"Quel don de Dieu !"


Mgr Vilnet, achevêque de Lille, décrit ses retrouvailles avec les confirmés des cinq dernières années. Ils étaient neuf cents. Son propos est suivi de la lettre qu’il a voulu adresser aux absents de cette fête.

Ce sont ensuite trois jeunes qui s’adressent à leur évêque.

Jean Vilnet
Archevêque de Lille

Singulier chemin que celui du sacrement de la confirmation depuis le Concile ! Qui aurait pu prévoir que, dans la pastorale de l’Eglise, en France, il prendrait une telle place ! Et dans le ministère et la vie des évêques ? Car tous les évêques font ici la même expérience. Ainsi que les prêtres qui participent, par délégation, à ce ministère.

Personnellement, je rencontre les jeunes plusieurs semaines avant la confirmation. Pour un contact direct, une connaissance réciproque. Les liens ainsi créés sont plus spontanés ; d’autant plus que les jeunes m’ont, en général, écrit avant la rencontre. Je les connais ainsi un peu mieux. Habituellement, ces lettres sont très personnelles, confiantes avec parfois des confidences leur existence. Et je leur dis (heureux que je suis lorsqu’ils ont l’initiative de me le demander), ce que je vis comme "ministre" de ce don que le Christ leur fait de son Esprit par mon intermédiaire.

Qu’ils sachent ainsi que mes gestes sont ceux du Christ.
Mes paroles, les siennes.
Mon regard, le sien envers chacun et chacune, car il les aime,
Lui, personnellement
et veut leur apporter la vie en plénitude, sa vie.

Temps fort que ces moments "sacramentels".
Temps fort pour ces jeunes.
Temps fort pour l’évêque dans son ministère de pasteur.
Temps fort pour la communauté qui les accompagne et peut raviver en elle l’Esprit qu’elle a reçu.

J’ai risqué, cette année, d’inviter à une journée de partage et de concertation, les jeunes confirmés dans le diocèse ces cinq dernières années. Ils sont venus : neuf cents, revivant dans l’échange, le sérieux, la joie, tout un dimanche des Rameaux, le sacrement qui les a tant marqués et dont ils mesurent les fruits. Il s’agissait de jeunes de 20 à 25 ans, donc dans la tranche d’âge des JMJ. Je pourrais aussi apporter le témoignage des catéchumènes adultes : il est de la même veine spirituelle.
Esprit Saint, en ce sacrement, quel don de Dieu pour les " fidèles du Christ " et pour les successeurs des Apôtres, serviteurs visibles de ce don !

Choisis la vie !
Lettre écrite par Jean Vilnet après la"fête des confirmés" - Rameaux 97

Tu n’étais pas là, ce jour des Rameaux 97 où j’ai invité beaucoup de jeunes de ton âge. Et voici que tu as aujourd’hui mon message, toi que je ne connais pas personnellement, ou que j’ai peut-être rencontré ici où là. Toi qui as probablement, comme ce jeune qui te remet ma lettre, 18, 20 ou 25 ans.

Je suis le Père Jean Vilnet, je suis évêque, pour Lille et sa région. Des jeunes, j’en rencontre beaucoup. Ce rassemblement, je l’avais voulu afin de pouvoir entendre la vie de ces jeunes. Et pour qu’ils se disent la foi qui les anime. Leur joie de vivre, leur idéal, leurs incertitudes, la place qu’ils veulent tenir dans le monde actuel... et tout ce qui les fait vivre même lorsque l’horizon de leurs prochaines années est incertain ou opaque.

A toi, comme à eux, je voudrais dire, comme nous le dit le Dieu auquel je crois de toutes mes forces : choisis la vie ! Tu veux vivre, j’en suis certain, vivre pleinement. Te développer, t’épanouir, te réaliser. Aimer, être aimé.

Notre Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, veut tout cela pour toi. Car il t’aime. Et il t’invite sur son "chemin de vie".

Peut-on vivre, aimer, être aimé, dans un monde qui serait cassé, brisé, sans véritable espoir ? Non, si Dieu n’est pas à nos côtés. Oui, grâce à notre foi en Dieu, car nous y trouvons la force de refuser la fatalité de l’injustice, du rejet des autres, des guerres, du gaspillage de la nature.

Je t’invite à bâtir avec nous un monde de justice, de respect les uns des autres, de partage, de solidarité. Sur ce chantier d’une "civilisation de l’amour" tu es attendu et souhaité. Tu y retrouveras une foule de gens et déjà beaucoup de jeunes.

Je sais que bien des jeunes de ton âge portent en eux l’espérance d’un monde plus fraternel, même si les échecs, les souffrances, la mort semblent parfois gagner. J’ai envie de vous dire : ne vous habituez jamais aux formes d’injustice et d’exclusion de toutes sortes.

Tu cherches une clé du bonheur ?
En voici une : approche-toi du Christ. Il t’apprendra le véritable amour.

Si tu le laisses faire son chemin en toi, il t’apprendra le projet qu’il a pour l’homme. Il t’apprendra à dire : " Je sais que le monde ne va pas bien. " Mais il te donnera aussi de dire : " Je ne me lasserai jamais de croire en l’Homme. "

Le Christ nous donne d’aimer la vie sans la rêver.
Il donne le goût de se risquer pour que d’autres aient la vie, une vie en abondance.

Ne reste pas seul pour apprendre à aimer. A certaines heures, tu risquerais de te décourager. Par expérience, je peux te le dire : c’est avec d’autres que tu pourras découvrir, déployer ta vie, te réjouir de toutes les richesses de l’Evangile.

Bien des gens te diront que l’Evangile suffit, qu’il n’y a pas besoin de l’Eglise. Ils ont peut-être été déçus. Ils craignent aussi peut-être, s’ils se trouvent avec d’autres, d’être un peu bousculés.

Je t’invite : choisis de vivre l’Eglise, décide de faire équipe dans et pour l’Eglise, sans remettre à demain. Il ne faut pas perdre de temps. Cherche la manière d’en vivre qui te convienne, qui respecte le mieux toutes tes aspirations, tes talents, ton désir de vivre. Si tu n’as pas encore "trouvé ta place", frappe à la porte des mouvements, des aumôneries et des communautés ou équipes paroissiales. Elles te sont toutes ouvertes. Elles te donneront d’aimer la vie et te rendront acteur d’une transformation de la société.

Je te dis  : " Notre Eglise a besoin de ta jeunesse pour se garder de tout risque de grisaille. " Je te redis : cherche ta place. Invente-la, s’il le faut. Régulièrement, avec des frères de toutes générations, viens t’asseoir autour de la table de l’Eucharistie. Partager ce repas en commun. Non par devoir, mais par amour. Et avec joie.

Si tu aimes la vie, je te dis : regarde Jésus. Ecoute-le. Il parle encore aujourd’hui. Deviens un familier de lui. Prends le temps, dans le silence de ton cœur, d’ouvrir son Evangile : tu y découvriras ce qui fera ta chance, ton chemin de vie.

Si tu laisses l’Evangile accompagner tout ce qui fait ta vie, tes rencontres, ton travail, tes études, tes joies et tes difficultés, la parole du Christ sera comme une lampe, une lumière sur ta route.

Aussi fou que cela puisse te paraître à certaines heures, je voudrais que tu saches que Dieu t’aime avec une infinie tendresse. Sans aucune condition.

De temps en temps, dans le sacrement de la Réconciliation, tu pourras ré-entendre cet amour-là qui déchire les doutes les plus profonds et te donne de croire que toi, tu es capable d’amour parce que tu es aimé de Dieu.

Ne crains pas de marcher avec le Christ. Il n’a rien d’un gourou qui te voudrait pour lui. Il ne dira jamais : " aimez-moi ", mais seulement " aimez-vous ". Il confie l’homme à l’homme. Il désire que l’homme soit responsable de la vie, du bonheur de tout homme. Et c’est peut-être pour cela que tu te surprendras à l’aimer.

En marchant à sa suite, tu cherches à réussir ta vie, prends le temps de mûrir sa parole dans le fond de ton cœur, porte-la au grand vent de ta vie. Ecoute la vie des autres. Le Seigneur t’apprendra jour après jour quel est ton vrai désir. Et c’est cela ta "vocation".

Deviens "ce que tu es" : un fils de Dieu.
Un frère des hommes.
Un fils aimé de Dieu, notre Père.
Un frère, avec et pour les autres hommes.
Comme Jésus, le Christ, qui t’attend et qui t’aime.

 

" Je voudrais dire merci à Dieu pour ses paroles, ses gestes. "
Lettres de Sabine, Anabelle et Thierry.

Pour moi, l’amitié est très importante dans la vie. Sans mes amis, je ne serai peut-être plus ici et je les remercie car ils sont merveilleux et uniques. En faisant ma confirmation, je voudrais prouver à Dieu que je suis capable d’aider les gens et de prendre une décision importante toute seule. Si j’ai décidé de faire ma confirmation, c’est pour être encore plus proche de Dieu, de pouvoir lui parler encore plus librement et de mieux ressentir ses messages.

C’est aussi un remerciement pour ses réponses à mes nombreuses questions et pour son aide dans mes problèmes personnels. Ma confirmation est aussi comme un message que je lance, un message qui dit : " Regardez, moi aussi je suis un apôtre et je voudrais redonner le sourire à ceux qui l’ont perdu en leur parlant du message de Dieu ".

Je voudrais changer le monde mais je sais que je n’y arriverai pas toute seule. Alors, en faisant ma confirmation, c’est comme si Dieu jetait sur moi une part de responsabilité dans l’avenir de notre monde, c’est comme si je m’engageais à encore mieux le servir. Aussi, dans ce sacrement, je voudrais dire merci à Dieu pour ses paroles, ses gestes que je ressens parfois, et là, je sens qu’il est vraiment là et qu’il me voit.

Sabine

Ce 18 octobre, il va se passer un événement qui constitue un acte de Foi pour moi. Par ce sacrement de la Confirmation, je vais dire tout mon amour à Dieu le Père, à son Fils Jésus-Christ et à sa mère Marie. Je veux m’engager avec eux à proclamer davantage la Bonne Nouvelle : Jésus est vivant. Rien ne peut nous arriver tant que Jésus sera là et, comme par son amour, Il ne peut pas se séparer de nous, personne ne sera jamais seul ! Mon désir est aussi de crier que Dieu le Père est un Dieu tout puissant... mais d’amour... et que tout homme, tel qu’il est avec ses fautes et ses qualités, est aimé par Lui. C’est pour cela que je veux "réconforter" les "pauvres" en leur disant que Quelqu’un les aime et qu’ils peuvent compter sur Lui.

Il ne faut pas avoir peur. Il faut avoir confiance. L’Amour détruit l’angoisse et donne la paix. Jésus peut aider n’importe qui à devenir libre si préalablement le "pauvre" a fait acte de Foi envers Lui en lui disant son amour, car Lui-même est l’Amour.

On a souvent dans l’Evangile entendu Jésus dire " Va, ta foi t’a sauvé ". C’est vrai ! Il est là constamment en train de nous attendre, de veiller, de voir si la porte de notre cœur va répondre à l’appel de Son cœur, mais pas un seul instant, il ne veut forcer cette porte. Il nous laisse libres, il est patient, il nous laisse en recherche et, quand le "pauvre" a suffisamment cherché et qu’il décide d’ouvrir, là, Jésus entre et peut faire le miracle d’Amour.

Ce "pauvre" ne sera plus appelé pauvre mais "riche", riche de l’amour de Dieu. Comme il a choisi Jésus pour le guide de sa vie, le Christ va embellir sa vie, va la transformer. Jésus peut nous aider à remonter la pente ou tout simplement nous aider dans notre vie de tous les jours, c’est vrai ! Je peux vous témoigner que Jésus est force, paix, vie, amour... et qu’il peut faire l’impossible pour nous. Il est le vainqueur ! Quand le découragement arrive, quand la haine survient, quand la tristesse ou l’angoisse nous submergent, tournons-nous à travers Jésus vers notre Père, nous serons ensemble dans l’épreuve et aussi dans la victoire !

Pour les jeunes qui ont de la difficulté à dialoguer avec le Père et le Fils, et surtout avec l’Eglise, adressez-vous à votre mère Marie : elle est toujours présente pour vous écouter. Souvent vous ne savez que dire ni comment vous exprimer ; dites-lui seulement quelques mots : elle vous comprend car elle connaît votre cœur.
Les JMJ ont prouvé que l’on est des millions à partager la même foi, les mêmes joies et les mêmes épreuves : Dieu se rend aussi visible à travers des visages et des vies de jeunes. Voilà ce que je crois et que je suis heureuse de vous partager.

Anabelle

Monseigneur,

Voilà que "Rameaux 97" fait déjà partie du passé et que l’aéronef a été déserté par les confirmés un peu abasourdis par une journée riche et inhabituelle pour le moins, venant d’une Eglise qu’on aurait parfois tendance à vouloir enterrer pour archaïsme caractérisé. Elle est bien vivante cette Eglise pourtant ! Non, mais ! vous l’avez vue l’Eglise, mouchant ses détracteurs quand une salle de mille personnes se lève pour dire " je crois " ! Le temple de la jeunesse "grunge" transformé en cathédrale de la vie en Christ ! Le vent des prophètes a soufflé ce matin, comme disait Gambarelli. En fait, voilà que "Rameaux 97" fait partie de l’avenir.

Figurez-vous, Monseigneur, que je ne crois nullement exagérer en avançant que le dynamisme original d’un tel projet a fait mouche dans bien des cœurs : j’ai interpellé les techniciens de l’aéronef à plusieurs reprises et, comme les jeunes disent de nos jours pour exprimer un sentiment de surprise positive, on peut dire qu’ils ont "halluciné" devant l’efficacité, la créativité et la gentillesse de l’équipe-pilote de "Rameaux 97", autant que sur l’ambition et la réussite du projet. Ces gens de l’aéronef, en bons mécréants plus ou moins tolérants, ont halluciné, Monseigneur ! Et que faire sinon sourire d’une vraie joie devant les remarques d’ébahissement des confirmés face à l’audace de retrouvailles si... magiques ?

C’était le jour de l’ouverture d’esprit et du respect. Le tout, je le crois, dans une bonne humeur partagée. Alors, que les Pharisiens et les docteurs de la loi de tout poil se taisent enfin pour laisser s’épanouir l’espoir d’une Eglise sans cesse renouvelée et naissante. Inventivité et rêve. En Jésus. Le roi des inventeurs et des rêveurs.

Le choix du lieu, les options qu’ont choisies les organisateurs (thèmes, présentation, décoration, programme) témoignent de tout cela. Le Christ allait chercher les cœurs là où il était sûr de les trouver : là où ils en étaient. Et voici une Eglise souriante qui rejoint les jeunes avec audace et pertinence !

L’après-midi, en fait, fut tout entier consacré, j’en suis de plus en plus persuadé, à relever les confirmés et leurs proches. " Lève-toi et marche, mon gars ". Cette journée fut un fabuleux coup de bluff pour remettre en route les présents. Le débat : un sacré message d’espoir face à la morosité ambiante. Je suis des sceptiques à l’idéalisme un peu fêlé par les réalités, comme tout un chacun, et la réussite de la journée ainsi que la teneur des propos m’ont interpellé fortement. On s’y retrouvait dans ce mini-débat. Et là surtout, la force du message au-delà de la forme très "pro" ! On se ressaisit, Messieurs les défaitistes !

Pour finir, je me présente un brin pour situer mes propos dans leur contexte propre : je faisais partie de l’équipe qui mit sur pied cette journée de retrouvailles. Bien modestement d’ailleurs, j’ai essayé de porter mon petit caillou sur le tas de pierres.

Pour avoir travaillé quelques heures au côté des techniciens de la salle lors de notre appropriation des lieux, je témoigne de leur accueil chaleureux et respectueux. Pour avoir servi les mouvements dans leur installation, leur rencontre avec les jeunes, leur départ, je témoigne de la richesse et de la bonne humeur de la journée. Pour autant que sois jeune, engagé (scout, étudiant) et un peu artiste et anticonformiste, je témoigne de la dynamique originalité de l’invitation. Pour avoir été confirmé et parce que je vais être le parrain d’une catéchumène de 13 ans, je lui souhaite et je souhaite à tout le monde d’avoir l’occasion de participer à des journées telles que celle-ci.

Je tiens à vous remercier de tout cœur pour cette merveilleuse opportunité de m’être senti pleinement de l’Eglise de façon si percutante et progressiste. Il y a quantité d’autres défis à relever, alors remettons-nous en route. Jésus, comme un marcheur poète amoureux de son monde, ouvre la voie. Suivons. Bon vent vers Pâques.

Thierry