Remarques des supérieur(e)s majeur(e)s


Clarté de la proposition

38. Généralement, les Instituts savent bien que le service des vocations doit partir d’une conscience lucide des fondements évangéliques et théologiques de la vie consacrée ; il doit s’enraciner dans la vie de prière et de charité des communautés et annoncer avec clarté et d’une manière compréhensible l’aspect charismatique de la vie et des oeuvres. Dans cette perspective, la pastorale des vocations revêt une double fonction : favoriser la croissance dans l’identité charismatique et dans la capacité de proposition des religieux et religieuses et de leurs communautés et, en même temps, introduire l’annonce, la proposition et l’accompagnement d’une vocation à l’intérieur des itinéraires de foi et de charité des communautés chrétiennes particulières.

La vitalité spirituelle et apostolique des religieux se traduit par une vitalité de la pastorale des vocations et une pastorale des vocations, vivante et complète, devient source de nouvelle jeunesse pour la vie des Instituts Religieux. Quand la pastorale des vocations est destinée à la vie interne de l’Institut, elle devient un acte de vérification, d’approfondissement et de formation permanente. Il est urgent de vaincre les symptômes de désorientation qui frappent des religieux individuellement ou des communautés entières : il s’agit de réparer les fissures que l’individualisme et la sécularisation ont ouvertes dans le coeur et dans la vie de nombreux religieux, en les formant à une nouvelle conscience de relations constructives et claires avec les Evêques et avec les prêtres. Enfin, il est urgent de forger une nouvelle culture de "consécration" au sein du peuple de Dieu, en prenant soin à ce que personne ne néglige l’engagement absolument obligatoire de vivre devant Dieu son appel et sa consécration, et la responsabilité de l’annonce de sa vocation.

Les Religieux qui ne sont pas en charge d’activités pastorales obtiennent difficilement des vocations. En revanche, ceux qui travaillent et qui sont actifs dans la pastorale obtiennent de nouvelles vocations, comme le relèvent la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.

Se préoccuper plutôt de la qualité que du nombre

39. Les pays d’Europe occidentale admettent désormais le déclin numérique des vocations religieuses. Par exemple, les Supérieurs Majeurs de Belgique affirment que plusieurs familles religieuses n’ont plus de vocations depuis 25 ans. Cependant, pour bon nombre d’Instituts, le problème du nombre ne se pose pas. "Nous ne travaillons pas sur le nombre, mais sur la qualité des vocations, du projet et de l’appel à la vie religieuse". Et les religieux français font cette remarque : " Nous voudrions parler de discernement et non pas de promotion des vocations. Il n’existe pas de promotion des vocations au sens d’attirer les jeunes. Nous recevons ceux que le Seigneur envoie, mais non sans éprouver leur qualité. Nous cherchons toujours à faire passer la qualité avant le nombre ".

Il existe aussi des situations comme celle-ci : " En Suisse, depuis 20 ans, le réveil des vocations est devenu une utopie ".
" De nombreux instituts ont un novice de temps à autre. Il est clair que le manque d’autres candidats est un obstacle qui ne peut être sous-estime " (Religieux de Belgique).

Les jeunes qui frappent aux portes des communautés d’accueil ou des pré-noviciats pour vérifier leur vocation sont toujours accueillis à bras ouverts, mais cela n’empêche pas un sain discernement vocationnel.

Les itinéraires de ce discernement varient d’un Institut à l’autre ; mais pour la plupart d’entre eux, des cheminements de croissance dans la vie spirituelle et apostolique ont été élaborés, avec des vérifications et des étapes suffisamment définies avant leur entrée au noviciat.

Pour les vocations qui ne suivent pas le parcours traditionnel des séminaires, des "Communautés d’accueil" ont été instituées, ainsi que des "Pré-noviciats ", avec des programmes de formation qui favorisent une vérification sérieuse de l’appel du Seigneur. Ce temps de formation sert notamment à vérifier l’équilibre physique et psychoaffectif, à s’occuper du cheminement culturel et religieux, à évaluer les prédispositions du candidat et à aider à clarifier les motivations du choix de la vie religieuse.
Les instruments sont la formation à la discipline de la vie communautaire dans la fraternité, à la vie liturgique et à la prière sous toutes ses formes, au travail et à l’apostolat typique de l’Institut.

L’attitude des Evêques et des curés à l’égard de la pastorale des vocations des religieux et des religieuses

40. " Aides de la part des évêques : peu " (Suisse de langue allemande).

" Théoriquement les Evêques déclarent soutenir les vocations religieuses. Mais ils sont eux-mêmes traumatisés par le nombre restreint de vocations diocésaines " (France).

Dans la vie des communautés chrétiennes, la Vie Religieuse n’est pas très bien considérée et les vocations religieuses sont souvent découragées ou empêchées, aussi bien par le clergé que par les laïcs. Peut-être cela est-il dû à une pastorale tendant trop souvent à l’efficacité et à l’utile plutôt qu’à la gratuité et au don, à une spiritualité pauvre en idéaux authentiquement universels, avec un élan missionnaire assez faible et privé du sens de la Consécration.

Les religieux et les religieuses cherchent beaucoup à collaborer entre eux et avec les organismes diocésains chargés de la pastorale des vocations.

41. En revanche, les Supérieurs Majeurs ont ainsi décrit le soutien que les évêques et les paroissiens fournissent à la pastorale des vocations à la vie religieuse : plus que recevoir un soutien, nous pouvons dire que nous ne recevons pas de refus ; évêques et curés connaissent peu la vie religieuse et la présence de nos religieux dans le cadre de la pastorale des vocations du diocèse est assez faible. Généralement ils ne voient pas avec sympathie la pastorale des vocations faite par des religieux et craignent que l’on détourne des vocations des séminaires.

Dans l’ensemble, la sensibilité des évêques et des curés pour une pastorale attentive à la vie religieuse ne se fait pas sentir. Peut-être y a-t-il une certaine attention accordée aux vocations féminines. Pour les vocations masculines, l’attention se tourne vers le séminaire diocésain. Tout au plus accepte-t-on que les religieux travaillent pour le compte de leurs Instituts. Nous avons l’impression qu’il n’y a aucune sensibilité en raison du manque de connaissance du charisme de la vie religieuse, charisme qu’on ne fait d’ailleurs pas connaître dans les séminaires.

Quelques choix prioritaires

42. Le personnel chargé de la pastorale des vocations apparaît suffisamment bien préparé, mais en nombre insuffisant, surtout pour un accompagnement et un discernement spirituel sérieux.

De nombreuses familles religieuses ont orienté leur pastorale des vocations en privilégiant les choix suivants : un programme de formation de toutes les communautés religieuses pour mettre en valeur la prière et le témoignage, pour sensibiliser à la pastorale des jeunes, pour la rendre ouverte à une collaboration effective et valable sur le plan vocationnel, avec les laïcs et la communauté chrétienne ; une collaboration entre les diverses Provinces au niveau national et même européen sur le plan du discernement des vocations et de la première formation ; une attention renouvelée accordée à la prière pour les vocations et un esprit d’accueil plus disponible de la part de toutes les communautés religieuses ; l’institution d’équipes d’animateurs de vocations pour améliorer l’animation et l’accompagnement aussi bien lors du premier accueil que durant l’itinéraire de discernement d’une vocation ; le choix privilégié, bien que non exclusif, des jeunes, accompagné de l’étude et de la préparation, de "projets de pastorale des vocations" ; une plus grande attention à la vie et aux activités pastorales de l’Eglise locale.

La " nouveauté " dans les vocations religieuses de la dernière décennie

43. Les développements de la théologie conciliaire sur la vie religieuse et la transformation des conditions historiques et sociales ont conduit les religieux à modifier bien des structures et des traditions solidement établies et ont exercé une profonde influence sur le vécu de la vie religieuse et sur sa proposition vocationnelle. Un choix courageux a été fait : celui d’oeuvrer d’une manière décisive dans le domaine de la pastorale des vocations des jeunes. Plusieurs enquêtes réalisées dans les Provinces religieuses ont révélé qu’une très grande majorité estime nécessaire que les religieux de vie apostolique emploient le meilleur de leurs énergies à la pastorale des jeunes. A cette fin, sont particulièrement utilisés des maisons de spiritualité, des centres d’orientation ou des maisons d’accueil.

Dans certaines nations, comme l’Autriche, la France, les Pays-Bas, l’Italie, l’Allemagne et la Belgique, l’immense majorité des candidats à la vie religieuse ne provient plus des petits séminaires, mais directement des familles. Il s’agit en général de jeunes et d’adultes insérés et agissant dans des groupes paroissiaux ou dans des mouvements ecclésiaux. Ils présentent des niveaux culturels diversifiés : du niveau universitaire au niveau technique, en passant par le niveau de l’école obligatoire. La culture humaniste prévaut sur la culture technique. Cette constatation a permis d’entreprendre une importante révision d’itinéraires, de méthodes et de durées qui touchent d’une manière coordonnée la pastorale des vocations.

La sensibilité vocationnelle de tous les religieux s’est accrue et le rôle de l’animateur des vocations ne cesse de se préciser en lien avec les autres communautés et avec l’Eglise particulière où l’on se trouve. La figure de l’animateur solitaire des vocations à la recherche de nouveaux aspirants a pratiquement disparu. De nombreuses Provinces disposent d’une communauté et d’une structure opérationnelle comprenant plusieurs religieux qui travaillent à l’aide de programmes mis au point d’un commun accord et structurés qu’ils mènent à bien, soutenus par la collaboration et par l’intérêt manifesté par presque toutes les communautés de la Province.

Une figure nouvelle semble naître en particulier : celle de l’animateur vocationnel de communauté, dans le but d’encourager la participation de la spiritualité de l’Institut à l’Eglise locale.

A la "communauté des animateurs des vocations" est confiée la tâche de promouvoir et de coordonner des temps forts d’annonce et de discernement des vocations ; c’est à elle que sont adressés, par les différentes communautés, les jeunes qui manifestent des signes de vocation.

Une nouveauté qui n’est pas à proprement parler positive et qui va même jusqu’à angoisser plus d’un Institut religieux, est celle des abandons au cours des premières années de vie apostolique. Il semble que les jeunes religieux soient incapables de vivre leur consécration dans le cadre de la vie quotidienne d’engagement apostolique. Trop souvent ils ressentent d’une manière dramatique la difficulté d’allier la réalité apostolique à l’intérieur des structures et les idéaux charismatiques et missionnaires sur lesquels ils avaient fondé leur vie. Ainsi, dès les premières difficultés ou contrastes, ils s’effondrent et abandonnent.

Elaboration d’un plan pour les vocations dans les Provinces religieuses

44. Bon nombre de Provinces ont élaboré leur propre "plan pour les vocations", en s’inspirant des documents de ces dernières années (Document final du IIème Congrès International pour les vocations, Développements de la pastorale des vocations dans les Eglises particulières, Pastores dabo vobis, etc. ) et des plans épiscopaux de leurs pays respectifs.

Environ les deux tiers des familles religieuses interpellées ont déclaré n’avoir pas encore élaboré leur propre plan pastoral pour les vocations.
Celles qui ont rédigé un plan donnent des indications et des orientations suffisantes qui mettent en évidence un sérieux effort de pastorale des vocations.

Les résultats les plus significatifs

45. A la question posée aux Supérieur(e)s Majeur(e)s quant aux résultats les plus significatifs de leur pastorale des vocations, nous avons obtenu des réponses diverses et consistantes.

Au sujet de la pastorale des vocations chez les jeunes, on fait observer que dans cette voie se sont unis les efforts des Provinces vers un idéal commun. Un effort renouvelé a été accompli pour la pastorale des jeunes à partir de la spiritualité et du charisme de l’Institut. Il y a aussi une plus grande prise de conscience de la complémentarité entre pastorale de la jeunesse et pastorale des vocations. Un réseau de connaissances, de communion, de coopération entre congrégations et groupes impliqués dans la pastorale des vocations a été tissé.

Les contacts personnels avec les jeunes et le témoignage de la communauté sont des aspects importants de la promotion (Grande-Bretagne et Pays de Galles). L’attention porte davantage sur un accompagnement spirituel personnel plus constant et ponctuel, avec des propositions de vocations et de formation plus mûres et mieux organisées. Dans certains cas, on remarque aussi une certaine reprise numérique, bien que non encore consolidée. En général, on est passé de la proposition d’occasions pour connaître les réalités vocationnelles et encourager les vocations religieuses, à la proposition d’itinéraires de foi et de vie chrétienne capables de mener à des choix de vie humainement mûrs et chrétiennement motivés.

Les principales difficultés

46. Malgré tous les efforts, la sensibilité des Communautés et des religieux reste encore assez faible quant au service des vocations : en raison des trop nombreuses activités au sein des structures, de l’âge avancé de beaucoup de religieux, de la difficulté des communautés à accueillir le "nouveau", d’une certaine résignation à la chute des vocations, de la tentation constante de déléguer le service des vocations à ceux qui en sont chargés, du manque de sensibilité des religieux à l’égard des provocations en provenance du monde des jeunes.

Il y a un témoignage insuffisant des communautés, en raison des difficultés et des problèmes rencontrés pour le renouvellement concret de la vie religieuse et de son apostolat.

Autres remarques concernant l’organisation de la pastorale des vocations parmi les jeunes : manque de propositions fortes de croissance dans la foi et de projets de vocations, formateurs non suffisamment préparés en sciences humaines, malaise et impréparation apostolique pour approcher et comprendre les jeunes et leurs attentes, difficultés à entrer dans des lieux et institutions où les jeunes sont majoritairement présents, petit nombre de personnes préparées à l’accompagnement spirituel personnel des jeunes, difficultés pour différencier les parcours de formation vers la vie religieuse et vers le sacerdoce, faible préparation des agents de la pastorale de la jeunesse, difficultés pour discerner et former les vocations plus adultes.

L’incertitude quant au rôle de la femme dans l’Eglise est un motif de confusion pour les aspirantes. Les religieuses de la République tchèque relèvent parmi les difficultés les plus importantes le manque de prêtres et de directeurs spirituels. Une difficulté particulière est signalée par exemple par la Grèce : la situation minoritaire de la jeunesse catholique et la grande dispersion des fidèles.

L’ex-Yougoslavie présente de nombreuses difficultés dues aux situations de guerre de ces dernières années. Les Unions des Supérieurs Majeurs et des Supérieures Majeures sont désagrégées et les diverses Familles religieuses se plaignent du manque d’informations sur l’Eglise et sur la vie religieuse.

La situation des religieux frères

47. Un regain d’attention est accordé à la vocation du Religieux Frère, notamment dans les Congrégations cléricales, mais dans la conscience des communautés et dans l’organisation de l’apostolat, on ne sait pas très bien quelle est aujourd’hui l’identité du "Frère". En général on observe que les difficultés pour la promotion des vocations des religieux frères sont loin d’être résolues.

L’itinéraire de discernement vocationnel est initialement le même. Généralement ce n’est qu’après le noviciat que commence un parcours de formation différencié. Les Ordres les plus nombreux possèdent des maisons de formation inter-provinciales spécifiques pour les religieux frères.

Quant à la façon de résoudre les difficultés des vocations des religieux frères, la Conférence des Supérieurs Majeurs de Pologne avance les modalités suivantes.
"Nous cherchons à mettre au premier rang les valeurs théologiques de la vocation du frère ; nous soulignons l’identité des voeux religieux d’un prêtre religieux et du frère : tous les deux ont la même vocation religieuse et participent au même charisme religieux. Nous mettons en évidence la valeur du témoignage de la vie du frère. Chaque vocation a sa valeur et sa place dans l’Eglise. Il faut respecter et estimer chaque vocation ".

La vocation des contemplatifs

48. En général les monastères de clôture sont bien vus, entourés d’affection et beaucoup aidés, en particulier ceux qui ont su donner à leur présence un sens ecclésial et devenir témoignage vivant d’une vie totalement marquée par l’amour et par la louange de Dieu dans la charité fraternelle. Mais ce choix de vie reste en même temps assez mal compris.

Dans la pastorale des vocations des religieux, des rencontres et expériences fortes avec des monastères de vie contemplative ne manquent généralement pas et, si lors du discernement vocationnel les jeunes manifestent une disposition à la vocation contemplative, les contacts leur sont facilités avec les Instituts de vie contemplative spécifique.