Un sacrement qui n’a pas fini d’être signe


Mgr François Garnier, évêque de Luçon, a voulu nous faire entrer dans ce dialogue privilégié entre des jeunes confirmands et leur évêque. Voici de nombreux extraits de lettres, de réponses aussi. En commençant par les parents d’Etienne, qui demandent la confirmation pour leur enfant handicapé.

François Garnier
Evêque de Luçon

Monseigneur Garnier,

Nous, Paul et Amandine, nous venons vous demander le sacrement de confirmation pour Etienne qui a 14 ans. Si celui-ci ne peut pas faire cette demande lui-même, c’est tout simplement parce qu’il est handicapé. Il ne peut pas écrire, parle peu, mais comprend tout. Il est le troisième de quatre enfants. Quelques mots pour vous parler de lui.

Etienne est parti à 6 ans dans un centre spécialisé et ne rentrait à la maison que le week-end et aux vacances. Il vivait dans une famille d’accueil chez une tante qui m’a beaucoup aidé à le préparer à sa première communion qu’il a faite à 12 ans. Depuis cette année, il est dans un IME.

L’église a été, du jour où il a été plus stable, l’endroit où je pouvais l’emmener en toute sécurité. C’était le seul lieu où il pouvait se mêler aux autres enfants. Car il ne pouvait ni aller au sport ni pratiquer d’autres activités. A l’église, il aimait beaucoup porter une bougie à l’autel. Il le ferait encore si je ne lui avait pas dit que maintenant il était trop grand !... " Laisse la place aux plus petits ".

Avoir un enfant dit "pas comme les autres" n’est pas toujours facile à vivre. Dire à Dieu " Pourquoi ? Pourquoi lui ? Pourquoi nous ? " sont des mots que j’ai souvent dits. Puis, avec les années qui passent, Etienne nous permet d’apprécier certains moments de la vie, qui chez les autres m’ont parus normaux, exemple : à six ans, dire papa - maman (c’est long d’attendre six ans) et plus plein d’autres choses qui seraient trop longues à dire.

Nous espérons que par ce sacrement Etienne va être encore plus fort dans sa vie de chrétien, qu’il va continuer son chemin du mieux qu’il pourra avec les possibilités que Dieu lui a données. Par l’intermédiaire d’Etienne, ce sacrement nous atteindra-t-il, nous parents, pour nous donner la force de Dieu, pour nous aider à mieux guider Etienne dans sa vie actuelle et future.

La Confirmation :
un sacrement qui n’a pas fini d’être signe

(François Garnier, alors responsable régional de pastorale sacramentelle, in "Eglise en Côte-d ’Or", 3 mai 1985)

... A tous ceux qui ont expérimenté la chance d’accompagner des adolescents ou de jeunes adultes dans la préparation de ce sacrement ; à tous ceux qui savent bien qu’ils ne sont pas une "élite" les "meilleurs", à tous ceux qui ont découvert que l’instabilité de leur âge n ’était pas - loin de là - un handicap rédhibitoire pour qu’ils sachent accueillir l’Esprit ; à tous ceux qui ne craignent pas de se donner de la peine pour accompagner des adolescents, même si les lendemains de leur confirmation ne sont pas toujours des lendemains qui chantent... je conseille vivement de travailler le riche article du Père Bourgeois paru dans un ouvrage collectif "La confirmation" aux éditions du Chalet, en 1982. Dans l’espérance de ne pas trop l’appauvrir, je me risque à le résumer.

Que représente et signifie la confirmation aujourd’hui ?

• Commençons par le plus clair : la confirmation vient après le baptême, elle le confirme.

Cette remarque n’a rien de banal : le sens de la confirmation dépend de celui du baptême. Cela tient au principe de toute initiation, laquelle demande du temps et des étapes : en cela, la confirmation est une prise de conscience plus claire de ce qui a été célébré au baptême. Elle permet d’assumer plus profondément le baptême jadis reçu ; nous savons tous à quel point les adolescents sont spontanément sensibles à cet aspect. D’une certaine manière, on peut dire que la confirmation n’ajoute rien au baptême - dont tout le Nouveau Testament dit bien qu’il donne l’Esprit - mais elle est " meilleure réception du don baptismal à cause du plus grand degré de maturation spirituelle de celui qui accède à une sorte de maturité chrétienne ".

• Mais cela n’est pas suffisant.

Si la confirmation est un sacrement, elle ne peut se réduire à une prise de conscience, aussi importante soit-elle. Elle réalise quelque chose d’original : " Je confirme ", oui, mais c’est surtout Dieu qui me confirme en achevant en moi ce qu’il a commencé.

En cela, la confirmation " fait mémoire " au sens fort du baptême : elle l’actualise sans s’ajouter à lui comme s’il était incomplet, un peu comme l’eucharistie " fait mémoire " du Jeudi-Saint sans s’ajouter à lui comme s’il était incomplet. Au fond, la confirmation exprime la persévérance de Dieu qui fait croître ce qu’il a fait naître, affermir ce qu’il a déjà donné de lui.

• Plus profondément, la confirmation met en lumière la dimension ecclésiale de la vie baptismale.

La vie en Eglise est souvent difficile pour les adolescents, nous le savons. Ils ont du mal à supporter l’Eglise et ses "vieillesses". Etre confirmé, c’est réaliser qu’on ne peut vivre sa foi seul, et qu’il n’y a pas de christianisme sans Eglise concrète ; être confirmé, c’est n’être plus trop naïf et avoir assez découvert l’Eglise y compris dans ses limites pour l’accepter telle qu’elle est, don de Dieu tout à la fois merveilleux et fragile.

• Allons encore plus loin : la confirmation n’est-elle pas le sacrement du lien indissoluble qu’il y a entre l’Esprit et l’Eglise ?

Elle apprend à tenir simultanément et à l’Esprit et à l’Eglise dans un christianisme qui ne peut être spirituel que s’il est ecclésial et inversement. Etre confirmé, c’est être assez mûr pour réaliser que sans l’Esprit, l’Evangile se réduit en code et l’Eglise en groupe social banal, mais aussi que, sans l’Eglise, il n’y a pas de lieu où puisse s’exprimer en plénitude l’Esprit. Au fond, si l’Esprit remet en cause l’Eglise quand elle se fait trop charnelle, l’Eglise, elle, remet perpétuellement en cause nos prétentions spirituelles.

Dans notre Occident qui a bien du mal à recevoir l’Esprit et à vivre concrètement l’Eglise, le sacrement de la confirmation n’a pas fini d’être un "signe" !

François Garnier

Lettre d’un évêque à un confirmé

Cher Florian,

Tu viens de recevoir le sacrement de la confirmation. Tout seul. Chez toi. Entouré de ton papa et de ta maman, de tes deux sœurs, de tes grands parents et que quelques amis, dont trois prêtres. Juste après la confirmation de quatre-vingt-cinq jeunes de ton âge que nous venions de célébrer à quelques kilomètres de ta maison.

Tu sais bien pourquoi : cette méchante maladie, cette leucémie qui a nécessité une greffe de mœlle dont ta petite sœur a été le donneur. Il y a eu guérison, mais il y a quelques mois cette " réaction ", m’écris-tu, qui a affaibli tes muscles et t’oblige aujourd’hui à garder le fauteuil roulant.

Tu parles de la pêche dans les rochers que tu aimais faire avec ton papa. Tu aimes la vie, le monde, le dessin, ton copain Arthur, sans oublier ta chienne. Tu aimes tes parents et tu sais qu’ils t’aiment beaucoup. Tu veux mettre de la joie autour de toi.

Comme tes copains, tu demandes la confirmation " pour aimer mieux, connaître Dieu davantage et vivre en chrétien ". Et tu ajoutes : " Je parle à Jésus et lui demande de m’aider et de me guérir ". Parfois, tu as du mal à croire que Dieu t’aime à travers cette souffrance longue dont tu ne vois pas la fin. Quand tu es un peu perdu, tu pries Marie. Et tu as bien raison. Elle n’est jamais loin de ceux qui souffrent. Elle sait ce que c’est.

Au nom de Jésus, j’ai tracé sur ton front une grande croix avec le Saint Chrême, en te disant : " Florian, soit marqué de l’Esprit Saint ; c’est le don de Dieu ". Tu sais, cher Florian, je me suis senti tout petit devant toi, tout impuissant, tout faible. Mais nous avons prié très fort, chacun à notre manière, pour que tu trouves la force dans la force que Jésus garde, sans se révolter contre Dieu, dans sa souffrance.

Nous avons prié, pour que l’Esprit te garde dans la confiance dans notre Père du Ciel qui veut pour chacun de nous une vraie Vie où il n’y a plus de larmes. Nous avons prié pour que nous gardions la foi et le courage que tu as.

Je t’embrasse de tout cœur, cher Florian. A bientôt !


Extraits de lettres de jeunes

" J’aimerais pouvoir dire que je suis chrétien à quelqu’un, sans qu’il me réponde que c’est nul. J’aimerais pouvoir aller à la messe sans que l’on me dise que c’est nul. Mais dans notre société, c’est difficile. Avec mes copains, c’est quand même plus facile, car on se connaît bien... "

" Est-ce que plus tard, je pourrai toujours avoir la force d’être chrétienne ? Est-ce que je me rendrai utile auprès des autres ? Etre vraiment chrétien, c’est difficile. Et c’est difficile d’en parler avec les amis de l’école : ils rigolent. N’empêche que je remercie vraiment tous ceux qui m’ont préparée à la confirmation. Je trouve remarquable ce qu’ils font... "

" Je souhaite faire ma confirmation pour vivre à fond ma vie de chrétienne. Oh, je sais que cela ne sera pas facile, mais je sais aussi que Dieu est là pour me rendre forte et m’aider dans les moments difficiles... "

" Par la lecture et le témoignage des Apôtres, j’ai compris ce que Jésus voulait nous faire comprendre. Je veux être confirmé : un jour, j’aiderai des jeunes à devenir chrétiens... J’accepte d’être chrétien sans avoir honte, sans avoir peur. Pour moi, la confirmation entraîne une grande responsabilité... "

" J’ai choisi ma mamie pour marraine car elle a une très grande foi et je l’aime beau-coup. Tous les dimanches, elle va à la messe ; et c’est elle qui m’a expliqué certaines choses sur Dieu que je ne comprenais pas. Ce que j’aime en elle, c’est son attention aux autres. Si elle nous sait heureux, alors elle est heureuse... "

" Je voudrais vous confier ceci. Vous ne le lirez pas à la confirmation. J’ai une amie qui a tenté trois fois de se suicider, parce qu’un garçon se moque d’elle. Je suis allée voir ce garçon. Et il m’a dit qu’il n’en avait rien à faire... Ça me fait mal. Je reste très proche de mon amie... "

" Je n’ai pas toujours été heureuse. Mes parents sont séparés. Ils sont en instance de divorce. Je vous assure que je le vis très mal. Mais j’essaie de ne pas le faire voir. Je ne sais pas si ce que je vous dis vous intéresse, mais il n’y a qu’à vous et à ma meilleure amie que je le confie... J’ai compris que la vie était dure il faut se battre. Je sais ce que c’est que d’être en bas de l’échelle. Je sais aussi que j’ai besoin de l’Esprit-Saint... "

" J’ai besoin de l’Esprit-Saint pour être plus forte dans ma vie de chrétienne, pour m’aider dans mes décisions ; je vais vous avouer quelque chose : je ne fais pas souvent ma prière, car j’ai peur de devenir religieuse... "

" J’ai compris : les chrétiens ? Ils donnent de leur vie ! "

" Aujourd’hui, c’est très dur de dire que l’on est chrétien et que l’on va à la messe. Alors je le cache un peu. Que Dieu me pardonne ce péché... "

" Il y a presque un an, on ne peut pas dire que j’étais très motivé. Mais de me retrouver en groupe a réveillé ma foi : j’ai pu poser les bonnes questions et prier. Seul, je n’aurais pas pu redécouvrir Jésus. "

" Ma vie chrétienne avait commencé il y a douze ans par mon baptême. Mais elle ne s’était pas continuée jusqu’ici. Et maintenant, j’ai plein de projets pour cette nouvelle vie de chrétienne, car ma confirmation, c’est ma vraie entrée dans la communauté. "

" Cette année, j’ai participé au pélé jeunes à Lourdes : j’ai prié à la basilique, en procession et lors du sacrement des malades. J’ai approfondi le sens du baptême. J’aurais voulu aller aux JMJ... J’irai à Rome dans trois ans ! "

" Je n’osais pas parler de Dieu. J’avais peur des réactions des autres. Je voudrais crier haut et fort qu’Il nous aime et qu’Il est avec nous ! "

" Tous les quinze jours, on parle de Jésus, on prie, on échange sur la vie d’aujourd’hui : c’est vraiment une heure de détente ! Je sais qu’il n’est pas facile de vivre en chrétien : on a peur du "qu’en dira-t-on". Malgré cela, je désire continuer de vivre ma foi sans m’occuper du regard négatif des autres. "

" J’ai apprécié Saint Paul : j’ai découvert son courage, sa vivacité ! J’aime les chrétiens : je suis fier et heureux de faire partie de leur famille ! "

Réponse aux lettres de jeunes

Merci pour ta lettre.

Tu veux recevoir le sacrement de la Confirmation. Tu veux recevoir tous les dons de l’Esprit-Saint. Toute l’Église est heureuse avec toi.

Sais-tu que le mot "Esprit" vient d’un mot grec qui se dit "pneuma", qui veut dire "souffle". Ce mot grec te fait sans doute penser à deux mots de notre langue française : le "pneu" et la "pneumonie". Un pneu n’est bon que bien gonflé ; la pneumonie est la maladie de ceux qui manquent de souffle. Et bien, I’Eglise, en te donnant le sacrement de la Confirmation que tu lui demandes, prie pour que tu deviennes un chrétien "gonflé", qui ne manque jamais du meilleur des souffles, celui qui nous vient de notre Dieu. Nous allons prier ensemble afin que tu deviennes encore plus courageux pour le Christ, grâce à lui, avec toute l’Eglise. Pour que, sans t’essouffler, tu vives de l’Esprit de l’Évangile dans ta famille, dans ton établissement scolaire, dans tes loisirs, dans le sport... partout où tu vis et vivras.

Tu rencontreras comme chacun de nous des étapes plus difficiles. Il n’est jamais facile de toujours suivre le Christ. Il y a les moments où l’on s’essouffle, où l’on devient "dégonflé". Ne t’en étonne pas. Pour retrouver le souffle, nous savons bien dans l’Eglise, ce qu’il nous faut avoir le courage de choisir :

Prends le temps de prier tout seul : si Jésus, le Christ est ton ami, tu sauras trouver le temps de lui parler, de l’écouter. N’aie pas peur de le prier avec sa prière à lui, le " Notre-Père " : c’est la plus belle prière.

Viens à la messe avec nous le dimanche ou le samedi soir : c’est là que grandit notre " esprit d’équipe ", un peu comme dans une équipe de sport ! En écoutant le Christ, en proclamant notre joie de croire, en recevant la vie du Christ qui se donne à nous, nous réapprenons chaque dimanche à quel point il nous aime et comment nous pouvons aimer.

Reçois au moins une fois l’an le sacrement du pardon ; un frère prêtre te dira comme à moi à quel point l’amour du Christ est plus grand que nos péchés. A quel point Jésus nous pardonne, nous relève, nous remet en route. A quel point il compte sur nous.

Trouve une équipe de jeunes qui, dans l’esprit de Jésus, se rend utile dans le monde, pour que notre monde soit plus beau, plus saint, plus juste, plus fraternel surtout vis-à-vis des plus petits, des oubliés, des plus pauvres. Beaucoup d’équipes t’attendent. Elles ont des noms différents : JOC, JIC/F, MRJC, MEJ, Scoutismes, SOS, CCFD, ACAT, Groupes liturgiques, Aumôneries...

Viens en pèlerinage à Lourdes avec les jeunes. Tu y retrouveras des centaines et des milliers de jeunes, heureux de se laisser guider par Marie, vers Jésus. Tu n’oublieras jamais l’expérience d’une Eglise heureuse de prier.

Et puis, je veux encore te dire ceci : tu as peut-être des idées sur ce que tu veux faire plus tard. Demande-toi surtout ce que Jésus veut que tu fasses. Accepte comme lui de chercher ce que le Père attend de toi. Laisse-toi surprendre !

Tu as peut-être la belle vocation du mariage : c’est la plus commune. Tu peux t’y préparer dès maintenant, en choisissant toujours de respecter ceux et celles qui sont tes amis, tes amies. En respectant infiniment leur cœur et leur corps.

Mais tu as peut-être une autre vocation : celle de tout quitter pour suivre le Christ à la manière des apôtres et des grands disciples, en te donnant à l’Église pour devenir prêtre, religieux ou religieuse. Surtout, n’aie pas peur. Parles-en à un prêtre : il saura t’écouter et te conseiller.

Notre monde a bien besoin de tous les baptisés-confirmés. Ils donnent au monde le " souffle d’avenir " , " l’Esprit de Sainteté ". Ils lui donnent le cœur dont il manque trop souvent. Ils font déjà du Ciel sur la Terre.

Tout à la joie de te retrouver bientôt.

Ton Evêque
(Extrait de "Souffle d’Avenir" Editions Siloë)