A l’écoute de Dieu qui appelle


Quelles sont les principales caractéristiques que l’on trouve dans la Parole de Dieu à propos de ceux qui sont appelés à donner leur vie pour le Seigneur et quelles conséquences peut-on en tirer ?

Père Loïc GICQUEL des TOUCHES
Prêtre du diocèse de Sées

Dieu appelle qui il veut

L’appel de Dieu est toujours surprenant : il peut concerner n’importe quel homme, n’importe quelle femme : Moïse, un paria chassé de la cour de Pharaon ; des prophètes : Samuel (" le petit Samuel " 3, 1), Amos (" J’étais un bouvier… "), Osée (mariage complètement raté), Jérémie (" Je suis un enfant ! ") ; des femmes modestes (Marie, Judith, Esther, Debora…), des hommes bien modestes, des pécheurs, souvent (les apôtres).

Ce ne sont pas des hommes ou des femmes choisis sur leur bravoure, leur célébrité, leur intelligence brillante… En général, quand ils se manifestent aux hommes après leur appel, on les connaît si peu, ils ont déjà été si peu repérés, qu’il est difficile de leur faire confiance (" Mais d’où viennent-ils ? " cf Moïse, les prophètes, mais aussi Actes 2… et Jésus lui-même, qui est-il ? demandent ses contemporains).

Dieu est libre de choisir qui il veut, l’Esprit Saint souffle où il veut… Dieu ne juge pas à l’apparence.

Son but : non de rendre quelqu’un célèbre en l’appelant, mais en faire un " outil " pour parler à son peuple et lui donner une direction.

En fait, Dieu appelle un individu pour pouvoir en appeler beaucoup d’autres : c’est le " beaucoup " qui est important (" Il y a tellement de joie pour 99 qui reviennent… ").

Par conséquent, il y a une certaine " ascèse " de celui ou celle qui est appelé, non pas pour ses beaux yeux, mais pour en appeler d’autres. Dès le début, l’appel est " en vue de ", et non pas tourné vers soi, vers son propre salut.

Dieu ne choisit donc pas selon nos principes humains qui, souvent comparent, favorisent… éliminent. Dans la Pastorale des Vocations, mais aussi dans les services, les mouvements, agit-on selon cette ligne directrice indiquée par la Parole de Dieu : tous invités… y compris ceux auxquels on penserait le moins ?

Une rencontre bouleversante

Une rencontre qui bouleverse toute vie, qui se place dans l’histoire d’une vie. C’est " le récit de vocation "… Il y a un " avant ", et un " après ".

Deux exemples : Saint Paul, d’une part, qui aura besoin de revenir trois fois sur cette fameuse histoire du Chemin de Damas (Actes 9, 1-9 ; 22, 4-21 ; 26, 9-18). Avant, il persécutait l’Eglise de Dieu ; après, il devient apôtre.

Les apôtres ensuite : laissant aussitôt leur barque et leur père, ils le suivirent (Mt 4, 18-22 qui rappelle l’appel d’Elisée).

Chez les prophètes et certains patriarches, cette rencontre est tellement importante qu’elle est souvent placée au début de leur livre : Abraham, Moïse, Samuel, Jr, Ez, Is 6. Cette rencontre authentifie, légitime leurs paroles et actions postérieures.

En pratique, faisons-nous toujours ce qu’il faut pour favoriser cette rencontre intime hors de laquelle il n’y a pas d’appel ? Récollection, retraite, temps fort… Renvoyons-nous toujours la personne à une rencontre authentique avec Jésus-Christ et non pas seulement à ses actions ?

Réticences et protestations

Caractéristique unique à la littérature biblique : la mention des réticences - parfois protestations véhémentes, de celui qui est appelé - qui montre que Dieu n’est pas un tyran, qu’il laisse l’homme libre.

Deux exemples célèbres : Moïse en Exode 3, Jérémie dans la suite célèbre de ses " Confessions ".

Travail pratique pour une Eglise qui appelle : a) le sacro-saint respect que l’Eglise doit à chacun de ses fils ; le souci, y compris dans une époque où les bonnes volontés se font rares, de " ne pas mettre le grappin " sur quiconque ; b) l’accompagnement au discernement qui se fait urgent.

Ce qui va changer chez celui qui est appelé

En celui qui est appelé, Dieu lui donne de partager ses sentiments.

L’œuvre de Dieu devient l’œuvre de l’appelé ; en l’appelé, c’est Dieu lui-même qui agit, qui parle. Dieu vient habiter en celui qu’il appelle ainsi.

C’est alors " la chance de sa vie " ; car la Parole que l’appelé aura à proclamer, avant de convertir le cœur du peuple auquel il est envoyé, doit d’abord convertir son cœur ; pour proclamer l’immense amour de Dieu pour les hommes, il doit d’abord éprouver en lui-même, dans sa propre vie, l’immense amour de Dieu (" Je suis avec toi pour te libérer " dit YHWH à Jérémie au moment de l’appel (Jr 1).

Le zèle qui dévore Paul et Jérémie, qui leur fait annoncer la parole à temps et contretemps (2 Tim 3), c’est le zèle qui dévore Dieu. La souffrance du prophète Osée vis-à-vis de sa femme (elle le trompe abominablement), c’est la souffrance de Dieu.

Celui qui a été appelé désormais ne sera plus le même : sa timidité se change en audace (les apôtres) ; son visage se transforme (Moïse). Jérémie, les prophètes, Paul, Pierre… ils sont animés d’une incroyable compassion à l’égard des hommes… la compassion même de Dieu.

La Parole de Dieu reste donc irremplaçable pour nous indiquer une marche à suivre. Elle fournit en effet un modèle à méditer en ce qui concerne l’appel. Sauf erreur, celui-ci est de l’initiative de Dieu, il est toujours ordonné vers la multitude, il suppose un remue-ménage intérieur (le bouleversement), il produit toujours une conversion intérieure.