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Saisis par le Christ pour rayonner la beauté de l’Amour
Pour clore ce numéro, écoutons le cœur parler, celui d’un prêtre diocésain. Gilbert Marijsse, responsable du Service des Vocations du diocèse de Digne, nous livre sa propre méditation sur le célibat, chemin d’union au Seigneur.
SDV de Digne
Parler de nos jours du problème du célibat du prêtre est journalistiquement un bon angle d’approche. Les questions et les argumentations ne sont certes pas dépourvues de raisons et de sens. Mais elles laissent le plus souvent le sentiment d’insatisfaction et elles ne semblent pas vraiment aptes à donner du souffle ni à ceux qui le vivent ni à la chaleur de l’appel.
N’avons-nous pas besoin avant tout de retrouver ce souffle pour la vie des prêtres elle-même et pour la mission de l’Eglise au cœur du monde aujourd’hui ? Aborder le célibat d’abord sous l’angle de l’obligation - discutable dit-on - n’est-ce pas se tromper de chemin et de perspective ?
Un peu comme si on abordait le mariage d’abord du côté de l’obligation de fidélité et de son indissolubilité. J’ai souvent l’impression que cette approche quelque peu exclusive nous enferme dans la caverne de Platon...
A la suite du Christ
"Celui qui est de la terre est terrestre et parle en terrestre", nous dit Jean, "mais Celui qui vient du ciel témoigne de ce qu’il a vu et entendu..." (Jn 3, 31-32). "Qui peut comprendre, qu’il comprenne", dit Jésus (Mt 19, 12). Le célibat à cause du Royaume des cieux ne se comprend pas en dehors de la personne du Christ. Toute autre motivation peut être parfaitement louable, mais ne suffit pas pour vivre le célibat à l’exemple du Christ.
Il était célibataire et selon toute évidence heureux, épanoui. Il est l’homme qui a vécu notre humanité selon sa plus belle mesure. Tout idéal de plénitude humaine, d’épanouissement et de bonheur trouve son plus beau visage accompli dans le Christ.
La contemplation du Christ est pour tout homme le chemin de sa propre vérité. Tout chemin de vie, toute vocation trouve en Lui sa racine, son inspiration et l’image de sa plénitude. Le Christ élève l’homme qui L’accueille, à sa propre grandeur humaine et divine. Ceci est notre conviction chrétienne, le fondement de notre joie et notre espérance, notre fierté et le souffle de notre mission universelle.
Bien sûr, "qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul" (Gen. 2, 18). Nous avons raison de reconnaître dans cette parole le dessein de Dieu qui a fait l’homme pour la relation, pour la fécondité. Nous avons raison d’apprécier dans cette lumière l’attirance réciproque de l’homme et de la femme, la beauté de l’échange d’affection et de tendresse, le sens profond de la sexualité où la complémentarité dans le don de soi devient fécondité dans le mariage. La venue du Christ n’a rien aboli de tout cela.
Au contraire, Il a confirmé la beauté du mariage en lui ouvrant la perspective du Royaume de Dieu.
La nouveauté du christianisme la voici : tout reçoit sa véritable valeur d’en haut. la plénitude de la vie humaine est déterminée par son aboutissement et non pas par son point de départ. Croire au Christ c’est se conformer à son témoignage et vivre dès maintenant de la vie éternelle. Et "la vie éternelle c’est connaître Dieu" (Jn 17, 3), se laisser porter par le souffle de son Esprit qui fait toute chose nouvelle.
Le célibat du Christ
Le Christ a vécu son humanité dans le célibat. Tout habité de son Père Il vivait tout tendu vers le Royaume. Corps, âme, esprit étaient en Jésus unifiés dans un seul Souffle. Il se recevait à chaque instant de son Père comme Fils. Vivant de son amour, tout son être était comblé et ordonné au Royaume où Dieu sera tout en tout.
L’intimité avec le Père était sa véritable demeure et la source de sa paix inébranlable. Son cœur, tout en étant fermement incarné dans la vie humaine terrestre, respirait en permanence la vie de son Père.
Oui, la vie éternelle en Dieu était son souffle qui unissait la terre et le ciel.
Cependant, n’hésitons pas de reconnaître en la vie de Jésus aussi tout le combat de l’homme. Il a pris sur lui notre humanité jusque dans ses déchirures et ses combats. Son corps était bien un corps de chemin de vie et nourriture permanente. Il accueillait la vie éternelle du Père dans son cœur humain d’où elle rayonnait et découlait vers tous ceux qui s’ouvraient à Lui.
Sa fécondité était le don de vie éternelle comme un vase qui déborde en surabondance d’en haut.
Pour sûr, que Jésus a vécu les tiraillements d’un corps et des sentiments "non adaptés" à cette vie tout entière en Dieu ! La souffrance de l’homme c’est le décalage entre sa quête et son intuition profonde qu’il est fait pour l’Amour, et tout ce qui en lui résiste et tend à se replier sur soi. Les tentations dans le désert sont bien le résumé symbolique de ce combat intérieur de Jésus avec ce que nous appelons l’égoïsme, l’appât de la possession, du pouvoir, de la vaine gloire. Son choix pour Dieu contre l’Adversaire reflète sa vie au quotidien et l’évangile nous laisse entrevoir que cette lutte ne s’achevait que quand "tout était accompli"...
Munis du même Souffle
Le Christ est notre chemin, car il est la vérité de notre vie humaine. Il nous montre et Il nous donne la Vie éternelle qui se fraie un chemin à travers le combat de notre quotidien. Nos divisions intérieures et nos faiblesses sont bien réelles. Mais en les vivant avec nous, le Christ nous assure la possibilité de vivre la vie éternelle dès aujourd’hui.
Le "déjà" de la présence de son Esprit réalise petit à petit le "pas encore" de ce qui doit s’achever. Ainsi le salut de l’homme est son choix de communion au Christ toujours à renouveler pour que la Vie l’unifie et le pacifie en vie éternelle.
Vivre le célibat comme une obligation c’est se condamner à se sauver soi-même.
L’homme ne peut grandir et s’épanouir qu’en s’ouvrant au flot de la Vie qui lui est offert, qui veut l’envahir, que veut le pétrir pour que corps, âme et esprit se réconcilient en une seule respiration d’amour. Se recevant du Père et se laissant entraîner par le souffle de son Amour, son âme se dilate et harmonise son corps dans un mouvement unique de don de soi-même. En se donnant, la Vie en lui grandit et le dépasse, et elle laisse sur son passage la paix comme un parfum agréable.
Le célibat pour le Royaume n’est humainement vivable et plein de sens qu’à partir de la contemplation du Royaume dans le Christ. Seul son Esprit peut élever notre âme et notre corps pour les introduire dans l’harmonie et la fécondité qui transcendent les valeurs de cette terre.
Un jardin à cultiver
Pour cela, il nous faut cultiver jour après jour le jardin de notre foi chrétienne. Jardiner n’est pas de tout repos. Parfois c’est du travail à la sueur du front où la persévérance doit s’appuyer sur la patience et la confiance. Mais tout jardinier se met à l’œuvre parce qu’il "voit" déjà son jardin en fleurs.
Tout est d’abord don
Croire à la beauté et à la grandeur du chemin du célibat suppose se brancher sur le cœur de notre foi chrétienne : en christianisme tout commence à chaque instant par le don de Dieu !
Créé à l’image de Dieu, l’homme reçoit avant qu’il ne puisse "faire" lui-même. Jésus dit : "Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis..." (Jn 15,16). Et Jean conclut "Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés en premier" (1 Jn 4, 10).
Le mystère de l’homme ne peut se scruter qu’à la lumière de sa source : fait par l’Amour, il est fait pour l’Amour. Rien de moins que la vie en Dieu ne peut combler la soif de son cœur. Toute son énergie et toutes ses possibilités ont donc besoin d’être ordonnés au regard de ce que nous devinons en Christ de la vie de Dieu.
Jamais la "caillasse, les ronces et les mauvaises herbes" et tout le travail qu’elles occasionnent, ne pourront devenir norme ou point de repère sous peine de gâcher ou d’abandonner tout le "jardin".
Oser reconnaître le célibat (même s’il est "imposé" par l’Eglise pour le prêtre) avant tout comme un don de Dieu change non seulement notre regard, mais l’ouvre justement au mystère caché. Nous avons besoin de nous laisser surprendre comme celui qui reçoit un cadeau et essaie d’enlever l’emballage...
Accueillir un cadeau est une aventure qui comporte des risques : au départ déjà le risque de l’inconnu et de l’imprévisible. Car le cadeau entraîne dans une relation qui ne se révèle que chemin faisant. "Si tu savais le don de Dieu... !" (Jn 4, 10) est le cœur de tout appel de Dieu à l’homme au moment qu’Il l’invite à faire route ensemble.
Le célibat est l’offre du Christ à entrer dans l’aventure de sa propre vie toute unie au Père et toute tournée vers le Royaume de la vie en Dieu.
Mais que faire de nos désirs, de nos sentiments, de nos besoins naturels ? Le Christ nous dit : "Si tu savais le don de Dieu !". Il connaît notre cœur, notre corps, notre esprit. Il sait mieux que nous-mêmes qui et comment nous sommes ! Si nous choisissons de Lui faire confiance, Il ne décevra pas ! Dieu n’oublie même pas les détails pratiques quand Il appelle... Et nos désirs et nos sentiments naturels ne sont pas des détails !
Il s’agit donc de labourer le champ de notre être tout entier - mieux : de permettre que l’Amour nous travaille pour que tout notre être s’ordonne et s’épanouisse et que la vie du Royaume y puisse éclore.
Croire avec notre corps
La rencontre avec le Christ et le goût du Royaume n’est pas l’affaire de notre esprit et de notre âme seuls ! L’âme et l’esprit façonnent notre corps. Non seulement les yeux, mais l’ensemble du corps est le "miroir" de la vie de l’âme.
Il nous faut donc consciemment habiter notre corps comme partenaire privilégié de cette aventure d’amour qu’est le célibat. C’est l’apprentissage d’une relation incarnée avec le Christ incarné ! Plus mon coeur respire la grandeur de Dieu, plus mon corps s’ouvrira en harmonie. Plus mon âme goûte la tendresse et la miséricorde de Dieu, plus mon corps s’adoucira en capacité d’accueil et de tendresse. Tout ce qui peut raidir mon corps est souvent reflet de repli sur moi et rétrécissement de ma vision.
Ce n’est pas pour rien que la liturgie fait appel à tout l’être du prêtre au service de Dieu et de l’assemblée. Si notre corps fait écran au Christ qui veut se rendre présent à travers nous, nous étouffons la grâce pour nous et pour les autres. Peut-être n’osons-nous pas assez cultiver notre "vécu corporel" au cœur de la liturgie des sacrements.
Nous croyons pourtant que le Christ agit en personne à travers le prêtre au service des bénéficiaires du sacrement. Ce n’est pas un petit défi que de croire avec notre corps que nous sommes en quelque sorte le Christ qui se tient au milieu et vis-à-vis de son peuple. Qu’ en nous, le Christ ouvre ses bras, porte la prière de tous vers le Père, parle, impose les mains, donne son corps et son sang, envoie en mission ..."
De peur de nous identifier trop à Lui, ne rétrécissons-nous pas quelquefois son "incarnation" que nous sommes et devons être ? Les mains et toute l’expression corporelle du père dans le tableau du Retour de l’enfant prodigue du peintre Rembrandt nous montrent bien ce qui doit nous habiter jusque dans notre corps quand nous accueillons les pénitents dans le sacrement de réconciliation. Et que dire du sacrement des malades où le toucher en imposant les mains et en oignant la personne doit véhiculer toute la tendresse réconfortante du Christ ?
Nul doute que le souci d’in-carna-tion de notre foi dans notre ministère des sacrements "travaille" notre être tout entier et "transfigure" notre corps du dedans. La qualité d’expression dans tous nos gestes et mouvements nous aide à habiter notre corps, à l’ordonner et à l’unifier au cœur du mystère de notre sacerdoce. Peut-être que notre "culture" a besoin d’être cultivée à ce niveau pour contrer et équilibrer le penchant d’intellectualisation de notre foi et de notre liturgie qui prédomine quelquefois...
En tout cas la qualité du vécu symbolique passe par le vécu de notre corps ! On raconte qu’en Orient quelqu’un se trouve à la porte de l’église pour vérifier à la sortie si la lumière du Christ a transfiguré le visage de ceux qui ont participé à la liturgie...
Pour une fécondité surabondante
Aussi, toute vie ne s’épanouit qu’en étant féconde. La stérilité enferme et tue. Il y a donc lieu de "vérifier" la fécondité de notre célibat ! Le Christ attirait les foules et remettait debout ceux qui se trouvaient prostrés. Son autorité suscitait espérance et sa miséricorde redonnait confiance et avenir. Sa prière rayonnait la lumière et sa simple présence provoquait la joie.
Le célibat pour le Royaume ne trouve son sens que dans cette fécondité de Vie à l’image du Christ ! "Recherche la Paix et des milliers la trouveront autour de toi", disait Séraphim de Sarov. Cette paix dépasse infiniment l’assouvissement de nos désirs et besoins naturels. Elle est au contraire le fruit de ce que tout l’être s’unifie en s’ordonnant à l’Amour infini du Père.
Comme le Christ se savait à chaque instant porté et tourné vers son Père, Il recevait en permanence la plénitude de sa paix que rien ne pouvait ébranler. Et cette paix se donne comme un parfum qui se répand. Plus elle est accueillie par tout l’être de l’homme, plus elle l’épanouit et plus elle sera source de vie et de joie autour !
Seulement, l’écartèlement continuel entre les multiples désirs qui tendent vers des objets limités et extérieurs et la soif profonde de l’Absolu, est source de souffrance et d’agitation. L’accueil de la Paix passe par un combat d’apaisement et de simplification. Jésus ne nous renvoyait-Il pas à notre "chambre intérieure" (Mt 6, 6) et à "l’unique nécessaire" (Lc 10, 42) ?
"Dis-moi qui sont tes amis, disait saint Augustin, et je te dirai qui tu es...". En disant cela il visait bien les "amitiés" les "attaches" qui gèrent le vécu de notre cœur, de notre âme et de notre corps. Si ces amitiés et ces liens ne sont pas ouverts et ordonnés à la vie éternelle, elles nous enferment dans le "terrestre" et le provisoire et elles empêchent la Paix de s’établir en nous.
Il s’agit là d’une ascèse radicale et exigeante parce que le fruit visé vaut vraiment ce prix. "Ainsi donc, quiconque parmi vous ne renonce pas à tous ces biens ne peut être mon disciple" (Lc 14, 33). Et saint Jean de la Croix renchérit : "Peu importe si c’est un tout petit fil ou un câble en acier qui retient l’oiseau - tant qu’il n’est pas cassé, l’oiseau ne peut pas s’envoler..." (Montée du Carmel I, 11, 4). Mais celui qui ose prendre le risque de tout ordonner à l’unique Amour finit par chanter : "Les cieux sont à moi et la terre est à moi. A moi les nations, à moi les justes, à moi les pécheurs. Les anges sont à moi et la Mère de Dieu est à moi. Tout est à moi et pour moi, puisque le Christ est à moi et tout entier pour moi". (cf. 1 Co 3, 22-23).
"Après cela, que demandes-tu et que cherchez-tu, mon âme ? Tout est à toi et entièrement pour toi. Sois fière et ne t’arrête pas aux miettes qui tombent de la table de ton Père. Sors et glorifie-toi de ta gloire. Réjouis-toi et tu obtiendras ce que ton cœur demande (Ps 36, 4)." (Ecrits spirituels n° 26).
Le célibat pour le Royaume est ce chemin vers la Paix. Un chemin où l’homme se laisse tout entier saisir par la Vie de Dieu, en Christ afin de devenir "témoin pacifié du Tout-Puissant, sans convoitise et sans mépris, capable de devenir réellement ami. C’est cette amitié que le monde attend, une amitié qui fait sentir aux hommes qu’ils sont aimé de de Dieu et sauvés en Jésus-Christ" (E. Leclerc, Sagesse d’un pauvre, p. 151).
Chemin de communion
Le célibat du prêtre est un chemin de communion. La simple disponibilité plus grande pour le service de l’Evangile ne suffit pas pour comprendre et vivre le célibat comme un choix de vie fidèle à l’appel de Dieu qui veut l’épanouissement de tout l’homme ! Dieu ne demande pas (et l’Eglise non plus !) de sacrifier une part de notre humanité, même pour une bonne cause (cf. Gen. 22, 12) !
L’appel au célibat pour le Royaume, lié au sacerdoce ministériel ou en soi, est un appel à une intimité radicale et totale avec Dieu. Répondre à cet appel c’est accepter que "Dieu lui-même nous fasse une maison" (2 Sam. 7, 11) et nous soit notre famille. Et puisque le don de Dieu est toujours surabondant, le Christ nous affirme : "En vérité je vous le dis : nul n’aura laissé maison, femme, frères, parents ou enfants, à cause du Royaume de Dieu qui ne reçoive bien davantage en ce temps-ci, et dans le monde à venir la vie éternelle" (Lc 18, 29-30).
La véritable demeure où l’homme trouve la Paix est bien la communion. Le jardin d’Eden que nous visons comme le paradis consiste en cette harmonie entre la créature et son Créateur dont elle reçoit la Vie en permanence - cette Vie qui se partage en don et en reconnaissance et qui est ce souffle de vie qui fait de l’homme un être vraiment vivant (cf. Gen. 2, 7).
Le prêtre célibataire pour le Royaume cherche et trouve dans sa relation d’amour intime avec Dieu cette plénitude de respiration à l’image du Fils pour devenir homme de communion au milieu de ses frères. Certes au prix d’un combat permanent, car la nature de l’homme (du prêtre comme celle de tous) est divisée et elle cherche à justifier ses divisions. C’est même un combat douloureux qui met tout l’homme devant l’alternative : le vivre comme une douleur fermée qui sépare ou comme une douleur offerte qui unit ! Choisir de se laisser réconcilier est pour tous la seule voie qui libère de la solitude mortelle.
Celui qui se laisse appeler au célibat vit cette réconciliation au cœur de son intimité avec Dieu. Abandonnant le goût de la liberté égocentrique du fils prodigue (Lc 15) ainsi que la suffisance du fils aîné, il se laisse accueillir par le Père. Entrant dans ’intimité de la communion, il est conformé au Père pour devenir lui-même "père" d’une multitude de fils qu’il a à introduire et à accueillir dans la maison du père éternel. Vivant de tout ce qui est au Père, le prêtre célibataire trouve toute sa joie dans la joie du Père pour le retour de tout frère qui revient à la maison.
Cette communion aux "affaires du Père" (Lc 2, 49) est source de son "autorité" (Mc 1, 27), de la "force qui sort de lui" (Lc 6, 19), pour le Christ comme pour le prêtre. Nul doute que le temps consacré à la prière - le cœur à cœur avec le Père - est la bouffée d’oxygène indispensable à maintenir cette intimité originant la fécondité de communion.
Mais puisque "Le Père travaille toujours" (Jn 5, 17), la communion avec Lui est la demeure proposée à tout instant ! Le Christ le vivait au point qu’Il pouvait dire : "Qui me voit, voit le Père" (Jn 14, 9). Et c’est la même communion qu’Il souhaite, qu’Il demande pour ses disciples : "Moi en eux, toi en moi" (Jn 17, 23). Il s’agit d’une telle unité intime que l’image des épousailles vient spontanément à l’esprit. Ainsi Jean qui et à proximité de Jésus se sent "L’ami de l’époux qui est ravi de joie à la voix de l’époux ". Et sa joie est complète (Jn 3, 29).
La spiritualité sponsale est au cœur même de la vie du prêtre : appelé à vivre comme le Christ tout uni à son Père et lié d’un lien d’époux à son épouse qu’est l’Eglise. Sans doute avons-nous à oser approfondir cette dimension de notre vocation pour dilater notre cœur, notre corps et notre âme afin que la grâce du Christ nous rende "comblés-de-grâce". Pour notre plus grand bonheur et pour rayonner la lumière et la beauté de la vie du Christ, salut pour tous les hommes.
Le célibat du prêtre prend tout sons sens dans la proximité du Royaume de Dieu (Mc.1, 15). Se laissant saisir par le Christ, le prêtre est appelé à être signe du Royaume dans sa dimension d’éternité. Non pas hors du monde, mais dans le monde sans être du monde (Jn 17, 14). De toute sa personne il est signe de ce que l’accomplissement de l’homme ne se trouve pas à l’intérieur de ce monde, mais dans la vie éternelle du Ressuscité.
Pas surprenant que le célibat pose question à notre logique naturelle attachée à cette vie terrestre. Pour le prêtre lui-même et pour ceux à qui il est envoyé ! Car le Royaume de Dieu n’est pas la simple prolongation de cette vie sur terre. Il y a bien continuité entre cette vie et la vie éternelle, mais elle franchit un seuil décisif qui demande dépassement et conversion. Le chrétien ne peut faire l’économie du"convertissez-vous" de la Bonne Nouvelle de Jésus !
Ainsi le prêtre qui est envoyé pour proclamer la proximité du Royaume devient lui-même parole vivant de par son célibat pour le Royaume. Comme le Christ il est appelé à révéler l’œuvre éternelle de Dieu qui ouvre toute vie humaine à la plénitude céleste - dès aujourd’hui. Rempli de la "joie complète" de Jean-Baptiste, le prêtre célibataire proclame par sa vie que tout état de vie et toute vocation particulière ne trouve son aboutissement que dans la transfiguration du Ressuscité. Fasciné lui-même par la beauté de la vie divine, il ouvre à ses frères "l’espace étroit et angoissant du fini et contribue ainsi grandement à l’œuvre de la paix" (cf. Pie XII, lettre aux artistes).
Puissent tous les prêtres sans cesse puiser à cette source inépuisable d’harmonie et de paix. La joie qui en découle ajuste tout notre ministère à Celui qui veut se révéler à travers nous comme la lumière et l’espérance du monde, et qui veut emmener toute l’humanité au cœur de la Trinité.