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Troisième partie du document final
Congrès Européen pour les Vocations (Rome, mai 1997)(*)
Les orientations concrètes de la pastorale des vocations ne découlent pas seulement d’une théologie correcte de la vocation, mais passent par plusieurs principes opérationnels où la perspective de la vocation est l’âme et le critère unificateur de toute la pastorale. Nous indiquons ici les itinéraires de foi et les lieux concrets où la proposition d’une vocation doit devenir un engagement quotidien de tout pasteur et de tout éducateur.
La pastorale des vocations
" Chacun les entendait parler dans sa propre langue " (Ac 2, 6)
*
L’analyse de la situation nous a offert, dans la première partie, le cadre de la réalité européenne actuelle sur le plan des vocations. En revanche, la seconde partie a proposé une réflexion théologique sur la signification et sur le mystère de la vocation à partir de la réalité de la Trinité jusqu’à saisir son sens dans la vie de l’Eglise.>
C’est précisément ce second aspect que nous voudrions maintenant approfondir, en particulier du point de vue de l’application pastorale.
Lors de l’audience accordée aux participants de notre Congrès, Jean Paul II a affirmé : " Les nouvelles conditions historiques et culturelles exigent que la pastorale des vocations soit perçue comme un des objectifs primordiaux de la communauté chrétienne tout entière". [ 1 ]
L’icône de l’Eglise primitive
24. Les situations historiques changent, mais le point de référence dans la vie du croyant et de la communauté croyante reste identique, ce point de référence que constitue la Parole de Dieu, en particulier lorsqu’elle raconte l’histoire de l’Eglise primitive. Cette histoire de la communauté primitive et la façon dont elle l’a vécue constituent pour nous l’exemplum, le modèle pour être Eglise, notamment en ce qui concerne la pastorale des vocations. Voyons simplement quelques éléments essentiels et particulièrement exemplaires, tels que nous les propose le livre des Actes des Apôtres, au moment où l’Eglise primitive était numériquement très pauvre et faible. La pastorale des vocations a le même âge que l’Eglise ; elle naît alors avec elle, dans cette pauvreté habitée à l’improviste par l’Esprit.
A l’aube de cette histoire singulière, en effet, qui est d’ailleurs notre histoire à tous, il y a la promesse de l’Esprit Saint, faite par Jésus avant de monter vers le Père. " Il ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité. Mais vous allez recevoir l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre " (Ac 1, 7-8). Les Apôtres sont réunis au cénacle, " assidus à la prière avec Marie, mère de Jésus " (1, 14) et ils s’emploient tout de suite à pourvoir la place laissée vide par Judas en choisissant quelqu’un parmi eux qui a été dès le commencement avec Jésus : afin qu’il devienne avec nous " témoin de sa résurrection " (1, 22). Et la promesse s’accomplit : l’Esprit descend, en grand fracas, et remplit la maison et la vie de ceux qui, auparavant, étaient timides et peureux, comme un vrombissement, un vent, un feu... Ils " commencèrent à parler en d’autres langues... et chacun les entendait parler dans son propre idiome " (2, 4.6). Pierre fait alors un discours dans lequel il raconte l’Histoire du salut, " debout... élevant la voix " (2, 14) ; un discours qui " transperce le cœur " de ceux qui l’écoutent et provoque la question décisive de la vie : " Que devons-nous faire ? " (2, 37).
Les Actes décrivent alors la vie de la première communauté, rythmée par plusieurs éléments essentiels, comme l’assiduité dans l’écoute de l’enseignement des Apôtres, l’union fraternelle, la fraction du pain, la prière, le partage des biens matériels ; mais avec aussi les sentiments et les biens de l’Esprit (cf. 2, 42-48).
Entretemps, Pierre et les Apôtres continuent d’accomplir des prodiges au nom de Jésus et d’annoncer le kérygme du salut, en risquant leur vie, mais touiours soutenus par la communauté, au sein de laquelle les croyants " n’ont qu’un cœur et qu’une âme " (4, 32). En elle, d’autre part, les exigences commencent aussi à augmenter et à se diversifier, de sorte que des diacres sont institués pour faire face aux nécessités, notamment matérielles, de la communauté, en particulier des plus faibles (cf. 6, 1- 7). Le témoignage, fort et courageux, ne peut pas ne pas provoquer le refus de l’autorité : voici, dès lors, le premier martyr, Etienne, comme pour souligner que la cause de l’Evangile prend tout de l’homme, même la vie (cf. 6, 8 - 7, 70). Saul, le persécuteur des chrétiens, qui bientôt sera choisi par Dieu pour annoncer aux païens le mystère caché dans les siècles et désormais révélé, apporte même son soutien à la sentence qui condamne Etienne.
Et l’histoire continue, toujours plus comme une histoire sainte : histoire de Dieu qui choisit et appelle les hommes au salut, de façon parfois imprévisible, et histoire des hommes qui se laissent appeler et choisir par Dieu.
Ces quelques notes peuvent nous suffir pour saisir dans la communauté des origines les traces fondamentales de la pastorale d’une Eglise entièrement vocationnelle : sur le plan des méthodes et des contenus, des principes généraux, des itinéraires à parcourir et des stratégies spécifiques pour la réaliser.
Aspects théologiques de la pastorale des vocations
25. Mais quelle théologie fonde, inspire et motive la pastorale des vocations en tant que telle ?
La réponse est importante dans notre contexte, car elle sert d’élément médiateur entre la théologie de la vocation et une pratique pastorale cohérente avec celle-ci, qui naisse de cette théologie et qui y retourne. De fait, sur cette interrogation, le Congrès a exprimé l’exigence d’une réflexion et d’une étude ultérieures, dans l’intention de découvrir les motifs qui lient intrinsèquement personnes et communautés dans l’action en faveur des vocations et pour mettre en évidence une meilleure relation entre théologie de la vocation, théologie de la pastorale des vocations et pratique pédagogico-pastorale.
" La pastorale des vocations naît du mystère de l’Eglise et se met à son service ".[ 2 ] Le fondement théologique de la pastorale des vocations ne peut (donc) se faire qu’à partir du mystère de l’Eglise, comme mysterium vocationis " .[ 3 ]
Jean Paul II rappelle clairement, à cet égard, que le " thème de la vocation est connaturel et essentiel à la pastorale de l’Eglise ", c’est-à-dire à sa vie et à sa mission.[ 4 ] La vocation définit donc, en un certain sens, l’être profond de l’Eglise, avant même son action. Son nom même, Ecclesia, indique sa nature vocationnelle, car elle est vraiment une assemblée d’appelés.[ 5 ] L’Instrumentum laboris du Congrès relève alors, à juste titre, que " la pastorale des vocations unitaire se fonde sur la nature vocationnelle de l’Eglise ".[ 6 ]
En conséquence, la pastorale des vocations, par nature, est une activité ordonnée à l’annonce du Christ et à l’évangélisation de ceux qui croient au Christ. La réponse à notre question est donc la suivante : c’est précisément dans l’appel de l’Eglise à communiquer la foi qu’est enracinée la théologie de la pastorale des vocations. Ceci concerne l’Eglise universelle, mais s’applique tout spécialement à chaque communauté chrétienne,[ 7 ] spécialement en cette période de l’histoire du vieux continent. " Pour cette mission sublime consistant à faire fleurir une nouvelle saison d’évangélisation en Europe, il faut aujourd’hui des évangélisateurs particulièrement préparés. " [ 8 ]
A ce propos, il convient de rappeler plusieurs points-clé mis en relief par le magistère pontifical actuel, afin qu’ils deviennent des points de départ de la pratique pastorale des Eglises particulières.
a) Une fois la dimension vocationnelle de l’Eglise mise en évidence, on comprend que la pastorale des vocations n’est pas un élément accessoire ou secondaire, tendant simplement au recrutement d’agents pastoraux, ni un moment isolé ou sectoriel, déterminé par une situation ecclésiale d’urgence, mais plutôt une activité liée à l’être de l’Eglise et donc aussi intimement insérée dans la pastorale générale de chaque Eglise.[ 9 ]
b) Toute vocation chrétienne vient de Dieu, mais arrive à l’Eglise et passe toujours par sa médiation. L’Eglise (ecclesia) qui, par nature est vocation, est en même temps génératrice et éducatrice de vocations.[ 10 ] Par conséquent, " la pastorale des vocations a comme sujet actif, comme protagoniste, la communauté ecclésiale comme telle, dans ses diverses expressions : de l’Eglise universelle à l’Eglise particulière et, analogiquement, de celle-ci à la paroisse et à tous les membres du peuple de Dieu. " [ 11 ]
c) Tous les membres de l’Eglise, sans exception, ont la grâce et la responsabilité des vocations. C’est un devoir qui rentre dans le dynamisme vital de l’Eglise et dans son processus de développement. Ce n’est que sur la base de cette conviction que la pastorale des vocations pourra manifester son visage véritablement ecclésial et développer une action concordante, en se servant également d’organismes spécifiques et d’instruments adéquats de communion et de coresponsabilité. [ 12 ]
d) L’Eglise particulière découvre sa dimension existentielle et terrestre dans la vocation de tous ses membres à la communion, au témoignage, à la mission, au service de Dieu et des frères... Par conséquent, elle respectera et encouragera la diversité des charismes et des ministères, donc des différentes vocations, qui sont des manifestations de l’unique Esprit.
e) Le pilier de toute la pastorale des vocations est la prière commandée par le Sauveur (Mt 9, 38). Elle engage non seulement les individus mais aussi les communautés ecclésiales tout entières.[ 13 ] " Nous devons adresser une prière instante au Maître de la moisson, pour qu’il envoie des ouvriers dans son Eglise, afin de faire face aux urgences de la nouvelle évangélisation " [ 14 ]
Mais l’authentique prière pour les vocations, il est bon de le rappeler, ne mérite ce nom et ne devient efficace que lorsqu’elle crée une cohérence de vie avant tout chez l’orant lui-même et s’associe, dans le reste de la communauté croyante, à l’annonce explicite et à la catéchèse adéquate, pour favoriser chez ceux qui sont appelés au sacerdoce et à la vie consacrée, comme à toute autre vocation chrétienne, une réponse libre, disponible et généreuse, qui permette à la grâce de la vocation d’opérer. [ 15 ]
Principes généraux de la pastorale des vocations
26. Un peu partout, le besoin se fait sentir de donner à la pastorale une empreinte vocationnelle claire. Pour atteindre cet objectif, tentons de définir plusieurs principes théoricopratiques que nous déduirons de la théologie de la pastorale et, en particulier, des " points-clé " qui lui sont liés. Concentrons ces principes autour de plusieurs affirmations thématiques.
a) La pastorale des vocations est la perspective originelle de la pastorale en général
L’Instrumentum laboris du Congrès sur les vocations l’affirme de façon explicite : " Toute la pastorale, et en particulier celle des jeunes, est naturellement une pastorale des vocations " [ 16 ]. En d’autres termes, dire vocation signifie dire dimension constitutive et essentielle de la pastorale ordinaire, car la pastorale tend, depuis le commencement, par nature, au discernement des vocations. C’est un service qu’elle rend à chaque personne, afin que celle-ci puisse comprendre le cheminement qui doit être le sien pour réaliser un projet de vie comme Dieu le veut, selon les nécessités de l’Eglise et du monde d’aujourd’hui.[ 17 ]
C’est déjà ce qu’avait affirmé le Congrès latino-américain sur les vocations, en 1994.
Mais il nous faut élargir cette perspective : la vocation n’est pas seulement le projet existentiel, mais tous les appels individuels de Dieu, se référant toujours, évidemment, à un plan de vie fondamental, et disséminés tout au long de l’existence. La pastorale authentique rend le croyant vigilant, attentif aux nombreux appels du Seigneur, prêt à capter sa voix et à lui répondre.
La fidélité à ce type d’appels quotidiens rend précisément le jeune d’aujourd’hui capable de reconnaître et d’accueillir " l’appel " de sa vie, et l’adulte de demain non seulement capable de lui être fidèle, mais aussi de découvrir toujours plus sa fraîcheur et sa beauté. Chaque vocation, en effet, est " matinale " ; elle est la réponse de chaque matin à un appel nouveau chaque jour.
Voilà pourquoi la pastorale sera imprégnée d’attention à la vocation, pour l’éveiller en chaque croyant. Elle partira de l’intention explicite de placer le croyant face à la proposition de Dieu ; elle œuvrera pour conduire le sujet à prendre ses responsabilités à l’égard du don reçu ou de la Parole de Dieu entendue ; elle cherchera, de fait, à entraîner le croyant à se compromettre face à ce Dieu.[ 18 ]
b) La pastorale des vocations est la vocation de la pastorale aujourd’hui
En ce sens, on peut dire qu’il faut " vocationnaliser " toute la pastorale, ou faire en sorte que chaque expression de la pastorale manifeste d’une façon claire et sans équivoque un projet ou un don de Dieu fait à la personne et stimule chez elle une volonté de réponse et d’implication personnelle. Ou bien la pastorale chrétienne conduit à cette confrontation avec Dieu, avec tout ce que cela irnplique en terme de tension, de lutte, parfois de fugue, mais aussi de paix et de joie liées à l’accueil du don, ou alors elle ne mérite pas ce nom.
Cela se manifeste aujourd’hui d’une façon toute particulière, au point de pouvoir affirmer que la pastorale des vocations est la vocation de la pastorale : elle en constitue peut-être l’objectif principal, comme un défi pour la foi des Eglises d’Europe. La vocation est l’affaire la plus sérieuse de la pastorale contemporaine. Alors, si la pastorale en général est " appelée " à relever ce défi, et si c’est ce qu’on attend d’elle aujourd’hui, elle doit être probablement plus courageuse et franche, plus explicite pour aller au centre et au cœur du message-proposition, dirigée vers la personne plus que vers le groupe, avec des implications plus concrètes et non pas seulement de vagues rappels à une foi abstraite et éloignée de la vie.
Ce devra sans doute être aussi une pastorale plus provocante que consolante ; capable, en tout cas, de transmettre le sens dramatique de la vie de l’homme, appelé à faire quelque chose que personne ne pourra faire à sa place.
Dans le passage que nous avons cité, cette attention et cette tension vocationnelles sont évidentes : dans le choix de Matthias, dans le discours courageux (" debout en élevant la voix ") de Pierre à la foule, dans la façon dont le message chrétien est annoncé et reçu (" il transperce le cœur ").
Il apparaît surtout clairement dans sa capacité de changer la vie de ceux qui y adhèrent, comme cela résulte des conversions et du type de vie de la communauté des Actes.
c) La pastorale des vocations est graduelle et convergente
Nous avons déjà implicitement vu qu’il existe différentes sortes d’appels chez l’homme, tout au long de sa vie : appel à la vie, avant tout, puis à l’amour, à la responsabilité du don, puis à la foi, à suivre Jésus, au témoignage particulier de sa foi, à être père ou mère, et à un service particulier pour l’Eglise ou pour la société.
Ceux qui tiennent compte, en premier lieu, de ce riche ensemble de valeurs et de significations humaines et chrétiennes, d’où naît le sens de la vocation de la vie et de tout vivant, font de l’animation de vocations. Car ces valeurs permettent d’ouvrir la vie à de nombreuses possibilités de vocations, convergeant ensuite vers un choix personnel définitif.
En d’autres termes, une pastorale des vocations correcte exige que les choses se fassent graduellement, en partant des valeurs fondamentales et universelles (le bien extraordinaire de la vie) et des vérités qui sont telles pour tous (la vie est un bien reçu qui tend par nature à devenir bien donné), pour passer ensuite à une spécification progressive, toujours plus personnelle et concrète, croyante et révélée, de l’appel.
Sur un plan plus précisément pédagogique, il est important, tout d’abord, d’inculquer le sens de la vie et de la gratitude pour celle-ci ; pour transmettre ensuite cette attitude fondamentale de responsabilité à l’égard de l’existence, et qui demande par nature une réponse de la part de chacun dans la ligne de la gratuité. De là, on peut ensuite passer à la transcendance de Dieu, Créateur et Père.
Ce n’est qu’à ce moment-là qu’une proposition forte et radicale (comme devrait toujours l’être la vocation chrétienne) devient possible, comme celle de se consacrer à Dieu dans la vie sacerdotale ou consacrée.
d) La pastorale des vocations est à la fois générale et spécifique
En somme, la pastorale des vocations part nécessairement d’une vaste idée de la vocation (et d’un appel adressé à tous en vue de celle-ci), pour se restreindre et se préciser selon l’appel de chacun. En ce sens, la pastorale des vocations est d’abord générale, puis spécifique, respectant un ordre qu’il ne semble pas raisonnable d’inverser et qui déconseille, en général, de proposer immédiatement une vocation particulière, sans aucune catéchèse progressive.
D’un autre côté, toujours en vertu de cet ordre, la pastorale des vocations ne se limite pas à souligner de façon globale le sens de l’existence, mais conduit à une implication personnelle dans un choix précis. Il n’y a pas de séparation, ni encore moins de contraste, entre un appel qui souligne les valeurs communes et fondatrices de l’existence et un appel à servir le Seigneur " selon la mesure de la grâce reçue ".
L’animateur des vocations, chaque éducateur dans la foi, ne doit pas craindre de proposer des choix courageux et de don total, bien que difficiles et non conformes à la mentalité du siècle.
Par conséquent, si chaque éducateur est un animateur de vocations, chaque animateur de vocations est éducateur, et éducateur de toute vocation, en en respectant le charisme spécifique. De fait, chaque appel est lié à l’autre, il le suppose et le sollicite, tandis que tous, ensemble, renvoient à la même source et au même objectif qui est l’histoire du salut. Mais chacun possède une modalité spécifique.
L’authentique éducateur des vocations n’indique pas seulement les différences entre un appel et un autre, en respectant les diverses tendances chez les individus appelés, mais il laisse entrevoir et évoque ces " possibilités suprêmes ", de radicalisme et de dévouement, qui sont ouvertes à la vocation de chacun et contenues en elle.
Enseigner en profondeur les valeurs de la vie, par exemple, signifie proposer (et apprendre à proposer) un cheminement qui débouche naturellement sur la volonté de suivre le Christ et qui peut conduire au choix d’une sequela typique de l’apôtre, du prêtre ou du (de la) religieux/se, du moine qui abandonne le monde, ou du laïc consacré dans le monde.
D’un autre côté, proposer de suivre le Christ de façon précise comme objectif de vie exige, par nature, une attention et une formation préalables pour acquérir les valeurs élémentaires de la vie, de la foi, de la gratitude-gratuité et de l’imitation du Christ requises de tout chrétien.
Il en résulte une stratégie vocationnelle théologiquement mieux fondée et aussi plus efficace sur le plan pédagogique. Certains craignent que l’élargissement de l’idée de vocation puisse nuire à la promotion spécifique des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée ; en réalité, c’est exactement le contraire.
Le caractère graduel de l’annonce de la vocation permet, en effet, de passer de l’objectif au subjectif et du général au particulier, sans anticiper ni brûler les étapes des propositions, mais en les faisant converger entre elles et vers la proposition décisive pour la personne, qu’il faudra indiquer au moment opportun et mesurer attentivement, selon un rythme qui tienne compte du destinataire en question.
L’ordre harmonieux et progressif rend beaucoup plus provocante et accessible la proposition décisive faite à la personne. Concrètement, plus on forme le jeune à passer naturellement de la gratitude pour le don reçu de la vie à la gratuité du bien donné, plus il sera possible de lui proposer de se donner totalement à Dieu comme résultat naturel et, pour certains, inéluctable.
e) la pastorale des vocations est universelle et permanente
Il s’agit d’une double universalité : en référence aux personnes auxquelles elle s’adresse et en référence à l’âge de la vie auquel elle est faite.
Avant tout, la pastorale des vocations ne connaît pas de frontières. Comme nous l’avons dit plus haut, elle ne s’adresse pas seulement à quelques personnes privilégiées ou qui ont déjà fait une option de foi, ni même uniquement à ceux de la part de qui il semble licite de s’attendre à une réponse positive, mais elle est adressée à tous, précisément parce qu’elle est fondée sur les valeurs élémentaires de l’existence. Ce n’est pas une pastorale d’élite, mais populaire ; ce n’est pas une récompense pour les plus méritants, mais une grâce et un don de Dieu pour chaque personne, car tout vivant est appelé par Dieu. Elle ne doit pas non plus être conçue comme quelque chose que seuls certains pourraient comprendre ou estimer intéressante pour leur vie, car tout être humain est inévitablement désireux de se connaître et de connaître le sens de la vie et sa place dans l’histoire.
En outre, ce n’est pas une proposition qui est faite une seule fois dans la vie (à l’enseigne du " à prendre ou à laisser " ) et qui est retirée, dans la pratique, après un refus de la part du destinataire. Elle doit être, au contraire, comme une sollicitation continuelle, faite de différentes façons, en la proposant avec une intelligence qui ne se rend pas devant un désintéressement initial, qui souvent n’est qu’apparent ou défensif.
Il faut également corriger l’idée que la pastorale des vocations est exclusivement une pastorale de la jeunesse, car à tout âge de la vie résonne une invitation du Seigneur à Le suivre ; et ce n’est qu’au moment de la mort qu’une vocation pourra être considérée comme complètement réalisée. Bien plus, la mort est l’appel par excellence, de même qu’il y a un appel dans la vieillesse, lors du passage d’une saison de la vie à une autre, dans les situations de crise.
Il existe une jeunesse de l’esprit qui demeure dans le temps, dans la mesure où l’individu se sent continuellement appelé et où il cherche et trouve à chaque cycle vital une tâche différente à accomplir, une manière spécifique d’être, de servir et d’aimer, une nouveauté de vie et de mission à accomplir. [ 19 ] En ce sens, la pastorale des vocations est liée à la formation permanente de la personne, et elle est elle-même permanente. " Toute la vie et chaque vie sont une réponse ". [ 20 ]
Dans les Actes, Pierre et les Apôtres ne font absolument pas de différences de personnes ; ils parlent à tous, jeunes et vieux, juifs et étrangers : tous les Parthes, Mèdes et Elamites indiquent la grande masse, sans différences ni exclusions, à laquelle s’adressent l’annonce et la provocation, avec l’art de parler à chacun " dans son propre idiome ", selon ses exigences, problèmes, attentes, défenses, âges ou phases de la vie.
C’est un miracle de Pentecôte et donc un don extraordinaire de l’Esprit. Mais l’Esprit est toujours avec nous...
f) La pastorale des vocations est personnelle et communautaire
Cela peut sembler contradictoire mais, en réalité, ce principe décrit bien la nature ambivalente, en un certain sens, de la pastorale des vocations, capable - lorsqu’elle est authentique - de composer deux polarités du sujet et de la communauté. Du point de vue de l’animation des vocations, il est urgent aujourd’hui de passer d’une pastorale des vocations gérée par un agent pastoral seul à une pastorale toujours plus conçue comme une action communautaire, de toute la communauté sous ses diverses expressions : groupes, mouvements, paroisses, diocèses, instituts religieux et séculiers...
L’Eglise est davantage appelée à être entièrement vocationnelle : en son sein " chaque évangélisateur doit prendre conscience qu’il devient une " lampe " pour les vocations, capable de susciter une expérience religieuse qui conduise les enfants, les adolescents, les jeunes et les adultes à un contact personnel avec le Christ, à une rencontre où se révèlent les vocations spéci fiques ". [ 21 ]
De la même façon, le destinataire de la pastorale des vocations est encore toute l’Eglise. Si c’est toute la communauté ecclésiale qui appelle, c’est encore toute la communauté ecclésiale qui est appelée, sans aucune exception. Le pôle émetteur et le pôle récepteur s’identifient en quelque sorte à l’intérieur des diverses articulations ministérielles du tissu ecclésial. Mais le principe est important ; il est le reflet de cette mystérieuse identification entre celui qui appelle et l’appelé à l’intérieur de la réalité trinitaire.
En ce sens, la pastorale des vocations est communautaire. Toujours en ce sens, il est beau que tous les Apôtres, le jour de la Pentecôte, s’adressent à la foule et qu’ensuite Pierre prenne la parole au nom des Douze. De même, lorsqu’il s’agit de choisir Matthias, Etienne ou encore Barnabé et Saul, toute la communauté prend part au discernement par la prière, le jeûne et l’imposition des mains.
En même temps, cependant, c’est l’individu qui doit se faire l’interprète de la proposition de vocation, c’est le croyant qui, en vertu de sa foi, doit en quelque sorte prendre en charge la vocation de l’autre.
Le ministère de l’appel à la vocation ne revient donc pas seulement aux prêtres ou aux personnes consacrées, mais à tout croyant, aux parents, aux catéchistes et aux éducateurs.
S’il est vrai que l’appel doit être adressé à tous, il est tout aussi vrai cependant que ce même appel doit être personnalisé, adressé à une personne précise, à sa conscience, à l’intérieur d’une relation tout à fait personnelle.
Il existe un moment dans la dynamique vocationnelle où la proposition est faite par une personne à une personne et a besoin de tout le climat particulier que seule la relation individuelle peut garantir. Saul a ensuite besoin d’Ananie pour discerner ce que Dieu veut de lui (9, 13-17), de même que l’eunuque avec Philippe (8, 26-39).
g) La pastorale des vocations est la perspective unitaire et de synthèse de la pastorale
Le point de départ est aussi le point d’arrivée. Ainsi, la pastorale des vocations se pose en catégorie unificatrice de la pastorale en général, destination naturelle de toute peine, lieu d’abordage des diverses dimensions, presque comme une sorte d’élément de vérification de la pastorale authentique.
Répétons-le : si la pastorale n’arrive pas à " transpercer le cœur " et à placer l’auditeur face à la question stratégique " que dois-je faire ? ", ce n’est pas une pastorale chrétienne, mais une hypothèse de travail inoffensive.
En conséquence, la pastorale des vocations se situe et doit se situer en rapport avec toutes les autres dimensions, par exemple avec la dimension familiale et culturelle, liturgique et sacramentelle, avec la catéchèse et le cheminement de foi dans le catéchuménat ; avec les différents groupes d’animation et de formation chrétiennes (non seulement avec les enfants et les jeunes, mais avec les parents, les fiancés, les malades et les personnes âgées...) et de mouvement (du mouvement pour la vie aux diverses initiatives de solidarité sociale) . [ 22 ]
La pastorale des vocations est surtout la perspective unificatrice de la pastorale de la jeunesse.
Il ne faut pas oublier que la jeunesse est une période riche en projets. Une authentique pastorale de la jeunesse ne peut donc pas éluder la dimension de la vocation ; au contraire, elle doit l’assumer, car proposer Jésus-Christ signifie proposer un projet de vie précis.
D’où une collaboration pastorale féconde, bien qu’en distinguant les deux milieux de vie : parce que la pastorale de la jeunesse englobe d’autres problématiques que la problématique purement vocationnelle, et parce que la pastorale des vocations ne concerne pas seulement le monde des jeunes, mais un horizon beaucoup plus large ayant des problématiques spécifiques.
En outre, pensons à l’importance que pourrait avoir une pastorale des vocations et familiale qui éduquerait progressivement les parents à être les premiers animateurs-éducateurs des vocations. Ou aux bienfaits que pourrait présenter une pastorale des vocations parmi les malades, qui ne les invite pas seulement à offrir leurs souffrances pour les vocations sacerdotales, mais qui les aide à vivre l’événement de la maladie, avec toute la charge de mystère qu’elle contient, comme vocation personnelle, que le malade-croyant a le " devoir " de vivre pour et dans l’Eglise et le " droit " d’être aidé à vivre dans l’Eglise.
Ce lien facilite le dynamisme pastoral car, de fait, il lui est congénital : les vocations, comme les charismes, se cherchent entre eux, s’éclairent réciproquement, sont complémentaires les uns des autres. En revanche, isolés ils deviennent incompréhensibles ; de même que celui qui reste enfermé dans son secteur de spécialisation ne fait pas une pastorale d’Eglise.
Naturellement, ce discours vaut dans les deux sens : c’est la pastorale, en général, qui doit converger dans l’animation des vocations pour favoriser l’option vocationnelle ; mais c’est la pastorale des vocations qui doit, à son tour, demeurer ouverte aux autres dimensions, en s’insérant et en cherchant des débouchés dans ces directions.
Elle constitue donc le point d’aboutissement qui résume les diverses provocations pastorales et qui permet de les faire fructifier dans l’histoire existentielle du croyant. En définitive, la pastorale des vocations requiert beaucoup d’attention, mais elle offre en échange une dimension destinée à rendre vraie et authentique l’initiative pastorale de chaque secteur. La vocation est le coeur battant de la pastorale umtaire ! [ 23 ]
Itinéraires de la pastorale des vocations
27. L’icône biblique autour de laquelle nous avons bâti notre réflexion nous permet de faire un pas en avant, en passant des principes théoriques à la définition de plusieurs itinéraires de pastorale des vocations.
Ce sont des cheminements de foi communautaires, correspondant à des fonctions ecclésiales précises et à des dimensions classiques du croyant, au long desquels la foi mûrit et devient toujours plus manifeste ou qui permettent à la vocation de l’individu de se confirmer progressivement, au service de la communauté ecclésiale.
La réflexion et la tradition de l’Eglise indiquent que, normalement, le discernement d’une vocation advient en suivant plusieurs chemins communautaires précis : la liturgie et la prière, la communion ecclésiale, le service de la charité ou l’expérience de l’amour de Dieu reçu et offert à travers le témoignage. Dans la communauté décrite dans les Actes, c’est grâce à eux que " le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem " (Ac 6, 7). La pastorale devrait aussi emprunter ces routes aujourd’hui pour stimuler et accompagner le cheminement vocationnel des croyants. Une expérience personnelle et communautaire, systématique et engageante dans ces directions, pourrait et devrait aider le croyant à découvrir l’appel à sa vocation. Cela ferait véritablement de la pastorale une pastorale des vocations.
a) La liturgie et la prière
La liturgie signifie et indique à la fois l’expression, l’origine et l’aliment de chaque vocation et ministère dans l’Eglise. Dans les célébrations liturgiques, on fait mémoire de l’action de Dieu par le Christ dans l’Esprit à laquelle renvoient toutes les dynamiques de la vie du chrétien. Dans la liturgie, qui culmine avec l’Eucharistie, s’exprime la vocation-mission de l’Eglise et de tout croyant dans sa plénitude.
Un appel à la vocation est toujours adressé par la liturgie à ceux qui y participent. [ 24 ] Chaque célébration est un événement vocationnel. Dans le mystère célébré, le croyant ne peut pas ne pas reconnaître sa vocation personnelle ; il ne peut pas ne pas entendre la voix du Père qui, dans le Fils, par la puissance de l’Esprit, l’appel à se donner à son tour pour le salut du monde.
La prière aussi devient une voie de discernement d’une vocation, non seulement parce que Jésus a invité à prier le Maître de la moisson, mais parce que c’est seulement en étant à l’écoute de Dieu que le croyant peut parvenir à découvrir le projet que Dieu a pensé pour lui : dans le mystère contemplé, le croyant découvre son identité, " cachée avec le Christ en Dieu " (Col 3, 3).
Et c’est encore dans la prière que peuvent se mettre en place des attitudes de confiance et d’abandon indispensables pour prononcer le " oui " et surmonter les peurs et les incertitudes. Toute vocation naît de l’in-vocation.
Mais l’expérience personnelle de la prière, en tant que dialogue avec Dieu, appartient aussi à cette dimension : même si elle est " célébrée " dans l’intimité de sa " cellule ", elle est relation avec cette paternité d’où dérive toute vocation. Cette dimension est on ne peut plus évidente dans l’expérience de l’Eglise des origines, dont les membres se montraient assidus " à la fraction du pain et aux prières " (Ac 2, 42). Toute décision, dans cette communauté, était précédée par la prière ; chaque choix, surtout pour la mission, survenait dans un contexte liturgique (Ac 6, 1-7 ; 13, 1-5).
C’est la logique orante que la communauté avait apprise de Jésus lorsque, face aux foules " lasses et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger, il leur dit " La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson " " (Mt 9, 36-38 ; Lc 10, 2).
Ces dernières années, les communautés chrétiennes d’Europe ont multiplié les initiatives de prière pour les vocations, qui ont trouvé un vaste écho durant le Congrès. La prière à l’intérieur des communautés diocésaines et paroissiales, bien souvent rendue " incessante ", jour et nuit, est une des voies les plus suivies pour créer une nouvelle sensibilité et une nouvelle culture des vocations favorable au sacerdoce et à la vie consacrée.
L’icône évangélique du " Maître de la moisson " mène au coeur de la pastorale des vocations : la prière. Une prière qui sait " regarder " le monde avec une sagesse évangélique et chaque homme dans la réalité de ses besoins de vie et de salut. Une prière qui exprime la charité et la " compassion " (Mt 9, 36) du Christ vers l’humanité qui, aujourd’hui encore, apparaît comme " un troupeau sans berger " (Mt 9, 36). Une prière qui exprime la foi en la voix puissante du Père qui, seul, peut appeler et envoyer travailler dans sa vigne. Une prière qui exprime l’espérance vive en Dieu qui ne laissera jamais l’Eglise manquer d’" ouvriers " (Mt 9, 38) nécessaires pour mener à bien sa mission.
Durant le Congrès, les témoignages sur l’expérience de lectio divina dans une perspective de vocation ont suscité beaucoup d’intérêt. Dans certains diocèses, les " écoles de prière " ou les " écoles de la Parole " sont très répandues. Le principe dont elles s’inspirent est le principe classique contenu dans la constitution Dei Verbum : " Le saint Concile exhorte de façon insistante et spéciale tous les chrétiens (...) à apprendre, par la lecture fréquente des divines Ecritures, " la science éminente de Jésus-Christ " ". [ 25 ]
Quand cette science devient sagesse qui se nourrit par fréquentation habituelle, les yeux et les oreilles des croyants s’ouvrent pour reconnaître la Parole qui appelle sans cesse. Alors le cœur et l’esprit sont en mesure de l’accueillir et de la vivre sans peur.
b) La communion ecclésiale
La première fonction vitale qui jaillit de la liturgie est la manifestation de la communion qui se vit à l’intérieur de l’Eglise, comme peuple réuni dans le Christ par sa croix, comme communauté où toute division est pour toujours dépassée dans l’Esprit de Dieu qui est esprit d’unité (Ep 2, 11-22 ; Ga 3, 26-8 ; Jn 17, 9-26).
L’Eglise se propose comme espace humain de fraternité où chaque croyant peut et doit faire l’expérience de cette union entre les hommes et avec Dieu qui est don d’en haut. Les Actes des Apôtres, qui décrivent une communauté de croyants profondément marquée par l’union fraternelle, par la mise en commun des biens matériels et spirituels, des affections et des sentiments (Ac 2, 42-48), au point de n’avoir " qu’un seul cœur et qu’une âme " (Ac 4, 32), constituent un splendide exemple de cette dimension ecclésiale.
Si toute vocation dans l’Eglise est un don à vivre pour les autres, comme service de charité dans la liberté, alors elle est également un don à vivre avec les autres. Mais on ne le découvre qu’en vivant en fraternité.
La fraternité ecclésiale n’est pas seulement une vertu au niveau du comportement, mais un itinéraire de vocation. Ce n’est qu’en la vivant qu’on peut la choisir comme élément fondamental d’un projet de vocation, ou seulement en la goûtant qu’il est possible de s’ouvrir à une vocation qui, quoi qu’il en soit, sera toujours vocation à la fraternité. [ 26 ] Au contraire, il est impossible d’être attiré par une vocation si l’on n’expérimente aucune fraternité et si l’on se ferme au rapport avec les autres ou si l’on n’interprète la vocation que comme perfection privée et personnelle.
La vocation est relation ; elle est manifestation de l’homme que Dieu a créé pour être ouvert à la relation. Même la vocation à l’intimité avec Dieu, dans la vie monacale, implique une capacité d’ouverture et de partage que l’on ne peut acquérir qu’avec l’expérience d’une réelle fraternité. " Le dépassement d’une vision individualiste du ministère et de la consécration, de la vie dans les diverses communautés chrétiennes, représente une contri bution historique décisive " [ 27 ]
La vocation est dialogue ; c’est se sentir appelé par un Autre et avoir le courage de lui répondre. Comment peut mûrir cette capacité de dialogue chez celui qui n’a pas appris, dans la vie de tous les jours et dans les rapports quotidiens, à se laisser aimer, à répondre, à distinguer le je du tu ? Comment celui qui ne se soucie pas de répondre à son frère pourrait-il se faire appeler par le Père ?
Le partage avec le frère et avec la communauté des croyants devient alors chemin au long duquel on apprend à faire en sorte que les autres participent à ses projets, pour accueillir enfin sur soi le plan pensé par Dieu, plan qui sera toujours, quoi qu’il en soit, projet de fraternité.
Les centres d’écoute, c’est-à-dire des groupes de croyants qui se rencontrent périodiquement chez eux pour redécouvrir le message chrétien et faire part les uns aux autres de leurs expériences respectives et de leurs dons d’interprétation de la Parole elle-même, constituent une expérience de partage de la Parole, signalée par plusieurs Eglises européennes.
Pour les jeunes, ces centres revêtent un aspect vocationnel grâce à l’écoute de la Parole qui appelle, à la catéchèse et à la prière vécues d’une manière personnelle, qui les implique, plus libre et plus créatrice. Le centre d’écoute les stimule ainsi à la co-responsabilité ecclésiale, car ils peuvent découvrir ici les différentes façons de servir la communauté et, souvent, y faire mûrir leurs vocations spécifiques.
Une autre expérience positive d’itinéraire de vocation dans les Eglises particulières et dans les différents Instituts de vie consacrée est la communauté d’accueil, qui répond à l’invitation de Jésus : " Venez et voyez ". Le Souverain Pontife définit la " règle d’or de la pastorale des vocations ". [ 28 ] Dans ces communautés ou centres d’orientation des vocations, grâce à une expérience très spécifique et immédiate, les jeunes peuvent accomplir un véritable chemin de discernement progressif. Ils sont donc accompagnés pour leur permettre, au moment opportun, non seulement de percevoir clairement le projet de Dieu, mais de décider de le choisir et de s’y identifier.
c) Le service de la charité
C’est une des fonctions les plus typiques de la communauté ecclésiale. Elle consiste à vivre l’expérience de la liberté dans le Christ, dans ce sommet suprême qui consiste à servir. " Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur " (Mt 20, 26) ; " Si quelqu’un veut être le premier, il sera le serviteur de tous " (Mc 9, 35). Dans l’Eglise primitive, cette leçon semble avoir été très bien apprise, étant donné que le service apparaît comme un de ses éléments structurels, au point que des diacres sont institués pour " le service des tables ". C’est précisément parce que le croyant vit par grâce l’expérience de liberté dans le Christ qu’il est appelé à être témoin de liberté et agent de libération pour les hommes ; de cette libération qui se réalise non par la violence et la domination, mais par le pardon et l’amour, par le don de soi et le service, à l’exemple du Christ Serviteur.
C’est sans doute la voie royale, dans un itinéraire de vocation, pour discerner sa propre vocation, car l’expérience de service, en particulier si elle est bien préparée, conduite et pénétrée de son sens le plus vrai, est une expérience d’une grande humanité qui porte à mieux se connaître et à mieux connaître la dignité d’autrui, ainsi que la beauté de se consacrer aux autres.
Dans l’Eglise, l’authentique serviteur est celui qui a appris que c’est un privilège de laver les pieds de ses frères les plus pauvres, c’est celui qui a conquis la liberté de perdre de son temps pour les besoins d’autrui. L’expérience du service est une expérience de grande liberté dans le Christ. Celui qui sert son frère rencontre inévitablement Dieu et entre en harmonie particulière avec lui. Il ne lui sera pas difficile de découvrir sa volonté sur lui et, surtout, de se sentir attiré à l’accomplir. Ce sera, en tout cas, une vocation de service pour l’Eglise et pour le monde. Il en a été ainsi pour de très nombreuses vocations au cours de ces dernières décennies. L’animation des vocations de l’après-Concile est progressivement passée de la " pastorale de la propagande " à la " pastorale du service ", en particulier des plus pauvres et des plus nécessiteux.
De nombreux jeunes ont vraiment retrouvé Dieu et se sont retrouvés eux-mêmes, ils ont retrouvé le but de leur vie et le vrai bonheur, en donnant de leur temps et en prêtant attention à leurs frères, allant jusqu’à décider de leur consacrer non pas une partie de leur vie, mais toute leur existence. De fait, la vocation chrétienne est existence pour les autres.
d) Le témoignage-annonce de l’Evangile
Il s’agit de proclamer que Dieu est proche de l’homme tout au long de l’histoire du salut, en particulier dans le Christ, et donc aussi les merveilles de miséricorde du Père pour l’homme, afin qu’il ait la vie en abondance.
Cette annonce est à l’origine du cheminement de foi de tout croyant. En effet, la foi est un don reçu de Dieu et manifesté par l’exemple de la communauté croyante et de tant de frères et sœurs en son sein, ainsi que par le biais de l’instruction catéchétique sur les vérités de l’Evangile.
Mais la foi doit être transmise et vient un moment où chaque témoignage devient don actif : le don reçu devient don donné à travers le témoignage et l’annonce personnels.
Le témoignage de la foi implique l’homme tout entier et ne peut être fait que dans la totalité de son existence et de son humanité, de tout son cœur, de tout son esprit, de toutes ses forces, jusqu’au don de sa vie et même de son sang.
Ce crescendo de significations de ce terme est intéressant ; c’est un crescendo que nous retrouvons, au fond, dans le passage biblique qui nous guide : il suffit de voir le témoignage-catéchèse de Pierre et des Apôtres le jour de la Pentecôte et, par la suite, la courageuse catéchèse d’Etienne qui culmine lors de son martyre (Ac 6, 8 ; 7, 60) et des Apôtres " tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom (de Jésus) " (Ac 5, 41).
Mais il est plus intéressant encore de découvrir combien ce témoignage-annonce peut devenir un itinéraire spécifique de vocation.
La conscience reconnaissante d’avoir reçu le don de la foi devrait se traduire normalement par un désir et par la volonté de transmettre aux autres ce que l’on a reçu, aussi bien par l’exemple de sa propre vie que par le ministère de la catéchèse. Celle-ci est d’ailleurs " destinée à éclairer les multiples situations de la vie en enseignant à chacun à vivre sa vocation chrétienne dans le monde " . [ 29 ] Et, si le catéchiste est également avant tout un témoin, cette dimension de vocation n’en sera que plus évidente. [ 30 ]
Le Congrès a confirmé l’importance de la catéchèse dans la perspective des vocations et considéré que la célébration du sacrement de la Confirmation représentait un extraordinaire itinéraire vocationnel pour les pré-adoles cents et les adolescents.
L’âge de la Confirmation pourrait précisément être " l’âge de la vocation ", période qualifiée pour l’orientation théologique et pédagogique, pour la découverte et la réalisation du don reçu et pour en témoigner.
L’action catéchétique devrait susciter la capacité de reconnaître et de manifester le don de l’Esprit. [ 31 ]
La rencontre directe de croyants qui vivent avec fidélité et courage leur vocation, de témoins crédibles qui offrent des expériences concrètes de vocations réussies, peut être décisive pour aider les confirmants à découvrir et à accueillir l’appel de Dieu.
En tout cas, la vocation est toujours engendrée par la conscience d’un don et par une conscience si reconnaissante qu’elle trouve tout à fait logique de mettre son existence au service des autres pour se charger de leur croissance dans la foi.
Ceux qui vivent avec attention et générosité le témoignage de la foi ne tarderont pas à saisir le projet de Dieu sur eux pour se consacrer à sa réalisation avec toutes leurs énergies.
Des itinéraires pastoraux à l’appel personnel
28. Nous pourrions dire, en résumé, que la condition existentielle de tout croyant se condense dans les dimensions de la liturgie, de la communion ecclésiale, du service de la charité et du témoignage de l’Evangile. C’est sa dignité, sa vocation fondamentale, mais c’est aussi la condition pour que chacun puisse découvrir son identité particulière.
Tout croyant doit donc vivre l’événement commun de la liturgie, de la communion fraternelle, du service caritatif et de l’annonce de l’Evangile, car ce n’est qu’à travers cette expérience qu’il pourra identifier sa façon de vivre particulière avec ces dimensions de la vie chrétienne.
Par conséquent, ces itinéraires ecclésiaux doivent être privilégiés car ils représentent en quelque sorte la voie royale de la pastorale des vocations, grâce à laquelle le mystère de la vocation de chacun peut se révéler.
Il s’agit d’ailleurs des itinéraires classiques, qui appartiennent à la vie même de toute communauté voulant se dire chrétienne ; ils en révèlent en même temps la solidité ou la précarité. C’est justement pour cela qu’ils représentent non seulement une voie obligée, mais qu’ils offrent surtout une garantie de l’authenticité de la recherche et du discernement.
De fait, ces quatre dimensions et fonctions entraînent, d’un côté, une implication globale du sujet et, de l’autre, elles le conduisent au seuil d’une expérience très personnelle, d’une confrontation pressante, d’un appel impossible à ignorer, d’une décision à prendre, qu’il ne peut pas retarder indéfiniment.
Voilà pourquoi la pastorale des vocations devra expressément aider à faire œuvre de discernement par le biais d’une expérience profondément et globalement ecclésiale, qui conduise tout croyant " à la découverte de sa responsabilité dans l’Eglise et à l’assumer " . [ 32 ] Les vocations qui ne naissent pas de cette expérience et de cette insertion dans l’action ecclésiale communautaire risquent d’être viciées à la racine et d’une authenticité douteuse.
Naturellement, ces dimensions seront toutes présentes, coordonnées de manière harmonieuse, pour une expérience qui ne pourra être décisive que si elle englobe tout.
Souvent, en effet, certains jeunes privilégient spontanément l’une ou l’autre de ces fonctions (soit uniquement engagés dans le volontariat, soit trop attirés par la dimension liturgique ou par les grandes théories un peu idéalistes).
Dès lors, il sera important que l’éducateur des vocations conduise à un engagement qui ne corresponde pas sur mesure aux goûts du jeune, mais qui corresponde à la mesure objective de l’expérience de foi qui ne peut pas, par définition, être réduite. Seul le respect de cette mesure objective peut laisser entrevoir la mesure subjective.
En ce sens, l’objectivité précède la subjectivité et le jeune doit apprendre à lui donner la priorité s’il veut vraiment se découvrir et découvrir ce qu’il est appelé à être. Ou encore : il doit d’abord réaliser ce qui est requis à tous s’il tient à être lui-même.
Ce n’est pas tout ! Car ce qui est objectif, réglé sur la base d’une norme et d’une tradition, visant un objectif précis qui transcende la subjectivité, comporte une force d’attraction et d’attrait vocationnel considérable.
Naturellement l’expérience objective devra également devenir subjective ou être reconnue par l’individu comme sienne. Toujours, cependant, à partir d’une source ou d’une vérité que le sujet ne détermine pas lui-même mais qui se prévaut de la riche tradition de la foi chrétienne.
En définitive, " la pastorale des vocations possède les étapes fondamentales d’un itinéraire de foi " . [ 33 ] Cela implique aussi la progressivité et la convergence de la pastorale des vocations.
Des itinéraires aux communautés chrétiennes
a) La communauté paroissiale
29. Le Congrès européen s’est, entre autres, fixé un objectif : amener la pastorale des vocations au cœur des communautés paroissiales, là où les gens vivent et où les jeunes, en particulier, sont impliqués de manière plus ou moins significative dans une expérience de foi.
Il s’agit de faire sortir la pastorale des vocations des ornières réservées aux spécialistes pour atteindre la périphérie de l’Eglise particulière. Mais, en même temps, il est désormais urgent de dépasser la phase d’expérimentation que traversent de nombreuses Eglises d’Europe pour passer à de véritables cheminements pastoraux, greffés dans le tissu des communautés chrétiennes, en mettant en valeur ce qui est déjà éloquent du point de vue des vocations.
Une attention particulière doit être accordée à l’année liturgique qui est une école de foi permanente où tout croyant, aidé par l’Esprit Saint, est appelé à grandir selon Jésus. De l’Avent, temps de l’espérance, à la Pentecôte, en passant par le temps ordinaire, le chemin de l’année liturgique, qui revient de façon cyclique, célèbre et annonce un modèle d’homme appelé à se mesurer au mystère de Jésus, " l’ aîné d’une multitude de frères " (Rm 8, 29).
L’anthropologie que l’année liturgique porte à explorer est un authentique dessein vocationnel qui invite chaque croyant à répondre toujours plus à l’appel, en vue d’une mission précise et personnelle dans l’histoire. D’où l’attention accordée aux itinéraires quotidiens où chaque communauté chrétienne est impliquée. La sagesse pastorale requiert en particulier des pasteurs, guides des communautés chrétiennes, une attention minutieuse et un discernement attentif pour faire parler les signes liturgiques, les " vécus " de l’expérience de foi ; car c’est de la présence du Christ aux temps ordinaires de l’homme que viennent les appels de l’Esprit en vue d’une vocation.
Il ne faut pas oublier que le pasteur, surtout le prêtre, responsable d’une communauté chrétienne, est celui qui " cultive directement " toutes les vocations.
En vérité, on ne reconnaît pas partout à plein titre la dimension vocationnelle de la communauté paroissiale ; alors qu’au contraire " les Conseils Pastoraux diocésains et paroissiaux, en lien avec les centres nationaux des vocations (sont précisément) les organes compétents dans toutes les communautés et dans tous les secteurs de la pastorale ordinaire " . [ 34 ]
Il faut donc encourager l’initiative des paroisses qui ont constitué en leur sein des groupes de responsables de l’animation des vocations et des différentes activités pour résoudre " un problème vital qui est au cœur même de l’Eglise " [ 35 ] (groupes de prière, journées et semaines pour les vocations, catéchèses et témoignages et tout ce qui peut contribuer à accorder une grande attention aux vocations). [ 36 ]
b) Les " lieux-signe " de la vie-vocation
Pour œ passage délicat et urgent d’une pastorale des vocations basée sur les expérienœs à une pastorale des vocations basée sur le cheminement, il est nécessaire de faire parler non seulement les appels à la vocation provenant des itinéraires qui traversent la vie quotidienne de la communauté chrétienne, mais il est sage de rendre significatifs les lieux-signe de la vie comme vocation et les lieux pédagogiques de la foi. Une Eglise est vivante si, grâce aux dons de l’Esprit, elle sait percevoir ces lieux et les mettre en valeur.
Les lieux-signe de la nature vocationnelle de l’existence dans une Eglise particulière sont les communautés monastiques, témoins du visage priant de la communauté ecclésiale, les communautés religieuses apostoliques et les fraternités des instituts séculiers.
Dans un contexte culturel fortement attiré par les choses proches et immédiates, à travers le vent glacé de l’individualisme, les communautés orantes et apostoliques ouvrent de vraies horizons de vie authentiquement chrétienne, surtout pour les dernières générations manifestement plus attentives aux signes qu’aux paroles.
La communauté du séminaire diocésain ou interdiocésain est un signe particulier de la nature vocationnelle de la vie. Il vit une histoire singulière au sein de nos Eglises. D’une part, c’est un signe fort car il constitue une promesse de futur. Les jeunes qui y entrent, fils de œtte génération, seront les prêtres de demain. Mais œ n’est pas tout : le séminaire rappelle concrèternent la nature vocationnelle de la vie et l’urgence du ministère ordonné pour l’existence de la communauté chrétienne.
D’autre part, le séminaire est un signe faible : car il requiert une attention constante de l’Eglise particulière, il sollicite une sérieuse pastorale des vocations pour repartir chaque année avec de nouveaux candidats. La solidarité économique peut aussi être une sollicitation pédagogique pour éduquer le peuple de Dieu à la prière pour toutes les vocations.
c) Les lieux pédagogiques de la foi
En plus des lieux-signe, les lieux pédagogiques de la pastorale des vocations sont précieux. Ils sont constitués par les groupes, les mouvements, les associations et même par l’école.
Au-delà de la différence de physionomie sociologique de telles formes d’agrégation, surtout au niveau des jeunes, il faut apprécier leur valeur pédagogique comme lieux où les gens peuvent être pleinement aidés à atteindre une véritable maturité de foi.
Ce but peut être efficacement poursuivi si l’on prend garde à ne pas négliger trois dimensions de l’expérience chrétienne : la vocation de chacun, la communion de l’Eglise et la mission avec l’Eglise.
d) Des figures de formateurs et de formatrices
La faiblesse et le caractère problématique des lieux pédagogiques de la foi, mis à dure épreuve par la culture de l’individualisme, de l’associationnisme spontané ou par la crise des institutions, est bien connu.
Par ailleurs, le besoin se fait surtout sentir chez les jeunes d’une confrontation, d’un dialogue, de points de référence. Les signaux, à cet égard, sont nombreux. En somme, il existe une urgence de maîtres de vie spirituelle, de figures significatives, capables d’évoquer le mystère de Dieu et disposés à l’écoute pour aider les personnes à entrer dans un dialogue sérieux avec le Seigneur.
Les personnalités spirituelles fortes ne se réduisent pas seulement à quelques personnes particulièrement dotées de charisme, mais elles sont le résultat d’une formation particulièrement attentive à la primauté absolue de l’Esprit.
Pour former les figures éducatives de notre communauté, il faut accorder une attention particulière dans deux directions : d’une part, il s’agit de rendre explicite et vigilante la conscience d’éducation à la vocation chez toutes les personnes qui sont déjà appelées à œuvrer dans la communauté aux côtés des enfants et des jeunes (prêtres, religieux/ses et laïcs).
D’autre part, il faut soigneusement encourager et former le caractère ministériel éducatif de la femme pour qu’elle soit, surtout à côté des jeunes, une figure de référence et un guide sage. De fait, la femme est largement présente dans les communautés chrétiennes et chacun connaît la capacité intuitive du " génie féminin " et la vaste expérience de la femme dans le domaine éducatif (famille, école, groupes, communautés).
L’apport de la femme doit donc être considéré comme précieux, pour ne pas dire décisif, dans le cadre du monde de la jeunesse féminine, que l’on ne peut pas traiter comme le monde masculin, car il a besoin d’une réflexion plus attentive et plus spécifique, surtout dans le domaine des vocations.
Cela fait peut-être partie aussi du tournant qui caractérise la pastorale des vocations. Alors que, par le passé, les vocations féminines étaient également engendrées par des figures significatives de pères spirituels, guides authentiques des personnes et des communautés, aujourd’hui, les vocations au " féminin " ont besoin de se référer à des figures féminines, individuelles et communautaires, capables de fournir des propositions de modèles concrets et de valeurs.
e) Les organismes de pastorale des vocations
Pour se présenter comme une perspective unitaire et synthétique de la pastorale en général, la pastorale des vocations doit d’abord exprimer en son sein la synthèse et la communion des charismes et des ministères.
Depuis longtemps déjà, l’Eglise ressent la nécessité de cette coordination [ 37 ] qui, grâce à Dieu, a déjà porté des fruits remarquables : organismes paroissiaux, centres diocésains et nationaux des vocations fonctionnent déjà depuis plusieurs années, procurant de multiples bienfaits.
Mais il n’en va pas partout de même. Le Congrès qui vient de se réunir a regretté, dans certains cas, l’absence ou le manque d’incidence de ces structures dans plusieurs nations européennes [ 38 ] et forme des vœux pour que celles-ci soient créées ou amplifiées de façon adéquate le plus tôt possible.
Plusieurs observateurs relèvent aussi que, tandis que les centres nationaux semblent stimuler de façon notoire et constructive la pastorale des vocations dans son ensemble, les centres diocésains ne paraissent pas partout animés de la même volonté de travailler et de collaborer vraiment pour les vocations de tous.
Il existe un certain projet global de pastorale unitaire qui tarde encore à devenir une pratique d’Eglise locale et qui semble, d’une certaine façon, s’enrayer lorsqu’il s’agit de passer des propositions générales à la traduction effective dans la réalité diocésaine ou paroissiale. De fait, des perspectives et des pratiques particulières et moins ecclésiales n’ont pas encore tout à fait disparu. [ 39 ]
En ce qui concerne les centres diocésains et nationaux, plutôt que de rappeler ici ce que soulignent déjà d’une manière exemplaire divers documents quant à leur fonction, il semble nécessaire de rappeler qu’il ne s’agit pas tant d’une question d’organisation pratique que d’une cohérence avec le nouvel esprit qui doit imprégner la pastorale des vocations dans l’Eglise et, en particulier, dans les Eglises d’Europe.
La crise des vocations est égale ment crise de communion pour encourager et faire croître les vocations. Les vocations ne peuvent pas naître là où il n’existe pas d’esprit ecdésial authentiquement vécu.
Le Congrès et ce Document recommandent donc, non seulement un regain d’efforts dans ce domaine, en lien plus étroit entre centre national, centres diocésains et organismes paroissiaux, mais ils souhaitent aussi que ces organismes prennent davantage à cœur deux questions : la promotion d’une authentique culture des vocations dans la société civile et ecclésiale, que nous avons déjà soulignée, et la formation d’éducateurs-formateurs des vocations, élément véritablement central et stratégique de l’actuelle pastorale des vocations. [ 40 ]
Le Congrès demande en outre que soit sérieusement prise en considération la constitution, pour l’Europe, d’un organisme ou Centre unitaire supranational de la pastorale des vocations, comme signe et expression concrète de communion et de partage, de coordination et d’échange d’expériences et de personnes entre les différentes Eglises nationales, [ 41 ] tout en sauvegardant les particularités de chacune.
pour lire l’ensemble du texte du Congrès de Rome :
Les parties précédentes de ce documents ont été publiées dans les numéros 89 et 90 de "Jeunes et Vocations"[Retour au texte ]
- Vers la IVème partie du document final de Rome (Jeunes et Vocations N° 91)
- Vers la IIème partie du document final de Rome (Jeunes et Vocations N° 90)
- Vers la Ière partie du document final de Rome (Jeunes et Vocations N° 89)
- Versl’Introduction du document final de Rome (Jeunes et Vocations N°88)
Notes
1) Discours de Jean Paul II aux participants au Congrès sur le thème : "De nouvelles vocations pour une nouvelle Europe" in L’Osservatore Romano, 11 mai 1997, n°107. [ Retour au texte ]
2) DF, 5 [ Retour au texte ]
3) Cette expression se trouve dans l’Exhortation Apostolique de Jean Paul II Pastores dabo vobis n° 34. Ce même document indique bien les motifs fondateurs qui lient intrinsèquement la pastorale des vocations à l’Eglise.[ Retour au texte ]
4) Ibidem [ Retour au texte ]
5) Ibidem [ Retour au texte ]
6) IL, 58 [ Retour au texte ]
7) L’expression " communauté chrétienne " est, en soi, une expression générale qui entend indiquer une Eglise particulière ou locale, par exemple une paroisse. Elle est l’équivalent d’un groupe de chrétiens vivant en un lieu et représente l’Eglise d’une manière actuelle, lorsqu’elle se rassemble pour prier et servir, pour rendre témoignage de l’amour et de la présence du Christ au milieu d’eux.
En revanche, l’expression "communauté ecclésiale" possède un sens plus précis, car elle met en évidence la présence des éléments qui constituent l’Eglise, à partir du caractère central du mystère eucharistique. Elle s’applique en propre aux diocèses et aux paroisses qui sont des communautés ecclésiales eucharistiques grâce à la présence du ministère ordonné ; les autres le sont par extension de sens. Cf. à ce propos DF, 13-16.[ Retour au texte ]
8) Jean Paul II , Discours au VIème Symposium des Conférences Episcopales Européennes, 11-10-1985 [ Retour au texte ]
9) Pastores dabo vobis, 34 [ Retour au texte ]
10) Ibidem, 35 [ Retour au texte ]
11) Ibidem, 41 [ Retour au texte ]
12) Cf. ibidem, 41 [ Retour au texte ]
13) Ibidem, 66 [ Retour au texte ]
14) Vita consecrata, 64 [ Retour au texte ]
15) Ibidem [ Retour au texte ]
16) IL, 59 [ Retour au texte ]
17) Cf. Déclaration, 26 [ Retour au texte ]
18) Cf. Propositions, 25 [ Retour au texte ]
19) Cf. Vita consecrata, 70 [ Retour au texte ]
20) Propositions, 4 [ Retour au texte ]
21) Propositions, 13 [ Retour au texte ]
22) Cf. Propositions, 10 [ Retour au texte ]
23) Cf. Propositions, 10 [ Retour au texte ]
24) " La liturgie apparaît en soi comme un appel. C’est le lieu privilégié où l’ensemble du peuple de Dieu se retrouve d’une manière visible et où se réalise le mystère de la foi " (Propositions, 13) [ Retour au texte ]
25) Dei Verbum, 25 [ Retour au texte ]
26) " Le premier lieu de témoignage est la vie d’une Eglise qui se redécouvre " communion " et où les paroisses et les réalités associatives sont vécues comme communiuon de communauté " (Propositions, 14) [ Retour au texte ]
27) Propositions, 21 [ Retour au texte ]
28) Vita consecrata, 64 [ Retour au texte ]
29) Lumen gentium, 12 ; 35 ; 40-42 [ Retour au texte ]
30) Cf. Catechesi tradendæ, 186 [ Retour au texte ]
31) Propositions, 35, où les évêques se voient une nouvelle fois rappeler la grande opportunité que leur offre la célébration de la Confirmation pour " appeler " les jeunes qui reçoivent ce sacrement.[ Retour au texte ]
32) Propositions, 10 [ Retour au texte ]
33) Propositions, 11 [ Retour au texte ]
34) Propositions, 10 [ Retour au texte ]
35) Pastores dabo vobis, 41 [ Retour au texte ]
36) Cf. les sages indications sur ce thème du Document Final du IIème Congrès International de 1981, DF, 40.[ Retour au texte ]
37) Cf. Optatam totius, 2 ; DF, 57-59 ; cf. aussi Développements de la pastorale, 89-91 [ Retour au texte ]
38) Cf. propositions, 10 [ Retour au texte ]
39) " Parfois - a-t-on remarqué lors du Congrès - on constate une certaine difficulté dans les rapports entre Eglise locale et vie religieuse. Il est important de sortir d’une lecture fonctionnelle de la vie religieuse, même si l’on entrevoit déjà des signes d’orientations nouvelles après le Synode sur la vie consacrée. Cela vaut également pour les Instituts séculiers " (Propositions, 16) [ Retour au texte ]
40) " Dans une situation religieuse et culturelle qui évolue rapidement, il devient indispensable de former des animateurs de base : catéchistes, paroisses, diacres, personnes consacrées, évêques… et de prendre soin de leur formation permanente " (Proposition, 17) [ Retour au texte ]
41) Cf. Propositions, 29, où, parlant de ce Congrès européen pour les vocations, s’exprime le désir que celui-ci, comme geste de charité et d’échange de dons, " pourvoit aussi à une ’ banque ’ de personnes qualifiées pour collaborer à la formation des formateurs ".
Quant à la constitution de cet organisme, on trouve aussi une sollicitation en ce sens dans l’Instrumentum laboris, 83 et 90/h. Une expérience positive se déroule déjà depuis plusieurs années en Amérique latine. A Bogota (Colombie) au siège du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM), le "Departimento de Vocaciones y Ministerios" (DEVYM) œuvre de façon stable. Cet organisme a également constitué le point de référence pour la préparation et la célébration du premier Congrès continental pour l’Amérique latine, qui s’est déroulé à Itaici (Sao Paulo, Brésil) du 23 au 27 mai 1994.[ Retour au texte ]