Dieu m’attendait et je ne le savais pas


Anne PERROT
Service des Vocations d’Autun

" Dieu a de l’humour !… et de la patience ". En faisant un jour relecture de vie, c’est ce qui m’a immédiatement sauté aux yeux. Dieu m’attendait, et je ne le savais pas. Quelle révélation de se sentir attendue ainsi ! A un moment donné de ma vie d’étudiante, j’avais un peu fui la participation à un groupe de réflexion avec d’autres jeunes. Puis je me suis mariée. Quelques deux années plus tard, à la naissance de notre premier enfant, plus précisément à son baptême, je prenais conscience de mon engagement à élever cet enfant dans la foi chrétienne, et j’avais grand besoin de faire le point. Je me suis trouvée tout à coup face au Christ m’adressant cette parole. : " Et toi, qui dis-tu que je suis ? "

Voilà ce qui a été le départ de mon engagement actuel dans l’Eglise. Par je ne sais trop quel effet du hasard, j’ai appris que je ferais du catéchisme à la rentrée suivante. Et tout a été très vite. J’avais soif de connaître mieux la Bible, de connaître l’Eglise autrement que par la messe du dimanche. On m’a proposé de suivre un parcours d’ecclésiologie sur une année. Ce parcours m’a donné le goût de l’Eglise. Il s’est trouvé que le prêtre qui dispensait cette formation était le responsable du SDV. Après discernement avec le curé de ma paroisse, il m’a appelée à faire partie de son équipe. Au début, je n’y comprenais pas grand chose, mais je sentais qu’il se jouait là quelque chose d’essentiel.

Après, tout s’est fait très naturellement. L’année suivante, j’avais une lettre de mission de l’évêque pour un temps en catéchèse et un temps au SDV. Je suis maintenant presque à temps plein au SDV.

Il est difficile de dire précisément ce que j’apporte, par contre je peux dire que c’est dans ce service que j’ai compris l’impressionnante attention amoureuse de Dieu pour son peuple. Mon premier étonnement a été de voir la diversité des jeunes qui, pressentant un appel, désiraient chercher, discerner leur vocation chrétienne ; des jeunes, parfois, dont je n’aurais jamais imaginé qu’ils puissent être habités par un appel de Dieu ! Cette découverte me donne toujours beaucoup de joie et m’encourage à essayer de regarder les personnes à la manière de Dieu, que ce soit dans le cadre de ma mission ou dans tout ce qui fait ma vie de famille, ma vie sociale. Cela m’est une source d’émerveillement et d’espérance.

Dieu donne des serviteurs pour son peuple, des serviteurs capables de correspondre à la diversité des hommes. Multitude de dons pour la multitude des hommes. Le SDV touche ce qui est au cœur de l’homme et ce qui au cœur de l’Eglise.

Jusque-là, je n’avais entendu parler que de "LA" vocation. J’ai découvert la multitude des appels de Dieu : des appels les plus quotidiens aux appels les plus catégoriques comme les vocations spécifiques.

Cela m’a appris à être plus attentive à la manière dont chacun vit son (ou ses) appel(s), et aussi à être plus à l’écoute des appels que Dieu m’adresse dans ma vie personnelle. Je sais que, quand je suis découragée ou quand je suis moins motivée, c’est que je ne prends pas suffisamment le temps de prier, de savourer la Parole et de m’en nourrir. J’apprends à me " laisser faire ", à remettre à ce Père ma vocation d’épouse, de mère et ma mission de laïque en pastorale, au quotidien.

Se savoir appelé à être vraiment ce qu’on est profondément, ce que Dieu a mis en soi, et savoir qu’Il est toujours là est rassurant, est source de liberté. Découvrir que ce que nous sommes appelés à donner, c’est entrer dans ce que nous avons déjà reçu de Dieu donne la paix et entraîne à chercher au plus profond de soi. S’émerveiller devant la richesse des dons de Dieu, rendre grâce et avoir pour mission de révéler que chacun est un cadeau pour ses frères, c’est fabuleux ! J’ai la chance que cela fasse partie de mon "métier" ! Ayant moi-même fait cette expérience, il m’est plus facile d’en parler aux jeunes.

Bien sûr, j’ai appris à connaître les différentes vocations spécifiques. En côtoyant différents prêtres, religieux, religieuses, moines ou moniales, consacrés, des missionnaires revenus en France, je découvre chaque jour un peu plus ce qui fait leur spécificité, ce qui fait que, s’ils n’existaient pas, nous ne pourrions pas comprendre le message de l’Evangile, ni en quoi chaque chrétien est aussi prêtre, prophète et roi, appelé à entrer dans l’Alliance de Dieu et être ouvrier pour le Royaume.

Dans ma mission, j’ai la chance de faire l’expérience de la complémentarité des vocations, toutes différentes, bien qu’ayant la même source. Chacun enrichit l’autre de ce qu’il est, chacun s’émerveille avec bonheur de la vocation de l’autre : tous appelés mais de manières différentes à donner le meilleur de lui-même. Emerveillée de voir souvent le prêtre avoir une parole qui fait autorité, parce que venant ‘d’ailleurs’, signifiant quelque part le Christ. Emerveillée de voir les moniales (celles que je côtoie le plus ), rayonnantes de leur joie de vivre en sœurs, alors que ce n’est pas évident, mais portant toutes ce souci de la prière pour le monde. Emerveillée de voir les apostoliques, véritables fourmis ouvrières, partageant le travail, les missions des laïcs, signes de l’Evangile au quotidien.

Je suis émerveillée, enfin, de voir des laïcs heureux de se mettre au service de l’Eglise, selon ce qu’ils sont et, souvent, très modestement.

C’est ainsi que l’Eglise se construit au jour le jour : chemin d’espérance et de conversion.

Au SDV, je fais l’apprentissage de l’humilité, de la gratuité, de la non-obligation de rendement, notamment au niveau de la mission envers les jeunes. Ce qui compte, c’est la mise en dialogue de deux désirs : celui de Dieu, celui d’un jeune. Le travail d’accompagnement consiste surtout en une écoute attentive, en essayant de pointer la présence de Dieu dans leur quotidien, les points de conversion ou les avancées dans leur cheminement.

Humilité : Celui qui a semé, c’est Dieu. Il s’agit de se mettre à son pas. Comme je le disais plus haut, être le témoin de l’œuvre de Dieu dans la vie d’un jeune, c’est tout simplement mais extraordinairement beau et cela fait grandir ma foi. On ne peut que se sentir tout petit. Mais en même temps, on était là pour accueillir, pour éveiller, pour révéler au jeune lui-même comment Dieu l’habite : nous sommes le serviteur inutile dont Dieu veut avoir besoin.

J’ai fait aussi l’expérience que, lorsqu’on me demande une quelconque intervention (je suis très timide), cela m’effraie tout d’abord. Mais si, ayant une idée de ce que je veux faire passer, je m’abandonne pleinement en Dieu, ne voulant être que l’instrument de sa volonté, tout va bien et la parole passe. Cela me dépasse complètement, mais j’éprouve la joie d’avoir répondu à un appel : donnée à Dieu pour mes frères.

Gratuité et non-obligation de rendement : La réponse du jeune ne nous appartient pas. C’est sa liberté. Nous ne sommes que les laboureurs de ce que Dieu a déjà semé dans une terre assoiffée et fertile. Mais le résultat ne nous appartient pas. Le seul bénéfice, non négligeable, c’est la joie de voir un jeune s’épanouir en devenant lui-même, ce que Dieu l’a fait.

Je me souviens de mon émotion encore l’an dernier, le jour où une jeune fille a fait son entrée chez les Clarisses. Depuis un an qu’elle mûrissait sa décision, je la voyais être de plus en plus joyeuse, bien dans sa peau, heureuse. Ce jour-là, j’ai décelé sa joie de jeune fiancée, cela m’a rappelé mon bonheur au jour de mes fiançailles. Même émotion lors de célébrations d’ordinations, où l’on perçoit tout le poids d’un engagement lorsque Dieu donne sens à la vie

Un religieux que je rencontrais cette année lors d’une réunion, s’interrogeait sur la place que pouvait bien avoir une mère de famille dans un service des vocations. Je lui expliquais que ma mission au SDV rejoignait ma vocation de mère de famille ; car qu’est-ce qui habite des parents sinon le désir que leur enfant se réalise pleinement, qu’il soit vraiment lui-même et, qui plus est pour des parents chrétiens, le désir de le voir faire fructifier les dons que Dieu a mis en lui, le désir qu’il devienne ce pour quoi Dieu l’a fait.

C’est bien cela que j’ai à accompagner aussi au SDV : la rencontre de deux désirs ; celui d’un jeune voulant se réaliser pleinement en Christ et celui de Dieu qui chérit son enfant et attend de lui qu’il se donne à ses frères, révélant ainsi tout son amour de Père. J’ai à accompagner le discernement d’un chemin de bonheur. Mais qui dit bonheur ne veut pas dire qu’il n’y a ni combat, ni doute, ni découragement. L’accompagnement au SDV permet au jeune d’enraciner profondément sa décision en prenant toutes les dimensions de l’amour de Dieu, de son amour pour Dieu au service de ses frères. C’est ceci qui l’aidera à tenir dans les moments difficiles.

Cette mission est tout à fait compatible avec une vocation de mère et d’épouse. Car si cela m’aide à approfondir ma vocation de mère, il en est de même pour ma vocation d’épouse. On ne peut pas être actif dans une équipe SDV sans se mettre en face de sa vocation propre. On y est sans cesse renvoyé. Tout ce que je vis, vient enrichir ma mission, et inversement. On ne peut pas parler du don d’amour de Dieu, de sa promesse d’être toujours avec nous, sans l’avoir découvert dans sa vie. Accompagner un cheminement avec le Christ, suppose qu’on soit déjà conscient du chemin parcouru personnellement avec lui.

Et le cheminement des jeunes vient questionner mon cheminement personnel.

Vraiment je mesure la chance d’avoir reçu cette mission en SDV : cadeau ! Pourtant, cela peut paraître très ingrat, dans un premier temps, car on ne moissonne pas vraiment ce qu’on a labouré. Mais je peux témoigner qu’on n’en ressort pas indemne : cela m’aide à faire la vérité en moi, cela me fait grandir dans la foi en la Trinité, dans l’amour de l’Eglise et des hommes et c’est un réel bonheur.

Tous les jeunes ne passent pas par un SDV. Mais participer à un groupe de recherche permet de discerner sa vocation en se confrontant à celle d’autres jeunes, en se laissant interpeller par eux. Le groupe de recherche SDV permet de s’enrichir de la foi de jeunes qui ont des cheminements différents : et en cela, il est visage d’Eglise.

Par ailleurs, une des difficultés auxquelles les SDV se heurtent, c’est le manque de confiance de certains animateurs, accompagnateurs de jeunes, qu’ils soient prêtres ou laïcs. Il est vrai qu’il est agréable de montrer qu’ " on a des jeunes " dans son service ou dans son mouvement. Cela veut dire qu’ils sont heureux d’y venir et que sans doute, ils en retirent quelque chose.

Mais, quand on accompagne un jeune dans le discernement de sa vocation chrétienne, qu’elle soit spécifique ou non, malgré la tentation de vouloir le garder auprès de soi, il est important un jour d’arriver à le confier à d’autres. Il a besoin d’aller voir ailleurs, de mesurer ce qu’il a déjà entendu en partageant avec d’autres ses questions. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il doive quitter son groupe d’origine, ou qu’il cesse d’être accompagné personnellement par la même personne.

Les parents font cette expérience très forte. Ils savent que leur vocation est de mettre au monde un enfant et non pas de le garder pour soi. Arrive un jour où l’on se sent insuffisant pour répondre à tous les besoins de ses enfants. On a besoin de relais. Le SDV veut être ce relais pour ce qui est de l’accompagnement des jeunes qui se sentent appelés à une vocation spécifique.