Liminaire


Mgr Thierry Jordan
archevêque de Reims
accompagnateur du Comité national du diaconat


Un diaconat qui cherche ses marques ?

Il y a quelques mois, j’ai reçu une lettre d’un diacre qui n’était pas de mon diocèse. Je ne préciserai pas duquel, ce n’est pas utile. Ce diacre écrivait en substance : « Comment se fait-il qu’on lise dans la presse, dans les revues spécialisées y compris Diaconat aujourd’hui, et sous la plume de différents intervenants, responsables et théologiens, que le diaconat n’a pas trouvé toute sa place, ou que la vocation diaconale n’est pas assez mise en lumière ? Ou même que les gens ne perçoivent pas bien l’identité des diacres au motif qu’un laïc peut faire presque autant, etc. ? »
Ces réflexions sont si fréquentes qu’on peut les dire génériques. Notre ami n’a pas tort en effet. Il n’a pas manqué de relever le titre de La Croix, dans son édition du 23 novembre 2004, qui présentait ainsi le colloque universitaire en train de se tenir à Lyon : « Le diaconat permanent cherche encore ses marques. » De fait, si les textes et les interprétations autorisées constituent progressivement un corpus défini, il reste que ce corpus est relativement mince et qu’il n’a pas été assez exploité. Le champ à labourer est énorme au point de vue ecclésiologique, canonique, spirituel et pastoral.
Pour compliquer le problème, on pourrait ajouter ce que chacun sait, que la perspective des Pères de Vatican II était surtout d’aider les prêtres là où ils sont peu nombreux, notamment en pays de mission. Or nous avons pu vérifier tout autre chose. Le diaconat s’est développé de façon significative d’abord dans les nations occidentales, mieux pourvues. Et il l’a fait avec des approches variées d’une nation à l’autre. En France, une route initiale un peu directive a été balisée dans le sens de la présence au monde, du témoignage et du service. C’était intentionnel, pour éviter de cantonner les diacres dans un rôle d’appoint paroissial. Les choses étant maintenant plus assurées, une certaine souplesse n’est pas exclue comme le montre la pratique : l’éventail ouvert par l’Eglise est large. Mais que faut-il tenir pour essentiel ? Quelle perspective doit être sous-jacente à toutes les missions possibles, parce que constitutive du diaconat ?

On voit bien que l’existence d’accents différents interroge fortement la théologie et va l’obliger à faire son travail. La position n’est pas très confortable, peut-être. La période de l’adolescence est celle où on prend ses repères et où on se construit, celle où on a parfois peur d’aller trop loin et celle où on se lance quelquefois imprudemment. Vigilance et confiance doivent nous guider pour discerner les chemins de l’Esprit Saint. Nous n’avons pas fini de les découvrir. Trente ou trente-cinq années seulement d’expérience ne sont pas une durée suffisante pour ce qui apparaît davantage comme une refondation plutôt que comme une restauration du diaconat permanent.
Après un démarrage timide, il se révèle qu’en France on ordonne aujourd’hui plus de diacres permanents que de prêtres. Cela pose des questions, de graves questions, d’un autre ordre. Nous ne les traiterons pas ici. Quoi qu’il en soit, notre paysage ecclésial se modifie. On ne peut plus garder les schémas du passé, en ne parlant par exemple que des prêtres, des religieux(ses) et des laïcs, ne mentionnant les diacres que pour la forme. Il y a là tout un fonctionnement de pensée et de comportement à faire bouger. A ce sujet me revient un souvenir. C’était au Synode de 1994 sur la vie consacrée. Il y a été dit que, là où la vie consacrée n’était pas présente, l’Eglise n’était pas complète. Peut-on écrire quelque chose du même ordre à propos du diaconat ?

Comme évêque accompagnateur du Comité national du diaconat (CND), j’ai la chance d’être plongé plus encore que mes confrères dans les questions qui nous occupent. Il s’agit de faire la liaison dans les deux sens entre la Conférence épiscopale et cette instance, sorte d’observatoire du diaconat en France. Ainsi le dialogue est-il facilité, et on peut avoir une vision panoramique de la situation dans notre pays. De son côté, le CND s’intéresse entre autres à la remontée des initiatives diocésaines, en même temps qu’il cherche à promouvoir des travaux sur le diaconat et à développer la prise de conscience de ce que représente le diaconat. Approfondir ce qui est relatif à la vocation diaconale entre évidemment dans ses préoccupations. Plusieurs de ses membres ont donc collaboré au présent numéro. Personnellement, je m’attacherai à étudier les choses du point de vue d’un évêque diocésain.


Le diaconat dans l’Eglise diocésaine

Le diocèse de Reims est un diocèse ordinaire à bien des égards. Il n’a pas été un pionnier par rapport au diaconat. Le premier diacre permanent n’est apparu qu’en 1981, les suivants en 1990. Ils sont actuellement 28 dont 25 en ministère dans le diocèse, et j’en ai ordonné 14 en 6 ans. Leurs missions sont diverses, dans la ligne de ce qui se fait ailleurs, la plupart du temps pour donner le signe que l’Eglise s’investit auprès de ceux qui attendent le plus ou ne sont pas touchés habituellement. Il n’y en a pas dans tous les secteurs du diocèse, mais plusieurs candidats sont en préparation.
Le diocèse est ordinaire aussi, en ce sens qu’il rencontre les mêmes problèmes humains et spirituels que beaucoup d’autres, avec des chrétiens de plus en plus responsabilisés (on s’y efforce !), des mouvements qui peinent un peu à la tâche alors que d’autres courants surgissent, et un effectif de prêtres en activité en forte baisse (90 environ, dont une vingtaine de moins de 60 ans). A travers cela, ou stimulés par cela, une belle vitalité et un courage réel pour la mission.
Je n’ai pas l’intention de rallonger ce tableau ni d’épiloguer dessus, mais il fallait que le lecteur comprenne d’où je parle en rédigeant mon article.

Le premier point qui vient à l’esprit est la distance entre une réalité diaconale devenant consistante et une visibilité qui reste relativement modeste hors des chrétiens les plus engagés ou des relations de proximité. En un sens on ne peut que s’en réjouir. Cela montre qu’on n’a pas cherché à constituer d’abord une structure voyante, mais à établir des passerelles toutes simples entre les gens, à poser des signes de présence accueillante et écoutante de l’Eglise dans la vie des villages et des quartiers, dans les associations de tout bord, dans le milieu professionnel. On rétorquera que telle est par nature la mission des baptisés, mais les diacres, ministres ordonnés, engagent l’Eglise dans ces relations et ils rappellent sans cesse à l’Eglise que son témoignage ne saurait se réduire à la sphère cultuelle. Ils contribuent, même s’ils ne sont pas les seuls à le faire, à l’ancrer dans une dimension de service et à lui donner du souffle missionnaire.
Nous sommes toujours dans les débuts. Nous n’avons donc pas à nous « prendre la tête ». Il faut laisser du temps au temps. Le grand public finira par découvrir ce qu’il ignore encore. La presse locale aussi : pour l’instant, il est toujours nécessaire de lui expliquer le diaconat ou de le lui réexpliquer à l’occasion de chaque ordination. Les chrétiens pratiquants eux-mêmes continuent à regarder les choses sous le prisme paroissial. Ils ont parfois rencontré des diacres, ils ont pu voir ces hommes en aube, avec l’étole autrement mise, lors de certaines célébrations, ils savent que les diacres peuvent accomplir certains actes sacramentels, mais ils ne perçoivent vraiment ce que sont les diacres que lorsque l’un d’entre eux est attaché à leur communauté. Et encore…

Il y a quelques mois, j’étais dans un secteur du diocèse pour donner une conférence avant l’ordination de trois diacres. Cette ordination avait été préparée dans les meilleures conditions : homélies des prêtres, réunions de sensibilisation dans les villages, veillées de prière, témoignages des candidats, une autre conférence et donc la mienne. Or, à la fin, une personne s’est levée pour dire : « Ça y est, j’ai tout compris. Demain nous n’aurons plus de prêtres, mais ce seront les diacres qui les remplaceront, et ce sera très bien comme ça ! » Nous avons du travail devant nous et pas mal de pain sur la planche.
Il fallait commencer ainsi pour introduire la joie d’accueillir le diaconat comme source de vitalité dans nos Eglises diocésaines. Je ne crois pas du tout qu’il s’agisse d’un événement fortuit, encore moins d’une affaire d’organisation interne. Quelque chose est en train de naître dont on n’a pas fini de mesurer les conséquences. Comme pour toute naissance, l’enfant bouscule, il agrandit le paysage familial, il marque la famille. On doit le conduire à l’âge adulte, et en même temps il prend progressivement sa place, faisant bouger toute l’Eglise.
Dans la mesure où on n’utilise pas les diacres pour boucher les trous d’un organigramme chancelant, on voit apparaître leur originalité et le sursaut missionnaire qu’ils peuvent apporter collectivement. L’Eglise prend, notamment grâce à eux, un visage plus jeune, plus proche, plus engagé. Leur présence depuis plusieurs années dans les divers conseils finit par avoir une certaine incidence. Peut-être avons-nous trop cléricalisé les laïcs au fils du temps. Les diacres, eux, sont bien conscients de ce type d’écueil : ils sont clercs pour que l’Eglise ne soit pas trop cléricale. On m’a fait parfois cette réflexion que les diacres font des homélies diaconales. L’expression surprend, parce qu’une homélie est toujours une homélie, elle enseigne en cherchant à relier le cœur de Dieu à celui du fidèle et inversement. Mais je comprends assez bien ce qu’il y a sous l’expression insolite. Il existe souvent en effet une manière de parler qui est propre au diacre, parce qu’il partage la condition de tous et qu’il a son approche à lui. Le fait qu’il soit le plus souvent marié n’y est pas non plus étranger.

Essayons d’aller un peu plus loin. On ne peut nier que la refondation du diaconat implique obligatoirement l’apparition d’un nouveau type de partenariat. Le diacre doit apprendre à collaborer avec l’évêque et les prêtres, et aussi avec les chrétiens en responsabilité dont certains sont en charge locale ou à la tête de grands domaines de la vie ecclésiale. Mais l’inverse est vrai aussi. L’apparition des diacres oblige les autres acteurs de l’Eglise diocésaine à repenser ce qu’ils ont coutume de faire, de décider, de mettre en œuvre, pour se recentrer sur leur propre vocation et la mettre en lumière. Il est évident que cela ne va pas sans tensions parfois. Ce sont des tensions bénéfiques si on les reçoit comme des appels à progresser soi-même. Je ne mets pas ici les diacres sur un piédestal. Comment la tentation du pouvoir ne les guetterait-elle pas comme les autres, ou l’illusion que tout va changer par eux et avec eux ? Je dis et je répète simplement que ce ministère hiérarchique rénové aide à remettre certaines choses en place dans l’ordre du partenariat entre des vocations différentes. C’est un gain pour l’Eglise. C’est un appel à l’épanouissement de toutes les formes de vocations.


Diacres de l’évêque

Il est sans doute utile d’aborder à présent un autre aspect de la dimension diocésaine du diaconat, que j’inscris sous le sous-titre traditionnel « diacres de l’évêque ». Oui, l’expression est traditionnelle. Elle est celle de l’antiquité et elle est celle de l’Eglise aujourd’hui. C’est une belle et noble expression dont il faut examiner de près le sens, ne serait-ce que pour dirimer certains débats pas très bien engagés.
Diacres de l’évêque. Il y a là d’abord une dimension ontologique, autrement dit liée à l’essence même du diaconat du fait du sacrement de l’ordre. Si l’évêque confie des missions à toutes sortes de personnes, en relation avec la mission de Jésus, il transmet une part de ce qu’il est et de ce qu’il a reçu comme successeur des apôtres aux prêtres, et une part aux diacres (les prêtres ayant été ordonnés diacres eux-mêmes : il ne faut pas que les diacres l’oublient). L’ordination crée par conséquent la nature de la relation entre les diacres et leur évêque. Ils sont devenus diacres de l’Eglise par leur évêque. Ils sont diacres de l’Eglise universelle en vivant cela dans leur Eglise particulière, dont l’évêque est comme la tête à l’image du Christ.
Il y a aussi une dimension de caractère affectif, mais le mot n’est pas suffisant pour exprimer l’amour de charité qui provient de cette relation d’ordination. Personnellement je ferais un distinguo entre l’affectivité liée à la sensibilité et celle qui me fait porter chaque soir dans la prière les diacres, avec leur épouse et leur famille, et leur mission, à cause de ce qui nous unit pour le Seigneur. Il n’est pas bon ainsi que l’évêque soit trop présent dans les diverses phases du discernement et de la préparation des candidats, ni qu’il influe en quelque façon dans la vie de famille, ni qu’il soit physiquement si présent que son jugement risque d’être obscurci ou que le dialogue soit piégé. Il y a une saine distance qui ne veut pas dire être loin, qui signifie au contraire que le diacre rencontrera toujours un accueil bienveillant, fraternel et lucide de celui qui l’a appelé et envoyé au nom de l’Eglise. Aimer les diacres n’est pas les relier à soi, même si les liens sont de véritable amitié, c’est les relier au Christ et à leurs frères.

Le débat que j’évoquais plus haut porte, lui, sur une question récurrente. Au-delà de la relation, être diacre de l’évêque caractérise-t-il l’appartenance à une catégorie déterminée, et laquelle ? Les prêtres ont une belle appellation pour définir leur être et exercer ensemble. C’est le presbytérium, qui signifie à la fois ce qui les unit entre eux et ce qui les unit à leur évêque. L’Eglise parle aussi du collège des prêtres autour de leur évêque. Le presbytérium est donc un collège, et ce mot est très fort.
Pour les diacres, les expressions de collège ou de diaconium, ou encore de corps des diacres, ne sont pas utilisées. Elles ne l’ont jamais été autrefois, et les textes officiels les évitent. Les diacres illustrent la diaconie de l’Eglise, mais ne l’épuisent pas. En d’autres termes, les diacres existent et travaillent pour que la diaconie de l’Eglise soit réelle (Eglise servante).
On ne peut nier qu’un débat ainsi engagé soit susceptible d’engendrer de la frustration, parce qu’on se demande où est l’obstacle, et que le vocabulaire de remplacement, du type « groupe des diacres » ou « fraternité diaconale » semble ne répondre qu’imparfaitement à l’attente d’une réalité forte. D’ailleurs, selon les diocèses, la fraternité diaconale reçoit des acceptions variées, entre ce que représentent les diacres eux-mêmes et l’ensemble qu’ils forment avec leurs épouses, qui a son existence et son importance.
Mon interprétation de l’utilisation du vocable « presbytérium » est relative à la cura animarum que les prêtres exercent dans la collaboration avec l’évêque. Les diacres participent eux aussi à la mission pastorale du Christ, mais pas au sens de la charge pastorale de l’évêque et des prêtres. Il s’agit d’un autre degré de participation. Pour la charge pastorale, ils sont les collaborateurs de l’évêque et des prêtres, selon la liturgie de leur ordination.
Tout compte fait, parler de diacres de l’évêque, au pluriel, n’est pas si mauvais. Outre le lien de l’ordination, outre la suggestion que les diacres ne sont pas isolés mais forment un tout, on met bien en évidence que leur mission a une source commune et doit être reliée aux autres. Cela ne me gênerait pas non plus qu’on dise « les diacres du diocèse », même si la notion est moins riche.


Les missions des diacres

Comme on a pu s’en rendre compte, je n’ai traité que de certains aspects du diaconat plus directement en rapport avec l’évêque en tant que tel. Le but du présent numéro de la revue est de mettre en lumière un éventail assez vaste, ce que se proposent de faire les articles qui vont suivre. J’ai conscience de me limiter à leur ouvrir la voie et à susciter l’intérêt du lecteur pour en prendre connaissance.
Il est cependant un point qu’il faut absolument évoquer, parce qu’il relève de la responsabilité directe de l’évêque. Dans presque tous les diocèses, il y a eu, ou il se tient même en ce moment, un synode ou une démarche synodale. Il y en a eu parfois plusieurs déjà au cours des trente ou trente-cinq dernières années. Le but de ces temps très forts de la vie ecclésiale est, à partir d’une analyse des besoins et des attentes des hommes, d’un examen des domaines dans lesquels l’Eglise est trop peu présente, de dégager et ensuite de mettre en œuvre des orientations missionnaires pour les années suivantes. Il peut s’agir d’objectifs précis selon les axes d’évangélisation, de sanctification ou de charité fraternelle, mais la perspective est généralement missionnaire : aller de l’avant pour fortifier ce qui est faible et porter le message là où il n’est pas assez annoncé.
Même sans synode ou sans démarche synodale, on ne cesse de scruter les champs nouveaux de la mission, nouveaux parce qu’ils n’existaient pas autrefois, ou tout simplement parce que les mentalités et la société ont bougé et que cela révèle des urgences plus grandes aujourd’hui. Les synodes universels à Rome sont souvent consacrés à des sujets traditionnels, mais que la situation actuelle présente comme des défis majeurs pour notre temps. On est fréquemment sur le seuil, selon une expression juste et que les diacres affectionnent.
Dans cette perspective, la question pourrait être posée ainsi : convient-il d’appeler des diacres pour les envoyer dans ces avant-postes de la mission ? La réponse est certainement oui, à condition que toute l’Eglise diocésaine s’engage avec eux ou qu’ils aident l’Eglise diocésaine à s’y engager. Je dirais même que, situés comme ils le sont, les diacres existant ont une responsabilité énorme pour aider l’Eglise diocésaine à détecter les champs nouveaux de l’apostolat. Je dirais aussi que, parmi toutes les missions possibles, quelques-unes sont particulièrement appropriées pour être confiées à des diacres.
Mais une autre question se pose alors : le contour d’une mission possible suffit-il pour appeler des diacres, ou un diacre particulier qui manifesterait les aptitudes requises ? A-t-on été ordonné diacre pour un monde déterminé (rural, ouvrier, indépendant) ou pour un type de personne déterminé (handicapés, jeunes, etc.) ? A ce stade, il semble qu’il faille prendre quelque recul. Se demander par exemple si Dieu appelle effectivement tel ou tel homme pour en faire un diacre de l’Eglise. Certes, l’Eglise doit s’efforcer d’interpeller dans tous les milieux et dans toutes les sensibilités humaines et ecclésiales. Mais les missions peuvent changer. Il ne serait pas sage qu’un diacre reste toute sa vie dans le même type d’investissement, notamment parce que, pour des raisons d’emploi ou de résidence, ou les deux à la fois, il n’a pas la même disponibilité au renouvellement qu’un prêtre qui déménagera. Le même problème vaut aussi pour les laïcs en mission ecclésiale, dont il convient de modifier le moment venu la mission, dans ses formes et quelquefois dans sa nature, si l’on veut éviter un enlisement.

Pour résumer, autant il paraît opportun de chercher à définir des types de mission qui conviendraient à un diacre, autant il semble périlleux qu’un diacre se croie appelé et ordonné pour une mission précise ou un milieu précis. On tiendra toujours compte de son origine, de sa sensibilité et de ses engagements d’homme, mais le diacre n’est pas exclu, à périodicité régulière, du « laisser les filets » pour aller sur d’autres rivages.
Ayant dit cela, je n’ai pas résolu pour autant tout ce qui est relatif à l’appel au diaconat. Ce sera traité par d’autres dans ce numéro, à propos de l’interpellation et du discernement. J’ai voulu seulement évoquer un écueil et indiquer une issue.
Il y a aussi une autre manière de favoriser l’épanouissement des diacres en ne les enfermant pas à perpétuité dans un même cadre. Leurs missions sont variées, comme on l’a dit. Dans la plupart des cas, elles ne sont pas directement paroissiales, même s’il est hautement souhaitable que les diacres aient aussi un pied dans la pastorale de base. A condition que leur investissement local soit clairement identifié et régulé à côté de leur mission première, cet enracinement est toujours bénéfique pour la communauté et pour eux. Il y va du sens des réalités, et de la rencontre avec le tout-venant, souvent assez loin de l’Eglise. Et puis les diacres, en tant que fidèles, ne sont pas dispensés d’être aussi de bons paroissiens, ce qu’on demande à tous.
Or rien n’empêche, justement parce que le diacre ne va pas changer d’habitation pendant longtemps, à moins de mutation professionnelle ou de circonstances particulières, de lui donner une mission de terrain au niveau du secteur ou du doyenné, et non pas automatiquement de la paroisse de résidence. Ainsi, sa mission de terrain pourra varier au fur et à mesure et l’aider à garder toujours jeunesse d’esprit et capacité à faire face à des situations un peu différentes.

En conclusion, tout en me réjouissant qu’une vocation récente et ecclésialement très forte soit ainsi mise en valeur par Jeunes et Vocations, je crois que nous pouvons continuer à avancer sans complexe. Le principe même de la refondation du diaconat est plein d’espérance. La manière dont cette refondation s’opère n’exclut pas les tâtonnements et les recherches, mais que de chemin parcouru, et que de joie à consolider progressivement ce qui se construit jour après jour !
A côté de celles des vocations spécifiques que cherche à éveiller le SNV, la vocation au diaconat à titre permanent enrichit toute l’Eglise et aide chacun à mieux vivre ce à quoi il a été appelé. Elle renforce ces vocations en montrant que toute l’Eglise doit être servante. Je suis heureux que le diaconat soit en essor, parce que cela aidera des jeunes à s’engager de diverses façons à la suite du Christ, sur sa Parole.