Participer à la pastorale des vocations !


Véronique GALLISSOT

Aujourd’hui envoyée en mission comme responsable du service diocésain de la catéchèse de mon diocèse, j’ai passé neuf ans au service diocésain des vocations. D’abord comme " représentant les laïcs " dans l’équipe du SDV, puis comme permanente en pastorale à mi-temps, enfin comme " corégionale " pour la région Nord.

C’est donc avec un peu de recul que je peux aujourd’hui regarder et analyser ce que cela représente, pour un laïc, que de participer à cette réflexion ecclésiale vécue au sein d’un SDV et, inversement, ce que cela représente pour cette pastorale que de se mettre à l’écoute des questions, remarques (et parfois difficultés de sensibilisation), des laïcs vis à vis des vocations dites " spécifiques ".

Pour un laïc, quelle utilité et quel apport à participer à la pastorale des vocations ?

Un laïc qui dit " oui " pour la première fois à un engagement au SDV ne sait pas toujours très bien où cela va le mener ! C’est souvent la prise de conscience du manque de prêtres (moins souvent celle du manque de religieux), qui rend la sensibilisation à cet appel plus facile... Il est vrai aussi que l’étude du mode de renouvellement de ces mêmes prêtres et religieux n’est pas un sujet très répandu dans nos communautés chrétiennes.

C’est d’ailleurs avec une grande innocence que l’on confie à l’Esprit-Saint le soin de veiller à leur "reproduction"... en oubliant la majeure partie du temps que nous en sommes le Temple et que cela change singulièrement la façon d’aborder le rôle que l’on peut avoir dans l’appel et l’éveil de ces vocations !

S’engager au SDV, c’est également assumer d’être non seulement chrétien, mais aussi catholique (et romain !) :

  • Pas d’Eglise sans prêtres !... et les protestants, comment font-ils ?
  • Et si l’un de mes enfants voulait s’engager dans la vie religieuse : déception ou fête ?
  • Et si l’un des jeunes que j’accompagne en catéchèse ou en aumônerie est invité à un groupe de recherche : je me réjouis, j’encourage... ou je détourne le tract d’invitation ?
  • Nous manquons de prêtres : ça me concerne ?... ou je diminue le montant de mon denier du culte (après tout, je ne suis plus sûr d’avoir un prêtre à mon enterrement) ?
  • Nous manquons de religieux(ses) : ça me concerne ?... ou c’est surtout gênant pour tout ce qu’ils (elles) assumaient au niveau du service, de l’évangélisation... ?

Autant de questions qu’une à une vous accueillez lorsque vous arrivez au SDV et décidez de vous y engager. Autant dire, par les temps qui courent, que ce n’est pas une mince affaire !

Si vous ne vous sauvez pas tout de suite, ce sont alors autant de questions que vous découvrez au sein d’une équipe constituée justement de la diversité de ces vocations et que vous apprenez à poser avec beaucoup de nuances.

1- Connaître ceux qui ont choisi le célibat consacré

Tout d’abord, le SDV est le lieu idéal pour apprendre à connaître la richesse et la complémentarité de toutes les vocations dans l’Eglise, en faisant l’effort de saisir la spécificité de chacune. On y apprend à reconnaître l’originalité des divers choix de vie et, peu à peu, on y apprend à ne plus définir " l’autre " par ce qu’il fait mais par ce qu’il est.

Les premières rencontres d’équipe ou en région (où les laïcs sont encore minoritaires), nous donnent l’occasion de plonger dans " La liturgie des heures ". Prière familière aux consacrés, c’est bien souvent une découverte totale pour les laïcs "débutants". Il est toujours utile d’être assis à côté de quelqu’un qui s’y connaît pour ne pas se perdre dans les pages de ce livre ! Et puis, quelques mois plus tard, vous commencez à prendre goût à cette prière de l’Eglise qui vous fait rejoindre, par-delà le temps et la géographie, les chrétiens du monde entier. A votre tour, vous entrez dans cette prière quotidienne (même et surtout parce que vous n’y êtes pas astreints, bien plutôt par pure joie !).

Cadeau de la rencontre de ces frères et sœurs qui ont choisi le célibat consacré, cadeau de la prière en Eglise, cadeau d’une réflexion menée avec la diversité de nos vocations chrétiennes : voilà déjà tout ce qu’un cheminement en SDV peut apporter à un laïc !

2- Chemin de conversion

... Mais cadeau aussi de tout un questionnement bouillonnant au cœur d’un siècle ou notre société occidentale est en plein bouleversement et où l’Eglise connaît également ses tempêtes. Tout comme le texte de la tempête apaisée (Mc 4, 35) plante la Résurrection au cœur de nos troubles et de nos doutes, nous prenons conscience, peu à peu, que nous avons à être des porteurs d’Espérance : croire, espérer, aimer prennent tout leur sens au SDV !

Chemin spirituel que cette mission en Eglise donc ! Chemin de conversion qui appelle à avoir Foi en Dieu qui ne cesse d’appeler, qui appelle chacun d’entre nous à continuer à semer et à " jeter nos filets " même si, à vue humaine, cela peut sembler inutile ou déraisonnable... Chemin d’audace pour proposer la Foi aujourd’hui et donner le témoignage joyeux du choix de vie que nous avons fait : que nous soyons mariés, consacrés ou célibataires.

Pour nous, laïcs, être au SDV nous confronte non seulement à la mise en acte et à la cohérence de notre foi (comme tout chrétien) mais aussi à sa " mise en mots".

Pour beaucoup, le SDV devient :

  • le premier lieu de rencontre d’un jargon ecclésial et théologique auquel tous ne sont pas préparés...
  • le lieu de rencontre de groupes de jeunes qui demandent un accompagnement et des guides pour les aider à se mettre à l’écoute des appels de Dieu dans leur vie et entrer en discernement.

Bien sûr, prêtres et religieux(ses) sont là pour cheminer avec nous et avec les jeunes mais, très vite, si l’on veut pouvoir être réellement participant et responsable dans la mission qui nous est ainsi confiée, il nous faut nous former ! Pour les uns ce sera dans l’accompagnement spirituel ou les sciences humaines, pour d’autres, ce sera au niveau biblique ou théologique... dans tous les cas, ce sera, à titre personnel, un nouvel appel dans notre vie de chrétien à pousser plus loin notre quête de Dieu et à devenir toujours plus aptes à rendre compte de l’Espérance qui est en nous.

Cadeau d’Eglise que la rencontre de ces frères et sœurs qui nous poussent à entrer davantage dans l’intelligence de notre Foi, cadeau de Dieu que ces moments privilégiés, partagés dans le cheminement avec les jeunes où nous sommes témoins privilégiés de l’œuvre incessante (mais surprenante !) de l’Esprit au cœur de notre monde : voilà encore tout ce qu’un cheminement en SDV peut apporter à un laïc.

Pour un SDV. pourquoi avoir des laïcs dans son équipe ?...

J’aurais aujourd’hui davantage envie de poser la question inversement : que voudrait dire, pour une équipe du SDV, que de ne pas avoir de laïcs dans son équipe ?

1- Quand les laïcs sont absents...

Soit les volontaires manquent ou ne répondent pas à l’appel : situation "intéressante" qui souligne bien l’urgence de faire entrer en débat les chrétiens de nos diocèses.

A l’heure où nous parlons de " former une Eglise qui appelle ", qu’attendent réellement les chrétiens des prêtres et des consacrés ? Qui appellent-ils réellement ? Ont-ils foi dans cette générosité des jeunes d’aujourd’hui qui s’exprime, certes, "autrement" qu’autrefois mais avec quel élan et quel dynamisme ! Les adultes que nous sommes sont-ils prêts à accueillir des initiatives quelque peu déstabilisantes et incertaines de la part des jeunes générations, elles qui débordent d’imagination mais qui ne sont plus prêtes à entrer dans nos schémas institutionnels pré-définis ?

Sommes-nous ces passionnés de l’Evangile que les jeunes attendent pour oser risquer leur vie à la suite du Christ et devenir à leur tour porteur de la Bonne Nouvelle ?

2- Quand les laïcs se découragent...

Soit les laïcs quittent peu à peu l’équipe devant l’ampleur de la tâche ou la difficulté d’y trouver leur place. Situation toujours possible qui met souvent en évidence le manque de formation ou de connaissance de la structure même de l’Eglise et ses évolutions depuis le Concile de Vatican II...

Au SDV, pas de solution toute faite, pas de programmes à appliquer, peu de jeunes qui, spontanément, "frappent à la porte". Tout est à inventer. Tout se joue au cœur de relations à nouer avec toutes les instances ecclésiales de nos diocèses.

3- Soit l’équipe n’est volontairement constituée que de prêtres, religieux et consacrés

C’est alors se priver (ou se préserver) de toute une réflexion et de tout un questionnement des laïcs qui, bien souvent (parce que néophytes en la matière), obligent à reprendre à nouveaux frais le mode de définition et d’appel de ceux que nos communautés locales attendent à leur service.

C’est aussi entretenir l’imaginaire d’une catégorie de chrétiens " séparée des autres ", qui se renouvelle par génération spontanée, sans que les familles ou communautés locales soient vraiment concernées.

C’est enfin déposséder le peuple de Dieu de sa responsabilité à éduquer, évangéliser, interpeller, accompagner et former ceux à qui Dieu, par amour et pour leur bonheur, fait don d’une " vocation ", ceux que Dieu, par son Eglise et avec tous ses membres, appelle au service du monde et de l’annonce de l’Evangile...

Cadeau de l’Eglise que d’être membre d’une équipe où travaillent, réfléchissent et prient ensemble des chrétiens ayant répondu différemment à l’appel de Dieu, tous conscients de l’enracinement baptismal de leur vocation qu’elle soit religieuse, presbytérale, diaconale ou consacrée, qu’elle se développe dans le mariage ou le célibat...

Cadeau que ce lieu d’Eglise où le mot de fraternité s’incarne au coeur même de nos différents choix de vie. Par la composition même de nos équipes, nous posons le signe d’une Eglise où la complémentarité des vocations est particulièrement mise en valeur.

Difficultés soulevées par l’engagement en SDV et questions pour l’Eglise à venir

Ces cadeaux reçus pendant toutes ces années passées au SDV ne doivent pas cacher les difficultés rencontrées et les questions que je me pose aujourd’hui.

1- Comprendre la mission du SDV

Il y a tant de choses à faire, tant d’ouvriers qui manquent sur tant de chantiers d’Eglise, que celui du SDV est rarement le premier servi. Il faut avouer que "le poste" n’y est guère rentable : " Combien d’entrées au séminaire cette année ? " vous demande-t-on en général en guise de bilan. Pour le moral, et proportionnellement à l’énergie investie, il faut reconnaître qu’une fameuse dose d’optimisme est nécessaire pour prolonger ses services au SDV...

Dans un premier temps, face aux questions qu’en tant que laïcs vous relayez naïvement, vous êtes quelque peu déstabilisés et déçus par le peu de marge de manœuvre laissé par le droit canon et l’institution : " Pourquoi pas d’hommes mariés prêtres ? Et pourquoi pas de femmes prêtres ? Et des engagements pour un temps donné et non pas à vie " ?

Dans un second temps, et avec un peu de formation, vous oubliez ces questions (ou vous continuez à vous les poser, moins naïvement, mais ailleurs...), parce que ce n’est pas dans la mission du SDV que de relayer ces débats ou, en tout cas, ce n’est pas dans ses possibilités de les résoudre...

Vient aussi la difficulté de voir que tout n’est pas tout rose dans le meilleur des mondes en ce qui concerne, par exemple :

  • les différentes perceptions du ministère ordonné (plutôt sacerdotale ? presbytérale ?...),
  • la perception et la place du diaconat permanent,
  • les questions que posent la disparition de congrégations religieuses "anciennes" face à l’apparition de "nouvelles" communautés,
  • la participation du laïcat dans les charges "pastorales"...

Heureusement, les rencontres au niveau régional et national vous animent d’un " joyeux courage " et vous réconcilient (si besoin en était), avec l’Eglise-institution !

2- Prolonger la mission du SDV

Ayant aujourd’hui changé de service d’Eglise je reste totalement marquée par ce souci pastoral de l’appel aux vocations spécifiques ! Face au manque crucial de prêtres (et plus que jamais convaincue de la nécessité de leur présence au cœur de nos communautés), je me pose un certain nombre de questions sur les vocations qui pourraient fort bien être à la charge de la réflexion des SDV.

a) Tout d’abord, un travail à mener autour de la relation prêtres/laïcs :

Parce que le contexte socioculturel a changé, de plus en plus de laïcs sont aujourd’hui appelés à participer à la vie de l’Eglise, bousculant le fonctionnement d’une institution qui s’en était très bien passée pendant plusieurs siècles.

Ce qui peut n’être perçu que comme une simple suppléance passagère devient un appel à accueillir de " nouveaux ministères " confiés à des laïcs et touchant à des domaines de la pastorale jusque là exclusivement réservés aux ministres ordonnés...

C’est, de fait, déjà le cas dans la pratique de bien des diocèses et cela implique d’apprendre à travailler ensemble, prêtres et laïcs. Je n’irai pas jusqu’à parler de "nouvelles formes" de vocations dans l’Eglise mais je crois que le SDV aurait une part importante à tenir dans le discernement à mener dans l’appel des futurs permanents. Ni employés des prêtres, encore moins remplaçants, mais serviteurs originaux du peuple de Dieu. Un accompagnement spirituel spécifique pourrait leur être proposé !

Obligés ainsi de clarifier le statut propre des ministres ordonnés et celui des ministres laïcs, nous serions alors plus à même d’être à l’aise dans la pastorale de l’appel et l’accompagnement proposé aux jeunes qui rejoignent les groupes du SDV.

Il y va aussi du témoignage donné par Eglise. Les prêtres sont fatigués et ont de plus en plus de charges. Ils apprennent (ou se sentent obligés), à déléguer nombre de fonctions à des laïcs - plus ou moins formés - qui, très vite, croulent à leur tour sous la charge... et ne donnent pas forcément envie d’être relayés !

Laïcs au service de toutes les vocations, ce sera donc aussi montrer la joie d’un service vécu en partenariat respectueux avec les prêtres (et inversement). Si j’insiste sur ce point, c’est que l’on sent bien que ce n’est pas le cas partout et que bien des conflits latents, des non-dits, minent parfois l’institution, ne donnant pas envie de la rejoindre. Il y a tant de façons d’être serviteurs du Christ que les jeunes ne s’orienteront que vers un ministère " de la joie ", vécu en fraternité avec les communautés chrétiennes qu’ils auront à accompagner et avec qui ils auront à collaborer !

Peut-être les jeunes prêtres bénéficieront-ils, dans le cursus de leurs études, de formations développées au niveau des sciences humaines, de la communication, de la pédagogie, etc. Peut-être le travail avec des équipes de laïcs, reconnus comme véritables partenaires, avec qui il faudra prendre en commun des décisions leur sera-t-il plus naturel... Sûrement y sont-ils déjà sensibilisés, mais nous n’avons pas de modèle ecclésial proche.

Nous sommes une génération qui doit risquer l’invention de nouveaux modes de propositions de la Foi, prêtres et laïcs… ensemble !

b) La question de la vie religieuse

Il est bien moins souvent question de la vie religieuse dans nos débats autour des questions "vocationnelles". Pourtant, il y a un désir de plus en plus marqué des laïcs de rejoindre des communautés religieuses pour se ressourcer, découvrir et rejoindre le charisme de telle ou telle congrégation, pour ré-enraciner leurs engagements au cœur de la prière et de la parole de Dieu.

C’est une chance pour les SDV que de pouvoir faire découvrir cette originalité de la vocation religieuse bien souvent aux avant-poste de l’Eglise quand, dans l’histoire, d’importantes mutations ont eu lieu.

Des jeunes peuvent entendre l’appel à la vocation religieuse, y découvrant là un épanouissement personnel et un réel service de leurs frères qu’ils soient chrétiens ou simplement en quête spirituelle au milieu d’un monde où les repères se font de plus en plus flous et les choix de plus en plus difficiles.

Parce qu’il faut bien momentanément conclure (alors que l’envie d’entrer en débat me brûle), j’aimerais redire que la participation des laïcs à la réflexion des SDV me semble nécessaire. Il y est question du rapport au monde de toutes nos communautés chrétiennes. Sommes-nous des bastions militants pour la protection d’un héritage institutionnel inébranlable ? Des forteresses protégeant une espèce en voie de disparition ou des "élus " ?

Ou sommes-nous des brebis envoyées dans le monde avec pour pasteur le Christ qui, Lui seul, peut nous donner l’audace de la Foi, de l’Espérance et de la Charité ? Qui, Lui seul, par son Esprit, peut nous donner la force de risquer un oui à tout laisser pour le suivre. Qui, Lui seul, peut nous donner d’oser inventer de nouvelles façons d’être Eglise ensemble ?

Les jeunes n’auront probablement pas envie de devenir les aventuriers d’une arche perdue, mais bien davantage celle de se lancer dans l’aventure d’une Bonne Nouvelle à proposer avec des mots et des pédagogies innovantes… Témoins de l’Espérance, que notre Foi soit contagieuse et dise le Bonheur de ceux qui se savent aimés de Dieu !