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Maturité temporelle et sens de l’engagement
C’est, la plupart du temps, l’infantilisation des jeunes par les adultes qui les rend prisonniers de l’indécision. Portrait sans concession d’une certaine incohérence éducative actuelle.
Psychanalyste et Spécialiste en Psychitrie sociale
Si de très nombreux jeunes, chez les 15/30 ans, sont susceptibles de se mobiliser pour des activités et des relations qui leur permettent de se maintenir dans le présent, ils éprouvent néanmoins des difficultés pour s’inscrire dans la continuité et savoir anticiper l’avenir. Le présent est souvent vécu comme un instant qui dure et non pas comme un aspect du temps qui prend en compte le passé et prépare l’avenir. Certains jeunes ne sont pas toujours capables d’évaluer la conséquence de leurs faits et gestes sur eux-mêmes, sur les autres et sur leur futur. Ils conçoivent le temps comme une suite d’événements successifs alors qu’en réalité ils engagent toujours la personnalité. Ces constatations, qui ne sont pas nouvelles, sont le reflet de la psychologie de cet âge de la vie ; la plupart des jeunes ont toujours réagi ainsi. Mais cette attitude se trouve renforcée par l’environnement actuel et la société des adultes qui vivent le même rapport au temps. Le milieu n’est plus porteur ni éducatif pour les personnalités juvéniles qui sont incitées à se maintenir dans la précarité d’un provisoire qui dure, et qui est source d’immaturité. Dans ces conditions, la notion d’engagement leur est aussi étrangère que celle du temps et c’est pourquoi ils s’installent dans l’indécision. Nous allons en examiner quelques aspects psychologiques et en mesurer les effets sur la pastorale des vocations.
Quelques aspects psycholoqiques de l’indécision
Le sens de la décision s’apprend dès le plus jeune âge en permettant à l’enfant de se confronter à des réalités sur lesquelles il peut agir et en découvrant que les adultes ont fait des choix avec lesquels ils sont en cohérence. Mais l’attitude des adultes va souvent à l’encontre de cette double nécessité. En effet, en l’espace de quarante ans, les parents et les éducateurs ont beaucoup perdu de leur souci pédagogique à l’égard des enfants vis-à-vis des réalités de l’existence. Le bon sens éducatif a été progressivement délaissé au seul profit de la subjectivité de l’enfant qui est en permanence renvoyé à lui-même en lui laissant entendre qu’il peut être la fin et la mesure de tout. Il se trouve flatté dans son narcissisme mais " sous équipé ", une fois devenu postadolescent (24/30 ans), pour se déterminer dans un engagement car il ne sait pas toujours se mettre en perspective dans un projet de vie. Dans ce contexte il n’est pas facile d’acquérir une conscience historique et une confiance en soi, ce qui favorise un self incertain.
La société des adultes s’appuie sur les jeunes
J’ai souvent développé l’idée que la société ne cesse de s’identifier aux jeunes en adoptant leurs modes de pensée, d’habillement et de langage. Les médias se nourrissent des comportements juvéniles au point d’en faire une référence jusqu’à parler de la " culture " jeune. Or il n’y a pas de " culture " jeune mais des habitudes et des modes liées à une génération et qui passent avec le temps. Le besoin d’ériger la moindre expression en termes de " culture " montre à quel point la société ne sait plus où elle en est pour croire qu’un type de vêtement, de chaussure, de blouson, de musique ou une façon de s’exprimer verbalement de façon déstructurée, comme c’est souvent le cas à l’adolescence, serait à l’origine d’une nouvelle culture. Un tel abus de langage masque mal les carences d’une société qui ne cesse de s’infantiliser dans tous les domaines, de la vie sociale à la vie politique.
Les adultes, en panne d’analyse, de réflexion et de projets, se tournent vers les jeunes afin qu’ils leur donnent des conseils pour réorganiser l’école, résoudre le problème de la violence et se prononcent sur les grandes questions de l’existence. L’adolescent devient l’expert et serait capable d’avoir un avis sur tout. De nombreuses émissions de télévision sont bâties sur ce modèle où les jeunes sont invités à discuter sur le dernier problème de société à la une des médias. Le résultat n’est pas probant : ils bredouillent ou répètent les clichés de leur milieu, voire ceux qui sont en vogue dans la presse. De façon démagogique ils sont adulés, valorisés, sondés en s’imaginant qu’ils seraient les référants d’un savoir que les adultes ne maîtrisent pas.
Dans ce monde de confusion des générations et des sexes, les jeunes doivent être le soutien et le parent des adultes et de la société. D’ailleurs celle-ci ne joue plus son rôle porteur en offrant un cadre symbolique qui forme, régule et relie socialement l’individu au groupe. Bien au contraire ce cadre est souvent présenté comme étant à la libre disposition de chacun ; ce qui favorise la violence. Cette inversion identificatoire de l’adulte sur l’adolescent, héritée de mai 68, n’aide pas à grandir et ne favorise pas la maturité puisqu’il faudrait vivre dans un âge arrêté qui est celui de l’adolescence. La société aussi incertaine, pour ne plus savoir signifier la différence des générations, n’est plus éducatrice. Elle invite les individus à se débrouiller seuls.
La plupart des réformes pédagogiques, qui ont progressivement détruit l’école - qui est maintenant au bord de l’explosion - se sont inspirées d’une conception centrée sur la non-directivité selon laquelle il fallait apprendre à apprendre même sans ne rien savoir. Cette théorie des années soixante, remise au goût du jour actuellement par des sociologues de l’éducation (cf. les travaux de Philippe Mérieux chargé de conduire la dernière enquête sur le lycée), nous fait passer des idéologies philosophiques issues du marxisme à des idéologies psychologiques. Les élèves, dès le collège, ont été mis sur le même plan que des étudiants de troisième cycle qui, forts de leur base acquise lors de toute leur scolarité, sont capables de faire des recherches. Nous sommes dans un paradoxe : les adultes s’infantilisent en même temps que l’on fait grandir trop vite les enfants et les adolescents.
La société s’appuie sur les jeunes pour vivre comme eux et non pas pour les aider à préparer leur avenir. La présence inconsistante des adultes fait qu’ils n’ont pas toujours de médiateurs entre eux et la société. Ils s’épuisent à tenir une place qui n’est pas encore la leur et, lorsque l’on veut les rendre adultes précocement, ils résistent avec raison en affirmant : " Je suis trop jeune, ce n’est pas encore de mon âge ". En ce sens les adolescents d’aujourd’hui sont plus réalistes que les " soixante-huitards " qui voulaient être considérés comme des adultes et faire la leçon à leurs parents et à leurs aînés. Ils demandent aux adultes de rester à leur place et de jouer leur rôle.
Les échecs et l’instabilité des adultes créent de l’insécurité
Si les jeunes ne peuvent pas toujours s’appuyer sur la société pour se structurer, ils sont également les victimes de l’instabilité affective des adultes. La multiplication des divorces (un divorce sur trois mariages) devient un problème de société qui est d’un coût psychologique, affectif, professionnel, financier et médical considérable. Il ne s’agit plus d’un divorce provoqué par des erreurs de choix, ou à la suite d’évolution divergente des partenaires ou encore par la possibilité de " refaire sa vie ", mais par la difficulté à faire face aux différents âges de la vie du développement du couple ou de la vie affective de l’individu. Le moindre problème se traite sur le mode de la cassure et de la rupture. La valorisation des sentiments pour eux-mêmes fait de l’individu l’objet de leur finalité.
Il s’agit moins de construire une relation amoureuse, en tenant compte des contraintes de l’existence et les aléas de la relation à l’autre, que d’être dépendant de l’état de ses sentiments. Or ceux-ci sont variables et parfois instables en fonction des situations et des événements quotidiens. Il en va tout autrement de l’amour qui intègre les sentiments dans le projet d’une relation amoureuse qui se construit au jour le jour.
En ce sens l’amour n’est pas un sentiment ; il est au désir ce que les sentiments sont aux émotions. Si la vie amoureuse ne repose que sur des sentiments, comme à l’adolescence, elle sera instable et fragile. La sentimentalité actuelle, qui déstructure les adultes dans leur vie de couple et détruit la vie familiale, crée un climat d’incertitude qui fait aussi bien souffrir les adultes que leurs enfants, quelque soit leur âge.
De nombreux jeunes se demandent s’ils vont réussir là où leurs parents ou des adultes ont échoué. Ils ne savent pas non plus dans quelle mesure il est possible d’accorder sa confiance à l’autre. De plus, si la vie familiale est incertaine et si elle casse les relations (notamment à cause de l’instabilité affective des parents), alors le monde extérieur et les autres deviennent également insécurisants. L’incertitude et l’indécision qui sont vécues par de nombreuses personnalités trouvent leur origine dans l’instabilité affective des adultes qui fragilise la famille et les enfants. En revanche, lorsque des enfants vivent avec des parents qui se maintiennent dans une relation cohérente et affectivement chaleureuse, malgré les conflits relationnels et les difficultés inhérentes à l’existence, ils se construisent avec un sentiment de sécurité intérieur qui leur donne confiance en eux-mêmes et dans la vie. Ils sont mieux équipés psychologiquement pour envisager un engagement relationnel tout en étant conditionnés par un environnement qui ne sait plus proposer des choix de vie adulte et une conception de l’existence à partir de laquelle organiser et valoriser son existence.
Le flou des idées et la pensée livrée au seul ressenti ne favorise pas la réflexion sur soi
La mode actuelle encourage une subjectivité débordante. Les réalités, les êtres, les choses et les événements n’existent qu’en fonction de ce que l’on ressent. Pire : il faudrait simplement agir selon ses envies. Le ressenti se substitue ainsi à la rationalité, le " vécu " prime sur la pensée. Or penser ce n’est pas éprouver ou ressentir mais faire acte de raison. Pour beaucoup, réfléchir " ça prend la tête " et donne la migraine. La réflexion tout comme la façon de parler sont les éléments pauvres de l’intelligence juvénile. Les divers courants musicaux qui électrisent des adolescents se développent dans ce contexte d’irrationalité et de pensée magique.
La musique techno, les soirées rave tout comme le rap, sont les produits d’une subjectivité éclatée, d’un corps déstructuré et d’un besoin de relation fusionnelle et infantile. Chacun se fond en tous pour se vivre en tribu et dans l’indistinction personnelle. La manipulation et la reconstruction des mots sont, elles-mêmes, révélatrices de l’impuissance à nommer le réel et à agir dessus. Quand on ne sait plus parler, conjuguer le féminin et le masculin et utiliser les mots courants, il devient presque impossible de penser.
Il manque une réelle formation de l’intelligence dans la vie scolaire qui permette de réfléchir sur sa vie, sur l’existence alors que l’éducation contemporaine se limite à une vision instrumentale de l’intelligence cloisonnée dans des aspects purement techniques. L’assimilation des connaissances, la maîtrise du langage, la concentration intellectuelle et l’utilisation de la raison ne sont pas prises en compte dans la formation de l’intelligence. Si, dès l’enfance, la pensée naît de l’émotion, elle ne peut pas y rester enfermée. Elle dépasse le simple ressenti qui a sa valeur comme expérience subjective mais n’est pas en correspondance avec la réalité. L’individu peut ressentir une expérience et un fait d’une certaine façon, sans que celle-ci soit en adéquation avec la réalité. Il y a une confusion qui s’amplifie entre la vérité subjective, qui dépend du sujet, et la vérité objective qui le dépasse. La sincérité du ressenti ne saurait remplacer la vérité rationnelle ou la vérité des réalités qui existent indépendamment de chacun.
L’absence de maturité temporelle
Les pseudo relations amoureuses à l’adolescence ont surtout cette fonction. Elles servent à se dégager du complexe d’Œdipe en s’appuyant sur un autre plutôt que de construire une relation commune qui a de l’avenir. Ce besoin d’avoir recours à cet agir montre aussi qu’il peut y avoir une défaillance, dans les psychologies contemporaines, de la fonction symbolique pour résoudre sur la scène psychique à la fois le complexe d’Œdipe et la sexualité incestueuse. Il est significatif d’observer des adultes qui valident ces " amours " d’adolescents en les confortant dans une situation œdipienne qui aurait besoin d’évoluer. L’enfermement juvénile dans l’affectivité infantile ne donne pas aux jeunes le sens du temps et donc de l’engagement.
Les effets de l’immaturité temporelle sur la pastorale des vocations
La défaillance des images parentales (lorsque la mère apparaît dans la société actuelle comme le seul parent psychique), les troubles de la filiation (que l’on observe à la suite des familles dissociées par le divorce ou provoqués par la relation monoparentale), la confusion des identités sexuelles et le déni de la différence des sexes (quand on laisse penser qu’un homme et une femme sont semblables ou que l’homosexualité est une altemative à l’hétérosexualité), la transgression des rôles et des fonctions symboliques ne permettent pas à des jeunes de se structurer, de trouver leur place dans la société et surtout d’apprendre à se relier socialement à travers une dimension institutionnelle. Les jeunes ne sont pas pris au sérieux car, au lieu de les inscrire dans toutes ces dimensions, les adultes cherchent à s’identifier à eux et à adopter leurs modes passagères.
Nous retrouvons ces attitudes qui traversent tous les groupes sociaux, même au sein de l’Église. En effet, sous le prétexte d’être dans le vent, des pasteurs et des animateurs adoptent des clichés à la mode, des types relationnels, voire des pensées qui ne sont pas en cohérence avec les nécessités psychologiques de l’enfant et de l’adolescent et encore moins avec la conception chrétienne de l’existence, ni avec le sens des rôles symboliques au sein de la société.
Une attitude pastorale qui situe les relations au lieu de les infantilise
En effet, de nombreux adultes, sous le prétexte d’être proches, compréhensifs et " faciles " avec les jeunes en viennent à transgresser des rôles et des fonctions. Cette attitude contribue à désocialiser les enfants et les adolescents et les oblige à aborder le lien social d’un point de vue intersubjectif en escamotant les idées et la réflexion. Je prends un exemple : lors d’une séance de catéchèse un jeune lève le doigt en appelant le prêtre "Monsieur". Celui-ci, immédiatement, réagit en disant : " Je ne suis pas monsieur mais je m’appelle Pierre. "
L’enfant, pourtant à bonne distance relationnelle, avait raison de s’adresser au prêtre à travers un lien social en le nommant monsieur, tout comme d’ailleurs il aurait pu l’appeler Père pour signifier la dimension sociale de sa fonction religieuse. En revanche, le prêtre, dans sa réponse, l’invite non seulement à faire régresser le lien social à un lien affectif mais en plus il l’incite à désocialiser la relation en étant simplement un prénom. Il escamote à la fois son identité sociale (il porte un nom) et sa fonction symbolique de prêtre. Cette attitude revendiquée par de nombreux adultes a des conséquences graves sur le tissu social au moment où tout le monde se plaint de la perte des repères. Pourtant ceux-ci existent, mais de plus en plus nombreux sont les adultes qui ne savent pas les faire fonctionner ou les obscurcissent par leur comportement.
Une relation pastorale qui prend en compte la dimension sociale et institutionnelle
Ce sont les enfants et les adolescents qui rappellent souvent aux adultes leur statut et leur rôle là où ces derniers oublient de se comporter en tant que tels et à leur place. C’est ainsi que, peu à peu, des attitudes et des pratiques contribuent à se maintenir dans la confusion et dans l’indistinction. A tel point d’ailleurs que bien des jeunes ne savent plus se différencier, se mettre en perspective pour grandir et savoir comment trouver leur place dans la réalité. Si des adultes entretiennent l’infantilisme, comment des adolescents peuvent-ils trouver les matériaux psychiques et symboliques pour apprendre à se déterminer dans la réalité ? Si les adultes ne savent pas traiter leurs engagements et leurs problèmes, comment des jeunes peuvent-ils être confiants et anticiper ce qu’ils seront capables de faire plus tard ? Si les adultes ne sont pas animés de projets, d’ambitions et d’idéaux pour agir sur les événements et l’histoire, comment des vocations peuvent-elles s’éveiller ? Si les adultes ne favorisent pas l’accès à la dimension sociale de l’existence et donc au sens institutionnel des rôles et des fonctions dans une communauté comme l’Église, comment certains jeunes pourront-ils s’éveiller et être soutenus par rapport à la vocation sacerdotale ?
Une relation pastorale qui favorise la différence des vocations
La vocation sacerdotale est un appel spécifique que l’on aurait tort de confondre avec tous les autres choix de vie possibles. Dans une vision plutôt fusionnelle des relations, certains ne supportent pas les différences fondamentales. La pastorale des vocations se heurte ainsi à des revendications où l’on devrait en même temps parler d’autres situations ou faire droits à des exigences qui ne correspondent pas au sacerdoce tel que l’Église le conçoit. Il faudrait aussi, en fonction de la crise de recrutement que l’on connaît, et qui n’est pas nouvelle dans l’histoire, pouvoir appeler au sacerdoce ceux qui le souhaitent subjectivement indépendamment de ce qu’est la réalité du sacerdoce. Cette attitude brouille la pastorale des vocations qui doit se démarquer de la mode des relations et des rôles qui se veulent de plus en plus indistincts.
La pastorale diocésaine des vocations est d’autant plus nécessaire que le manque de prêtres nécessite d’éveiller la conscience des chrétiens à former un milieu ecclésial porteur pour les vocations. Le ministère ordonné, qui est vital pour l’Église, doit être reconnu pour lui-même. Il ne faut pas croire que les caractéristiques qui le composent peuvent être distribuées en divers services assumés par des laïcs, ce qui nous mènerait vers une Église sans prêtres, pour répondre à des préoccupations uniquement fonctionnelles. Cette mentalité, largement partagée actuellement, s’appuie sur une philosophie pragmatique qui prend le pas sur le sens des symboles et détruit progressivement la dimension symbolique des fonctions et des rôles.
Des laïcs supportent parfois mal de voir se développer une pastorale des vocations et pensent qu’ils peuvent remplir certaines tâches sans qu’il soit nécessaire de multiplier le nombre de prêtres. D’autres agissent comme si l’Église allait changer sa conception du sacerdoce en se référant au Concile Vatican II alors que celui-ci, au contraire, l’a réaffirmée. Enfin, des pratiques et l’utilisation de signes se développent souvent en contradiction avec les fonctions de chacun dans l’Église qui ajoutent à la confusion quand, justement, les prêtres font défaut.
Il y aurait également à s’interroger sur le nombre de plus en plus grand de filles qui deviennent enfants de chœur alors que ce rôle est réservé aux garçons. Ce service de la liturgie a été, et reste, un lieu d’éveil à la vocation sacerdotale. Mais dans la confusion actuelle, où les réalités symboliques sont de moins en moins signifiées, on laisse entendre que des filles pourraient accéder au sacerdoce. Qu’on le veuille ou non, ces pratiques induisent cette illusion alors que des filles peuvent trouver autrement leur place dans l’animation de la liturgie. Les limites de cet article ne permettent pas de développer davantage cette question qui est loin d’être un détail. Il s’agit d’un effet de mode qui n’a pas été pensé ni confronté à la réalité de la liturgie, du sacerdoce et de la psychologie différentielle. Il faut noter, pour faire écho à cet aspect psychologique, que là où les filles sont enfants de chœur, les garçons ne souhaitent pas exercer ce service. Ils s’en vont. Ce sont les limites de la mixité mais aussi de ce que représente la symbolique de chaque sexe dans la société là où l’on croit que l’on peut exister et agir indistinctement.
La cohérence des adultes sert la liberté des jeunes
La confusion sociale dans laquelle nous sommes ne favorise pas le sens de l’engagement quand le discours dominant ne sait plus situer les tâches à accomplir et les rôles à assumer. Il est difficile de savoir comment développer et animer le lien social lorsque la conception du temps est réduite à une succession d’instants que l’on veut d’autant plus intenses que l’on est démuni de projets et de perspectives.
La catéchèse a les moyens de relever ce défi et c’est bien ce qui a commencé d’être compris lors des JMJ. L’éducation religieuse inscrit dans une histoire et permet à chacun de découvrir sa place mais aussi de se reconnaître dans une vocation. Mais s’engager implique un choix, une limite et une déclaration publique ; autant de réalités qui sont devenues de plus en plus angoissantes dans un monde où tout doit rester possible. On se maintient alors dans le non choix et l’impuissance : quand tout est possible rien n’est réalisable. En revanche, accepter d’orienter sa vie dans un choix qui en exclut d’autres permet de développer ses possibilités.
La pastorale des vocations repose non seulement sur la découverte et l’expérience de Dieu, que des jeunes peuvent vivre, mais aussi sur la visibilité de l’Église et du prêtre dont le ministère ne saurait se confondre avec les responsabilités exercées par des chrétiens. Lorsque le rôle du prêtre est visible par son style de vie, ses responsabilités apostoliques et la valeur de sa fonction dans l’Église, il est significatif pour celui qui va se poser la question d’une vocation sacerdotale et voit un homme, situé dans un engagement, nécessaire à la vie de l’Église et à l’Évangélisation. Il découvre quelqu’un qui vit de son engagement et peut donc s’éveiller à son contact. Il peut commencer à se libérer de l’indécision grâce à des adultes qui sont en cohérence avec ce qu’ils ont choisi et construisent leur existence au service des autres.