L’Eglise propose ce qu’elle a de meilleur


Mgr Louis-Marie Billé, archevêque d’Aix-en-Provence, décrit pour nous son expérience du don du sacrement de la confirmation aux jeunes de son diocèse.
C’est à Estelle, 16 ans, qu’il laisse ensuite la parole.

Mgr Louis-Marie Billé
archevêque d’Aix-en-Provence

Pour parler de la Confirmation des jeunes, par où commencer ? Finalement, je n’ai qu’à moitié envie de commencer par leurs lettres, leurs démarches, les rencontres avec eux. Tout cela vaut largement la peine, mais j’ai un peu peur, quelquefois, qu’on en rajoute, qu’on en dise trop ou qu’on en fasse un peu trop. Mais alors ? Dans la célébration elle-même, sur le seuil du sacrement, juste avant l’imposition des mains, il y a un long temps de silence. Long ? Cela ne dure pas un quart d’heure. Mais je suis à peu près sûr que pour beaucoup de ceux qui sont là, dans l’assemblée, pour nombre de jeunes eux-mêmes, il y a sans doute fort longtemps qu’ils n’ont pas eu l’occasion de vivre un silence comme celui-là, silence d’accueil, de communion, d’espérance, silence d’intériorité.

Après le silence, ce sont les gestes du sacrement. Je n’ai pas accès à ce qui se passe alors dans le cœur des jeunes. J’ai simplement reçu les signes de ce que le cœur de beaucoup d’entre eux était ouvert, les signes d’un vrai bonheur. Et il me semble que c’est surtout à ce moment-là qu’il m’arrive de les rencontrer, au moins de rencontrer l’un ou l’autre d’entre eux, l’une ou l’autre d’entre elles... De les rencontrer plus profondément que dans le dialogue, certes utile, que j’ai eu quelques semaines auparavant avec eux et où nous avons librement échangé de multiples questions, importantes ou sans importance. Au-delà des quelques mots que je peux dire ou que nous pouvons échanger, je sais qu’ils savent (même s’ils sont incapables de le dire ainsi), que ce qui se passe nous est donné, à moi-même et à eux, que cet instant symbolise leur vie, que quelque chose d’irréversible est arrivé.

Les célébrations de la confirmation - et c’est un peu dommage - ne sont pas forcément des rassemblements de la communauté chrétienne. Pour dire les choses un peu brutalement, il vaut mieux quelquefois ne pas réciter la profession de foi : on risquerait de n’avoir guère qu’un murmure. Il est d’autant plus frappant de sentir de quelle manière forte la plupart de ceux qui sont là regardent, écoutent, participent. A l’évidence, bien des parents sont étonnés de voir que leur garçon ou leur fille de seize ans a pu vouloir une célébration pareille, a dit ce qu’il a dit de sa foi et de ses désirs. Ces mêmes parents, à la sortie, disent ce qu’ils pensent de la célébration, expliquent que, de leur temps, ça ne s’est pas passé comme ça, mais que...

Finalement, c’est d’abord tout cela que j’avais envie de dire : la confirmation est véritablement célébrée.Elle l’est par les jeunes et pour eux. Elle l’est par et pour ceux qui les entourent, même si, le dimanche d’avant, le dimanche d’après et, éventuellement, jusqu’à la confirmation du cadet, ils ne remettent plus les pieds à l’église. La confirmation, c’est d’abord le mystère vécu de la liturgie chrétienne. Les jeunes peuvent pressentir que l’Eglise les prend au sérieux, qu’elle leur propose ce qu’elle a de meilleur, qu’elle les respecte, qu’elle les appelle.

Je me demande si je suis un peu optimiste. Peut-être, mais je ne suis pas sûr. En tout cas, c’est maintenant que je veux parler de préparation, de lettres, de démarche, de réunions, de passages dans un monastère, de témoignages apportés par des adultes à une étape ou à une autre... On pourrait sans doute allonger la liste. De tout cela, et puisque les jeunes écrivent (selon une heureuse tradition désormais bien établie), je peux dire quelques mots de ce qu’ils disent.

Les jeunes sont comme les adultes : divers. Ils n’ont pas tous la même expérience spirituelle, pas tous la même capacité pour s’exprimer. Les uns (il serait souvent plus exact de dire les unes !) ont un langage pour exprimer leur foi, les autres balbutient ou n’en disent à peu près rien : il y a tous les cas de figure. Si l’on accepte de "globaliser" ces réponses, il est sans doute possible de tirer un certain nombre de constantes. La première est peut-être bien qu’ils font état des difficultés de la vie et des difficultés de la foi.

Des difficultés de la vie : depuis plus de treize ans que je suis évêque, j’ai le sentiment que cela va croissant. Difficultés de la foi, ou plutôt difficultés à être chrétiens dans le monde de maintenant, dans la situation qui est la leur. Sentiment de sur-occupation (il y a tellement d’autres choses à faire que de s’occuper de "la religion") ; impression que la vie de l’Eglise, ce n’est pas toujours drôle ; conscience du courage qu’il faut pour affronter le regard ou les moqueries des autres ; surtout (mais là, on est comme à un autre niveau), scandale devant le mal du monde, devant le malheur des hommes.

Après les difficultés, ce qui s’exprime le plus est sans doute (mais cela varie un peu avec l’âge) la conscience de l’importance de cette étape que l’on est en train de franchir. Dans ce qui est dit alors, il y aurait souvent de quoi faire froncer les sourcils au théologien le moins rigoureux. Mais là n’est pas mon propos. Ils savent qu’ils assument personnellement le fait d’être chrétien. Il savent que cela les distingue. Ils savent que cela les oriente.

Ce qui vient ensuite, c’est l’expression multiforme de leurs désirs de jeunes. Ce sont leurs rêves d’avenir. C’est leur ambition de fonder une famille. C’est l’évocation de leur profession de demain. Là, leurs lettres sont traversées par les courants de la culture contemporaine, ou plutôt par le meilleur de cette culture.

Ensuite, ou enfin, s’exprime vraiment leur vie chrétienne. Certains n’en disent pratiquement rien, d’autres parlent vraiment de leur relation personnelle avec le Christ, de l’espérance qu’il leur apporte, de leur désir de le faire connaître. Ils disent leur attente d’un sacrement dont ils souhaitent transformation d’eux-mêmes, courage, force dans leurs limites et leurs faiblesses, joie et paix.

Tout cela n’a peut-être rien de très étonnant. Encore que... Est-il si banal qu’aujourd’hui les choses puissent se passer ainsi ? A travers tout cela, la célébration se prépare. Et après ? Cet après nous échappe largement. Je reconnais que j’ai toujours beaucoup de joie à rencontrer, dans un coin ou l’autre du diocèse, tel garçon ou fille à qui j’ai donné la confirmation, un an, deux ans, quatre ans auparavant, et dans lequel ou laquelle, manifestement, le sacrement fructifie. Il ne faut sûrement pas bouder les signes qui nous sont donnés là, mais nous savons bien que l’essentiel demeurera invisible.

 

Un grand bonjour à notre nouvel évêque !

Je m’appelle Estelle, j’aurai 16 ans dans trois mois, j’habite une jolie petite ville. Ici, je pratique le piano, le saxophone, et je fais partie de l’aumônerie depuis un an et demi.

J’aimerai tout d’abord vous accueillir dans notre diocèse et vous souhaiter une très bonne marche avec tous ceux qui vous entourent, laïcs et prêtres. Je vous écris pour vous demander de recevoir le sacrement de la Confirmation. Mon choix n’a pas été fait sur un coup de tête ! Il est le résultat d’un cheminement.

Arrivée ici en 1989, en CM2, je suis allée un court moment au catéchisme, mais cela m’a déçue : je voulais y trouver des amis mais, peut-être par manque de patience, je n’en ai guère trouvé. Plus tard, je n’ai pas eu l’envie de faire partie de l’aumônerie du collège dont je n’avais pas entendu dire du bien. En classe, je me sentais seule : j’avais bien sûr quelques "camarades" mais pas d’amis véritables.

Maintenant que je partage ma vie avec cette aumônerie, je ne peux plus m’en passer ! Elle ne m’attirait pas au collège car je ne voulais pas être déçue encore une fois mais, pourtant, lorsque je suis entrée au lycée (ou quelques mois après) j’ai "osé" m’y inscrire.

Dans la Bible, il est dit "cherchez et vous trouverez, frappez et on vous ouvrira...". Cette phrase est "absolument vraie" ! J’ai frappé et on m’a accueillie à bras ouverts, je cherchais des amis, j’en ai maintenant plus que je n’espérais : j’ai découvert une amitié plus forte que tout ce que nous pouvons donner : celle de Jésus.

Ce Jésus, je croyais le connaître. Je l’apercevais sur sa croix avec sa couronne d’épines et ses plaies, chaque dimanche, à l’église. Il m’a apprivoisée, comme le petit prince a fait avec le renard. " Le renard : Mais si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre, je serai pour toi unique au monde, tu seras pour moi unique au monde... " J’ai alors découvert que j’avais un ami fidèle qui m’aimait, qui était là quand je me sentais seule, un ami que je n’avais pas remarqué ; c’est comme un arbre : on ne le voit pas au début car c’est une graine, mais il est bel et bien là. Puis il y a les racines, une tige qui sort de terre un beau jour : alors on s’aperçoit qu’il est là, qu’il existe et qu’il était présent avant !

Depuis cette année, j’ai décidé de me mettre au service de l’Eglise dont je fais partie ; j’ai participé à tous les camps proposés en tant qu’animatrice ou non-animatrice. Et puis, je visite régulièrement, avec un ami, une personne âgée. J’anime quelques messes en jouant de la musique. J’éprouve le besoin d’aller à la messe plus d’une fois par semaine car j’ai faim de Dieu ! Depuis mon pèlerinage à Assise, je désire servir des messes avec des amis.

Lorsque j’ai dit ce que je faisais dans mon aumônerie à un prêtre du diocèse, il m’a dit : " Pourquoi ne te fais-tu pas confirmer ? " J’ai réalisé alors qu’il était facile de faire tout cela sans vraiment prendre un engagement : à tout moment, on peut tout laisser tomber. Alors j’ai décidé de prendre un véritable engagement, de faire une promesse à Dieu, en continuant mes petites activités au sein de l’aumônerie.

Ce groupe me fait vivre, mes amis me font réfléchir, me font "avancer". Je suis heureuse et j’aime la vie ! J’ai découvert que Dieu est dans chacun de nous, qu’il nous aime tous. C’est formidable d’être tant aimée ! Il nous invite à faire comme lui, à nous aimer car nous sommes frères, tous enfants d’un même Père. Mais je vois combien il est difficile de le faire !

Tout ce que j’ai découvert,ce n’est qu’un minuscule grain de sable dans une immense plage.Mais ce grain de sable, c’est pour moi une étoile et cette étoile, aussi petite soit-elle, j’aimerais la garder dans mon cœur pour toujours. Et si mes voisins ont découvert d’autres grains de sable, ensemble nous découvrirons une partie plus grande de cette plage. Il est important alors qu’un chrétien ne vive pas seul "dans son coin" mais soit avec d’autres pour découvrir Dieu.

Aujourd’hui, je désire recevoir le sacrement de la Confirmation, faire une promesse à Dieu, prendre un engagement "concret" pour être un peu plus au service de Celui qui nous aime et qui est toujours là, au cœur de nos vies. J’aimerais que vous m’aidiez à cheminer en répondant à ma lettre. A bientôt et merci.

 

Estelle