La pastorale des jeunes est vocationnelle ou elle n’est pas


En complément du document de travail pour le congrès européen, le Père Paul Destable, secrétaire général adjoint de l’épiscopat nous propose une réflexion sur le lien entre pastorale des jeunes et pastorale des vocations.

En donnant ce titre un peu provocateur, je veux souligner l’exigence, déjà très souvent honorée, d’une bonne articulation entre les services des vocations et la pastorale des jeunes. Cela m’invitera à m’expliquer sur le thème "vocationnel".

Deux remarques préalables

La jeunesse : une question ancienne et nouvelle.
Il y a non pas une, mais des jeunesses. C’est une question ancienne. Depuis plusieurs siècles des initiatives ont été prises par l’Eglise en créant des universités catholiques ; des Congrégations ont été fondées. Certains mouvements de jeunes s’apprêtent à fêter leur centenaire. En même temps, la jeunesse est une question nouvelle du fait de son allongement spectaculaire durant les quinze ou vingt dernières années. Nous assistons à un report de l’entrée dans les responsabilités caractéristiques de la vie adulte : ce qui était vécu aux environs de 20 ans, et ce, en l’espace de dix-huit mois (la fin des études, l’entrée dans la vie professionnelle, le départ du domicile des parents, le mariage, l’accueil du premier enfant), est étalé dans le temps durant une période de dix à douze ans.

Nous devons donc repenser la pastorale des jeunes pour accompagner cet allongement du temps de la jeunesse, ce report dans la prise de responsabilité, cet étalement dans le temps des choix de vie. Notre pastorale des jeunes doit tenir compte de cette progressivité et apporter la possibilité d’accompagnements longs.

Il y a, non pas une, mais des jeunesses !
Au-delà d’une culture ou d’un look apparemment semblables, se cachent des situations et des sensibilités très diverses. Les apparences sont trompeuses. Le point d’attention, pour nous, est que nous avons à penser et à repenser la mission, non pas à partir de nos seuls savoir-faire apostoliques, mais à partir des destinataires, et dans toute leur diversité. Un des gros défauts de l’Eglise de France, dans sa pastorale auprès des jeunes, est "d’arroser toujours les mêmes salades", d’avoir beaucoup de choses mais très souvent pour les mêmes jeunes.

A - Une conviction fondamentale

La raison d’être de l’Eglise est de répondre à un appel et de transmettre les appels de Dieu. Je pense que, pour diverses raisons, notre pastorale des jeunes est très souvent timide, et parfois même paralysée, quand il s’agit d’appeler. Il nous faut donc tout d’abord bien situer la profondeur de cet appel que nous avons à transmettre : les appels de Dieu sont en vue du Royaume et pas seulement en vue d’une fonction ou d’une responsabilité ecclésiale. Le Royaume, c’est l’humanité pleinement réconciliée en Dieu.

Les appels que nous avons à servir sont donc un formidable appel à vivre, à creuser le goût de vivre en assumant nos responsabilités personnelles, sociales et ecclésiales. Ce qui est bien plus profond que des appels qui seraient adressés seulement en fonction d’une situation pastorale conjoncturelle. Les renouveaux dans l’Eglise ne se décrètent pas et ne se planifient pas, ils viennent toujours de l’intérieur des personnes et des communautés, là où l’Esprit de Dieu agit.

Déclinons maintenant cette conviction

1 - ’Toute vie est vocation". C’est Paul VI, dans son Encyclique sur le développement des peuples (Populorum progressio) qui emploie cette expression . Toute vie humaine est réponse à l’appel de Dieu Créateur. Tout ce que nous déployons dans une pastorale des jeunes : accueil personnalisé et accueil en équipe, accompagnement personnel ou en groupe, révision de vie, relecture, formation, invitation à formuler un projet de vie, etc.), est une façon de révéler la destinée unique de chaque personne. Nous pouvons reprendre à propos de chacun la parole de la Genèse : "Et Dieu vit que cela était très bon". Croire en Dieu Créateur, c’est croire que notre existence est justifiée par Lui. Les appels de Dieu s’adressent à toutes les dimensions de la vie et pas seulement au sentiment religieux. De ce point de vue là, il nous faut être vigilants : des signes extérieurs de piété ne sont pas forcément le signe d’une maturité spirituelle ; malgré les apparences ils peuvent tout aussi bien exprimer une recherche tâtonnante.

La vie spirituelle concerne toute la vie du sujet, elle est un art de vivre selon l’Esprit Saint. Tout en nous est spirituel : corps, affectivité, sexualité, savoir-faire, sociabilité. .. ou, du moins, tout est spiritualisable. C’est toute la vie du sujet qui peut s’unifier en réponse à un appel (cf. Psaume 85, 15 "Rassemble mon cœur pour qu’il craigne ton Nom".)

2 - L’espérance chrétienne, c’est espérer en quelqu’Un. La vie selon le Royaume, c’est la vie en Christ. Toute vocation est pour une rencontre, c’est toujours une proposition d’Alliance. Si la pastorale des jeunes est vocationnelle, c’est parce que la vie baptismale elle-même est vocationnelle.

Toute pastorale authentique invite à un attachement au Christ. D serait stérile, à mon avis, d’opposer ou de classer artificiellement les différents chemins de vie ecclésiale en affirmant que certains sont "spirituels" et d’autres non. Chacun, en fonction de son charisme est appelé à développer une pédagogie de la filiation. "Tu n’es plus esclave, tu es fils et donc héritier" (Gal 4, 7). Cette pédagogie est magnifiquement développée dans la parabole du père et des deux fils (Lc 15, 11-32). Tout au long de ce récit le père invite chacun de ses fils à passer d’un simple rapport de producteur/consommateur à une relation de fils. Le premier : "Donne-moi la part d’héritage qui me revient..."," s’engage à garder les porcs" ; lorsque la faim se fait sentir, il veut retourner chez son père pour être engagé en lui disant : "Père je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers". Par son comportement et son accueil, le père lui révèle son identité de fils. L’aîné lui aussi est dans les mêmes dispositions : "Voilà tant d’années que je travaille pour toi..., et à moi tu n’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis". Le père lui révèle sa filiation en ces termes : "Mon enfant, toi tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi" et du même coup il lui révèle son identité de frère. Alors qu’en parlant de son cadet, il disait "ton fils" le père le reprend en disant "ton frère". Notre pastorale des jeunes a pour mission de révéler à chacun qu’il est destiné à être pleinement réconcilié avec Dieu, avec lui-même, avec ses frères.

3 - Le service évangélique de l’homme. Il est nécessaire d’établir un rapport dialectique entre un service évangélique des jeunes et le développement de notre mouvement ecclésial ou initiative pastorale. Comment vivre le rapport entre la gratuité de ce service des personnes en fidélité au Royaume de Dieu et le fait que nous ayons à assurer la vie et le développement d’une structure pastorale ? Il nous faut donc trouver un juste équilibre entre ces deux pôles :

- Le premier : accueillir le jeune pour lui-même et servir sa croissance et son épanouissement jusqu’à réaliser sa vocation de fils de Dieu. Mais s’il ne devient pas un membre de notre initiative pastorale ou même s’il n’adhère jamais à la foi au Christ, nous sommes déjà en train de vivre notre mission si ce jeune a pu grandir en humanité : l’Eglise n’existe pas pour elle-même mais en vue du Royaume.

- Le second : pour être sacrement du Royaume au cœur de l’histoire des hommes, l’Eglise doit exister de manière visible, repérable, significative. Elle a pour mission de donner corps à la proposition d’Alliance. Nous pouvons donc nous réjouir de voir naître et se développer des équipes, des mouvements ou communautés.

Je voudrais attirer notre attention sur le type de rapport dialectique à maintenir entre ces deux pôles. Sous l’horizon du Royaume, il y a une priorité à accorder. Les deux pôles sont indispensables mais aujourd’hui il me semble nécessaire de rappeler que ce qui doit être premier c’est le service évangélique des jeunes avec ce que cela suppose comme respect de leur liberté et de leur personnalité et non pas une perspective de recrutement et d’extension. Parler de la pastorale des jeunes en terme de vocation, ce n’est pas revenir à des préoccupations d’organisation ecclésiale mais cela revient à déployer le mystère de l’Eglise en rappelant les différentes vocations possibles à la suite du Christ.

Une pastorale des jeunes
pas seulement pour animer les jeunes "catho" mais pour tous les jeunes
pas seulement pour servir la dimension religieuse des personnes mais toute
leur vie
pas seulement lors de temps forts mais durant toute l’année
pas seulement pour des étudiants ou des jeunes en cycle long mais pour tous
les jeunes.

B - Quelques repères pour une attitude pastorale

Une parole de Jean Paul II, reprise du synode sur la vocation et la mission des laïcs, est à mettre en exergue : "Les jeunes gens ne doivent pas être considérés seulement comme objet de la sollicitude pastorale de l’Eglise, mais comme les sujets de l’évangélisation et de la rénovation sociale" (Christi fïdeles laici). Cette affirmation rejoint tout à fait la conviction portée déjà par de nombreux mouvements : les jeunes sont capables d’être apôtres et témoins auprès des autre jeunes et de toute l’Eglise. La plupart d’entre eux n’aiment pas être considérés comme le futur de l’Eglise car ils ont le sentiment d’en être le présent. A ce propos, je pense que la parole de Jean Paul II est encore plus forte quand il dit que "les jeunes sont la joie de l’Eglise". Ne faut-il pas se méfier d’expressions qui se veulent mobilisatrices, du genre : "l’Eglise et les jeunes", "l’Eglise rejoint-elle assez les jeunes ?", mais qui, en fait, risquent de sous-estimer le fait qu’il y a des jeunes en Eglise et qui en sont membres à part entière ?.Ils sont même les premiers partenaires de la pastorale des jeunes, c’est ce qui a été exprimé à maintes reprises par l’assemblée des évêques en avril 1996.

1 - Appeler à devenir des hommes et des femmes libres pour aimer c’est finalement la question essentielle de toute existence. En effet, il n’y a pas de relations vraies - d’amour authentique - de réponse à Dieu sincère sans cette croissance en liberté : "C’est pour que nous soyons vraiment libres que Christ nous a libérés" (Gal 5, 1). Il ne s’agit pas d’une liberté individualiste du genre "Je fais ce que je veux, comme je veux", qui court le risque du vertige de l’isolement. La liberté qui nous est ouverte en Christ est une liberté pour aimer, pour construire le frère et la communauté (cf. St Paul dans la 1ère aux Corinthiens, chap. 14 et 8, 1-13 "Mais prenez garde que cette liberté même, qui est la vôtre, ne devienne une occasion de chute pour les faibles."). Le Christ nous ouvre à une liberté qui nous permet de dire en toute vérité et authenticité : "Me voici Seigneur pour faire ta volonté". Il n’y a pas de rôle plus noble sur cette terre que de permettre à quelqu’un de grandir dans cette liberté des enfants de Dieu.

- "Appeler c’est servir une liberté". Je ne fais ici que citer une étude du Père Hippolyte Simon, dans cette même publication, il y a quelques années. Tout choix s’enracine consciemment ou inconsciemment dans l’appel d’autres. Le meilleur moyen de tuer une liberté serait de ne pas appeler.

- Aider à formuler un projet de vie. Aujourd’hui les questions d’orientation et d’avenir professionnels sont très dures, cela ne doit pas nous démobiliser pour proposer aux jeunes de formuler un projet de vie qui prend en compte l’avenir professionnel mais le situe dans un ensemble plus vaste : choix affectif, orientation et style de vie, vocation, etc. En Eglise nous sommes héritiers de savoir-faire pour un accompagnement qui permette d’unifier sa vie en réponse à un appel.

- Offrir des lieux et des temps de relecture. Il est important que des jeunes aient la possibilité, soit en groupe soit en accompagnement personnel, de faire une relecture de leur propre histoire. C’est une occasion offerte pour qu’ils apprécient leur vie non pas comme une suite de bons ou de bons et de mauvais moments, mais comme ayant du sens et du goût. La relecture permet au jeune de développer une mémoire chrétienne de sa propre vie ; cette mémoire est le fondement qui lui permettra de créer sa réponse à l’appel de Dieu.

Les grands systèmes d’interprétation s’étant effondrés, le doute étant porté sur tous les repères institutionnels, le tissu social étant souvent fragilisé, les jeunes se trouvent isolés et vulnérables par rapport aux grands questionnements de l’existence auxquels ils sont souvent plus ouverts que leurs aînés. Je suis persuadé qu’il ne faut pas dissocier notre discours sur la fragilité des jeunes, d’un discours sur la fragilité de notre société et de notre Eglise. Maintenir cette conjonction nous implique et nous invite à un discernement sur nous-mêmes.

2 - Pour servir cette croissance en liberté, établir un rapport dialectique entre écoute et annonce. C’est une banalité de rappeler que toute rencontre authentique avec des jeunes suppose un temps d’écoute de leurs questions, de leurs attentes. Ce n’est pas un préalable et la plupart des initiatives pastorales développent ce temps d’écoute. Mais dans notre relation avec les jeunes nous sommes placés devant le surgissement de la foi. Dieu est celui qui fait irruption dans notre vie. Cela nous conduit non seulement à écouter profondément le jeune mais à l’inciter à écouter comment la foi va bousculer sa vie.

Cette génération est très sensible à la gratuité, à la beauté et à la qualité de vie et de relation. Cela représente une chance pour une humanisation de nos sociétés et pour une rencontre de la foi. Cela n’est pas sans risque non plus car ils peuvent être tentés par les expériences proposées par des gourous ou des séducteurs. D’autre part, le primat accordé à l’expérience risque de ramener la foi à son seul aspect subjectif. Comment faire découvrir la foi comme une relation avec un Dieu personnel ?

Un des lieux où se joue ce rapport entre écoute et annonce c’est l’alternance entre les temps ordinaires et les temps forts de notre pastorale (aux plans diocésain, national ou international). Les lieux de grands rassemblements sont entre autres des occasions de faire entendre un appel évangélique assez radical. "N’ayez pas peur d’être des saints" (Jean Paul II à St Jacques de Compostelle). Il y a des appels que l’on ne peut pas adresser de la même façon lorsque l’on est quatre ou cinq autour d’une table. Dans un rassemblement plus large les jeunes pourront se sentir concernés sans se sentir visés. Bien entendu, cela devra être repris dans les rencontres habituelles en équipe ou accompagnement personnel.

3 - Développer concrètement une pastorale de l’appel. Dans une tâche pastorale, appeler c’est ce que nous avons de meilleur à mettre en œuvre et cela par des initiatives très concrètes.

- Dans les mouvements, des jeunes sont appelés à une responsabilité d’équipe ou de fédération. Dans ce cas, quel est le contenu de la lettre d’appel ? Dans l’appel, comme dans la réponse, les raisons profondes de l’acceptation ou du refus sont-elles évoquées ?

- Dans le cadre de la Mission étudiante des jeunes sont appelés à être résidents, c’est-à-dire à vivre une expérience de communauté d’accueil. La désignation se fait-elle pour des raisons pratiques ou comme un appel pour une mission ?

- Les futurs confirmands et les futurs baptisés sont invités à écrire des demandes d’appels. Pour ceux qui les reçoivent la lecture est souvent un sujet d’émerveillement

Ce jeu d’appel et de réponse a toujours eu une grande importance mais je pense qu’aujourd’hui il est particulièrement pertinent car la grande question est celle de la confiance. Est-ce que je peux avoir confiance en moi ? en Dieu ? aux autres ? Des appels motivés, fondés, personnalisés peuvent conforter cette aspiration à la confiance et à la reconnaissance. Il ne faut pas perdre de vue que nous baignons dans une société qui rêve du "zéro faute", où il n’y aurait pas de droit à l’erreur ni à l’échec. Nous avons à développer une attitude de confiance qui permet au jeune de dire : "Je suis appelé malgré mes limites".

Nous sommes, de fait, embarqués dans une profonde crise de confiance. Allons-nous investir notre créativité dans l’amplification de cette critique ou bien allons-nous permettre aux jeunes de trouver des lieux de fiabilité, les inviter à reconnaître les signes de fiabilité chez leurs parents, éducateurs, dans certaines institutions ?

4 - A chaque étape de la vie, se réapproprier la foi. A ce propos, je souligne deux observations.
Aujourd’hui la transmission de la tradition chrétienne d’une génération à l’autre se fait plus difficilement. Chaque individu se définit en fonction de lui-même et de son parcours, et non pas d’abord à partir de son groupe d’appartenance (famille, groupe social, confession religieuse). D’autre part, la jeunesse est un phénomène relativement nouveau, comme nous le disions en commençant, ce qui dégage une longue période entre l’adolescence et la vie adulte.

Notre accompagnement pastoral doit tenir compte de ces longs passages, de ces tâtonnements. C’est là que se situent des initiatives récentes comme les Ecoles de la Foi, le Service ecclésial jeunes, les expériences communautaires, etc. qui veulent offrir une occasion de mûrissement sur le plan humain comme sur celui de la foi. Nous pouvons parfois être surpris de voir chez certains un comportement de néophytes. Ce serait une erreur de trop vite les qualifier de "tradi". Même s’ils ont grandi dans une famille chrétienne, ils ont besoin de se réapproprier la foi à chacune des étapes décisives de leur vie. L’exigence pour notre pastorale c’est d’offrir des parcours dans la foi et des portes d’entrée dans la vie ecclésiale aux différents âges. Ce n’est pas parce qu’un jeune ne montrerait aucun intérêt pour une proposition à 18 ans, qu’il ne sera pas réceptif à 25. Mais y aura-t-il alors une personne, un mouvement, une communauté pour lui faire signe ?

Comme éducateurs, il nous faut prendre acte d’un renversement. Depuis plusieurs générations, on se demandait ce qu’il fallait abandonner ou faire. La question était : "Avec quoi dois-je rompre par rapport aux modes de vie, aux habitudes, aux valeurs pour être en prise avec la nouveauté du monde" ? Aujourd’hui la démarche est toute différente car la question est plutôt "Comment vais-je m’enraciner dans une mémoire ?" Nous avons appris à conjuguer le verbe accompagner à tous les modes et à tous les temps et c’est très bien. Sommes-nous aussi entreprenants par rapport au verbe appeler ?

5 - Une pastorale diversifiée et coordonnée. De fait, nos propositions pastorales en France sont diversifiées : mouvements, aumôneries, enseignement catholique ; diverses traditions spirituelles, communautés charismatiques, etc. Ce qui est nouveau depuis quelques années dans les diocèses de France, c’est l’existence d’instances de coordinations de la pastorale des jeunes, le plus souvent une personne nommée par l’évêque et un conseil pastoral de jeunes. A mon avis le fait de cette plus grande coordination représente une chance pour les Services Diocésains des Vocations.

La situation actuelle me paraît positive à condition d’éviter une crispation aussi bien sur l’unité que sur la diversité.

La diversité est bonne et il est même nécessaire de l’accentuer s’il s’agit d’intensifier la proposition de la foi à ceux qui sont les moins rejoints par notre pastorale comme, comme les jeunes des quartiers difficiles, les apprentis et les autres jeunes en formation technique ou professionnelle, les jeunes gitans, etc. Il y a crispation quand chacun ne voit qu’en fonction de son service et mouvement comme s’il était auto-suffisant. Comment être à la fois pleinement convaincu de l’originalité de son service, de son chemin de vie spirituelle sans se prendre pour le tout ? Dieu est toujours plus grand que le chemin qui nous conduit à lui.

L’inconvénient de cette crispation c’est qu’elle aboutit à des pertes d’énergie et à des ignorances qui empêchent rencontre et collaboration. Il nous faut être très vigilants sur tout ce qui pourrait ressembler à du mépris, cela joue beaucoup sur la confiance qu’auront, ou n’auront pas, les jeunes envers l’Eglise. Ils n’ont pas envie de s’engager dans un panier de crabes. Par contre ils apprécient les personnes et les groupes qui, tout en affirmant leurs différences, sont capables de faire un bout de chemin ensemble. A ce propos beaucoup d’initiatives pastorales peuvent dire "Nous sommes le seul lieu de vie en Eglise pour une grande partie des jeunes que nous rejoignons". C’est très bien et cela prouve que ces mouvements ou services jouent leur rôle : rendre l’Eglise proche et accessible à des jeunes qui ne la rencontreraient pas autrement Mais une telle affirmation ne peut pas être le dernier mot. Faire découvrir l’Eglise plus largement fait partie de la proposition de la foi. Affirmer cela n’est pas une question de stratégie pastorale. C’est un test qui vérifie que nous leur proposons de devenir disciples du Christ et pas seulement membres de notre communauté ou mouvement. Ce n’est pas moi qui doit devenir intervenant mais le Christ.

La volonté de coordination est de plus en plus évidente aujourd’hui. C’est heureux mais à condition d’éviter la crispation sur l’unité. En effet il ne faut pas confondre le sens chrétien de la communion et l’idéologie de communion. Cela entraînerait soit la recherche du consensus mou, soit la volonté de tout régenter ou bien encore la méconnaissance des enjeux spirituels de la diversité des charismes, des traditions spirituelles, de l’attention pastorale portée à chaque groupe humain. L’expérience est maintenant fort répandue des conseils de pastorale. Ce ne sont pas des machines à donner des conseils pour la bonne gestion des communautés : c’est la rencontre de divers témoignages à propos du Christ. Accepter de se rencontrer c’est prendre conscience de l’appel commun à faire Eglise.

Une de mes convictions par rapport au service des vocations c’est qu’il nous faut faire exister un tissu ecclésial. Pour être envoyé il faut exister, pour être missionnaire notre Eglise doit aussi être Corps. Les appels de Dieu pour mûrir et porter du fruit dans la vie d’un jeune supposent une communauté humaine et ecclésiale. Si des jeunes qui se sont posé la question d’une vocation spécifique n’ont pas persévéré, c’est bien souvent par peur de ne pas tenir le coup. Pour s’engager durablement et vivre à la suite du Christ une aventure marquée par la solitude, il est nécessaire d’avoir une ou des communautés de référence, stables. La famille a joué et joue ce rôle. Notre vie en Eglise offre-t-elle suffisamment ce genre de communautés aujourd’hui ?

Paul Destable