Le cadre théologique de la pastorale des vocations


Points faibles et points acquis dans le rapport entre théologie et pastorale des vocations

54. La pastorale des vocations connaît aujourd’hui deux tendances assez communes dans les Eglises particulières : d’une part, un effort est fait pour passer des expériences aux parcours systématiques et progressifs de proposition pastorale, même si dans de nombreuses Eglises les initiatives sont encore occasionnelles, mal structurées et à l’enseigne de l’urgence, surtout là où les séminaires ou noviciats sont à demi déserts. D’autre part, des efforts sont faits pour enraciner la pratique pastorale dans une auto-conscience christologique et ecclésiologique claire à la recherche d’un équilibre sérieux entre théologie et pratique pédagogico-pastorale.

La Parole de Dieu constitue habituellement le point de référence obligé des propositions vocationnelles. Surtout au niveau des jeunes. Toutefois l’éducation à la foi a du mal à se transformer en cheminements de discernement vocationnel.

Le Christ, projet de l’homme

55. Sur le plan de la réflexion théologique, quatre aspects ont besoin d’être approfondis et consolidés par une solide pratique pédagogique et pastorale. Avant tout, l’adoption du cheminement d’éducation à la foi comme processus de maturation vocationnelle. La foi n’est pas seulement une expérience de valeurs spirituelles et éthiques. Les jeunes, en particulier, ne se laissent pas fasciner plus que cela par les valeurs abstraites. La foi, et donc la pastorale, est une rencontre salvifique avec Jésus de Nazareth. Et le fait de Le reconnaître, Lui, comme le Seigneur de la vie et de l’histoire, comporte aussi l’auto-reconnaissance du fait d’être disciple. Une grande partie de la pastorale est encore loin de cette dialectique qui bouleverse définitivement toute la vie.

Rencontrer Jésus signifie discerner son dessein sur la vie personnelle ; cela exige de se projeter selon une façon précise et concrète au service du Royaume. En somme, l’acte de foi allie nécessairement la "reconnaissance christologique" et " l’auto reconnaissance anthropologique".
Le Christ est le véritable projet de l’homme. Il n’est pas seulement un modèle éthique. Il n’est pas seulement le symbole de certaines valeurs, comme cela ressort de nombreuses pratiques de la pastorale des jeunes.

La vocation comme "sequela Christi "

56. D’où l’urgence d’une solide réflexion "christologique", fondée sur la Bible. Jésus, dans son mystère, jouit d’une grande sympathie parmi les jeunes ; il provoque moins d’objections que l’Eglise par elle-même. Bien plus, beaucoup de jeunes retrouvent même confiance dans l’Eglise si on les aide à la regarder avec les yeux du Christ. En revanche, ils s’en éloignent lorsqu’ils sont incités à regarder l’Eglise avec des yeux purement humains ou avec des critères politico sociaux.

Mais la fascination pour Jésus-Christ doit être comprise dans une vision sérieuse et globale de son ministère, avec toutes les implications vocationnelles qu’elle comporte. A la lumière de la Parole de Dieu, et des Evangiles en particulier, dire Jésus-Christ signifie immédiatement concevoir la vie comme sequela, dans la logique du don, pour la retrouver en plénitude. Une véritable connaissance de Jésus comporte nécessairement une adhésion de vie comme partage et comme mission, dans des choix définitifs d’existence chrétienne.

Dans la communauté ecclésiale, les vocations comme " charisme et ministère "

57. Seule une christologie solide permet de faire accueillir la communauté ecclésiale comme peuple de Dieu, comme sacrement universel du salut, comme communauté de dons. Chez les jeunes, c’est précisément une vision faible ou faussée de l’Eglise qui entraîne de nombreuses difficultés pour faire un choix de vie définitif.

La pratique d’appartenance exclusive à des groupes ou à des mouvements, qui ignorent le contexte vivant de l’Eglise particulière, ne manque pas de poser des problèmes sérieux quand les jeunes arrivent dans les communautés de séminaire ou de noviciat.
Au contraire, une pastorale des jeunes et des vocations sérieuse et efficace a besoin de proposer la sequela Christi comme un "don particulier de l’Esprit" dans l’Eglise et pour l’Eglise : don à la fois relatif et nécessaire. Relatif parce que toute vocation est le "signe" d’un aspect particulier du mystère de Jésus et de l’Eglise. Nécessaire parce que, avec les autres dons vocationnels, dans la communauté ecclésiale, il rend visible dans l’aujourd’hui tout le mystère du Christ.

Seule cette auto-conscience vocationnelle permet de dépasser des attitudes encore répandues de méfiance ou d’ignorance réciproque entre prêtres, religieux(ses) et laïcs, et une pastorale des vocations menée avec le seul souci de son petit jardin. Seule une sérieuse conscience ecclésiologique favorise les efforts pour rendre visible la communion et la collaboration pastorale entre institution et charisme, en dépassant la vision fonctionnaliste de la présence des religieux et des religieuses dans les communautés chrétiennes, pour mettre en valeur le vrai sens de la consécration.

Le ministère ordonné et les autres vocations

58. Dans beaucoup d’Eglises particulières, la pastorale des vocations a encore besoin de faire la clarté sur les rapports entre ministère ordonné, vocation de consécration spéciale et toutes les autres vocations. Une pastorale des vocations unitaire se fonde sur la nature vocationnelle de l’Eglise et de toute vie humaine comme appel et réponse. Ceci est à la base des efforts unitaires de toute l’Eglise pour toutes les vocations et, en particulier, pour les vocations de consécration spéciale.

Mais cela ne peut pas faire oublier une attention particulière de toute la communauté et des agents pastoraux envers les vocations au ministère presbytéral. C’est à l’Eglise particulière et donc aux laïcs, aux religieux et aux religieuses, qu’incombé le devoir de garantir l’existence des communautés chrétiennes autour de l’Eucharistie, à travers une attention spéciale accordée au ministère presbytéral. A son tour, le prêtre, en célébrant l’Eucharistie "source et sommet de la vie chrétienne", doit être attentif non seulement à une vague croissance de la communauté, mais à la croissance d’une communauté adulte où les différents dons de l’Esprit soient possibles.

D’où un soin particulier, dans le cadre de la pastorale des vocations, du séminaire comme lieu pédagogique nécessaire à la formation des futurs prêtres. Cet équilibre pastoral, capable d’harmoniser une attention effective à toutes les vocations de consécration spéciale et aux vocations au sacerdoce, n’apparaît pas chose facile dans nos Eglises particulières. L’une des causes est que l’auto-conscience ecclésiologique n’est pas claire chez les agents pastoraux eux-mêmes.