspectives et des préoccupations qui permet à beaucoup de chrétiens de grandir dans la foi et dans le "Tous responsables" qui est un des axes d’avenir.

Faut-il, pour cela, accompagner spirituellement les membres des équipes de coordination pastorale et leur proposer une formation ? C’est ce qui est tenté, forcément assez modestement (après-midi de formation et de reprise spirituelle) du fait de la surcharge à laquelle sont affrontés les membres de ces équipes de coordination pastorale.

Mais, à mon avis, c’est en partie dans ces équipes que se passe, pour une part, l’avenir des ministères dans les communautés chrétiennes, en particulier l’articulation entre le ministère ordonné et les autres ministères. Il s’agit d’un autre type de coresponsabilité, du fait de la charge pastorale reçue, que celui auquel nous étions habitués. Dire que tout va tout seul et qu’il n’y a pas de difficultés serait une grave erreur de perspective ; de multiples questions se posent ; de multiples conversions sont nécessaires (d’où l’importance de la relecture au plan spirituel), mais l’évolution, je crois pouvoir le dire, est positive.

La question des diacres reste ouverte

Il y a encore relativement peu de diacres dans notre diocèse (seize à l’heure actuelle) et il n’y a donc pas à proprement parler de prise de conscience diocésaine et visible de la vocation diaconale en tant que telle. Par ailleurs, le souci du diocèse demeure de ne pas trop engager le diaconat dans les structures ecclésiales proprement dites. Si tel ou tel diacre est membre d’une équipe de coordination pastorale, ce n’est pas le cas de la majorité, ce qui a pour conséquence que les diacres peuvent se sentir parfois les "parents pauvres" du réaménagement pastoral et que, jusqu’à présent, le diaconat a été relativement peu pris en compte dans la réflexion diocésaine : le chantier reste ouvert pour les prochaines années.

Quelle incidence sur la vie religieuse ?

Les religieuses (nous n’avons malheureusement que très peu de religieux) ont été très partie prenante du réaménagement pastoral, soit au niveau local (un certain nombre de religieuses, outre les tâches pastorales qu’elles assument, font partie des équipes de coordination pastorale), soit au niveau diocésain à travers la réflexion et l’impulsion données par le Conseil diocésain de la vie religieuse. Une évolution positive, à mon sens, se fait jour : la vie religieuse est davantage perçue dans sa signification pour la vie de l’Eglise que par le nombre de tâches ecclésiales que les religieuses peuvent accomplir.

 

Par ailleurs, la réorganisation pastorale a obligé les différentes congrégations présentes à une réflexion de fond et à une certaine inventivité. Paradoxalement, malgré la diminution du nombre des religieuses et leur vieillissement, de nouvelles communautés ont été ouvertes et sont source de dynamisme chrétien dans des secteurs souvent pauvres humainement et chrétiennement. La réorganisation pastorale nous a tous acculés - responsables diocésains et congrégations - à un décloisonnement, à une meilleure collaboration dans la réflexion et dans l’activité pastorale : mettre en commun ses pauvretés peut être source de richesse et d’avancée…

Quant à dire que cet effort a eu une incidence sur une entrée massive de jeunes dans la vie religieuse, franchement non ! Et je ne vois pas, dans l’immédiat, la possible revitalisation d’un appel renouvelé à la vie religieuse du fait du réaménagement pastoral.

L’appel des jeunes

L’appel au ministère ordonné pour des jeunes est du même ordre que ce que je viens de dire pour la vie religieuse. Pour l’instant, je ne vois pas quelle incidence peut avoir la réorganisation pastorale sur l’appel au ministère ordonné. Trois pôles sont actuellement privilégiés par le Service Diocésain des Vocations :

• Une sensibilisation des communautés chrétiennes à cette réalité vitale pour aujourd’hui et pour demain. Mais, si je prends l’exemple de l’enquête sur le redéploiement des ministères, demandée aux différentes unités pastorales, la préoccupation des vocations spécifiques est quasi absente des réponses de ceux qui y ont participé (prêtres coordinateurs et équipes de coordination pastorale). C’est inquiétant ! Il faut, certes, apporter quelques petites nuances, mais globalement, c’est la situation. On devine ce qu’il reste à faire… On peut toujours dire que l’Esprit est en train de travailler, mais l’idée émise, ça et là, que " plus les communautés chrétiennes seront vivantes, plus elles seront appelantes pour le ministère ordonné " ne me paraît pas, à court terme, se vérifier dans notre diocèse.

• Une proposition de formation spirituelle et de pratique du discernement, en particulier en direction des jeunes est mise en œuvre. Nous ne devons pas en attendre des résultats à court terme, mais à moyen terme peut-être. Je reste persuadé, en effet, que c’est à partir d’une expérience spirituelle authentique et de critères fournis pour relire cette expérience spirituelle, que des jeunes ont quelque chance de déceler, en eux, un appel de l’Esprit. Dans la réorganisation pastorale, les modèles sont de plus en plus flous (et ils risquent de le rester encore quelque temps…) : seule une expérience personnelle du Christ, conjuguée à un appel objectif de l’Eglise (cf. infra) peut préparer un renouveau des vocations spécifiques dans l’Eglise.

• C’est sur ce troisième axe que nous tentons en effet ce renouveau : appeler des jeunes (qui n’ont peut-être jamais pensé à être prêtres) à vivre une année de discernement où ils acceptent de se poser la question d’un possible ministère. C’est l’objectif du Groupe Ministère Presbytéral. Pour savoir à quels jeunes poser cette question - et c’est une nuance importante que j’apporte à mon propos assez pessimiste rapporté plus-haut - les membres des équipes de coordination pastorale sont sollicités et sont donc amenés à réfléchir à l’avenir du ministère ordonné pour la vie des communautés chrétiennes. L’avenir nous dira si du fruit en jaillira…

Il y aurait sans doute bien d’autres points à aborder… Je pense aux "laïcs en mission pastorale" (qu’on nomme permanents pastoraux dans d’autres diocèses) et dont l’action, ainsi que l’évolution spirituelle et ecclésiale, sont prometteuses d’avenir pour la question des vocations.

Rien n’est figé, ni en positif, ni en négatif : le temps des "plans pastoraux" est passé ; c’est le temps de la pauvreté, de l’approfondissement et du renouveau de la foi ; c’est le temps de la disponibilité à l’Esprit. Je pense souvent à ces phrases de Bernard Sesboüé dans son ouvrage (p. 174) : " Il existe un mouvement en genèse qui associe de plus en plus de laïcs aux tâches proprement pastorales. Il ne pose pas de manière générale et immédiate les questions d’ordinations, parce qu’il est encore évolutif et que le sens ultime de cette pratique n’est pas encore décanté. Mais il convient de donner toute ses chances à la nouveauté dont il est porteur. "