Introduction ŕ la RécoSession


Mercredi 23 octobre 1996, 21 h. Le Père Jean-Marie Launay, du SNV, Mgr Cornet, évêque de Meaux et accompagnateur du SNV, M. Michel Fauqueux, responsable de la Cité Saint Pierre, accueillent les 284 "RécoSessionistes".

Le temps de l’accueil

Jean-Marie Launay : Voici presque cinq ans, à quelques centaines de mètres d’ici, nous étions 1 200 serviteurs des appels de Dieu, rassemblés pour nous encourager dans la mission reçue en Eglise. Dans notre dernier congrès, nous célébrions comme une chance la participation de plus en plus grande des laïcs dans nos SDV. Nous commencions à établir des ponts avec de multiples partenaires de la vie ecclésiale pour inscrire la pastorale des vocations encore trop souvent marginale ou périphérique, au cœur de la vie de toutes nos églises locales.

Oui, depuis cinq ans, d’heureuses étapes ont été franchies pour rappeler à temps et à contre-temps l’actualité pressante des appels du Seigneur. Et nous nous réjouissons lorsque, année après année, les statistiques de l’Eglise catholique ne cessent de souligner au niveau mondial une croissance en nombre de celles et ceux qui choisissent de consacrer leur vie d’une façon radicale et définitive au service de l’Evangile.

Plus près de nous, en Europe, et, bien sûr, dans notre pays, l’inquiétude reste d’actualité. Nous avons reçu la semaine dernière le rapport de synthèse des différentes enquêtes envoyées au Vatican en 1996, enquête pour laquelle nous vous avions sollicités, lors de l’hiver dernier. Celle-ci a été réalisée dans le cadre de la préparation du Congrès européen sur les vocations - à Rome du 5 au 10 mai prochain - auquel nous participerons en équipe nationale. Ce texte de synthèse, d’une très grande importance pour notre pastorale, nous ramène à la réalité vécue par la plupart d’entre nous. Je cite deux passages significatifs de ce rapport :
"Jamais, et je cite, peut-être, n’a-t-on travaillé autant pour les vocations comme à notre époque. Toutefois l’impression reste vive un peu partout en Europe qu’entre l’investissement en pastorale vocationnelle, et les résultats concrets, on constate un très grand écart."
"Peut-être,
dit toujours le rapport, jamais comme aujourd’hui, ne s’est avérée véridique cette parole de Jésus : "la moisson est abondante mais les ouvriers peu nombreux". (Lc 10, 2).

Le rapport souligne encore : "La pastorale des vocations constitue le ministère le plus difficile et le plus délicat, comparé à d’autres ministères dans la communauté chrétienne." Aussi, conscient de ces difficultés perceptibles dans toutes les enquêtes réalisées auprès de vous, difficultés qui peuvent conduire au découragement, le rapport de Rome remarque enfin : " Avec des résultats non proportionnés à la fatigue, de nombreux éducateurs se laissent prendre par le découragement et préfèrent d’autres services d’Eglise. Cette attitude de découragement et d’attente résignée de temps meilleurs, est présente dans beaucoup de nos communautés."

En rejoignant l’équipe à Paris voici un an, après six années de travail dans un SDV, comme vous, j’ai pris davantage conscience qu’il nous fallait encore plus nous abandonner à la volonté du Seigneur tout en faisant preuve d’une audace renouvelée. Le pape le disait très clairement à Reims :

"Les chrétiens de notre temps ont la même vocation que les premières générations de chrétiens et, en même temps, leur vocation est déterminée par l’étape présente de notre histoire. L’Eglise est toujours une Eglise du temps présent, elle ne regarde pas son héritage comme le trésor d’un passé révolu mais comme une puissante inspiration pour avancer dans le pèlerinage de la foi sur des chemins toujours nouveaux."

C’est pourquoi "abandon" et "audace" ne peuvent harmonieusement se conjuguer que si nous vivons entre nous une fraternité spirituelle qui nous redonne - vous ne serez pas étonnés de l’expression - un joyeux courage. Cette triple dimension de l’abandon au souffle de l’Esprit, de l’audace pour la mission et de l’échange fraternel des dons que nous avons reçus, a marqué la préparation de cette réco-session et des trois journées qui la composent.

Abandon.
L’abandon dans l’accueil, dans l’écoute de la parole, dans le silence de cette cité de Lourdes, cité de prière et dans l’accueil des trois interventions du cardinal Danneels, que nous sommes tellement heureux d’accueillir ici malgré son emploi du temps chargé, une santé à surveiller et l’actualité de la Belgique avec laquelle nous nous sentons si unis.

Audace et notre créativité apostolique. Elles seront stimulées lors de la deuxième journée, par André Dupleix, recteur de la Catho de Toulouse, qui arrivera demain, et qui a accepté de nous partager ses intuitions à l’approche du troisième millénaire de l’Eglise.
A la suite de l’exposé d’André, de nos carrefours et de la table ronde, Paul Destable nous dira comment situer l’avancée de notre pastorale des vocations dans la belle actualité de la vie de l’Eglise avec les jeunes : l’Assemblée plénière d’avril dernier, les Journées Mondiales de la Jeunesse, la préparation du Jubilé... et tous les temps forts de nos diocèses.

Partage fraternel. Nous vivrons ce partage de nos dons parce que, bien sûr, nous ne sommes pas si bien que nous voudrions, mais nous sommes bien meilleurs que ce que nous croyons. Le partage de ces dons, outre le temps des carrefours, nous le vivrons tout particulièrement samedi matin, lors du forum des productions, occasion d’aller à la rencontre les uns des autres.

Chers amis, avec Suzanne, Maurice et Eric que je remercie, avec vous tous, pour l’immense travail accompli ensemble et avec Mgr Cornet dont le soutien nous est si précieux, nous vous offrons cette réco-session pour que nous soyons des cadeaux les uns pour les autres, de la part du Seigneur et que sans cesse nous rappelions à tous l’appel que chacun a reçu personnellement de Dieu pour la vie de son Eglise.

Mgr Cornet : Je vous dis simplement mon plein accord avec les propos de Jean-Marie Launay, mais en ajoutant ma petite note. Ici, nous sommes des représentants des équipes diocésaines des SDV. Or ce n’est pas un service, même si cela en porte le nom. Je veux dire cela parce que je trouve que, souvent dans nos diocèses, le SDV prend sa place parmi d’autres services et n’a pas les moyens d’être aussi efficace que d’autres services. Et si je le dis, c’est parce que je suis persuadé, pour ma part, que ce n’est pas un service : il est une expression de la nature même de l’Eglise qui est un corps structuré, d’une Eglise qui travaille à sa structuration dans l’Esprit Saint, dans l’intimité avec le Christ et dans sa mission. C’est la première remarque complémentaire que je me permets de faire. Vous la trouverez d’ailleurs bien mieux dite mais peut-être en mots plus sobres encore, dans le texte préalable au Congrès européen des vocations à Rome.

Un second point : je renverserais la problématique de l’appel. Nous sommes des gens qui se sentent en mission d’appel. Rappelez-vous toujours que nous disons constamment dans les Psaumes : "Seigneur, je t’appelle" et ce n’est pas du tout pour dire que la première allusion à l’appel que j’ai faite est mauvaise, c’est pour dire aussi que nous sommes là pour un temps très fort de réflexion, de prière dans l’Esprit.
Enfin, reprenant encore ce que disait Jean-Marie, les merveilles de Dieu ne se mesurent pas. Je crois qu’à force de les regarder uniquement dans le passé, nous oublions de les regarder dans l’avenir. Les merveilles de Dieu sont devant nous, à nous de les découvrir dans un désir de renouveau qui s’apparente à un désir de vivre : "Que tes œuvres sont belles, Seigneur".

Jean-Marie Launay : Nous venons de 92 diocèses. Parmi ces diocèses, vous me permettrez de souligner tout particulièrement la présence du diocèse de Fort-de-France en Martinique avec le Père Zonzon. Huit diocèses n’ont pu ou voulu être présents, certains pour des raisons de santé, d’autres qui n’ont pas fait le choix dans leur agenda de cette réco-session. Nous sommes 284 réco-sessionnistes : femmes, hommes, religieux, religieuses, moines, moniales, diacres, laïcs consacrés, prêtres, missionnaires, couples mariés... 284 hommes et femmes de bonne volonté.

Mon premier salut va d’abord vers celles et ceux qui nous accueillent à Lourdes. Je remercie Michel Fauqueux, directeur de la Cité St Pierre, de nous présenter en quelques mots cette maison

Michel Fauqueux : Nous sommes très heureux de vous accueillir en tant que partenaires d’Eglise, car le Service des Vocations est un éminent service d’Eglise et le Secours Catholique n’est aussi qu’un service d’Eglise. Trois points :

Je voudrais commencer par quelques mots de Mgr Théas qui situent clairement notre mission. Le Père Théas écrivait à Jean Rodhain, le 13 juillet 1955 : "Désireux de faciliter le pèlerinage à Lourdes aux humbles et aux pauvres, j’ai pensé que le Secours Catholique pourrait réaliser un projet qui me tient à cœur et qui répond au désir de la chrétienté. Les pauvres ont eux aussi, eux surtout, le droit de profiter de la grâce du pèlerinage. Ne sont-ils pas les privilégiés de Notre Seigneur ? Aussi je charge le Secours Catholique de la gestion, de l’organisation à Lourdes d’une Cité secours pour les pèlerins pauvres." C’était il y a 40 ans. Nous sommes donc, et nous nous considérons ici, comme vous autrement, en mission d’Eglise et chargés de mission d’Eglise. Le Secours Catholique ne pouvait pas faire moins que d’obéir à cet évêque, à l’Eglise et, c’est mon deuxième point, soulager sa conscience.

En effet, Henri Lasserre, historien à Lourdes, avait rencontré Bernadette pour recueillir et écrire ses mémoires. Bernadette a vendu ses mémoires à Henri Lasserre à condition qu’avec le bénéfice de son livre il construise à Lourdes : "un asile pour accueillir ceux qui ne pouvaient pas payer l’hôtel pour venir à la Grotte". Le 13 juillet 1872, l’évêque de Lourdes a béni une plaque sous une immense rotonde qui était à l’endroit de la Vierge couronnée, sur laquelle l’évêque disait que "pour l’éternité, les pauvres seraient accueillis gratuitement à Lourdes". Deux ans après, cette rotonde a brûlé et c’est en souvenir de cette promesse non tenue que le Père Théas nous a chargés de mission il y a 40 ans.

Troisième et dernier point. L’année dernière, notre évêque a voulu, ici, présider une modeste célébration pour le 40ème anniversaire de la Cité St Pierre. Je lui avais demandé, dans un entretien préalable, d’accepter de confirmer la mission. Devant pas mal de responsables du Secours Catholique le Père Sahuquet, notre évêque de Tarbes & Lourdes, a été très bref. Il a dit : "bien sûr, je confirme la mission du Père Théas, le fossé se creuse tellement entre pauvres et riches et plus que jamais cet accueil est nécessaire", mais il nous a tous, nous les laïcs de la Cité, décontenancés par la mission qu’il nous a modifiée et renouvelée. Il nous a dit : "Je vous donne mission de donner la parole aux gens en situation de pauvreté à la Cité - je le cite par cœur -et permettez-leur, pendant le pèlerinage, de dire, de se dire les uns aux autres, leurs problèmes, leurs pauvretés, mais aussi leurs espérances et leurs projets." Il nous dit enfin :"Laissez-vous enseigner par les pauvres". C’est la mission qu’il nous a donnée et c’est ce que nous essayons de vivre aujourd’hui à la Cité St Pierre en accueillant chaque année environ 25 000 pèlerins dont 13 000 français avec mille bénévoles.

La moitié du temps, chers Pères évêques et chers amis prêtres, ces pèlerins rejoignent leur pèlerinage parce qu’ils veulent se relier à leur Eglise. Mais l’autre moitié du temps, ici, entre eux, ils se disent leurs pauvretés, leurs problèmes, leurs espérances. Nous sommes trois anciens délégués permanents du Secours Catholique, et depuis vingt ou trente ans nous avons accueilli, avec les équipes locales, les personnes en difficulté. C’est la première fois, dans notre vie de militants chrétiens, que nous sommes un peu interpellés, provoqués et surpris, par la prière et par la foi des personnes en situation d’exclusion qui ne mettent plus les pieds dans l’Eglise parce qu’ils y ont mal à l’aise. Et derrière notre évêque, notre objectif, notre mission c’est de leur redonner d’abord place et parole dans le Secours Catholique, ce qui n’est pas évident, et aussi place et parole dans l’Eglise ce qui n’est pas non plus toujours très évident pour eux.

Je terminerai simplement, chers Pères évêques, sur une interpellation. Il y a eu une "bagarre" ici entre un groupe pèlerin d’un diocèse et leur évêque. Ils se plaignaient que, dans leur cité de transit, il n’y avait pas de catéchèse et jamais de prêtre. Depuis, l’évêque a chargé les femmes qui étaient ici en pèlerinage, de la catéchèse, et elles la font. L’évêque, un peu gêné devant eux, a dit "peut-être que parmi vous, parmi vos enfants , comme je n’ai plus de prêtres, il y en aura qui seront appelés ou qui répondront à l’appel."

Je terminerai par là en disant que je suis heureux que dans l’Eglise, aujourd’hui, dans l’appel aux vocations, des évêques et des prêtres pensent aussi à ceux qui sont en situation d’exclusion. Peut-être que, parmi eux, il y en a qui vous rejoindront dans la vocation.

Jean-Marie Launay : Un salut particulier à celles et ceux d’entre vos qui viennent de recevoir leur lettre de mission de la part de leur évêque ou de leur supérieur religieux. Ils débarquent au club ! Vous le percevrez rapidement, la pastorale des vocations est décapante et passionnante ! Bienvenue dans la barque avec nous.

Enfin, nous accueillons parmi nous trois personnes que verrez fureter ici et là, dressant toutes droites leurs oreilles. Elles ont accepté la mission de glaner, ici ou là, les dominantes spirituelles et pastorales qui vont marquer cette RécoSession de Lourdes. Leur amour de l’Eglise et l’ardeur qu’elles lui donnent à des titres divers, nous permettra, dans la relecture de ces trois jours, d’avancer selon le souffle que l’Esprit nous donnera de vivre. Alors merci à Mme Monique Hébrard, journaliste, au Père Luc Crépy, eudiste, supérieur du séminaire d’Orléans et au Père Dominique Foyer, professeur de théologie au séminaire de Lille, d’être des nôtres.