Table ronde


Trois types d’intervenants à cette table ronde. En premier lieu, trois personnes du "terrain" : Mme Véronique Gallissot, P. Christophe Le Sourt et Sr François Lacombe. Ensuite, la parole est donnée aux "oreilles" de la RécoSession : Monique Hébrard, les P. Luc Crépy et Dominique Foyer. Ce sont enfin trois évêques qui concluent cet échange, les P. Cornet, Gilson et Jordan.

Mme Véronique Gallissot

Laïque, mariée, mère de famille, je suis responsable du SDV de Langres avec un prêtre du diocèse, Pierre-Jean Salmer. J’ai retenu deux points qui tournent autour de l’image collective que nous donnons de l’Eglise en tant qu’équipe SDV et autour du partenariat avec la pastorale des jeunes.
En tant que laïque, c’est devenu un petit peu un "dada" chez moi de souligner l’importance de la composition de nos équipes SDV. Si on remonte à 10, 20 ou 30 ans, ce n’était pas une évidence qu’il y ait des laïcs dans une équipe diocésaine et, en plus, des laïcs responsables. Je trouve que c’est une belle image qu’on donne ainsi. Je crois qu’à travers cette composition diverse de prêtre, religieux, laïc et diacre, petit à petit, le SDV peut être un laboratoire pour le diocèse. Une image de l’apprentissage d’un travail en partenariat qu’on est en train de découvrir très fort dans l’Eglise. J’aime bien cette image de laboratoire. Nous posons un signe dans la façon que nous avons de fonctionner entre nous.

On pose un signe, également, dans le style de nos rencontres. La prière, la formation, l’écoute que l’on a des réalités de nos diocèses, de ce qui fait la vie des jeunes, le style de nos rencontres doit aussi poser un signe. On est et on devrait être le dernier lieu - s’il n’en restait qu’un - d’espérance au cœur de l’Eglise dans une époque où on souffre beaucoup de ce manque de prêtres. Pour l’instant, on est dans un creux mais je crois que s’il est un service qui doit tenir très haut la petite flamme de l’espérance, c’est le nôtre. Il est d’autant plus important que les laïcs soient là pour le faire aussi. Je sens, depuis six, sept ans que je gravite dans les SDV, le poids que cela représente pour les prêtres et notamment pour les prêtres plus âgés, de voir moins de jeunes se lever pour prendre la suite de leur mission. Nous laïcs, nous avons à être là pour porter cela avec eux, pour avoir foi avec eux et pour eux s’il le faut. Le SDV est le lieu idéal pour aimer les vocations des uns et des autres, chose qui n’est pas forcément évidente. Je crois que c’est un lieu de conversion et un lieu où on apprend l’amour de l’Eglise. C’est peut être évident pour des prêtres et des religieux qui ont fait un noviciat, une formation en séminaire, qui se sont confrontés à l’ecclésiologie, la théologie... Alors que pour un laïc qui arrive en SDV, c’est souvent la première fois qu’il se pose la question : "Si vraiment il n’y avait plus de prêtres, l’Eglise existerait-elle toujours ou pas ?" Je crois que le SDV est un lieu de conversion pour se respecter.

J’aborde maintenant le partenariat avec les jeunes. Notre diocèse n’est pas très grand, ce qui fait qu’on peut en connaître la majeure partie. Eh bien, nous nous rendons compte qu’il y a une énorme conversion de la part des animateurs et accompagnateurs de jeunes, que ce soit en aumônerie, JOC, MRJC, Scoutisme... lorsque nous abordons cette question des vocations. J’aimais bien l’expression d’Hippolyte Simon : "Appeler c’est servir une liberté". En SDV, on apprend à être au clair avec cela ou alors on quitte l’équipe. Cette question, nous la posons donc à ces animateurs : "A un jeune chez qui vous sentiriez un appel à donner plus, peut-être à donner tout, êtes-vous prêts à offrir ce service d’un temps d’accompagnement privilégié, ponctuel, qui ne le retirerait pas de votre service ou de votre lieu d’Eglise mais qui serait pour lui un temps gratuit, un temps cadeau pour qu’il approfondisse sa foi et laisse mûrir une vocation à la vie presbytérale ou religieuse ? Etes-vous persuadés que c’est vraiment un service et un cadeau que vous lui feriez en l’invitant à une rencontre proposée par un SDV, une communauté religieuse, ou autre ? "

Si on pose franchement cette question, et si on échange au plus profond de nous, on voit que beaucoup ont une énorme conversion à faire et ont besoin de se dire leurs blocages, leurs peurs. Si, déjà, on arrive à travailler cela avec tous nos co-animateurs de jeunes, on aura déjà labouré quelques sillons, on aura avancé dans notre travail.

Enfin, pour terminer, ce petit slogan : pas de SDV sans laïcs. Je crois que les laïcs, qui sont le gros du terreau de nos communautés chrétiennes, une fois motivés, vont pouvoir aider les SDV à faire ce petit travail de fourmis locales pour pousser le questionnement. N’hésitez pas à inviter ces laïcs à venir chez vous, parce que vraiment, c’est un lieu de conversion dont je suis prête à venir faire de la pub !

P. Christophe Le Sourt

Je suis prêtre diocésain au Mans et responsable du SDV. Pour commencer, juste un mot à partir de l’amour de l’Eglise. C’est ce que je retiens le plus comme élément moteur du partenariat à vivre avec nos SDV et les différentes instances diocésaines.

Quand on prend les différents mots qui sont un peu les mots clés de notre pastorale des vocations, on a à sensibiliser, éveiller, accompagner. Je crois que le partenariat est absolument fondamental pour pouvoir permettre la sensibilisation et l’éveil. On sait que pour la sensibilisation et l’éveil il y a deux grandes théories, celle des germes de vocations et la celle de l’interpellation. Du côté de la théorie des germes de vocations, on voit bien qu’il faut un terreau favorable, c’est à dire qu’il faut des communautés vivantes, accueillantes mais bienveillantes. D’où l’importance de tout ce qui vient de se vivre dans l’Eglise de France, en terme de restauration de nos paroisses, de nos communautés vivantes. Tout cela pour faire en sorte qu’il y ait toutes les tranches d’âge à l’intérieur d’une même communauté chrétienne. Pour faire en sorte aussi qu’il y ait l’a priori de bienveillance pour tous les courants, mouvements et spiritualités, à l’intérieur de notre Eglise.

On l’a dit à plusieurs reprises, notre objectif n’est pas de faire en sorte qu’il y ait un maximum de jeunes qui rejoignent nos SDV, mais bien que le SDV ait le souci de sensibiliser toutes les communautés chrétiennes à toutes les vocations. Et l’on voit bien que l’élément moteur de cela c’est l’amour de l’Eglise, c’est à dire, notre propre
attachement à l’Eglise du Seigneur, cette Eglise qui est servante du monde. Et puis, nous avons aussi le souci de faire en sorte que tous les mouvements et services aient la conviction qu’on ne veut pas mettre la main sur des jeunes mais qu’on veut bien avec eux servir leur liberté.

Sr Françoise Lacombe

Je suis religieuse du diocèse de Tarbes & Lourdes et je suis au SDV de ce même diocèse. Je voudrais parler du repérage des jeunes, du discernement et de l’accompagnement des vocations.

Le Seigneur appelle toujours, c’est lui qui a l’initiative. Dans les aumôneries, les différents mouvements, certains jeunes cheminent vers un discernement. Ces lieux sont privilégiés pour certains. C’est aussi un champ à moissonner. Nous avons entendu qu’il fallait semer sur tout le terrain, il y aura bien un petit peu de bonne terre et la semence jaillira. J’ai à cœur tous les jeunes qui ne sont pas dans les aumôneries, les mouvements et qui sont aux frontières de l’Eglise. Le champ à moissonner est immense ; comment repérer l’appel de ces jeunes ? Avons-nous assez d’audace ? Ne restons-nous pas trop dans le confort de nos SDV ? Quels moyens nous donnons-nous ? Quelle formation ?

Mme Monique Hébrard

Je voudrais donner quatre points.

1- D’abord l’oreille sur les grandes interventions de cette session.
Jean-Marie Launay avait commencé par nous dire que nous allions nous partager entre l’abandon et l’audace. Ces deux mots ont été bien illustrés par nos deux grands intervenants. Avec le cardinal Danneels, nous sommes bien entrés dans ce temps de l’abandon avec cette acceptation de l’exil, de cette réalité d’une Eglise pauvre, nue et pécheresse et dans la contemplation d’un Dieu qui enfante dans la tendresse. Nous étions au Cénacle et il était bon d’être ensemble.

Ce matin, j’ai eu l’impression qu’André Dupleix nous donnait les fondements pour exercer notre audace dans la mission. Certains ont regretté qu’il ne donne pas de solutions plus précises, plus concrètes. Personnellement, j’ai trouvé que dans ce qu’il avait donné, il y avait les fondements pour réfléchir à toutes les solutions précises, concrètes et audacieuses. Comme quoi, cela illustre ce que disait le cardinal Danneels : il faut plusieurs voix pour faire l’Eglise.

A propos des grands surgissement spirituels dont parlait André Dupleix, et qui ont toujours renouvelé l’Eglise, il me semble évident, pour moi qui suis observatrice de cela depuis quelques années, que nous vivons dans un monde d’intenses surgissements spirituels. Mais je crois que ces époques de surgissements spirituels ne sont pas confortables parce que cela surgit de partout, dans le désordre complet, avec un intime mélange de bon grain et d’ivraie. Donc ce qu’il nous faut exercer, avec ô combien de compétence et de spiritualité, c’est le discernement.

Vous avez tous rencontré des jeunes qui ont fait un cheminement spirituel que j’oserais qualifier d’authentique dans une secte ou dans le Nouvel-Age, ils ont commencé un cheminement. Donc les accueillir, les emmener plus loin... Pour ce qui est des surgissements spirituels à l’intérieur de l’Eglise, je crois que le discernement n’est pas non plus toujours facile. Quand nous parlons de Thérèse d’Avila, de St François d’Assise, nous avons le recul pour faire une lecture pacifiée. Mais sûrement, pour leur temps, pour leurs contemporains, ce ne fut pas facile non plus.

2- Et c’est une autre oreille que je vais vous renvoyer. C’est l’oreille de la journaliste qui traîne depuis vingt-cinq ans dans le monde et depuis quinze ans, en plus, dans les affaires d’Eglise. Je voudrais vous renvoyer à vous-même, ce que j’entends ailleurs qu’ici, et que, paradoxalement, je n’ai pas beaucoup entendu durant ces deux jours. Ne prenez pas cela comme autre chose qu’un reflet des questions que l’on se pose ailleurs et peut-être chez vous aussi.

En fait, c’est une seule question mais j’ai plusieurs points pour l’illustrer. Et cette question c’est ce qu’on appelle vulgairement le manque de prêtres. C’est seulement un aspect de vos SDV mais qui, dans l’opinion publique, est l’aspect qui est le plus retenu. Et, à partir de là, il y a un certain nombre de constats et d’interrogations.

D’abord constats : ce manque commence à être vécu aussi bien dans les communautés chrétiennes qu’à l’extérieur. Dans les communautés catholiques, disons, pour être précis, je pense que dans dix ans des gens vraiment manqueront de messes. C’est déjà le cas dans certains lieux. Alors qu’est-ce que nous faisons ? Est-ce que nous ne sommes pas en train de donner plus de place à la parole qu’aux sacrements ?

Cette présence, les jeunes en sont particulièrement privés. Je pense à une réflexion de mon fils quand il était au lycée. Il a eu, pour la première fois, contact avec un prêtre alors qu’il avait quinze ans. Je me souviendrai toujours de sa joie et de la découverte de cette rencontre pour lui. Autre souvenir, toujours avec mon fils, ce doit être à peu près au même moment, il est allé au FRAT - le rassemblement des jeunes d’aumôneries de région parisienne - il était en 4ème, 3ème et il a eu là l’occasion de vivre une célébration de réconciliation. C’était la première fois qu’il vivait cela aussi. Et quand je lui ai demandé, au retour du FRAT, "Qu’est-ce que tu as préféré dans ce Frat ?" il m’a dit : "La confession" car il avait pu se confesser. Et je me dis "quid aujourd’hui" de ce sacrement de réconciliation ? Pas seulement les célébrations collectives mais aussi le contact personnel, tellement important dans une pédagogie de construction de la personne et de guérison dont les gens ont tellement besoin aujourd’hui. Quid de ce sacrement ?

Je disais aussi le prêtre manque aussi aux gens qui sont loin de l’Eglise. Hier le cardinal Danneels a dit : on va chez le psy, on va... etc. et après on arrive chez le prêtre. J’ai entendu aussi très souvent : "Il n’y a plus de prêtres pour répondre à notre angoisse existentielle, à nos expériences mystiques... à des expériences qu’on fait un peu partout. Donc on va à la librairie ésotérique ou on va chez le gourou." Aujourd’hui, il y a une demande de sacré qui est souvent, comme le dit très bien Jean Vernette, un "sacré païen", mais ce n’est pas une raison pour ne pas le cueillir au passage, l’accueillir et l’accompagner , et évangéliser ce sacré.

Il n’y a pas que les prêtres qui peuvent faire cela, c’est évident, il n’y a pas qu’eux qui le font, mais ils le font d’une autre manière. Nos contemporains ont cette demande d’un prêtre, d’un homme qui représente pour eux le sacré.

3- Les deux dernières questions, ou interrogations, viennent plutôt de l’intérieur de nos communautés chrétiennes. Vous devinez peut-être ce que j’allais dire : "Pourquoi n’ordonne-t-on pas des hommes mariés, voire des femmes ?" mais j’ose à peine le dire. C’est une question qui a été votée, à tort, puisqu’elle n’est pas canonique, dans un très grand nombre de synodes. Dans ces synodes, les gens étaient à l’écoute de l’Esprit, ils n’étaient pas là pour revendiquer, pour dire n’importe quoi, ils étaient dans une attitude d’écoute de l’Esprit. Faut-il ou non entendre un appel de l’Esprit dans ce qui est ressorti de ces synodes ? Cette question ouverte, j’aimerais bien qu’on ne la ferme pas, qu’on ne la résolve pas non plus forcément dans les deux jours car ce sont des questions graves.

Conjointement, je regarde vivre nos Eglises-sœurs, qui ont des prêtres mariés, les orthodoxes, ou bien les melchites, c’est à dire les Grecs catholiques. Il y a peu de temps, en Israël, j’ai rencontré des prêtres mariés melchites ; cela n’empêche pas d’ailleurs qu’il y ait un clergé célibataire, que les deux co-existent et ont un regard complémentaire sur la mission. J’ai eu l’occasion d’écouter, d’entendre, des femmes ordonnées dans la communion anglicane. Elles posent des questions, leur témoignage est beau. L’Esprit n’a-t-il pas quelque chose à nous dire aussi par les Eglises-sœurs ?

4- Mon dernier point : j’ai été frappée par le nombre d’entre vous qui disent : "Notre travail en SDV est dur. On se sent mal relayé, y compris par les prêtres." Quelqu’un disait dans le carrefour : "Le jour du dimanche des vocations, j’étais dans une église où le prêtre n’a fait aucune allusion, dans son homélie, à ce dimanche."

Mais, autre point d’espérance, dans la mesure où vous êtes des équipes qui sont en train de prendre une consistance à la fois humaine et spirituelle : je crois que vous allez être attendus comme le Messie par tous ceux qui ne savent plus trop comment parler de la vocation, ni comment appeler. Vous y avez un peu plus réfléchi, vous y avez le cœur et aussi des méthodes. Alors osez, de plus en plus, osez proposer vos services et votre parole partout en pensant que vous êtes vraiment des envoyés qui sont attendus.

P. Luc Crépy

Je voudrais vous faire part de quatre points que j’ai relevés en laissant traîner mes oreilles depuis le petit déjeuner jusqu’au bar, tard le soir.

1- Le premier point, c’est une grande satisfaction de la plupart des participants à cette rencontre dans le fait que ce soit une Réco-session. J’ai l’impression que cela fait l’unanimité. Dans le train, certains parmi vous me disaient : "On est content de venir à Lourdes, on va pouvoir souffler, on va pouvoir discuter, on va pouvoir se reposer, prier." Aussi bien des laïcs que des prêtres. Je crois que ce concept nouveau de RécoSession a été très apprécié.

Il a été apprécié parce que les uns et les autres sont très actifs dans leur SDV mais aussi parce que l’apport du Père Danneels a permis d’essayer de traduire dans la foi la situation vécue au niveau des vocations. L’apport du Père Danneels a tout particulièrement permis d’intégrer une dimension spirituelle aux difficultés que les uns et les autres vivent dans la pastorale des vocations. Je suis tout à fait d’accord avec ce que disait Monique : quand on vous entend, on entend que c’est dur, que c’est difficile, on tombe parfois dans un activisme un peu forcené. Le fait qu’une récollection puisse donner le temps d’approfondir et d’aller à l’essentiel, c’est important. Je me dis qu’une telle formule pourrait être utilisée dans les différents diocèses ; voilà peut-être qui peut donner à réfléchir et que vous pouvez emporter dans vos bagages. Le seul inconvénient, j’ai entendu cela tout à l’heure, avec une RécoSession qui n’est pas un grand congrès où on ne va pas prendre des décisions très précises, c’est que vous risquez de repartir avec plus de questions que de réponses, mais c’est peut-être aussi l’enjeu d’une RécoSession.

2- Le second point, c’est la question de l’interprétation de ce que nous vivons actuellement, spirituellement, dans l’Eglise au niveau des vocations comme situation d’exil. Je sais que ce terme a enthousiasmé beaucoup d’entre vous, mais, en discutant avec les uns et les autres, on peut se demander si d’une part ce terme n’est pas trop faible, ou si, d’autre part, il n’est pas trop fort.

Trop faible, quand on discute avec des religieuses, en particulier - c’est valable aussi pour des religieux - dont un certain nombre de congrégations religieuses féminines sont vraiment en fin de parcours. Dans des congrégations religieuses féminines où la plus jeune a 65 ans, est-ce qu’on peut encore parler d’exil ou est-ce qu’il faut parler de mort lente ? J’en discutais avec l’une d’entre elles et elle me disait : "Pas du tout. Finalement, cette situation nous oblige à repenser notre charisme, peut-être à envisager une re-fondation, une fusion avec d’autres congrégations, à repenser la vie religieuse." Finalement, ce mot d’exil n’est peut-être pas si faible que cela, il correspond aussi même à des situations qui paraissent dramatiques ou difficiles et il traduit une certaine espérance, même dans ces situations difficiles.

Ce terme d’exil n’est-il pas trop fort ? Il y a de grands absents dans cette rencontre, ou du moins dans les discours qui ont été prononcés, ce sont les communautés nouvelles. On n’a pas beaucoup parlé des communautés nouvelles. Est-ce que l’exil n’a pas pris fin, déjà, dans les Communautés nouvelles ? Est-ce que, dans notre Eglise de France, il n’y a pas des lieux où l’exil est fini ? A vous entendre, il y a des endroits où le problème des vocations n’est plus un problème. Le problème est plutôt de savoir s’il faut agrandir les locaux de telle communauté, s’il faut discerner. On entend aussi l’aspect un peu conflictuel des relations entre les SDV et telle ou telle communauté qui grandit et qui "nous prend "nos" jeunes et qui discerne un peu rapidement", etc. Comment interpréter, comment vivre dans la foi, comment comprendre cet essor des vocations que l’on trouve dans un certain nombre de communautés nouvelles et qui est quelque chose de tout à fait réel dans l’Eglise de France ?

3 - Troisième point que je voudrais souligner et qui revient de manière très forte dans tous les débats, c’est le rapport entre l’Eglise et le monde. On sent que le lieu de la pastorale des vocations est vraiment un lieu où cette question du rapport Eglise-monde doit être traitée, réfléchie, approfondie.

On a évoqué l’importance de la formation. S’il y a un point théologique qu’il faut creuser, approfondir, s’il y a quelque chose qu’il faut chercher au niveau de la spiritualité, c’est ce rapport-là. Je donnerais trois exemples : le cardinal Danneels a beaucoup parlé des pathologies ou des climatologies difficiles dans notre monde. Cela aurait été intéressant qu’il puisse aussi s’appuyer sur les points forts de notre monde d’aujourd’hui et qui nous permettent aussi d’annoncer l’Evangile. Quand on éduque un jeune, on ne s’appuie pas simplement sur ses côtés difficiles mais on s’appuie aussi sur ses côtés forts. Il faut encore retravailler ce rapport Eglise-monde.

Autre exemple. On a beaucoup parlé de ce monde en changement et du changement de l’Eglise. Qu’est-ce qu’on entend par la nouveauté ? Qu’est-ce qu’on entend par le changement ? Quel est le statut de la nouveauté du changement du monde et de l’Eglise ?

Troisième exemple. On a dit plusieurs fois qu’il fallait oser parler aux jeunes. Certains, dans les carrefours ont dit : "C’est bien d’oser une parole vis-à-vis des jeunes mais n’est-il pas nécessaire, pour que cette parole puisse être entendue et porter du fruit, qu’on s’interroge aussi sur les conditions de réception de cette parole chez le jeune ? Un certain "vivre avec le jeune" n’est-il pas nécessaire pour pouvoir oser une parole ? Quand je dis un "vivre avec le jeune", je m’interroge automatiquement sur mon rapport avec le monde des jeunes.

4 -Dernier point. J’ai l’impression qu’au cours de cette rencontre il y a une certaine prise de conscience des enjeux spirituels et ecclésiologiques des SDV. Qu’est-ce qu’on entend quand on écoute les difficultés de travailler avec les autres mouvements et services des diocèses ? Parfois ça se passe très bien. On entend parfois : "Oui, attention aux SDV, est-ce qu’ils n’organisent pas leur réseau de jeunes qui vont se superposer ou prendre d’autres jeunes ?" D’autres disent : "Finalement, nous, SDV, la seule chose sur laquelle on nous juge, c’est le nombre de séminaristes ou de religieux, religieuses, qui entrent au mois de juin dans un séminaire, dans une congrégation." Et ils s’entendent dire : "Combien vous avez de jeunes ? Ecoutez, vraiment ce n’est pas sérieux, un SDV, autant passer par autre chose." Ou alors :"Oh c’est très bien, cette année il y a au moins trois séminaristes et quatre religieuses !"

Cette question du rendement que le P. Danneels a souligné en disant : "Attention, le fonctionnement de l’Evangile, le fonctionnement de l’Esprit, le fonctionnement de l’Eglise n’est pas sous ce mode-là." Je me dis alors que le SDV - je reprendrai ce que disait le P. Cornet en commençant notre rencontre - n’est pas un service tout à fait pareil aux autres services, il n’est pas au-dessus des autres services. J’ai envie de dire qu’il est au service des autres services parce qu’il est au service de la construction du corps qu’est l’Eglise, au service de la vie même de l’Eglise à travers l’appel. Je crois que c’est un enjeu d’abord spirituel et ecclésiologique qui doit animer un SDV. C’est peut-être le plus important de notre rencontre, de notre RécoSession que de repartir convaincus de cet enjeu spirituel et ecclésiologique et de trouver les moyens concrets pour le mettre en œuvre, là où nous serons.

P. Dominique Foyer

J’ai entendu énormément de choses et je suis émerveillé du foisonnement de cette RécoSession. J’essaie de regrouper mes impressions, forcément subjectives, autour de trois mots : décalage, déplacement, défi.

1 - Décalage. Il faut l’avouer, il y a quand même un certain décalage qui a été ressenti par nombre d’entre vous entre le discours optimiste, volontariste même, entendu lors de cette RécoSession, et la dure réalité vécue dans nos SDV. Par exemple, on a mentionné dans certains carrefours le fait que les jeunes sont de plus en plus en situation catéchuménale pour ne pas dire de simple évangélisation. On a parlé aussi de leur pratique sacramentelle qui semble problématique, incertaine même, bien que l’on puisse dénoter aussi une certaine soif du sacrement. Peut-être cet optimisme est-il un optimisme forcé, une sorte d’auto persuasion ?

Un autre décalage ressenti lors de la méditation du cardinal Danneels sur l’exil. Méditation un peu sévère, peinture un peu tragique, de notre situation actuelle. Ce n’est pas sans raison qu’on a évoqué St Augustin ou Bernanos. Méditation sur l’exil en décalage avec la réalité de nos diocèses, réalité qui n’est finalement pas si triste que cela. On a parlé de la générosité des jeunes, de leur désir de se donner, de la soif de Dieu et de sa présence qui se révèle chez certains et on se dit : le cardinal n’est-il pas un peu trop pessimiste dans sa vision du monde ? Alors optimisme forcé ou bien pessimisme exagéré ?

2- Je crois que nous sommes conviés à un déplacement que je qualifierai forcément de théologique. Effectivement, il n’y a pas à choisir entre l’optimisme et le pessimisme mais il y a bien à choisir l’espérance. Quelle espérance ? Eglise, quelle est ton espérance ? Dans un carrefour on disait : "Au fond, notre mission en tant que SDV, c’est peut-être d’abord de "rendre compte de l’espérance qui est en nous" pour reprendre la formule de la 1ère lettre de Pierre." Donc découvrir, re-découvrir ou mieux découvrir ce qui est au cœur de la mission des SDV. Certains disent qu’il s’agit de nous situer mieux et en vérité par rapport à la mort et à la résurrection du Christ. Non pas s’adapter au monde mais s’adapter au Christ qui vient dans ce monde. C’est un mystère devant lequel il faut se situer et qui, inévitablement, nous invite à la conversion. Au cœur de la mission du SDV, il y a peut-être d’abord la conversion.

On a évoqué également la force du témoignage. Là aussi c’est un déplacement. Avant de penser à faire, à ce que l’on va faire, à qui va faire, à comment on va faire, il y a peut-être d’abord à se dire et à se redire : qui être, comment être ? Le mot témoignage est intéressant parce qu’inévitablement il nous ramène à la catégorie du martyre.

L’oreille entend beaucoup de choses et elle entend aussi... ce qu’elle n’entend pas. On n’a pas parlé, en tout cas je ne l’ai pas entendu, du rapport Dagens : "Proposer la foi dans la société actuelle". Cela a peut-être quelque chose à voir avec le témoignage et avec ce déplacement théologique auquel nous sommes conviés. Dans un carrefour on disait : "Il ne s’agit plus tellement de réfléchir d’abord sur comment appeler les jeunes, mais comment entendre et faire entendre les appels que les jeunes adressent aux institutions, aux communautés ecclésiales et à l’Eglise tout entière ? Comment entendre et faire entendre les appels qu’ils lancent eux, les jeunes ?" Bien sûr ce n’est pas facile mais, comme disait une participante dans un carrefour : "Regardons-nous et souvenons-nous du chemin que nous-mêmes nous avons dû parcourir pour arriver jusqu’au SDV, jusqu’à prendre une responsabilité dans un SDV". Voilà pour le déplacement.

3 - Enfin, un défi. Le cardinal nous rappelait que nous sommes acculés à l’espérance, acculés à la Foi et nous entendions bien avec le P. Dupleix que nous étions mis au défi de l’innovation. Oui, de l’audace, il faut de l’audace, il y a des initiatives à prendre. Alors j’ai retenu simplement quatre lieux du défi, quatre exemples, si l’on veut.

D’abord tout ce qui tourne autour de : redéfinir la mission des SDV. Comme le dit le Père Cornet, ce n’est pas un service parmi les autres. Un participant d’un carrefour disait : "Au fond l’affaire du SDV, c’est tout ce qui a trait à l’identité profonde de l’Eglise, tout ce qui a trait à la structure vocationnelle de l’Eglise." Un autre disait : "Le SDV doit être le poil à gratter dans l’Eglise diocésaine". Ça c’est un déplacement considérable et c’est un défi.

Deuxième défi : Donner soif de Dieu, donner le goût de l’Evangile. Mais comment faire ? Comment stimuler, comment encourager la vie de prière, le silence ? Quel accueil proposer ? Quelle qualité de témoignages ? Finalement autour de cela, je pense qu’il y a tout ce qui touche à la pédagogie chrétienne dans notre société, dans notre Eglise ; la pédagogie chrétienne sous toutes ses formes. Il y a là un chantier à continuer.

Troisième défi. On a parlé de complémentarité entre le SDV et les autres composantes de la vie de l’Eglise. Mais comment faire fonctionner cette complémentarité ? Dans la réalité, comment est-ce que ça marche ? Question pratique, très pratique : Où mettre nos énergies ? Il semble bien que le SDV a, en tout cas, un rôle de mise en relation, de carrefour, faire se rencontrer, faire circuler cette énergie.

Et puis, quatrième défi : puisque les jeunes lancent des appels et qu’il s’agit de les faire entendre, tout cela ne peut aboutir qu’à convertir les institutions, convertir les institutions de l’Eglise. Mais alors, là aussi, où mettre l’accent ? "Peut-être bien, suggérait un participant d’un carrefour, que les critères énumérés par le cardinal peuvent être utilisés très largement dans la vie de l’Eglise, pas seulement à l’intérieur des SDV. Les critères concernent l’Eglise comme vocation chrétienne et pas seulement le discernement des vocations spécifiques."

Père Louis Cornet

Evêque, je sens que ça bouge dans les diocèses. Ça bouge de multiples manières : dans les équipes de vocations, dans les mouvements de jeunes, dans les rassemblements de jeunes. Aujourd’hui, on peut poser la question de la vocation. Les 850 jeunes du diocèse de Meaux présents au Frat ont été interrogés. 34 % ont répondu que la question "vocation" les intéressaient.

Cela me pose la question du terrain. Je me permets de penser que la passivité d’un grand nombre de chrétiens, voire leur allergie à la question des vocations appelle une stimulation, une sensibilisation qui n’est que commencée.

En vous écoutant les uns les autres, je crois qu’il est absolument indispensable que l’on réfléchisse. Nous disons vocation pour qui, pour quoi ? Nous avons dit pour qui et peu pour quoi . Ce que je veux dire c’est qu’on ne peut imaginer le rôle du prêtre, dans les dix ou quinze années à venir, comparable à ce que nous avons nous-mêmes reçu ou vécu.

Je pense enfin que nous allons revenir chez nous porteurs d’un souci de la communion dans nos services, de la communion avec les uns ou les autres ; cela dépasse les questions de partenariat. Nous reviendrons donc de Lourdes avec un souci qui s’est enraciné dans la prière, dans la vie fraternelle, dans le souci que nous avions les uns des autres et que le Secours catholique a manifesté à notre égard. Et cette communion est missionnaire et appelante.

Père Thierry Jordan

Je suis évêque depuis neuf ans exactement. Il se trouve que tout à fait par hasard j’ai été "affecté" dès ma nomination à la Commission de la Vie consacrée et j’y appartiens encore pour quelques jours. Je vais faire de la publicité pour mon sein ! Je n’ai pas pu être avec vous hier mais j’ai entendu ici qu’il y avait eu plusieurs références au Cénacle, comme lieu évangélique de recueillement, de partage, de prière et d’accueil de l’Esprit Saint. Je voudrais vous recommander un autre lieu très important et qui peut être pour nous source de réflexion. Ce lieu c’est le Thabor. Vous connaissez tous cette question qui a été la nôtre quand nous étions plus jeunes et que nous répercutons à d’autres, actuellement, plus jeunes que nous : "Venez et voyez" . Cette question-là, le Christ n’est-il pas en train de nous la poser en ce moment ? Nous voulons tellement bien faire pour les plus jeunes, nous leur disons "Venez et voyez et allez voir le Maître, il est là, on y va ensemble." Est-ce que Jésus ne nous pose pas cette question en ce moment ? Est-ce qu’il ne veut pas nous emmener sur cette montagne car la montagne est le lieu où Dieu se révèle et où on peut peut-être appréhender quelque chose de lui, tout en tremblant ?

Si nous entendons cette question pour nous, maintenant, emportons comme livre, pour lire là haut, l’exhortation apostolique Vita consecrata. Il ne faudrait pas que le fait que ce soit l’exhortation qui vient en conclusion du synode sur la vie consacrée fasse que les non-consacrés au sens strict se disent : tiens c’est un document pour les religieux. Il y a énormément de choses à comprendre là. Il faut que les appels soient enracinés dans la vocation baptismale des chrétiens. Toute la première partie de l’exhortation nous parle de cela. Qui est celui à qui nous donnons, à qui nous avons donné notre vie ? C’est celui qui est consacré par le Père dans l’Esprit Saint.

Notre pastorale des vocations, je vais dire quelque chose d’affreux, n’est-elle pas trop "christique" uniquement et pas assez trinitaire ? Il me semble que le Christ appelle parmi tous ses disciples quelques-uns à être des témoins de son intimité pour qu’ils soient capables ensuite d’en bien parler et d’en bien témoigner. Et s’il nous faisait signe aujourd’hui pour être témoins de sa Transfiguration ? Toute la première partie de l’Exhortation porte là-dessus.

Je dis juste un mot de la suite à cause de certaines questions qu’on me pose, qu’on vous pose certainement très souvent. Chaque fois qu’on rencontre un groupe de jeunes, il y a des questions sur nous parce que, ce que nous sommes paraît inconcevable dans le monde d’aujourd’hui. Il n’y a pas d’hostilité, ce sont souvent des questions de curiosité amicale : "Mais comment est-ce que c’est possible ?" La semaine dernière, des confirmands m’ont dit : "Est-ce que vous êtes déjà allé avec une femme ? Combien gagniez-vous ?" sous entendu, quel est votre type de vie, etc. "Comment vous vous situez par rapport à des choses qui sont importantes pour nous, dans un monde tout bouleversé ?" Ce sont des questions de l’existence que l’on nous pose. Cette exhortation nous montre que nous n’avons pas à être timides par rapport au monde, ni à le regarder d’une façon qui ne soit pas en sympathie. Nous avons à accueillir les grandes questions du monde comme des défis à l’intérieur de notre cœur.

Ceci est particulièrement vrai pour les consacrés par la profession des conseils évangéliques, mais c’est vrai aussi pour ceux qui, d’une certaine manière, ont tout quitté pour le Christ pour aller dans un ministère diocésain. A l’intérieur de cet appel nous avons des défis pour répondre à d’autres défis. Et nous répondons au défi du matérialisme par celui d’une pauvreté de vie. Et nous répondons au défi d’une liberté à tous crins par le "non pas ce que je veux, mais ce que tu veux..." etc.

L’image qu’on a de nous est souvent : soit c’est impossible, soit tous ceux qui vont être là-dedans vont se priver de quelque chose du monde et on ne comprend pas. Il faut leur faire comprendre que finalement tout cela est une réponse d’amour à un amour encore plus grand. Comme St Paul qui nous dit : "Les gens se figurent que nous avons tout perdu alors que nous avons tout."

Père Georges Gilson

Ça bouge, disait Louis tout à l’heure, moi je dirais plutôt que ça roule ! Je viens d’un diocèse où il y a les 24 heures du Mans, pour aller dans un diocèse où il n’y a pas tellement de courses automobiles mais il y a l’A.J. Auxerre. , comme vous savez, et on gagne au foot chez nous !

Je voudrais partager avec vous, le témoin que je suis, depuis vingt ans que je suis évêque, et que je participe à cette assemblée plénière de l’épiscopat français. Je dois dire que c’est assez extraordinaire de voir comment cette institution qu’est notre Eglise roule sur la route des hommes et accepte de se remettre en cause. Je voudrais vous donner un témoignage dans deux champs d’action.

1 - Le premier champ c’est le travail de la CEMIOR, la commission épiscopale des ministères ordonnés, à l’assemblée plénière, nous allons présenter trois dossiers et cela vous intéresse au plus haut point.

Le premier, évidemment, c’est de conclure le dossier sur le ministère et la vie des diacres permanents. Nous avons ouvert ce dossier il y a deux ans. Voilà un phénomène nouveau tout neuf, dans notre Eglise en France : il y a 1 350 diacres environ. Vous le savez, nous ordonnons en ce moment, nous, les évêques, dans un certain nombre de diocèses, plus de diacres permanents que d’évêques... pardon, que de prêtres. (rires) Mais, après tout, c’est aussi un problème que d’ordonner des évêques, c’est pas si simple à trouver ! Nous allons donc choisir douze balises et je trouve que la méthode est intéressante. : nous nous refusons à faire une synthèse doctrinale, une sorte d’enseignement complet qui nous enfermerait au moment même où nous sommes sur la route, où nous cherchons les uns et les autres à bien situer ce nouveau ministère. Je crois que nous n’avons pas encore bien résolu la place de l’appel vocationnel ou, comme nous disons de l’interpellation à ces adultes qui reçoivent une part du ministère ordonné. Je crois que là dessus il nous faudra bien un jour avec les SDV, le SNV, avec la Commission des ministères ordonnés, que nous puissions nous dire qui est responsable. Je crois qu’il était nécessaire au début de laisser le diaconat germer dans son rythme propre, aujourd’hui on ne peut pas penser la présence des diacres dans nos diocèses en dehors d’une réflexion et d’un appel pour l’ensemble du sacrement de l’ordre. On peut aussi prier pour qu’il y ait des évêques mais en tout cas pour que le service du ministère presbytéral puisse se penser, se proposer avec le service du ministère diaconal. Il y a là une extrême nouveauté et nous en sommes aux balbutiements. Je souhaite que dans tous vos SDV, il y ait la présence d’un diacre et une réflexion constante sur la présence du diaconat dans nos diocèses.

Le deuxième dossier : nous avons travaillé la ratio institutionis c’est à dire le programme que les évêques donnent aux formateurs des prêtres dans les séminaires. Vous savez qu’il y a eu des visites canoniques et que la réponse a été positive. Ceux qui ont visité tous les séminaires de France nous ont dit : "Vous avez de bons séminaires, vous avez de bonnes équipes de formateurs, vous avez peu de séminaristes, pourquoi ?" C’est une question en amont. Il nous faudra bien, la Commission épiscopale, les SDV, le SNV, ouvrir un dossier qui serait présenté dans deux ans à l’assemblée plénière de l’épiscopat. Je crois qu’il ne faut pas évacuer cette question qui n’est pas simplement une question de modèle ou d’opinion publique. Nous devons travailler plus profondément. Il est vrai que vous avez, comme SDV, dans les diocèses où il n’y a pas le séminaire, vous avez pour une large part la responsabilité de la promotion, de la visibilité de ce lieu institutionnel où des hommes se forment pendant six ans ou plus à recevoir le sacrement de l’ordre comme prêtres.

Troisième dossier : nous allons traiter aussi le "Rapport Dagens" et pour moi, c’est un apport qui touche évidemment le ministère ordonné ou la consécration religieuse.

2- Le deuxième champ sur lequel je voudrais porter témoignage, est que nous, évêques, prenons actuellement des options qui touchent directement au tissu ecclésial et donc aux vocations spécifiques car nous redéfinissons la communauté chrétienne de base. Je ne sais pas si vous imaginez que, dans ce pays, nous sommes en train de toucher à la stabilité des villages français. Cette stabilité a dix siècles ! C’est au neuvième siècle, à peu près, où on commença à fonder le village français, cette image symbolique, extraordinaire, qui a résisté à toutes les tempêtes de l’histoire, même de la révolution française. Et voici que nous sommes la génération qui avons touché à ce tissu, pas simplement parce que nous l’avons voulu mais aussi parce que le monde a changé, notamment le monde agricole. Or, cela est en train de mourir.

Il suffit d’arriver dans un département comme l’Yonne pour se rendre compte que, dans cinquante ans, cette manière de vivre qui nous a tous marqués devient un mythe du paradis terrestre. Il y a là une transformation de la paroisse qui est tout à fait fondamentale. En touchant à la paroisse, qu’est-ce que nous faisons ? Nous acceptons de sortir de la chrétienté comme nous l’a redit le pape d’une manière tout à fait admirable et courageuse à Reims. Nous sommes sortis de la chrétienté et nous devons accepter de vivre en diaspora.

Il suffit de vivre en Allemagne pour se rendre compte que, dans l’annuaire d’un diocèse allemand, on ne met pas : "Il y a tant d’habitants sur la paroisse". On met : "Il y a dix mille catholiques" et on ajoute, entre parenthèses, le nombre d’habitants du quartier ou de la paroisse. Mais ce qui est pris en charge ce sont les catholiques et non pas toute la population. Nous, dans nos annuaires, on met le nombre d’habitants comme si nous pensions que tous les habitants étaient catholiques. Aujourd’hui ce n’est plus vrai. Non seulement dans des quartiers comme le diocèse de Saint Denis où il y a énormément de musulmans mais même dans l’évolution de l’ensemble de la population française. Donc, nous refondons des communautés de personnes. C’est la diaspora. Et ces communautés prennent une certaine distance avec le territoire.

La grande différence par rapport à d’autres pays comme les pays de mission, en Corée ou ailleurs, c’est que nous avons à assumer nos quinze siècles d’histoire où des hommes et des femmes (70 %) se déclarent catholiques et demandent à notre Eglise, à cette communauté de personnes, un service religieux. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas catholiques mais ils sont situés autrement. Et voici que nous sommes en train de fonder une Eglise diocésaine où il y aura des communautés fortes, conciliaires et puis une population française, à 60 %, 50 % qui demandera des services à cette communauté. La démarche catéchuménale, c’est le rapport entre ces deux groupes. Il nous faut préparer des prêtres, des diacres, des religieux, des religieuses, des laïcs responsables pour assumer cette nouvelle situation de post-chrétienté. Et c’est cela qui est passionnant.