La Confirmation : une source d’Espérance


Mgr Jacques Fihey, évêque de Coutances et Avranches, raconte la richesse de ses rencontres avec les confirmands et son souci de les voir s’intégrer à l’Eglise diocésaine.
C’est ensuite la lettre émouvante d’Isabelle qu’il a choisi de nous partager.

Jacques Fihey
évêque de Coutances et Avranches

J’attache une grande importance à la préparation et la célébration de la Confirmation. Je rencontre les jeunes une fois puis ils m’écrivent leur lettre de demande et je réponds à chacun. Il arrive, assez rarement cependant, que je leur donne rendez-vous juste avant la confirmation pour un temps de prière avec eux.

Ce que je constate : durant l’année de préparation les jeunes bougent ; un assez grand nombre de jeunes qui sont venus au départ poussés par leur famille se disent convaincus au terme de cette préparation de l’importance de la confirmation. Ils disent facilement qu’ils avaient pratiquement laissé toute vie religieuse après la profession de Foi et que la préparation de la confirmation les remet en route. Peu sont pratiquants réguliers : ils savent bien qu’il y a là une question mais ils ne voient pas comment vivre chaque semaine l’Eucharistie.

J’ai encore dans les oreilles les mots de l’un d’entre eux, en seconde dans un lycée classique : " J’essaie vraiment d’être chrétien, je prie régulièrement, je vais à l’aumônerie, je lis la Bible, j’essaie d’être bien avec les autres au lycée mais la messe tous les dimanches, il ne faut pas me le demander. " Et la discussion a permis de parler du sens et de la place de la messe dans une vie.

Certains voudraient que l’Eglise leur fasse davantage confiance. Une réflexion au hasard : " Au collège nous allions à l’aumônerie, au lycée nous allons à la JEC, là nous sommes responsables de notre mouvement, c’est mieux ". Ils me demandent assez souvent si je suis d’accord en tout avec le Pape : cela veut dire " Etes-vous d’accord avec le Pape quand il interdit le préservatif ? " C’est une occasion de rétablir la vérité sur les propos de Jean Paul II et de réfléchir sur l’amour, les relations sexuelles. Leur image de l’Eglise est assez négative et pourtant ils disent fréquemment qu’à l’aumônerie, au moins, ils sont écoutés, ils peuvent poser leurs questions.

Beaucoup dans leur lettre me disent que la rencontre avec moi leur a fait percevoir que nous essayons d’être proches d’eux mais ils se plaignent de ce que dans les paroisses les adultes ne leur font pas de place : par exemple ils ont préparé la messe pour Noël et les équipes de liturgie de la paroisse refusent ce qu’ils ont préparé.

Dans leurs lettres j’ai parfois des questions ou des confidences très fortes. Les questions qui reviennent le plus souvent : le mal, science et Foi... j’ai des doutes, suis-je croyant ? Des confidences : je ne suis pas aimé par ma mère, qu’est ce que je peux faire ? J’ai peur de la vie, je suis écrasée par ma soeur, qu’est ce que je peux faire ? J’ai des relations avec un garçon, je voudrais arrêter, qu’est-ce que je peux faire ? Je pense être prêtre, soeur... je n’ose pas en parler, qu’est-ce qu’il faut faire ?

Quand je les marque du Saint Chrème, j’ajoute à la formule sacramentelle une phrase que j’invente sur place du genre : " Que l’Esprit que tu as reçu ouvre ta vie à la prière pour que tu puisses aider les autres à prier " ou " Que l’Esprit donne de grandir dans la paix pour partager cette paix dans le monde " ou " Que le don de l’Esprit te rende joyeux d’être chrétien pour partager cette joie avec ceux que tu rencontreras "...

Je suis frappé de leur sérieux à ce moment-là, de même que du silence chargé de prière juste avant l’imposition des mains. Il y a là une communication très forte : je leur explique lorsque je les rencontre que si je dis à chacun une phrase personnelle, c’est pour leur montrer que, pour le Seigneur, chacun d’eux est quelqu’un qui est aimé comme il est.

Mon inquiétude : certains doyennés n’ont pas grand chose à offrir à ces jeunes après leur confirmation ; il faut que le diocèse propose au moins quelques temps forts. Malheureusement, nous manquons d’adultes acceptant d’aider des jeunes à continuer leur route avec le Seigneur.

Une question : nous voudrions manifester que les confirmés ont changé de statut dans l’Eglise. Ils sont désormais reconnus responsables et nous ne savons pas bien comment traduire cela dans le concret. Les mots que nous leur disons ne peuvent prendre leur force que si nous leur donnons une place nouvelle dans la communauté. Comment rendre cela concret ?

La confirmation de jeunes handicapés mentaux revêt un caractère particulier et très fort. J’essaie le plus possible de les confirmer en même temps que des jeunes dits "normaux", ce qu’ils apprécient beaucoup. Leur regard quand j’arrive à eux est très remarquable ; il leur arrive de m’embrasser pendant la chrismation, c’est leur manière de dire leur joie et c’est très émouvant.

La préparation et la célébration de la confirmation me prennent beaucoup de temps mais c’est vraiment un souffle d’air frais dans ma vie et une Espérance qui renaît sans cesse.

Père,
Je m’appelle Isabelle, j’ai 15 ans,je suis en seconde. Je fais de la guitare (classique) et je pratique l’équitation.

J’ai été baptisée étant petite, j’ai suivi la catéchèse CE2-CM1-CM2 ; puis l’aumônerie 6e-5e-4e-3e. Depuis le mois de janvier dernier, une fois par mois, nous nous retrouvons à plusieurs jeunes dans le but de préparer notre confirmation.

Alors. Les raisons qui me poussent à demander la confirmation... J’avoue que c’est un peu confus dans ma tête. Depuis le début de la préparation, je me demande si je vais vivre ce sacrement comme il mérite d’être vécu. J’ai peur de ne pas ressentir avec assez de force l’Appel de Dieu.

Depuis ma première année de catéchèse, je vais régulièrement à la messe. Quasiment toutes les semaines. Et en CM1, CM2, je me souviens que je vivais la messe réellement, avec force. En sortant de l’église, je me sentais plus forte. J’avais envie de dire à tout le monde que j’étais heureuse... Au fond de moi-même je remerciais Dieu de m’aimer, de m’envoyer l’Esprit Saint car j’en étais sûre, cette force, dans la poitrine, c’était l’Esprit Saint.

De même, je vivais intensément tous les "temps forts" organisés avec le catéchisme. J’ai préparé ma profession de foi avec une grande conviction. Seulement, le jour de ma profession de foi, j’en ai voulu à mon parrain de ne pas "jouer le jeu". Au moment de me tendre mon cierge, il ne m’a même pas regardée. Il me passait une simple bougie, pas la lumière de Dieu. Je me suis sentie un peu seule dans ma conviction.

Et puis, j’ai continué l’aumônerie... 5e, 4e, 3e... J’y allais en partie parce que c’était le seul moment où je pouvais retrouver une copine qui n’était pas au même collège que moi. Triste décadence... Je continuais d’aller à la messe car c’était passé dans les habitudes ; c’était devenu tristement machinal. Plus aucune émotion ne se dégageait de ce moment "jadis" tant attendu.

En 4e, 3e, j’ai commencé à me poser des questions. Qu’est-ce qui me prouvait que Dieu existait ? Y avait-il réellement quelque chose après la mort ? Pourquoi s’embêter à prier alors qu’on n’était même pas sûr de ressusciter ? Et pourquoi je m’entêtais à prier ou, du moins, à faire le signe de croix tous les soirs avant de me coucher ? Au collège, je n’aimais pas que quelqu’un du groupe d’aumônerie vienne pour me demander si il y avait aumônerie ou pas... j’avais honte. Oui, honte. Comme si le caté et Dieu, c’était un truc pour les faibles, ou un truc pour les enfants modèles, ou... je ne sais pas.

Encore avant-hier, au lycée, il m’a fallu me contrôler pour ne pas couper la parole à Ghislain, lorsqu’en toute innocence il venait me demander si je venais à la réunion de ce soir.

Je sais bien qu’au collège, et peut-être encore au lycée, tout le monde sait ou savait que Ghislain et Tristan étaient croyants et qu’ils allaient à la messe, des fois pour l’un et régulièrement pour l’autre. Et cela leur valait des moqueries. Et moi, j’avais honte. Je me taisais. Je ne voulais surtout pas que l’on sache que, moi aussi, j’étais comme eux.

C’était vraiment dur de croire. Alors pourquoi croire ? J’ai commencé à manquer de régularité dans la messe. Puis, au mois de janvier dernier, Katia est décédée d’une tumeur au cerveau. Elle avait 40 ans. C’était la mère de deux copines. Elle s’était déjà battue contre un cancer, elle avait soif de vivre. J’ai boudé Dieu et la messe pendant quelques semaines.

Et après, je n’avais pas envie d’y retourner. Je laissais mes parents et mon frère y aller le samedi soir, prétextant mes révisions du brevet. Je ne suis pas allée à la messe depuis la première communion de mon frère, en juin dernier.

Pendant les vacances, j’ai réfléchi. Comme je regrettais la petite fille innocente à la foi inébranlable. Deux ou trois fois, cet été, j’ai prié. Du moins j’ai essayé. J’appelais au secours : " Père je m’égare, pitié, ne m’abandonne pas ! " Mais c’était superficiel, je n’arrivais plus à m’adresser à Lui.

Je sais que les séances de préparation à la confirmation m’apportent quelque chose. Ce n’est pas aussi fort qu’avant, mais c’est déjà pas mal. Alors j’ai décidé de venir ce soir. Et en discutant avec vous et les autres jeunes du groupe, j’ai retrouvé confiance. J’ai retrouvé l’émotion des anciens "temps forts" du caté.

Alors merci. Merci d’avoir répondu aux questions qui peuvent faire obstacles à la foi d’un jeune. Merci d’être venu parler avec nous. La confirmation est pour moi une bouée de sauvetage, quelque chose à quoi me raccrocher avant la chute, avant que toute la foi de mes premières années ne m’ait filé entre les doigts. Je pense maintenant pouvoir vivre cet événement suffisamment intensément pour repartir.

Il est tard à présent. J’ai voulu écrire cette lettre en étant encore sous le coup de "l’émotion retrouvée". La rédaction de cette lettre fut difficile et douloureuse mais me voici enfin soulagée du poids de toute une partie de ma vie, de mes doutes, mes angoisses, cachés jusqu’à aujourd’hui par une pudeur idiote. Encore merci et à bientôt !

Isabelle