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Programmer la pastorale des vocations dans les communautés chrétiennes
Les points faibles pour un projet de pastorale des vocations
70. Un peu partout on prend conscience qu’une des frontières de la prophétie, en ces années qui précèdent l’an 2000, traversées par les vents de la sécularisation, est l’éducation. La formation de la conscience chrétienne est en train de devenir un point crucial.
Mais c’est précisément l’un des points faibles de la pastorale des jeunes et des vocations : pour éduquer, il faut des éducateurs conscients et préparés ; pour programmer une pastorale des vocations et des itinéraires, il faut une présence éducative significative comme point de référence pour les nouvelles générations. L’absence d’une " médiation éducative " constitue le principal obstacle à la définition de véritables parcours vocationnels, ainsi qu’une des causes les plus importantes de la crise actuelle.
D’où l’effort accompli par plusieurs Eglises nationales et par de nombreuses Eglises particulières pour préparer des "formateurs", qu’il s’agisse de prêtres, de religieux(ses) ou de laïcs. Bien plus, une des perspectives à la fois prometteuses et difficiles, est la formation de guides capables de dispenser une direction spirituelle et de jeunes animateurs aux côtés des très jeunes et des pré-adolescents.
71. Un autre obstacle pour mettre au point un projet efficace est l’absence, surtout dans les nations de l’Est, d’organismes pastoraux de participation, tels qu’ils sont prévus par le Concile. Les vocations, surtout dans ces milieux-là, croissent plus par génération spontanée, en considérant davantage les modèles proches du nouveau climat de liberté retrouvée, qu’à travers de véritables itinéraires de proposition et de discernement des vocations.
72. Enfin, il faut souligner un autre point faible, à savoir la permanence du décalage entre Eglise particulière et pastorale des vocations des familles religieuses. Parfois il existe une collaboration théorique au niveau du Centre Diocésain des Vocations qui a ensuite du mal à se traduire dans la pratique ; chacun est soucieux de ses propres marges d’action, notamment sous la pression du manque de vocations dans la famille religieuse à laquelle il appartient.
Elaboration de la pastorale des vocations dans la paroisse
73. En tout cas, la conscience que la pastorale des vocations doit recommencer à être le plus proche possible des gens et des jeunes ne cesse de croître ; en particulier, la pastorale ordinaire de la communauté chrétienne, là où le prêtre peut devenir le premier animateur des vocations ou, au contraire, le contre-témoin. Mais pour que cela se fasse, il est nécessaire de prévoir quelques attentions particulières à une traduction efficace de la nature vocationnelle de la vie et de l’Eglise.
74. Avant tout il faut prêter attention à l’Eglise particulière, véritable lieu des charismes et des vocations les plus divers. Les jeunes n’acquièrent pas la conscience d’appartenir à l’Eglise sur la base de réflexions abstraites, mais surtout à travers des expériences vécues. Si, d’une part, la communauté et l’Eglise particulière doivent considérer les jeunes avec sympathie en leur accordant une attention privilégiée, d’autre part il y a des horizons à redécouvrir et à expérimenter comme lieux concrets où concevoir la vie selon une dimension de service.
75. A l’intérieur de l’Eglise, des groupes et associations doivent être encouragés comme "lieux pédagogiques" de maturation dans la foi et au niveau du discernement des vocations. Mais pour que les groupes soient véritablement capables de favoriser et de stimuler une authentique maturation des dons de l’Esprit, ils ont besoin de présences éducatives conscientes du service qu’ils rendent aux personnes et au groupe. Paradoxalement, de nombreux groupes, qui manquent précisément de stimulants et de points de référence précis, deviennent des lieux d’amitiés gratifiantes, mais en rien des instruments de croissance humaine et spirituelle.
76. Il va alors de soi qu’une véritable programmation d’une pastorale des vocations dans une communauté doit miser sur la formation de bons éducateurs, sans lesquels tout risque de s’enliser. Mais la médiation éducative, clef d’un plan pastoral efficace, n’est pas fournie par un vague témoignage d’altruisme et de valeurs éthiques ; elle requiert, en revanche, la conscience que tout éducateur est un témoin du Christ ressuscité, disposé à servir le projet de Dieu dans le coeur de chaque jeune ou adolescent.
77. En outre, pour favoriser les vocations, la communauté chrétienne doit savoir mettre savamment en valeur la présence des charismes, aussi bien durant la phase d’élaboration que pendant la pastorale vécue. En particulier, les jeunes doivent faire l’expérience, pour ne pas dire respirer, un climat d’estime, d’accueil, d’attention affectueuse de toutes les communautés à l’égard de toutes les expressions de vocations qui s’y trouvent.
78. Enfin, la programmation pastorale a besoin d’être ancrée à des itinéraires concrets déjà ébauchés dans le tissu des communautés chrétiennes. Il faut spécialement exploiter l’année liturgique, qui est une école permanente pour grandir vers la "plénitude du Christ" (Ep 4, 13). Comme la présence historique de Jésus fait grandir le disciple, et que les "douze", en vivant quotidiennement dans la familiarité avec le maître se forment petit à petit selon les exigences à respecter pour le suivre, de même la présence du Christ, dans les signes de l’année liturgique, fait grandir toute la communauté chrétienne et, en elle, chaque croyant selon une vocation spécifique. Par conséquent, l’année liturgique met l’accent sur les contenus essentiels du projet de l’homme immergé dans le mystère du Christ.
La collaboration entre le Centre Diocésain des Vocations et les organismes de participation
79. Le Centre Diocésain des Vocations, voulu par le Concile, est l’un des organismes qui caractérise actuellement l’histoire de la pastorale des vocations de l’après-Concile. Dans beaucoup d’Eglises particulières cet organisme n’existe que sur le papier ; dans d’autres, on constate en son sein une rotation rapide des personnes. Cela tend à indiquer que le travail dans ce contexte n’apparaît pas très gratifiant et plus qu’ailleurs les résultats sont disproportionnés par rapport au temps et à la peine investis.
Souvent les responsables du Centre Diocésain des Vocations sont les mêmes éducateurs qu’au séminaire diocésain ; parfois cela ne favorise pas l’attention équitable qui devrait être accordée à toutes les vocations.
Dans beaucoup d’Eglises particulières, le Centre Diocésain des Vocations est l’organisme qui, plus que d’autres, prend en charge la formation des personnes et, surtout, encourage la communion-collaboration entre toutes les composantes vocationnelles présentes dans l’Eglise particulière. A cet égard, la collaboration apparaît plus facile pour les vocations féminines que pour les vocations
masculines.
Il faut reconnaître que la situation concernant la présence et l’activité des Centres Diocésains des Vocations est assez variée. Des situations exemplaires d’Eglises particulières où les Centres Diocésains des Vocations sont parfaitement insérés dans le cadre des organismes pastoraux diocésains et sont l’instrument d’une programmation liée de façon organique à l’ensemble du plan pastoral des Eglises particulières ne manquent pas.
L’apport spécifique des personnes consacrées
80. L’insertion pastorale de la vie consacrée dans l’Eglise particulière ne peut pas non plus être réduite à des expériences univoques ; la diversité de présence et de participation est due à des raisons multiples. La culture même de l’efficacité qui a déplacé la valeur de la personne sur celle de l’agir ne favorise pas la compréhension d’un charisme disposé par nature à être signe de la primauté absolue de Dieu. Les communautés chrétiennes elles-mêmes ont tendance à considérer davantage le service concret que les religieux et religieuses peuvent rendre à la paroisse plutôt que leur charisme. Par conséquent, la vie religieuse a elle aussi besoin aujourd’hui d’être évangélisée et pas seulement témoignée.
En général, dans les conseils de participation, les consacré(e)s sont présent(e)s sur un pied d’égalité, avec d’amples possibilités pour apporter leur contribution spécifique.
81. Pour ce qui a trait au problème éducatif et à celui des vocations, l’apport spécifique des religieux devient toujours plus actuel pour amener l’Eglise particulière à s’intéresser toujours davantage au problème de l’école catholique. La contribution spécifique des religieux et religieuses aux programmes des vocations du diocèse apparaît un peu plus difficile. Parfois il existe un accord global sur les principes ecclésiologiques et sur les orientations pastorales ; mais il y a aussi une tendance à constituer ses propres groupes pour des activités spécifiques, même si les efforts croissants faits pour ne pas entrer en conflit avec les parcours analogues de l’Eglise particulière doivent être reconnus.
L’apport de communautés religieuses, surtout monastiques, est très positif et significatif, notamment à travers l’hospitalité fraternelle réservée aux jeunes en recherche, dans un climat de silence et de prière. D faut prendre acte que cette pratique, caractérisée par l’accueil, va en se diffusant un peu partout : dans les Eglises de l’Est et dans les Eglises de l’Ouest, c’est le signal d’une nostalgie répandue de la vie spirituelle et de la prière. Voilà pourquoi il faut assurer, à l’intérieur de ces communautés fraternelles, masculines et féminines, la disponibilité de personnes préparées à accueillir, à discerner et à accompagner.