Les homélies


Mgr Louis CORNET
évêque de Meaux
Mgr Armand MAILLARD
évêque de Laval

27 octobre 1998 (Ephésiens 3, 14-21 ; Luc 12, 49-53)

Ce matin en écoutant les témoignages des uns et des autres, je me réjouissais de tous les efforts de mise en œuvre d’une pastorale de vocations, et je vous en remercie. Mais, car il y a toujours un "mais", je restais un peu assis entre deux chaises me demandant, comme Sœur Suzanne, qu’est-ce qui est premier dans ces cheminements de jeune ?

Est-ce sa personnalité ou est-ce l’accueil qu’il peut faire à la présence de Dieu dans sa vie ? Et je me souvenais de cette lettre d’une élève de 1ère me racontant une courte retraite faite dans une abbaye : "Le soir, dans l’église après l’office, dans le silence Dieu est venu, me rencontrer"

Comment était-elle prête à cette rencontre ? Ici on nesortira jamais de la vérité évangélique - ou l’appel de Dieu transmis à Marie par la médiation de l’Ange, ou par Jésus lui-même se présentant sur le bord du lac ou ailleurs, et s’entendant dire : "Maître où demeures-tu ?"

Dans un appel comme dans l’autre il n’y a pas de contrat ni de recherche théorique, il n’y a qu’une présence appelante, qui n’appelle pas un oui paritaire, mais une présence répondant à une présence. Marie ne dit pas "oui" mais se dit disponible, disponibilité en forme de présence. Les Apôtres, premiers disciples, n’ont d’autres premiers soucis que d’être avec : "Maître où demeures-tu ?". Ce mot demeurer est ambigu. Comme la graine au cœur de la terre, elle ne bouge plus, elle attend. Elle ne produira son fruit qu’au prix du temps.

Dans le silence de la terre la graine se transforme en arbre pour y accueillir les oiseaux du ciel en quête d’un nid, d’une sécurité, pour donner la vie.

Armelle, qui se prépare à être secrétaire médicale, qui a 23 ans, me parle ainsi de sa maturité spirituelle : "Etre adulte dans la foi, c’est être capable de liberté, de répondre par l’amour à l’initiative d’amour de Dieu, c’est permettre à d’autres d’entrer dans la vie surnaturelle. Ainsi, touchée et séduite par l’amour de Dieu, je désire répandre son amour en tenant ferme les engagements de mon baptême : croire et lutter contre le mal." Cette lettre date du 10 octobre. Armelle m’a confié un projet de consécration religieuse.

Ainsi la graine germe dans le silence, le levain fait lever la pâte sous le seul regard de la maîtresse de maison. La disponibilité de Marie et celle des disciples est aussi réservée. Et celle des jeunes qui rencontrent leur Père du Ciel, dans leur amour du Christ, illuminé de l’Esprit de vie est du même ordre, quelles que soient leur culture, leur intellect, leur liberté, leur affectivité. Tout leur être se rassemble dans cette disponibilité, présence à la présence.

En ces temps de renouveau de l’Eglise, on voit chez des adultes, jeunes et moins jeunes, un cheminement identique de foi et de don d’eux-mêmes. Les catéchumènes vivent ce jaillissement de l’Esprit, dans une joie inégalable. Et plusieurs points d’initiation me paraissent communs. Pour être disponibles à Dieu qui se donne, que faut-il faire ?

Le premier point, c’est l’estime du temps face à l’immédiateté des techniques. Et du coup, apparaît l’initiation à la fidélité face au zapping comme dans la société. Et encore une initiation à la conscience droite, où le bien, le beau, la vérité sont souverains sans compromission avec la facilité ambigüe et versatile.

C’est alors qu’apparaît l’initiation à l’expérience spirituelle qui existe déjà mais qu’il faut aider à identifier. Et, en même temps, rendre sa légitimité à l’exercice de la raison. et, paradoxalement, initier à l’imprévu de Dieu qui surgit dans l’événement, la terre et le temps ne sont pas programmés par un ordinateur.

Mais, direz-vous, que signifie le mot "recherche" que veut dire le mot "projet" ? Pour utiliser ce vocabulaire, il faut le purifier du surmoi, de la précipitation, du désir de ressembler à tout le monde ou de suivre un gourou unique modèle. Seule la foi en la Parole de Dieu peut nous sauver de ces limites humaines.

Une petite prière à la fin du Livre de l’Apocalypse nous dit que nous aussi nous sommes capables d’appeler Dieu : Viens Seigneur Jésus !"

Et il continue de nous répondre comme à son Père : "Me voici puisque tu m’as appelé"

Mgr Louis CORNET

28 octobre 1998 ( Ephésiens 4, 1-6 ; Luc 12, 54-59)

Ce qui nous frappe dans cet évangile et qui est intéressant pour alimenter la réflexion et la méditation d’un groupe comme le nôtre, ce sont l’attitude et les relations qui s’instaurent autour de Jésus : Jésus… passe la nuit à prier (le jour venu) il appelle ses disciples, en choisit douze, leur donne le nom d’Apôtres. Ainsi le groupe s’organise des cercles concentriques et des rôles : Apôtres, disciples, foule… dès avant le Pentecôte.

Ce que nous ressentons, c’est le rôle premier, central, la mise en œuvre presque théâtrale : Jésus prie Dieu, entre en relation avec le Père, Jésus appelle, choisit, donne le nom d’apôtres. Il a le rôle premier, l’initiative.

En lisant cette Parole d’Evangile aujourd’hui encore, nous la lisons comme une Parole qui nous rejoint, qui nous choisit, qui nous appelle déjà par notre baptême. Dès notre baptême, nous sommes appelés par notre nom, nous avons une vocation et peut-être une vocation spécifique.

Les Services des Vocations sont au service de cet appel du seigneur qui rejoint tout homme, qui en fait un appelé : il s’agit de permettre à cet appel d’être entendu et identifié : c’est le seigneur qui appelle, choisit, donne un nom ; il s’agit de s’effacer pour permettre à chacun d’entendre cet appel.

Ce service est à la fois un service de l’homme et de la personne, un service de l’Eglise pour que chacun entende cet appel pour lui-même, permette à chacun de le faire entendre, un service de la société aussi pour que chacun y pense et y trouve sa place. D’où notre souci que ce service ne soit pas un souci en plus ou à côté mais avec les autre services.

Par les groupes de recherche, nous devenons des compagnons de recherche : c’est une aventure pleine d’imprévu, car nous ne sommes pas les maîtres du jeu ; la relation avec le Seigneur y est première, la relation avec les autres membres de l’équipe aussi ; il nous faut faire face au petit nombre ; il nous faut durer dans l’accompagnement pour discerner, aider les choix à se faire, la patience est un élément important pour mûrir.

C’est une aventure qui conduit à l’action de grâce aussi en contemplant ces merveilles que le seigneur peut accomplir dans des vies de jeunes aujourd’hui, qui peuvent aller jusqu’à des choix de vie étonnants dans un contexte non porteur.

Ces groupes de recherche sont un acte de confiance, ils sont un espace de confiance dans les jeunes, faisant écho à des réflexions de jeunes à la suite des JMJ : "Ce qui nous a marqués au cours des JMJ c’est que l’on nous a fait largement confiance à nous les jeunes !". Puissions-nous, à partir de notre expérience de SDV et des groupes de recherche faire largement confiance aux jeunes, offrir l’espace et un temps de confiance !

Mgr Armand MAILLARD

29 ocotobre (Ephésiens 4, 7-16 ; Luc 13, 1-9)

Les textes de ce jours nous présentent la vie de foi comme un combat, elle n’est pas un long fleuve tranquille. L’Epitre aux Ephésiens nous le montre qui fait largement appel aux images militaires : énergie, force, vigueur, équipement de combat. Nous-mêmes ressentons bien dans nos échanges les obstacles, les résistances auxquels nous nous heurtons dans notre tâche, dans l’exercice de notre mission : l’air du temps, les mentalités, les manières de vivre qui rendent difficilement perceptibles les appels, les vocations ou qui peuvent étouffer d’éventuelles réponses. Ce qui nous fait encore plus souffrir, c’est l’usure de l’intérieur, l’incompréhension à l’intérieur de l’Eglise, des confrères, ce ne sont pas les ennemis déclarés mais l’indifférence, ou le découragement, l’attitude de familles chrétiennes.

La réponse de Paul, c’est une extraordinaire énergie de Paul pourtant emprisonné : Prenez votre énergie dans le Seigneur et dans la force de sa vigueur. Que l’Esprit Saint vous donne de prier et de supplier. Persévérez dans la prière pour tous les fidèles

Jésus lui-même témoigne d’une extraordinaire liberté spirituelle : il se heurte certes à des obstacles qui pourraient le détourner et le faire fuir… Pourtant il poursuit son chemin qui va le conduire à une issue fatale. La déception devant Jérusalem qui tue les prophètes ne l’empêche pas de poursuivre sa route. "Aujourd’hui, demain, et le jour suivant, il faut que je poursuive ma route".

Demandons cette grâce, cette force, cette liberté intérieur, spirituelle de poursuivre la route avec tous les obstacles et les difficultés que nous avons pu nommer pour nous-même et pour tous ceux que nous accompagnons dans des groupes de recherche. L’expérience de la prière communautaire pour nos équipes est un point d’appui fort et source d’énergie spirituelle.

Mgr Armand MAILLARD