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La Jeunesse ouvrière chrétienne
Jeunesse Ouvrière Chrétienne
Eveiller chaque jeune à sa vocation dans le monde et dans l’Eglise. Vaste projet résumé ici par cette phrase. En fait, c’est une autre manière de dire le projet de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), pour les jeunes du monde ouvrier. En effet, les premières lignes de son Rapport d’orientation disent bien cela : "Notre projet est de révéler Jésus-Christ ressuscité à tous les jeunes du monde ouvrier et de leur permettre de prendre part à la construction d’un monde plus juste. Au nom de ce projet, nous voulons que chaque jeune retrouve sa dignité d’homme ou de femme, découvre ses capacités, donne un sens à sa vie jusqu’à s’engager avec d’autres, dans le mouvement ouvrier pour une société plus humaine" (1).
Quelle est la vocation d’un jeune ? Au premier abord, on serait tenté de dire : "qu’il vive bien sa vie". C’est le projet que formulent des parents pour leurs enfants, c’est aussi ce à quoi aspirent les jeunes. Il y a cette envie de vouloir réussir sa vie de jeune et d’adulte en devenir. Mais ce projet est souvent contrarié par les galères pour trouver un boulot, pour suivre une formation qui plaise. Il y a la violence dans laquelle on vit, des inégalités qui semblent de plus en plus fortes. Aussi la confiance en l’avenir est difficile !
Et pourtant, les jeunes du monde ouvrier valent mieux que cela. La JOC a dit constamment à la suite du cardinal Cardijn, son fondateur, "qu’un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde car il est fils de Dieu". En ce sens, ce mouvement d’Action catholique croit aux capacités des jeunes et leur fait confiance pour refuser les fatalismes de toutes sortes. "Un mouvement où ces jeunes travailleurs, en toute liberté mais répondant comme à un appel, accueillent en eux quelqu’un qui les transforme : le Christ (...). Il savent que (...) cette vie présente est très sérieuse et que c’est très important de travailler à étendre à cette communion entre les hommes dans le Christ , et en même temps à travailler à l’organisation de la société qui soit respectueuse, qui soit en fonction de la grandeur infinie de l’homme" (2).
Aujourd’hui, même si la JOC s’adresse à un public plus large que des jeunes travailleurs, ces citations fondent toujours les intuitions du Mouvement.
La pédagogie de la JOC est basée dès l’origine sur "l’entre eux, par-eux, pour-eux". Cette formule est au coeur du Mouvement. Elle redit que ce sont les jeunes qui sont acteurs à tous les niveaux du Mouvement. Tout s’élabore ensemble, en, équipe. Chacun est reconnu, soutenu par les autres jeunes de l’équipe. Ce qui ne veut pas dire que d’autres personnes ne peuvent pas les aider, en particulier les adultes qui accompagnent les équipes et le Mouvement dans son ensemble. Mais cet accompagnement reste au service de cet "entre-eux" des jeunes pour qu’ils repartent réellement de leur vie et de celle de leurs copains.
Cette vie vient nourrir la pratique de la révision de vie proposée par le Mouvement. Articulée sur le "voir-juger-agir" commun à toute l’Action catholique, cette démarche consiste en une relecture de la vie, une interprétation de celle-ci dans laquelle est recherchée la présence du Christ. Tout cela ne serait pas complet s’il n’y avait pas la dimension de l’agir qui ouvre à l’avenir : comment concrètement va-t-on mettre en oeuvre ce qui s’est dit, cherché pendant la rencontre ? C’est l’étape de l’action.
Cette démarche est riche. Combien de jeunes faisant cette expérience ne se sont-ils pas découverts capables ? Capables de prendre la parole, de faire le pas pour s’engager dans son lieu de vie, pour oser une parole de foi. Combien sont-ils ceux qui ont été transformés, bouleversés par la proposition de la JOC ? Combien d’accompagnateurs ont-ils noté dans leurs cahiers cette réflexion de jeunes : "Ça a donné un sens à ma vie..." Oui, l’essentiel est peut-être là : la JOC en s’intéressant au quotidien de chaque jeune les appelle à voir plus loin, à croire qu’un autre avenir est possible, que ce monde est transformable pourvu qu’on s’en donne la peine. Fondamentalement, cela touche, pour le mouvement, sa dimension missionnaire. L’attention portée constamment "aux copains" relève de cela. Se "mouiller" avec eux et auprès d’eux, c’est vivre en JOC la dimension baptismale. C’est en ce sens que la JOC éveille constamment les jeunes à prendre leur place dans la société et l’Eglise, comme le dit un de ses slogans : être "Bâtisseurs de l’avenir".
Au-delà de cet éveil, de cette prise de conscience à s’engager, la JOC accorde une place importante à la dimension d’appel à tous les niveaux du mouvement. Cette pratique d’appeler des responsables et non pas de les nommer ou de les élire signifie que nous sommes d’Eglise. S’il en est ainsi pour les responsabilités dans le mouvement, la JOC propose aussi d’appeler à un projet à la vie consacrée et au ministère ordonné. Dans la pratique, ce ne sont pas des appels nominatifs. Cela se passe par la médiation du mouvement quand il propose une soirée, un week-end ou tout simplement une enquête sur la question des "vocations". Un exemple significatif est la proposition faite lors du rassemblement national de la JOC-JOCF en mai 1996 (3) où un stand intitulé "Ta vie, t’en fais quoi ?" incitait les jeunes à remplir une enquête et à rencontrer différentes personnes ayant une place particulière dans l’Eglise (prêtre, religieux, diacre...). Beaucoup de jeunes y sont passés et ont accepté d’entrer dans la démarche. Parmi les nombreux résultats, en voici quelques-uns (4).
A la question : as-tu pensé à être prêtre ?
filles |
gars |
|
OUI |
16 |
50 |
NON |
136 |
106 |
Il faut noter que parmi les cinquante réponses de garçons, trente-neuf qui se posaient encore la question et vingt-sept, parmi eux, se retrouvaient dans un groupe pour y réfléchir. Faut-il commenter les seize réponses positives des filles ? Cela demanderait une étude plus approfondie afin de comprendre ces réponses. En revanche, à la question concernant la vie religieuse, les réponses positives sont plus importantes pour les filles (54 oui), pour 26 chez les garçons.
La question à propos du diaconat semble être révélatrice d’une méconnaissance de ce ministère.
filles |
gars |
|
OUI |
2 |
16 |
NON |
109 |
90 |
Au-delà de ces quelques chiffres qui demanderaient un examen plus approfondi, nous notons que, dans l’ensemble du mouvement, les responsables locaux acceptent de porter cette question des vocations par la proposition régulière de rencontres "projet de vie".
Ainsi, le mouvement met à disposition de ses militants une plaquette pour aborder cette question. C’est tout le mouvement qui a à faire entendre l’appel aux ministères ordonnés et à la vie religieuse. Cela passe aussi par les accompagnateurs adultes, par cette diversité de vocations qui sont autant de témoins de vies multiples et réussies.
Nous ne souhaitons pas laisser seuls les jeunes qui se posent des questions. Aussi, nationalement, nous organisons un week-end pour leur permettre d’approfondir avec d’autres jeunes les questions qu’ils portent. Ce n’est pas la grande foule mais chaque année, nous constatons que quelques-uns sont intéressés. La discrétion est souvent une exigence de leur part tant que le mûrissement n’est pas total. De toute façon, il ne s’agit pas de faire du nombre mais de permettre que la question des vocations ne soit pas "tabou" et que le plus grand nombre l’entende.
Appeler des jeunes à s’engager dans la JOC, à s’engager dans la société, à s’engager en Eglise... drôle de pratique dans un monde où tout semble procéder de l’élection, voire de l’intérêt. Car un appel, c’est d’abord gratuit. Pire, c’est engageant car on y répond dans sa liberté d’homme, de femme, de jeune. Pourtant, la JOC croit très fort à cette dimension car, en définitive, le mouvement sert de médiation à un appel qui vient de plus loin : c’est celui du Christ appelant Pierre à être pêcheur d’hommes. Ce qui est dérangeant dans un appel, c’est qu’il est toujours un envoi en mission. En ce sens, la JOC continuera patiemment à éveiller des jeunes du monde ouvrier à leur vocation de fils de Dieu.
Notes
1) La JOC-JOCF propose au vote des responsables des fédérations locales un ensemble de textes qui constituent le Rapport d’orientation du Mouvement. Le dernier date de novembre 1994.
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2) Extrait d’une intervention du Père Guérin, fondateur de la JOC en France, au Conseil national du Mouvement en 1971. [ Retour au Texte ]
3) Le 26 mai 1996 a eu lieu" Cap solidaires", le rassemblement national de la JOC-JOCF. Trente mille jeunes de milieu populaire de toute la France se sont rassemblés autour du thème de la solidarité, à La Courneuve. [ Retour au Texte ]
4) Ce sont des résultats sur 389 enquêtes dépouillées. L’enquête est disponible au siège national de la JOC-JOCF. Elle se voulait surtout un moyen de dialogue avec les personnes présentes.
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