Prêtres et laïcs : signes de la rencontre entre la Parole et la vie


Père Pierre MASSON
Service des vocations d’Annecy

Depuis quinze ans que je suis dans le Service Diocésain des Vocations comme prêtre, j’ai toujours œuvré avec des laïcs : une célibataire, puis une mère de famille. Depuis cinq ans, c’est une mère de famille qui est responsable du service au nom de l’Evêque, et je suis le prêtre accompagnateur ! Situation encore originale, tant l’idée est répandue que seul un prêtre peut avoir la responsabilité d’un tel service : je me souviens de cette rencontre des SDV à Lyon où la précédente responsable, Chantal, était, je crois, la seule laïque !

Pour moi, la place des laïcs dans le SDV ne fait aucun problème. Elle est le signe par excellence que tout le peuple de Dieu porte la responsabilité de l’appel. Les vocations sont une œuvre d’Eglise vécue en communion par les divers statuts de vie. Il n’y a jamais eu de concurrence entre nous et je peux même dire que le SDV est un des lieux où mon ministère est le mieux respecté, reconnu, mis en valeur. Le partage des tâches se fait naturellement : il m’arrive souvent de renvoyer des personnes à Françoise Verdonnet, pas uniquement pour des choses pratiques. C’est ensemble que nous animons certaines réunions, chacun avec sa personnalité et son regard sur l’Eglise et le monde. Mon souci de signifier la source de notre travail, le Christ, s’enrichit du témoignage de foi de l’autre. Si mon ministère est signe de communion avec toute l’Eglise, je suis moi-même mis en communion par ce que vit Françoise dans l’Eglise.

Cette collaboration est fondée sur la conviction que la vie de baptisé est " vocation " . Toute vie de foi est réponse à un appel qui nous précède, rencontre du Vivant qui est venu à nous, don de soi-même dans l’amour, au service de l’Evangile. Ce fut le motif de l’engagement de Françoise dans le Service ! C’est cette conviction, animée par l’Esprit, qui fait de nous des "appelants" pour toutes les vocations. Et c’est aussi une proposition de liberté : une vocation spécifique ne relève pas d’un "plus" ou d’un "mieux", mais de l’écoute du Seigneur et de la réponse à son appel. La collaboration prêtre-laïc témoigne de cette liberté dans nos choix de vie.

Il faut, pour cela, que le Service des vocations dans l’Eglise soit vécu dans le domaine du spirituel autant que du fonctionnel. Et c’est la grâce de ce que j’ai vécu avec Chantal puis avec Françoise, qui lui a succédé. C’est notre baptême qui nous rassemble et nous fait communier dans l’Esprit. Au fil des rencontres, une réelle communion spirituelle s’est instaurée, à l’écoute de la Parole, dans la prière, le partage. Grâce à ces laïcs, ma propre foi a grandi. Richesse ! Joie ! Sans cette communauté de foi et de recherche spirituelle, un SDV est-il encore "appelant" ?

Les laïcs nous aident aussi à " passer sur l’autre rive ", celle de la vie des familles, des hommes, des femmes, des jeunes d’aujourd’hui. A leur écoute je deviens plus sensible à ce qu’ils pensent, éprouvent, vivent. Ensemble, prêtre et laïcs, nous signifions la rencontre de la Parole et de la vie, l’Incarnation. C’est souvent un thème de partage entre nous et un souci : que l’Eglise soit à l’écoute bienveillante de la culture d’aujourd’hui dans ses valeurs et ses dangers, pour que le Royaume s’y enracine !

Je me réjouis, enfin, du fait que le rôle de Françoise soit reconnu et pris en compte par l’ensemble des prêtres du diocèse. C’est elle qui est venue animer le Conseil Presbytéral quand il a travaillé la question des vocations. Pas banal qu’une mère de famille exprime sa passion et ses convictions à un public de prêtres, pour certains un peu "blasés" sur cette question ! Signe que l’Esprit habite l’Eglise et que les vocations sont moins de l’ordre du "faire" que de l’ordre du "spirituel", de "l’être baptismal".

Cette collaboration prêtre-laïc au Service des Vocations me fait retrouver la vigueur et la priorité du baptême dans l’Eglise : c’est là que tout commence, c’est de là que tout jaillit. Peut-être que l’une des difficultés aujourd’hui dans l’Eglise est de méconnaître l’importance du baptême et le chemin qu’il détermine, dans l’ordre " sacramentel ", pour toute activité pastorale, toute vie chrétienne. La vie chrétienne se vit moins sous le signe de l’efficacité que de la fécondité spirituelle dans la gratuité de l’amour croyant.