L’éducation au célibat sacerdotal


Mgr Eric Aumonier est évêque auxiliaire de Paris après avoir été supérieur du séminaire de ce même diocèse. Il nous propose ici quelques remarques sur l’éducation au célibat consacré dans la formation pendant le temps du séminaire.
Une invitation à accueillir, à reconnaître et à servir un don précieux fait à l’Eglise et au monde.

Eric Aumonier
Evêque auxiliaire de Paris

1. Dès le début de la formation, et tout au long de la formation, la reconnaissance du don du célibat pour le Royaume

• L’engagement formel et officiel du futur prêtre dans le célibat est posé au cours de la célébration de l’ordination diaconale. Le lien entre l’ordination, le ministère, et le célibat a été récemment souligné dans le rituel des ordinations par une nouvelle disposition, introduite dans l’éditio typica altera (1989), selon laquelle même les religieux profès s’engagent publiquement au célibat, en raison de l’ordination.

L’ordination au diaconat en vue du sacerdoce ne peut en principe être conférée avant la fin de la cinquième année de formation. Telles sont les déterminations du droit et de la liturgie. Et qu’observe-t-on pendant la formation ? Entre le moment de l’entrée au Séminaire et l’ordination, plusieurs dynamismes sont en oeuvre : le discernement du charisme du célibat par l’intéressé et par l’Eglise, d’une part ; le jugement sur différentes aptitudes au ministère, d’autre part. Ces deux dynamismes ne sont pas toujours convergents, ni toujours liés chronologiquement : tandis que peut progresser dans un sens le jugement sur les aptitudes, le discernement des aptitudes au célibat peut progresser dans un autre.

C’est pourquoi la présentation claire du lien célibat consacré-sacerdoce tel qu’il est compris dans l’Eglise latine, gagne à être faite dès le début de la formation. Celle-ci risque, sans cela, de se construire dans une autre logique que la logique ecclésiale, et le discernement sera faussé ; il est bon que la question soit posée, explicitée, aussi bien au for interne qu’au for externe ; et au for externe aussi bien à tous qu’à chacun.

• Les étapes de la formation, dont l’existence ne s’explique pas par des raisons académiques, mais comme des seuils proposés par l’Eglise pour se préparer à recevoir la grâce de l’ordination, constituent des moments où l’Eglise, d’une manière ou d’une autre, se prononce elle-même sur la vérité de la démarche du candidat.

Ces seuils sont l’entrée elle-même au Séminaire, puis, après le premier cycle, la célébration de l’admission parmi les candidats au presbytérat, et l’institution aux ministères. Il n’est pas indifférent qu’avant l’entrée au Séminaire, la consécration de la vie dans le célibat ait fait l’objet d’une sérieuse réflexion, aidée par des conditions spécifiques de retraite, d’écoute de Dieu, de direction spirituelle. Commencer la formation en laissant cette question en pointillé et en attendant d’avoir étudié tous les traités de théologie avant de savoir ce que Dieu veut sur moi, et de me décider à l’accomplir, relève d’un aveuglement ou d’une naïveté, dont il faut sortir au plus vite !

L’admission représente ensuite un passage-clef. Si le candidat s’est très consciemment, fût-ce en ne l’ayant dit qu’à son père spirituel, engagé pour la vie dans le célibat, au moment de l’admission ou à cette occasion, au cas où il ne l’ait pas fait avant, sa maturité intérieure aura fait un pas important, parce que sa liberté se sera engagée. Les formateurs savent d’expérience que cela ne saurait garantir toujours un engagement définitif au moment du diaconat, mais au moins, cela constitue un repère important.

• La reconnaissance du don ne se fait ni tout d’un coup, ni en une seule fois. C’est pourquoi tout au long de la formation, en tenant compte aussi de la proximité de l’ordination, les raisons du célibat et ses conditions concrètes, spirituelles et psychologiques, sont clairement exposées. Les enseignements évitent d’isoler l’enseignement sur le célibat consacré de l’ensemble du mystère chrétien, comme de le diluer en le reléguant dans l’implicite.

Les raisons de la "mulhmoda convenientia" ont été données avec force par Paul VI dans Sacerdotalis caelibatus ; les textes ultérieurs du Magistère, dont Pastores Dabo vobis soulignent à leur tour le don que constitue pour l’Eglise entière le ministère sacerdotal exercé dans le célibat consacré, en considérant sa beauté propre, à côté et de façon complémentaire d’autres signes donnés de la grâce de Dieu et de la fidélité de son amour.

Le regard proprement théologique sur la personne même de Jésus, sur son obéissance filiale, enracinement ultime et permanent de son "état de vie", de l’ensemble de son comportement pauvre, chaste, humble, est capital, tout comme un regard théologal sur l’homme que Dieu vient sauver.

Ce regard sur l’homme comprend l’intégration de la sexualité, ses enjeux, ses difficultés. Comme le dit longuement Pastores Dabo vobis la formation d’un candidat ne sera authentique que si elle est aussi pleinement humaine, réaliste et à la fois respectueuse et formatrice de son humanité. Nous y insisterons plus loin.

Mais il est clair que l’éducation ne se réduit pas à l’enseignement. Le choix de l’état de vie et la vie en cet état se situent dans un dialogue personnel, dans un temps, avec des frères, pour des frères. L’accompagnement de chacun, dans sa progression à travers victoires et échecs, l’exercice de la paternité spirituelle, le lien à l’évêque et au diocèse, l’échange, l’entraide et la stimulation fraternels, les conditions mêmes de la vie quotidienne, ont là une place précise et indispensable.

• Cette reconnaissance ne dépend pas de l’âge, et elle est toujours à reprendre : on dit trop vite qu’une entrée au Séminaire après 30 ans constitue un gage de maturité, et qu’on s’engage de facon plus lucide à cet âge qu’à 18 ans. L’expérience oblige à nuancer ce propos, souvent juste au demeurant. On ne peut oublier que le "seuil de maturité", affective en particulier, a tendance à reculer avec l’allongement des études entraînant souvent une certaine forme d’irresponsabilité.

C’est plutôt autour de la perception claire de la vocation, quel que soit l’âge "physiologique" où elle advient, que se construit la maturité : celle-ci s’explicite par des choix, une fidélité, une orientation cohérente. De ce point de vue, un homme qui se met devant l’appel de Dieu après de longues hésitations, après avoir fait certaines expériences d’amour humain, mais sans avoir connu d’engagement définitif, aura parfois plus de mal à entrer dans la perspective d’un don total dans le célibat, qu’un jeune de vingt ans, s’il s’y est vraiment consacré depuis son enfance.

2. Une certaine perception de la vocation, et du sacerdoce sont en jeu

• De la vocation : on peut vivre le célibat comme une conviction ou un appel personnels à l’intérieur d’un désir d’être prêtre, mais sans relier cette conviction et cet appel à une vie apostolique.

On peut aussi percevoir dans une vie apostolique chrétienne un appel au don total et un désir d’offrande de sa vie, ouvert à l’appel au sacerdoce. La pédagogie de la préparation au ministère tient compte de ces différentes approches, pour éviter de juxtaposer la rencontre des personnes et l’engagement de la vie, les tâches et les missions confiées et la relation personnelle au Christ et à l’Eglise.

L’enjeu réel consiste ici à reconnaître et à vivre le célibat comme une forme d’amour, comme un choix libre de tout donner. Ce n’est pas sur le terrain disciplinaire mais sur le terrain de la foi que cela se joue. Dieu que je sers, je le sers non seulement en faisant des choses pour lui mais en lui consacrant le tout de ma vie dans une relation personnelle qui prend la forme d’un don exclusif de moi-même.

• Liées à cette compréhension du dynamisme de l’amour, on peut retrouver deux perspectives, ou au moins deux accentuations dans la perception du ministère : d’un côté on verra surtout le ministère comme l’accomplissement de tâches réservées, comme l’exercice de pouvoirs que seul un prêtre possède. De l’autre, on regardera d’abord le ministère comme un engagement de toute la personne dont l’engagement au célibat fait partie constitutive par choix personnel en réponse à un appel de Dieu et en communion à l’Eglise.

Pour dire les choses autrement, un regard purement fonctionnaliste sur le prêtre rend inintelligible ou superflu, voire insensé, le célibat consacré.

3. L’homme est un tout

Celui qui entre en formation y entre marqué par une culture, il a vécu dans un climat familial et social donnés. Il a pris certaines habitudes de se situer dans le monde, de regarder l’homme et de se comporter avec lui sans avoir toujours eu l’occasion de réfléchir aux raisons et aux modes d’agir du chrétien. Comment conçoit-il, par exemple, l’engagement humain, et même plus radicalement la liberté humaine ?

Comprendre par exemple que toute la personne est engagée dans ses actes ne va pas de soi : souvent, sans nier théoriquement que la personne forme un tout, on dissocie dans la pratique le corps de l’esprit, la sexualité de la corporéité et du tout de l’homme et de sa liberté. Cette dernière est confondue avec l’exercice anarchique d’un libre arbitre pas vraiment engagé de façon réelle et stable, soumis à ses désirs successifs. Comprendre que la volonté est appelée à se déterminer par rapport à un bien qui la dépasse et qu’elle n’a pas créé, mais qui lui est proposé, auquel elle est naturellement orientée, et non pas à subir le simple jeu de déterminismes, demande à être expliqué longuement.

L’engagement libre a plus que jamais besoin d’être éclairé également par l’anthropologie chrétienne, et, plus largement, par l’ensemble du Mystère, à commencer par le Mystère Pascal. La présentation de la vocation chrétienne, en situant les commandements et les béatitudes, permet de voir que la morale chrétienne est authentiquement humaine et pleinement humanisante, et non pas aliénante. On voit les conséquences que cela peut avoir sur une juste présentation du célibat, comme du mariage et de la famille.

• D’autres questions, qui eussent été considérées il y a dix ans encore comme superflues (la différentiation sexuelle a-t-elle une signification et une portée que l’homme n’invente pas ? I’homosexualité est-elle équivalente à l’hétérosexualité ? quelle différence entre la continence et la chasteté ?) ne le sont plus aujourd’hui, tant le discours habituel sur la sexualité est réducteur.

On ne peut ici, dans la formation, se satisfaire de l’implicite, ou supposer que tout soit connu, ou attendre que le cours spécialisé en cette matière soit donné selon le cursus de la programmation universitaire. Les points de repère fondamentaux doivent être donnés d’emblée, et, souvent plusieurs fois explicités. Le recours à un enseignement élémentaire n’est pas superflu et représente une aide à la croissance et à la maturité, qui grandissent dans une confrontation avec le réel.

• Lié à l’enseignement didactique, un véritable apprentissage et un encouragement à une ascèse authentiquement chrétienne s’avèrent comme toujours nécessaires. La liberté chrétienne s’y exprime et s’y construit, comme le montrent la sagesse et l’expérience séculaire chrétiennes.

On a peut-être trop négligé cet aspect de la formation, et il n’est pas sûr que cela ait été par crainte du jansénisme ou d’un risque de néopélagianisme. L’ascèse, vécue et comprise non comme l’application d’un nouveau stoïcisme mais comme l’expression d’un amour qui offre sa disponibilité et sa pauvreté à l’action de Dieu, demande à être réhabilitée. Elle corrige la générosité mal éclairée, fascinée par les gestes spectaculaires, elle s’applique et même colle à la vie ordinaire dans ce qu’elle a de plus ordinaire.

La découverte du silence, le détachement des biens, une conduite rigoureuse de l’imaginaire, l’astreinte à un horaire, liés à l’apprentissage du discernement des esprits, pour ne citer que ces éléments, font partie de ce chemin poursuivi au coeur de la communauté et vérifié dans la direction spirituelle. Il faudrait aussi ajouter l’importance et la fonction unificatrice des relations et l’existence d’amitiés authentiques, l’estime pour le mariage, la qualité, l’équilibre, la vérité des relations, notamment avec les femmes.

4. Etre consacré, se consacrer

• Le célibat du prêtre suppose un regard sur le Christ et une suite du Christ dans son célibat, qui implique l’intégration du célibat à l’intérieur de la consécration de soi. Cette consécration devrait être regardée de trois points de vue.

Du point de vue théologique d’abord, puisque la suite du Christ est la suite de celui qui "se consacre dans la vérité" et qui prie pour que ses disciples à leur tour soient consacrés dans cette vérité. Vivre le célibat sans cette référence à la sainteté reçue de Dieu comme consécration, sans cette orientation de toute la vie pour le Père donnée par la grâce de l’Esprit conduira - cela vaut pour tout autre état de vie - à un comportement extérieur, sans réelle cohérence interne et sans engagement résolu dans la conversion permanente pour correspondre à la sainteté de Dieu.

C’est pourquoi aussi le célibat sacerdotal ne sera à la fois pleinement signe du Christ et pleinement vécu joyeusement, sans retour sur soi, que s’il va de pair avec une réelle pauvreté et une réelle obéissance.

Le second point de vue, dépendant du précédent, est le point de vue sacramentel : le sacrement de l’ordre, reçu dès le diaconat, une fois pour toutes, marque la personne de l’intérieur et en profondeur. Y croire et chercher à correspondre à la grâce du sacrement, y trouver la source et de sa joie et de sa marche, ne dispense certes ni des épreuves ni des difficultés, et n’oblitère pas les limites du sujet mais situe le célibat au coeur de la personnalité, en son centre.

Le troisième point de vue est moral : le don de soi dans le célibat, préparé et déjà vécu pendant la formation, voué au moment de l’ordination, s’exprime par des choix et une manière de les vivre. Or, il arrive souvent que le don ne soit pas vraiment réalisé, parce qu’il ne l’est qu’en intention. Il arrive que le candidat garde en réalité dans sa vie quotidienne ce qu’il a cru donner et même qu’il a sincèrement offert. Comme si les choses n’étaient vécues qu’intellectuellement, ou "spirituellement". Il n’est certes pas marié, il ne mène pas une double vie, mais sa pensée, sa gestion des relations, son imaginaire, ne sont pas orientés selon le don qu’il a exprimé. Il garde en réalité ce qu’il a offert, tout simplement son coeur.

• Le célibat s’inscrit dans la durée d’une vie humaine, et il est voué irrévocablement. Les obstacles rencontrés ici ne tiennent pas seulement à un contexte culturel : la difficulté de tenir des engagements n’est pas caractéristique de notre seule époque, même si les ruptures dans la transmission familiale et scolaire y sont évidentes.

Nous touchons là une question spirituelle, qui est celle de la fidélité : non seulement la fidélité de l’homme mais la façon dont la fidélité de Dieu est comprise et reçue : Dieu est-il reconnu, aimé et servi comme fidèle, ou comme capricieux, épousant, s’adaptant à nos fantaisies ? S’il est vrai que nous sommes témoins de l’alliance éternelle de Dieu avec son peuple, et que l’alliance est bien éternelle, s’il est vrai que les dons de Dieu sont irrévocables, comment cela atteint-il notre expérience et notre façon de vivre le célibat, ceci dans l’humble fidélité aux engagements quotidiens, y compris au plan de l’horaire, au plan des études ? Il y a là un lieu non seulement de vérification mais d’apprentissage de la fidélité pour toujours.

5. La vertu de chasteté

• La liberté chrétienne de celui qui aime et est aimé s’exprime et se développe par la manière même dont il aime : qu’on présente la vertu de chasteté comme vertu morale, partie de la tempérance ou (et) comme dynamisme permettant de régler et de maîtriser nos désirs liés à notre être sexué, la compréhension et la présentation de cette vertu dans l’état de vie que représente le célibat pour le Royaume indique aussi des lignes d’insistance dans la formation.

• Il importe d’abord de nous rappeler l’objet de notre amour, d’objectiver le désir, de voir sur qui il porte, de déployer les dimensions de la charité chrétienne (y compris l’amour de l’Eglise).

Le Père et ceux que le Père nous donne comme prochains en son Fils sont l’objet de notre amour. Cet objet n’est ni vague ni indéterminé, et il est précieux d’y confronter l’état de notre désir ou de nos refus : qui aime-t-on dans la vie quotidienne, qui faudrait-il aimer ? Laisse-t-on la charité bousculer nos refus ? Aimer au-delà de nos sympathies, laisser l’amitié entre deux amis aller jusqu’au bout d’elle-même par l’ouverture au "troisième", tout cela fait partie de la chasteté et ne commence pas à l’ordination. L’éducation ici joue un grand rôle de stimulation et de rappel, dans la mesure où elle désigne Celui et ceux qui sont aimables, non seulement par l’injonction mais par l’invitation et l’exemple.

Les paroles fortes et précises sont attendues et font grandir, qu’elles soient dites au coeur de la direction spirituelle, ou dans le cadre d’un enseignement et d’un entretien avec les supérieurs. Non seulement dans le rappel de l’objet de notre amour mais dans une aide apportée pour apprendre comment aimer, et comment aimer non malgré, mais dans, et même à cause du célibat consacré : comment apprendre à aimer ceux que Dieu donne, au moment et au lieu, dans les conditions, et dans l’état où il nous les donne.

Ce n’est pas à cause de la quantité ni à cause de la qualité des personnes que nous rencontrons que nous nous accomplissons, mais parce que la relation avec le peuple de Dieu est commandée par l’amour de Dieu qui nous confie ces frères et à qui nous les confions, et que nous acceptons d’entrer dans cet amour.

Dans le même sens, comment supportons-nous les conflits et osons-nous offrir le refus ? Acceptons-nous de ne pas être aimé, compris, reconnu et même d’être rejeté ? Les années de formation constituent un lieu d’épreuve de la charité dans des situations qui n’isolent pas de l’univers humain et qui, à côté des joies, comportent aussi la division, le désaccord, l’opposition, et, parfois, la séparation. La communauté, surtout celle dont les membres ne se sont pas choisis, est un de ces lieux où Dieu nous appelle à aimer, sans chercher l’unanimité pour elle-même. Fuir ce lieu, ou éviter d’y avoir aujourd’hui un engagement réel, quel qu’il soit, ne prépare guère à aimer ni à être aimé demain.

• L’amour pour le Christ et l’amour pour l’Eglise se répondent aussi dans l’éducation au célibat chastement offert et vécu. L’éducation à l’amour de l’Eglise, consiste bien sûr à approfondir et parfois même à aider à découvrir les raisons d’aimer l’Eglise, peuple de Dieu, corps du Christ, Epouse et à les découvrir dans le mystère même de Dieu, dans le mystère pascal.

L’amour de l’Eglise est une dimension constitutive du ministère sacerdotal et aussi du célibat pour le Royaume. Le prêtre reçoit la charge de prier pour l’Eglise : prière d’intercession et d’action de grâce, parce que Dieu donne d’y vivre et d’y reconnaître sa présence ; prière pour l’Eglise universelle ; prière pour la communauté ecclésiale qui lui est directement confiée ; prière devant, avec, pour ce peuple que Dieu aime et confie à Son Fils. L’Eglise qui n’appartient qu’à Dieu et que lui seul sait aimer telle qu’elle est, "à la fois sainte et à sanctifier".

• Mais l’amour n’est pas abstrait. Ici encore moins qu’ailleurs. L’éducation des futurs prêtres, qui ne doit pas supposer acquis, comme allant de soi, l’amour dû aux chrétiens, est une éducation concrète, dont on peut suggérer ici quelques éléments.

Le développement de l’amour de l’Eglise passe à nouveau par l’expérience de la communauté où vivent formés et formateurs. Quelle que soit la forme, la composition et la durée d’une communauté transitoire, elle est lieu réel parce que concret de la charité et de l’amour quotidien de l’Eglise, c’est-à-dire des frères qui me sont donnés et qui sont aimés de Dieu. Cette communauté est l’Eglise en sa forme proche. La sincérité subjective des propos généreux sur l’amour qu’on porte au Pape ou aux "frères" en général s’y trouve confrontée à la réalité objective de l’amour quotidien.

L’apprentissage du jugement et l’éducation des réactions devant les événements de la vie de l’Eglise est un autre lieu de formation où l’échange fraternel, la culture théologique et morale, la prière personnelle, la parole de l’Evêque, n’ont ni la même place ni la même importance mais doivent intervenir.

Est-il nécessaire d’ajouter que l’appartenance à l’Eglise, et à une communauté précise, parce qu’elle est expérience de la charité, est expérience de la joie chrétienne, qui en est le fruit. Si cette joie vient à manquer de façon durable, si pour être heureux il faut toujours être ailleurs, ou si ce n’est qu’ailleurs qu’on est heureux, il y a fort à parier que l’investissement personnel manque ou se trouve mobilisé autrement.

Une évidence pour finir : on se prépare à l’ordination, mais à strictement parler on ne se "prépare" pas au célibat, on le vit ou non de façon chaste et à l’intérieur ou non d’une consécration ; en tout cas, on ne s’y prépare pas en état de neutralité ou de pure attente, on y est engagé ou non ; forme de vie en laquelle s’exprimera l’amour pastoral, elle sera toujours à recevoir, chaque jour, avant et après l’ordination.