Le message du Congrès de Rome


Ce second Congrès continental sur les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée a donné lieu au message suivant. En sept points, il est adressé aux communautés chrétiennes.

Conclusions du Congrès sur les Vocations en Europe

1. Le second "Congrès continental pour les Vocations au Sacerdoce et à la Vie Consacrée" a marqué un grand moment de grâce et de communion pour l’Eglise qui est en Europe.

La rencontre des différents charismes et surtout l’échange des expériences variées et des travaux en cours, dans le domaine vocationnel, dans les Eglises de l’Est et de l’Ouest, ont été un véritable événement de l’Esprit Saint, qui a donné une vigueur nouvelle à la pastorale des vocations dans nos Eglises.

Une demande a affleuré plus d’une fois durant ces jours : "Est-il possible aujourd’hui, en ce tournant de l’histoire, d’avoir l’espérance d’un avenir plus prometteur et plus riche des dons de l’Esprit ?"

Nous sommes convaincus que l’espérance est une vertu qui s’impose en cette heure ; même si elle semble se présenter sous deux visages différents : en Orient, elle est nécessaire pour accompagner le chemin ardu de mise en route d’une vraie pastorale organique au service des vocations, dans le contexte difficile d’une liberté retrouvée ; en Occident, l’espérance est nécessaire pour affronter et traverser positivement cette époque qui se qualifie comme un temps de crise. Elle nous fait regarder plus avant avec une confiance créatrice et non avec un esprit de résignation ou de défaitisme.

2. Quand nous réfléchissons sur les vocations, le réalisme des nombres semble faire reconnaître ce temps comme une époque difficile pour l’Eglise. Nous sommes affrontés au défi d’une culture de la complexité et du subjectivisme, qui non seulement demande un élan évangélisateur renouvelé de la part des commu nautés chrétiennes, mais pose l’urgence d’un grand effort de conversion pour redonner efficacité à la pastorale des jeunes dans une perspective vocationnelle. Il ne s’agit pas d’entraîner les jeunes dans un engagement à temps déterminé, mais de mettre en oeuvre des chemins de foi capables d’être le terrain fécond de répon ses mûres et définitives au Dieu de l’histoire qui appelltoujours.

Nous ne voulons certes pas ignorer que les données statistiques expriment aussi des signes de reprise, surtout en ce qui concerne les ordinations sacerdotales ; mais non encore au point de contrebalancer l’absence des confrères prêtres appelés à la paix du Royaume. Plus lente est la reprise en ce qui regarde la vie consacrée ; même si de toutes parts se vérifie la croissance qualitative du témoignage.

En ce temps, pèse sur nos épaules une double disproportion grave : d’une part celle qui existe entre l’enjeu de la nouvelle évangélisation, en un contexte européen de post-chrétienneté, et l’insuffisance numérique des évangélisateurs. Elle redevient actuelle de façon surprenante la scène évoquée par l’Evangile de Matthieu : "La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux" (Mt 9, 37).

D’autre part, on touche du doigt la disproportion entre l’abondance des efforts entrepris et la pauvreté des résultats. Sur la bouche de nombreux pasteurs, consacrés et éducateurs, vient spontanément l’expression des disciples de Jésus : "Maître, nous avons peiné toute la nuit et nous n’avons rien pris" (Lc 5, 5). Tout ceci ne manque pas de provoquer du découragement et parfois même de la tristesse face à un avenir difficile, surtout en de nombreuses communautés de vie consacrée qui ne voient pas de perspective de reprise.

3. Mais par delà le réalisme des nombres, il y a le réalisme de la foi qui encourage l’espérance. Jésus aussi a relevé le grave décalage entre les attentes de la moisson parvenue à maturité et l’insuffisance des ouvriers. Lui aussi a esquissé une stratégie pour l’annonce du Règne dont les passages sont obligés et exemplaires : le premier impératif indique la prière : "Priez" ; puis il appelle à Lui les douze et les envoie. L’invocation, l’appel et la mission scandent les critères fondamentaux qui sont liés à toute pastorale des vocations.

A la lumière de cette image évangélique, l’expérience de ce Congrès nous a fait entrevoir que l’espérance est possible et peut rendre vigueur à l’engagement souvent présent et croissant pour le service de la pastorale des vocations. Mais à certaines conditions.

Avant tout il est important de jeter sur notre temps un regard réconcilié et plein de sagesse. Il est émouvant d’écouter nos frères et soeurs de l’Est européen, aux prises avec les premiers pas dans la pastorale des vocations après la chute des régimes anti-libéraux, exprimer leurs raisons d’espérer et de croire en l’avenir.

Certes la culture que l’on respire se répercute lourdement sur le mode de penser et de choisir des dernières générations. La complexité et le sujectivisme peuvent rendre difficile une orientation de la liberté des jeunes vers le Christ, qui soit reconnue capable de combler l’attente intérieure et le mouvement pour lequel chaque homme existe. Mais le conditionnement culturel n’est pas une nouveauté absolue de notre temps ; un projet de vocation se greffe toujours sur une liberté à racheter et à éduquer.

D’autre part un discernement sérieux et plein de sérénité a révélé combien les jeunes d’Europe sont porteurs de grandes valeurs qui rendent concrètement posssible la proposition pédagogique de la "’sequela" évangélique.

Toutefois l’espérance n’est pas entretenue seulement par une vision pleine de sagesse de l’histoire où ne manquent pas de sérieuses attentes de Dieu et des signes évidents de l’action de l’Esprit ; elle n’est pas non plus renforcée seulement par le fait que la structure anthropologique ouverte à la transcendance est susceptible de perturbation mais non de destruction.

L’espérance se fonde avant tout sur la certitude qu’en toute vocation il y a un primauté absolue et efficace de Dieu, qui est aussi à l’oeuvre en ces temps difficiles, et qui reste le Seigneur de la vie et de l’histoire. Aujourd’hui aussi peut se renouveler le miracle évangélique des pains pour les foules affamées. Mais aujourd’hui aussi, comme autrefois, Jésus n’accepte pas le désengagement des disciples, comme une sorte de désarmement ou de solution expéditive, comme le renvoi des gens pour que chacun s’occupe de lui-même. Jésus prépare le miracle en y impliquant ses disciples. "Donnez leur vous-mêmes à manger" (Lc 9, 13). Cinq pains et deux poissons, c’est peu, mais c’est tout.

4. Mais ce Congrès n’a pas seulement jeté un défi à l’espérance.
Une deuxième question a été posée : Est-il - possible, aujourd’hui, de penser de façon réaliste, pour la pastorale des vocations, à un "bond" qualitatif ? Est-il possible ce "sursaut prophétique", capable de libérer nos Eglises, et en particulier les prêtres et les consacrés, de la pathologie de la fatigue et de la résignation ?"

Nous pensons pouvoir répondre positivement à condition que la pastorale des vocations devienne "une action chorale" de la communauté chrétienne, dans toutes ses expressions.

Ce qui exige le dépassement de certaines attitudes qui peuvent faire marquer le pas à la pastorale des vocations et en faire un labeur inefficace : comme l’attitude de la délégation, la poursuite occasionnelle d’initiatives ou pire encore l’attente fataliste que l’histoire résolve nos problèmes.

"L"exigence d’une action d’ensemble" a été clairement rappelée au cours de la préparation et de la célébration de ce Congrès, et elle est à traduire dans la pratique pastorale concrète.

5. On doit rappeller avant tout la capacité de décision propre à la vocation baptismale. Celle-ci, lorsqu’elle parvient à maturation consciente dans le sacrement de confirmation, constitue le tissu chrétien sur lequel peut agir l’amour créateur de l’Esprit pour susciter des réponses surprenantes.

L’action concertée dans la pastorale vocationnelle requiert la foi dans la primauté absolue de l’Esprit, source de tout charisme et de tout ministère dans l’Eglise et pour l’Eglise au service du Règne.

Cela signifie réanimer toute la pastorale des vocations par un grand "mouvement de prière", - dans les paroisses, dans les communautés religieuses, dans les groupes - car toute vocation est un don, et seule l’invocation promeut une mentalité accueillante et un coeur bien disposé.

Seul l’enracinement en Dieu rend possible une autre primauté : celle du témoignage qui reste la proposition vocationnelle fondamentale et convaincante, qu’aucune stratégie pastorale ne pourra jamais remplacer. L’homme de notre temps, et les jeunes en particulier, ont besoin de toucher du doigt que le Seigneur Jésus est une personne vraiment significative, capable de fasciner et de combler les inextinguibles aspirations au bonheur ; mais ils ont aussi besoin de vérifier que le radicalisme évangélique n’est pas une utopie, que l’amour-agape n’est pas une abstraction, mais une expérience possible et déjà visible au coeur de communautés pascales, joyeuses et accueillantes.

Il est bien connu en effet que les jeunes n’entrent pas dans une communauté ou une institution en crise ; ils se laissent au contraire interroger et gagner par les personnes et les communautés qui savent donner un limpide témoignage du Christ ressuscité, au coeur même des difficultés de notre temps. Mais le regard plein de sagesse sur ce virage décisif suggère que le désir fréquent et profond ou la demande de témoignage constituent le premier don que l’Esprit fait à notre temps, la première proposition de pastorale vocationnelle ; qu’ils sont aussi le préliminaire historique de nouvelles vocations pour les temps du troisième millénaire.

6. L’engagement de tous, requis pour la réalisation d’une pastorale des vocations de qualité, suggère de prêter grande attention aux éducateurs, surtout aux prêtres et aux consacrés : à la médiation éducative de nos communautés, comme l’a dit le Saint Père dans son intervention d’ouverture.

C’est seulement au travers d’une sage présence éducative, surtout dans la direction spirituelle, que la dimension vocationnelle peut passer dans tout le champ de l’action pastorale de la communauté chrétienne, à l’école permanente du Christ ressuscité, célébré dans ses mystères.

La demande de guides spirituels est particulièrement forte : aussi bien dans les églises de l’Est où il y a le retour de Dieu après son exclusion sociale, que dans les églises d’Occident, où revient la recherche de l’Absolu en dépit de sa marginalisation par une culture où domine la distraction. Il y a donc une demande de figures significatives, capables comme le Baptiste de désigner Jésus : "Voici l’Agneau de Dieu" (Jn 1, 36).

Pourtant, il est nécessaire que les éducateurs de la foi sachent "oser" faire la proposition. La pédagogie de Jésus est claire : Ce n’est pas aux disciples d’expri mer le désir de suivre le Seigneur ; mais c’est à Lui d’appeler : "Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis" (Jn 15, 16).

7. Marie, Mère et modèle de toute vocation, la Femme qui accompagne le pèlerinage de l’Eglise à travers l’histoire, est dans le coeur de tous les peuples d’Europe, pour les aider sur le chemin de la foi à découvrir, avec toujours plus de profondeur, Jésus, comme Seigneur de la vie et unique Sauveur du monde. Marie est dans le coeur des jeunes générations pour les ouvrir à la vérité exigeante et comblante de l’Evangile. Que la Femme pleinement disponible à l’appel du Seigneur introduise les jeunes à l’expérience de la beauté et de la joie d’une vie dépensée sans réserve au service du Royaume.