L’école de la Foi pour jeunes témoins, à Coutances


Par le Père Michel Santier

Lécole de la Foi pour Jeunes Témoins, des douze diocèses de la région apostolique de l’Ouest, se situe à Coutances dans la Manche. Elle a été ouverte en septembre 1989, à la demande des évêques de la région apostolique Ouest. Elle n’est ni l’école d’un seul diocèse ni l’école d’une communauté ou d’un autre courant d’Eglise, elle est d’Eglise au service des églises particulières.

L’école de la Foi, selon l’expression d’un visiteur envoyé par les évêques, le Père Michel Cancouët, est essentiellement : "une école de formation qui apprend aux jeunes à vivre leur baptême pour servir l’Eglise". Elle repose sur quatre piliers qui constituent l’essentiel de la vie lorsqu’ils parlent de la communauté de Jérusalem.

Ac 2, 42 : "Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières..."

Ac 4, 33 : "Une grande puissance marquait le témoignage rendu par les apôtres à la résurrection du Seigneur Jésus ".

Voici donc les quatre piliers :

L’Enseignement
La Communion fraternelle
L’Eucharistie
La Mission

La formation s’adresse au jeune dans la totalité de sa personne. Le but est de lui donner une intelligence de la foi en lien avec une vie de prière, de célébration, de vie communautaire et d’ouverture au monde, sans oublier les exigences et les responsabilités au quotidien que cela comporte.

L’Enseignement

C’est le premier pilier de la formation, la colonne vertébrale du programme suit le cycle de l’année liturgique.

- 1er trimestre Le Christ annoncé par les Prophètes, les Ecritures

- 2ème trimestre Le Christ au milieu des hommes, mort et ressuscité

- 3ème trimestre Le Christ vivant dans l’Eglise et les hommes.

Chaque jour comporte quatre heures de cours, soit sous forme de session, en début de semaine, soit sous forme de cours réguliers en fin de semaine. La session sous forme synthétique permet de donner une base fondamentale, avec le risque que le jeune croit avoir fait le tour de la question. Les cours réguliers ont l’avantage dans la durée de poser différentes questions, et de permettre aussi un approfondissement tant au niveau de la méthode que du contenu.

Au premier trimestre, qui se termine à Noël, c’est le temps de la préparation de la venue du Christ : on y fait une initiation à l’Ancien Testament, avec une insistance assez forte sur la Création, le problème du mal, la bioéthique, la transformation du monde... Au deuxième trimestre, qui se termine à Pâques, on centre tout sur la personne du Christ, l’interprétation des évangiles, le sens de la rédemption et de la résurrection. .. Au troisième trimestre, dominé par la Pentecôte, on insiste naturellement sur l’Esprit Saint, l’Eglise, l’envoi en mission.
Il y a aussi des cours de confrontation entre la culture et la foi, pour aider à lire certains auteurs contemporains, afin d’apprendre comment la foi s’inscrit dans une culture et comment des auteurs ont, dans leur temps, posé le problème de Dieu et de la foi. C’est un peu à la frontière de la philosophie.
Tout cet enseignement est assuré par une équipe de professeurs des grands séminaires de Caen et de Rennes, des religieuses maîtresses de formations et d’intervenants laïcs.

La formation ne s’étend pas qu’au domaine religieux : parole de Dieu, théologie ou spiritualité, elle comporte une formation à la vie affective, à la vie relationnelle. Elle comporte une session écoute, des rencontres sur l’animation de groupes et de réunion.

"Les cours m’ont appris à me familiariser avec la Bible, ce livre dont je n’avais pas l’habitude de me servir tous les jours. J’ai reçu cette année des clefs de lecture qui me permettent de décoder la Parole de Dieu."

"La diversité des enseignements m’a permis de connaître et d’apprécier les différentes spiritualités."

Pour le travail personnel chaque jeune est invité, au premier trimestre, à lire un livre et à en faire le résumé. Le second trimestre à rédiger un dossier, et au troisième, à rédiger son bilan. Ils ont normalement deux heures de travail personnel par jour sans compter les soirées, mais il faut sans cesse veiller à ce que ce temps ne soit pas mangé par autre chose !

Dans plusieurs interventions il leur est demandé de faire un résumé, un texte libre ou un travail sur un texte. Plusieurs cours comportent des travaux de groupe, des travaux pratiques. L’expression orale n’est pas suffisante pour rendre compte d’une assimilation, l’expression écrite permet du recul, et de structurer, organiser davantage sa pensée. Ce travail d’évaluation se fait, pour ceux qui ont le plus de difficultés, dans un petit groupe animé régulièrement par un des intervenants, il peut se faire aussi à travers l’accompagnement personnel, et les rencontres de fraternité.

Au début, la formation était trop lourde avec trop d’intervenants ; petit à petit, nous avons été amenés à resserrer les interventions autour de l’axe principal et à supprimer des choses. Nous avons encore à progresser dans ce sens. Nous tenons cependant à maintenir le cap sur cette formation à l’intelligence de la foi, car celle-ci ne repose pas uniquement sur des expériences sensibles, mais sur un donné révélé qui est sans cesse à approfondir, à recevoir et à confronter avec les questions actuelles. Cet enseignement, pour autant, n’est pas coupé de la Parole de Dieu source authentique de toute vie spirituelle et ecclésiale.

La vie communautaire

C’est le deuxième pilier de la formation, le "vivre ensemble" à l’école de la Foi, la vie fraternelle.

Les jeunes adultes, hommes et femmes, qui passent l’année à l’école de la Foi sont entre quinze et vingt, ils ont entre 18 et 30 ans, quelquefois plus. Ce n’est pas toujours évident que pendant les dix mois de leur présence à l’école, ils parviennent à former une vraie communauté. Certains arrivent avec une forte aspiration à la vie communautaire, c’est une des motivations de leur entrée, d’autres étant attirés par la formation intellectuelle, appréhendent la vie ensemble.
Venant d’horizons divers, chacun avec son histoire particulière, son tempérament, son âge, ses exigences d’idéal, doit pouvoir s’exprimer, prendre la parole, exercer ses talents sans s’imposer à l’autre, sans peser sur sa liberté. C’est un exercice difficile mais, à l’expérience, je constate que cette vie communautaire est ce qui fait bouger le plus jeune, le fait s’ouvrir aux autres et grandir vers l’âge adulte. L’obstacle à la vie communautaire c’est le rêve d’idéal communautaire que je risque d’imposer à l’autre, des idées toutes faites. Pour surmonter les tensions ou les déceptions inhérentes à la vie communautaire, l’école se veut donc un lieu d’apprentissage de la communion fraternelle dans le respect des différences.

La vie fraternelle ne repose pas sur un idéal à atteindre mais sur la foi vécue en commun, la reconnaissance de la présence du Christ ressuscité au milieu de ceux qui sont réunis en son nom. "Tous ceux qui étaient devenus croyants mettaient tout en commun" (Ac 4, 32) ; "Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux" (Mt 18, 20).

Cette vie fraternelle s’incarne dans la participation de tous aux services quotidiens (lessive, repassage, vaisselle, préparation de la liturgie, ménage, photocopies, etc.), chacun donne du temps pour les autres. Les temps de détente, la veillée de Noël, les anniversaires célébrés par une chanson composée par le groupe à l’intention du récipiendaire. Les découvertes promenades permettent des rencontres plus gratuites, et de se découvrir dans un autre cadre plus joyeux et plus festif. La réunion communautaire, tous les quinze jours, est un exercice difficile mais nécessaire.

La prière

C’est le troisième pilier de la formation, aider le jeune à structurer sa foi, sa vie spirituelle.

Les jeunes qui viennent à l’Ecole, pour la plupart, ont déjà vécu des temps forts spirituels dans les rassemblements de jeunes à Taizé, Lourdes, Paray-le-Monial et les Journées Mondiales de la Jeunesse ou des groupes de prière. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ont acquis une régularité dans la prière : ils peuvent prier longtemps mais aussi de façon très espacée dans le temps.

Nous croyons important de les aider à entrer dans la prière liturgique de l’Eglise et à structurer leur prière personnelle. La journée est donc rythmée par l’office liturgique "Prière du temps présent", le matin avec les laudes, l’office du milieu du jour et, suivant les jours, vêpres ou compiles. A première vue cela peut paraître beaucoup pour des jeunes qui n’en avaient pas l’habitude. En réalité, et grâce aussi aux cours, les jeunes prennent goût à la prière des psaumes et au sens de la prière publique de l’Eglise. Dans les intercessions libres à la fin de l’office, ils confient des intentions familiales ou personnelles, mais aussi des situations de jeunes qu’ils connaissent et des questions d’actualité dans le monde.

L’Eucharistie quotidienne est vécue comme le sommet de la journée. Sans la prière régulière et le sacrement de l’Eucharistie, la vie communautaire serait très difficile à vivre. Les jeunes ressentent fort bien que celui qui les unit et les fait vivre en Eglise, c’est le Christ présent dans sa parole et dans les sacrements de son corps et de son sang.

La mission

C’est le quatrième pilier de la formation, l’ouverture au monde et à l’Eglise.

Pour favoriser cette ouverture au monde, un jeune, chaque jour au cours du repas de midi, fait un résumé des principales nouvelles invitant les autres à lire la presse. Le soir, ils ont la possibilité de regarder le journal télévisé.
Chaque quinzaine, un témoin vient partager comment il vit sa foi dans ses responsabilités sociales, professionnelles ou familiales et comment il vit sa foi dans les différents engagements ou mouvements d’Eglise (MEJ, Scoutisme, MCC, ACI, Secours Catholique, Prison, ...). Oser prendre la parole devant les autres, dire ce que l’on pense, s’exposer, proposer des idées nouvelles, prendre des initiatives, n’est jamais chose aisée. Les petites fraternités qui se réunissent autour d’un repas et se prolongent dans un partage, permettent à ceux qui n’osent pas s’exprimer dans un grand groupe de dire ce qu’ils ressentent, ce qu’ils vivent et ainsi de croire en eux-mêmes. Comme le disait l’un d’entre eux, "La vie communautaire c’est beau et dur".

Il s’agit en fait de leur faire découvrir le travail collectif, de leur en donner le goût, afin qu’ensuite, là où ils seront appelés à vivre, ils puissent travailler effectivement avec les autres. L’école devient un lieu d’apprentissage à la vie en Eglise, traversée aujourd’hui par des courants divers. Certains jeunes viennent du Scoutisme, du MEJ, du Renouveau, de l’ACE, d’autres ont très peu d’expériences ecclésiales. En vivant ensemble au quotidien, en priant ensemble, on apprend à se connaître et à estimer les lieux divers en Eglise, les engagements des uns et des autres. Des jeunes plus favorisés dans leur milieu familial ou leurs études ouvrent les yeux sur d’autres jeunes qui ont connu des situations familiales plus douloureuses, qui ont traversé des difficultés dans leurs études. L’un d’entre eux m’a dit "je n’aurais jamais imaginé qu’un jeune de mon âge ait eu à vivre de telles choses."

Voici une remarque du rapport du visiteur nommé par les évêques de l’Ouest, au bout de six années d’expérience : "J’ai eu l’occasion de vérifier la qualité de charité que manifestent les jeunes vis-à-vis de ceux qui ont des difficultés et je me dis que c’est une bonne expérience que celle d’une communauté telle que certains ont besoin du secours des autres."

Ceux qui profitent le plus de cette vie communautaire assez exigeante sont parfois ceux qui la redoutaient au départ. Des jeunes au départ renfermés sur leurs difficultés arrivent à s’exprimer, à oser prendre la parole même dans des temps d’animation auprès des jeunes : "Ailleurs quand j’ouvrais la bouche, on me contredisait, ici, quand je dis quelque chose on m’écoute."

Cette vie communautaire se déroule tout au long de l’année. Le premier temps est assez heureux, on parle beaucoup ensemble, on voudrait tout vivre ensemble. Pendant une deuxième période, fin du premier trimestre et début du second, on se découvre différents, les caractères s’affrontent, on voit apparaître une tendance au repli, des visites me disent que "c’est dur la vie ensemble", des remarques cinglantes fusent en réunion communautaire. Puis vient la préparation de la récollection où on accueille chaque année cent cinquante jeunes. Cela demande que chacun s’implique, joue son rôle. C’est l’expérience d’un corps où tous les membres ont leur fonction. Cette expérience permet de faire jaillir un véritable esprit communautaire où la communion se vit à travers les différences. Des expressions, même cinglantes, sont écrites sur des papiers et s’expriment en réunion communautaire. Même s’il y a encore des retours en arrière inévitables, le chemin se poursuit et tous disent à la fin que c’est une expérience exigeante de mise en vérité, mais aussi une expérience bénéfique.

Joies et difficultés, questions pour l’avenir

L’école de la Foi, en sept ans, a accueilli cent vingt-trois jeunes qui ont fait toute l’année (six ont arrêté en cours d’année). Il est difficile de donner une année de sa vie pour une formation chrétienne, pour réfléchir au sens que l’on va lui donner. Pour beaucoup, cette année passée à l’école leur a permis de se structurer humainement, la foi faisant partie intégrante de cette structuration. Plusieurs écrivent quelques années après en disant combien l’école les a aidés à devenir plus homme ou femme, à vivre une foi plus vivante ou missionnaire, à trouver leur vocation.

Nous avons eu aussi des échecs, dus à l’accueil de jeunes en grosses difficultés psychologiques. Nous faisons appel régulièrement, si des jeunes le désirent, à un psychologue. L’accompagnement personnel au plan spirituel les aide beaucoup, mais pour certains, cela demeure insuffisant. Ceci demande de notre part une plus grande vigilance sur les critères de discernement d’entrée à l’école, une meilleure articulation avec les correspondants diocésains qui assurent le premier accueil. Mais, il est parfois très difficile de discerner à l’avance si un jeune va bouger ou pas, s’il va profiter de l’école. Le meilleur cas de figure est quand il y a à la fois un désir profond chez le jeune et quand il est envoyé par son diocèse. Les deux sont nécessaires car lorsque le jeune est envoyé parce qu’il n’est pas suffisamment préparé pour entrer en formation, il a du mal au début à faire un choix libre par rapport aux objectifs de l’école et à faire confiance aux animateurs.

Après l’école, les jeunes se dirigent vers plusieurs directions. Un bon nombre reprend un travail ou poursuit des études, ce qui définit leur école, comme école baptismale.

La vie de prière

"Comment dire toute l’importance qu’a revêtu la prière pour moi ? L’Eucharistie chaque jour est plus qu’une chance. En même temps que la joie profonde de recevoir le corps et le sang du Christ, c’est devenu vraiment la source où quotidiennement j’ai puisé joie, force et courage pour tout ce que j’avais à vivre. Chaque jour le Christ s’est donné à nous pour que nous allions ensuite communier à tous nos frères. Aussi, j’espère poursuivre dans l’avenir ce rendez-vous quotidien, si les circonstances le permettent." Béatrice.

Chaque matin, inscrit dans l’horaire, leur est proposé une demi-heure de silence : le temps de l’oraison. Cette oraison est essentiellement nourrie par la Parole de Dieu. Après plusieurs années, des anciens nous disent que c’est une de leur découverte la plus profonde : prendre un temps de prière chaque jour et nourrir sa vie de la Parole de Dieu. C’est souvent aussi ce que les jeunes disent en premier lorsqu’ils sont interrogés sur ce que leur apporte l’école. Cette découverte de l’oraison s’affirme sur un cours mensuel à l’école de Ste Thérèse d’Avila, puis à l’école de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, lors d’une session à Lisieux avec les sœurs Oblates et au cours d’un week-end d’apprentissage à la prière selon la méthode ignatienne qui a lieu en janvier.

"Par l’oraison, j’ai appris à tout remettre devant Dieu, au fur et à mesure que ma confiance en Lui grandissait. J’ai appris à Lui présenter toute ma vie, tout ce qui habite mon corps et mon temps. Chaque jour c’était à renouveler, parfois plus facilement que d’autres. Mais j’ai ici découvert la nécessité de la prière." Béatrice.

"La méthode ignatienne m’a appris à façonner la prière personnelle ; faire la relecture de ma vie permet de mieux me situer, de mieux comprendre ma route avec le Seigneur." Jean-Marc.

La prière personnelle se vit aussi une fois par semaine sous le mode de l’adoration. "L’adoration a été pour moi une nouveauté. C’est là que le Christ se donne à nous dans tout son éclat, dans toute sa générosité. Prier devant sa face fut un moment très privilégié. "

Les retraites sont aussi des moments très privilégiés de cette structuration de la vie de foi : au début de l’année la retraite fondamentale au Foyer de Charité de Tres-saint permet de s’appuyer sur une base commune à tous. La semaine sainte vécue au monastère des Trappistes de Soligny leur permet d’entrer de l’intérieur dans la célébration liturgique du mystère central de la foi : le mystère pascal.

Le passage à Pontmain au temps de la Pentecôte permet de situer Marie dans le mystère du Christ et de l’Eglise. Enfin la retraite à Manrèse, dont ils profitent à plein à cause du reste de l’année, leur permet de faire un discernement personne sur les appels de Dieu dans leur vie.

L’accompagnement

Pour les aider à grandir dans la foi, au bout d’un mois, les jeunes sont invités à choisir parmi les prêtres, religieuses ou laïcs, un accompagnateur spirituel. Ils sont invités à le rencontrer régulièrement tous les quinze jours : en conseil, lorsque nous partageons sur les jeunes, le responsable de l’école renvoie assez souvent à cet accompagnement. Pour le jeune, c’est une découverte : "L’accompagnement est pour moi une évidence afin de se réajuster sans cesse à la volonté du Seigneur, sans quoi on peut dévier facilement. L’accompagnement est indispensable pour comprendre ce que l’Esprit veut modeler en nous, pour discerner comment il agit en nous et pour le laisser agir en nous."

"L’accompagnateur m’a beaucoup aidée dans les moments difficiles et aussi tout au long de l’année, il a été pour moi un soutien et encore maintenant. C’est la première fois que j’étais ainsi écoutée et aidée." Catherine
Le jeune, à travers les différentes retraites, temps forts ou accompagnements, découvre l’importance du sacrement de réconciliation. Au lieu de nier son passé ou de se culpabiliser, ayant découvert le vrai visage du Dieu Amour, il peut ainsi en vérité se reconnaître pécheur, responsable de ses actes et ainsi marcher vers un chemin de liberté.

Quant au lien avec la famille, il est maintenu, puisque la proximité géographique permet un séjour régulier chaque quinzaine et durant les vacances. Au cours de l’année, une journée "portes ouvertes" organisée par les jeunes leur permet de faire découvrir à leurs familles et amis ce qu’ils vivent à l’école. Souvent, ils invitent des amis de passage à leur table.

La découverte du diocèse

De plus, l’école demande aux jeunes une insertion pastorale légère : un suivi en catéchèse dans un collège à Coutances, ou un mouvement qu’ils connaissent déjà, une aumônerie ou un groupe paroissial, par exemple de confirmation, qu’ils retrouvent quand ils retournent chez eux. Cette activité dans le continu de la pastorale ordinaire n’est pas toujours aisée, tant du côté des jeunes que du côté des demandeurs. Les jeunes en effet sont soumis aux horaires et au calendrier de l’école qui les empêchent évidemment de participer à toutes les activités du groupe dans lequel ils sont engagés. De plus, ils sont inexpérimentés, ils sont là pour se former. Mais, comme le disait un directeur d’établissement, c’est profitable pour le collège comme pour le jeune. Cela suppose que les jeunes ne soient pas en responsabilité directe et que les adultes avec qui ils travaillent aient à leur égard une action de pédagogues.

Chaque trimestre, par petites équipes de sept-huit, les jeunes sont envoyés ensemble pour animer une semaine de temps forts en paroisse et dans un établissement scolaire qui en fait la demande. Un animateur de l’école se rend plusieurs fois sur place pour préparer ce temps fort avec le curé et le conseil pastoral ou le chef d’établissement et l’équipe d’aumônerie. La qualité de la préparation conditionne la qualité de la semaine missionnaire.

Dans un premier temps, les jeunes rencontrent l’Eglise locale telle qu’elle est avec ses animateurs qui présentent la vie paroissiale ou l’établissement dans toutes ses activités. La rencontre avec les différents acteurs de la pastorale, les chrétiens engagés, est pour les jeunes, une véritable découverte. Ils ignorent la plupart du temps ce qu’est une vie paroissiale. Ils portent à partir de là un regard nouveau sur l’Eglise, sur les paroisses en constatant qu’elles sont vivantes à cause de l’engagement des laïcs qui y prennent des responsabilités.

A la rencontre d’autres jeunes

Dans un second temps, ils rencontrent des jeunes selon l’expression de Jean Paul II : ce sont les "jeunes qui évangélisent les jeunes." Ils témoignent devant eux ce qu’ils vivent à l’école, ils accueillent leurs questions, les écoutent, partagent leur repas, leurs jeux sportifs et leur musique.

L’esprit dans lequel se fait la mission a habitué les jeunes à d’abord chercher à comprendre ceux qu’ils vont rencontrer pour ensuite placer l’Evangile au cœur de leur vie. Leur annonce de l’Evangile est simple, surtout devant les enfants. Le plus souvent, de façon très sobre, ils jouent des mimes sur des passages d’Evangile. Lorsque le dialogue avec les jeunes s’instaure, les membres de l’école s’aperçoivent vite que pour répondre à leurs questions, ils n’ont pas toujours la formation suffisante. Cette expérience vécue en novembre, est un véritable tournant dans l’année. Après ce temps de mission, ils retrouvent de nouvelles motivations pour suivre et travailler les cours, intérioriser personnellement ce qui leur est enseigné. Comme l’exprime le visiteur déjà cité : "Les missions motivent pour le travail intellectuel lorsque les jeunes se rendent compte qu’ils sont questionnés et qu’ils ont à répondre à des questions sur la foi, la souffrance, le mal, etc. Elles enracinent leur vie spirituelle, elles font découvrir l’Eglise, les autres diocèses, et des milieux inconnus de jeunes ou d’adultes.".

"Exprimer sa foi devant les jeunes, parler au micro devant un groupe de personnes, c’était totalement nouveau pour moi. J’ai appris à poser mon regard sur l’autre, à mieux aimer les autres, j’ai beaucoup plus reçu que je n’ai donné." Jean-Marc.

"Les temps forts de mission m’ont d’abord permis de rencontrer divers publics et particulièrement celui des jeunes. Cela m’a donné le goût des jeunes, la certitude qu’ils attendaient, espéraient quelque chose de nous ; cela m’a donné le désir de construire quelque chose avec eux, ils m’ont donné un nouveau souffle."

C’est dans le concret des temps forts de mission que l’on apprend vraiment à se débrouiller, à s’organiser, à s’adapter. C’est dans ces moments importants que les liens entre nous se sont resserrés car nous avions besoin de compter sur chacun, de sentir la présence active et indispensable de chacun." Béatrice.

Mais le bénéfice n’est pas à sens unique : leur enthousiasme, leur témoignage, la communion fraternelle qui les unit, selon les bilans qui nous reviennent, est ce qui marque les jeunes. Tout cela montre un visage d’Eglise jeune à des jeunes qui sont souvent sur la réserve en ce qui concerne l’institution Eglise. Nous constatons que les auditeurs les plus réceptifs ne sont pas toujours ceux qui fréquentent les aumôneries. C’est là qu’on mesure l’impact d’une parole de jeune, authentique, sur d’autres jeunes. Dans les relectures de fin d’année, les jeunes perçoivent bien la cohérence de la formation articulée autour des quatre piliers. Ils disent des formules assez semblables à celles-ci :

"Il n’est pas possible de témoigner et d’annoncer l’Evangile s’il n’est d’abord vécu. La qualité des missions dépend de la vie fraternelle, de la vie de prière, du sérieux de notre réflexion intellectuelle à l’Ecole. De même la mission nous donne un nouvel élan pour vivre ensemble la fraternité, porter tous les animateurs de jeunes dans la prière et nous donner des motivations nouvelles pour travailler intellectuellement."

Une formation de base

L’année de l’école de la Foi donne une formation fondamentale au niveau animation ou catéchèse, même si elle comporte une formation à l’écoute, à l’animation, de groupes ou de réunions, un parcours bible et catéchèse. De plus, les jeunes ont du mal à trouver un travail professionnel. Pour des jeunes ayant fait une telle école, on pourrait renverser la vapeur, que le mi-temps ecclésial leur donne de quoi vivre, les aide à payer une formation professionnelle en vue de trouver du travail. Quelques-uns aussi, chaque année en nombre significatif, le tiers, entrent dans un séminaire ou un noviciat cistercien, spiritain ou chartreux. Pour les jeunes ayant vécu une conversion, une question délicate de discernement nous est posée : comment aider le jeune à distinguer entre conversion, désir absolu, de vivre sa foi et sa vocation ? Pour cela il faut plusieurs années et des cheminements au séminaire ou au noviciat se sont avérés positifs.

Beaucoup de jeunes ayant vécu l’école disent qu’elle les a aidés à découvrir leur Eglise diocésaine et à la servir. Le diocèse qui envoie le jeune, participe pour la moitié aux frais de formation, l’autre moitié étant assurée par des dons, des parrainages, venant des familles, des paroisses, des communautés religieuses, des groupes de prière. Pour le diocèse cela est un investissement financier qui n’est pas toujours payé en retour, c’est vrai aussi pour un séminaire. Mais si la liberté de discernement du jeune doit être respectée, il doit aussi être responsabilisé dans son lien avec le diocèse par le biais du correspondant diocésain qu’il est invité à rencontrer durant les vacances, à le tenir au courant de ce qu’il vit par courrier. La mission de ce correspondant qui n’est pas toujours aisée, est importante car à la fin de l’année, il pourra aider le jeune à s’insérer plus facilement dans l’Eglise locale. Sur ce point nous avons encore à progresser, mais je remercie ceux qui remplissent cette mission.

Les évêques de l’Ouest après six années, ayant souhaité que l’expérience continue ont dû discerner ce qu’elle avait de positif. Ouvrir chaque année est une aventure : on ne sait jamais à l’avance le nombre de jeunes et si le groupe garçons-filles sera équilibré. Mais cette aventure, nous la vivons ensemble, équipe d’animation de vocations diversifiées, de sensibilités religieuses et ecclésiales diverses. C’est une aventure ecclésiale. Le diocèse de Coutances - qui investit dans les travaux nécessaires dus aux normes de sécurité - vit aussi avec nous cette aventure passionnante et exigeante.

Michel Santier
vicaire épiscopal du diocèse de Coutances responsable de l’Ecole de la Foi