Dire oui aux appels de Dieu
Plus long, plus tourmenté peut-être, ce témoignage est un peu à part. Alain (dont le prénom a été changé, comme celui des autres jeunes, par souci de discrétion) a vécu une expérience forte dans l’Eglise à travers la JOC. Mais une expérience teintée de souffrance.
Monseigneur,
Je m’appelle Alain, j’ai 24 ans. J’ai réussi un BTS Informatique de Gestion et j’ai continué mes études à Montpellier en 1993 : j’ai tenté une première année d’IUP Informatique et j’ai échoué car manifestement je n’étais pas à la hauteur financièrement. Je fais maintenant mon service national en tant qu’Objecteur de Conscience pendant vingt mois.
Mes parents vivent en milieu rural dans une maison que mon père a construit lui-même. Mon père est sans emploi depuis déjà trop longtemps (plus de quinze ans) et ma mère fait des heures de ménage à temps partiel chez un particulier. Mes parents sont chrétiens et pratiquants et m’ont aidé à leur manière à grandir dans la foi jusqu’à environ 13 ans. J’ai un grand frère policier, une sœur aînée qui fait une formation d’aide soignante et un frère plus jeune qui prépare un BEP horticole. Mon père qui a été maçon, et ma famille aujourd’hui, à travers ce que je vis au quotidien avec elle (le chômage, le combat sans cesse pour ne pas se dévaloriser, perdre le moral...), me font bien prendre conscience de mon appartenance à la classe ouvrière : c’est dans ce monde que je vis, c’est celui qui, aujourd’hui, me rend heureux.
C’est ce monde que j’ai envie de rejoindre aujourd’hui, c’est avec des copains du monde populaire que j’ai envie de partager ma vie, ma foi. C’est une envie de vivre des solidarités avec des jeunes du même milieu que moi, avec des jeunes qui vivent les mêmes galères, les mêmes combats... Car qui peut parler d’une vie d’ouvrier, en précarité ou au chômage mieux que celui qui la vit ? Ma foi, j’ai envie de la vivre, de l’apporter à Dieu à travers mes combats, mes solidarités avec les copains, j’ai envie d’être au milieu des jeunes, des copains et des copines pour être à l’écoute de leur vie mais pour pouvoir aussi partager la mienne. C’est une mission que Dieu a confirmée, une mission qu’il m’a offerte le jour de ma confirmation le 3 juin dernier.
Aujourd’hui, je me pose une question qui est à mon avis une étape logique de mon cheminement. Cette question est la suivante : comment je vais pouvoir continuer à me mettre au service de Dieu après la JOC ? Je réfléchis actuellement en effet sur le projet de vivre la mission que Dieu m’a donnée dans une vie en tant que prêtre.
Pour ce qui est du "au service auprès de qui ?", la réponse est pour moi sans ambiguïté, c’est auprès des jeunes du monde populaire (ce qui ne veut pas forcément dire toujours auprès des paumés de la société). Ma question est comment, en tant que prêtre, je pourrais assumer le projet d’être à travers les jeunes pour vivre avec eux une vie d’Homme (à travers des solidarités, des combats contre les injustices...), vivre des solidarités, vivre ma foi si je retrouve à faire vivre une paroisse. Je prends le temps aujourd’hui de rencontrer régulièrement des prêtres pour reprendre mes engagements et pour m’aider à répondre à mes questions.
Mon passé en JOC
Catherine ma sœur, Olivier mon frère et moi, nous sommes en JOC depuis déjà longtemps (j’en suis à ma huitième année). Je me suis toujours retrouvé dans une équipe de jeunes au chômage ou en situation précaire. J’ai appris à travers des démarches (au FJT, au lycée, au boulot, à la mairie, sur un quartier...) à prendre confiance en moi, à me découvrir "PPCQA" (Pas Plus Con Qu’un Autre). j’ai appris à dire, malgré la situation galère de la maison "je n’ai pas le permis, je n’ai pas la belle veste du copain, mais j’ai des amis avec qui j’ai vécu les solidarités les plus fortes qu’un mec du monde ouvrier ait besoin de vivre pour se sentir exister, pour être reconnu". J’ai appris à regarder autour de moi les copains qui vivent les mêmes galères que moi.
J’ai découvert à travers une démarche de révision de vie ce que c’était d’être Homme (et je vous assure que ce n’est pas rien quand on vit l’exploitation, la précarité tous les jours). J’ai appris aussi à vivre des solidarités avec les autres : ceci n’a été possible que lorsque j’ai su avoir un regard attentif sur ma vie et celle du copain. La révision de vie m’a permis aussi d’enraciner toutes mes actions auprès des copains dans une démarche de foi. Grâce à la JOC, ma foi s’est transformée, elle m’a donné une raison de vivre. Cette foi, ce sont les copains de la JOC qui me l’ont transmise (ce n’était pourtant pas des personnes présentes à la messe tous les dimanches). J’ai découvert ce que c’était que d’être missionnaire en Eglise auprès des jeunes, d’être au service de Dieu et de vivre ma foi en étant responsable de ma propre vie et de celle des copains.
La révision de vie m’a permis de répondre OUI à l’appel de Dieu chaque jour à travers ma vie avec les copains. OUI, je crois que Dieu m’a donné une mission : celle de permettre à tous les jeunes du monde ouvrier de répondre eux aussi OUI, d’abord en se battant contre les injustices, en se découvrant Homme et Responsable puis, par la révision de vie en se découvrant source de vie et proche de Dieu. Si je dois résumer en trois mots ce que m’a fait découvrir la JOC, je dirais je crois "POUR", "AVEC" et "EN" le copain du monde populaire (l’Homme) et donc Dieu. Je crois que ma vie avec tous les copains de la JOC m’a permis de découvrir le besoin de découvrir ces trois mots lorsqu’on vit des galères. Peut-être au départ, on parlera de l’Homme avant Dieu mais n’est-ce pas cela le plus important dans la foi ?
Je crois que la JOC est une chance considérable pour des jeunes du monde populaire et je ne connais pas d’autres mouvements, services d’Eglise ou groupes de paroisse qui permettent de vivre cela. La JOC veut que tout le monde se situe à égale distance l’un de l’autre (Ensemble, on est tous capables de se bouger et de changer une situation) et la JOC propose que tout le monde ait le projet de vivre sa vie de responsable avec les autres. D’ailleurs, pour ce qui est des adultes, on ne parle pas d’animateur mais d’accompagnateur. Cela veut dire que la JOC c’est un mouvement au service des jeunes mais surtout un mouvement dont les jeunes sont entièrement responsables. C’est un mouvement où le jeune en classe ouvrière peut choisir sa vie, y réfléchir et donc y être acteur. Les aumôniers ont une place considérable en JOC pour enraciner le "C" de JOC dans notre vie.
Les "OUI" que la JOC m’a permis de répondre
Le premier "OUI" c’est celui que j’ai répondu à ma sœur quand j’ai accepté de venir en JOC. Ma foi se résumait seulement à une présence à l’église chaque dimanche. Je garde des mauvais souvenirs du catéchisme. "Dis ce que tu sais de Jésus, récite ta prière ! Qu’est-ce que tu vas faire comme bonne action ?" Aujourd’hui je me rends compte que ma foi et le catéchisme qu’on me proposait était bien loin de mes réalités, de ma vie, de mes galères.
Mon deuxième OUI, c’est d’avoir pris conscience que je m’étais fait exploiter par un patron mais que je n’étais pas pour autant si con que cela, sinon beaucoup d’autres y seraient comme moi. C’est aussi le fait d’avoir accepté de faire une démarche prud’homale (de fabriquer ma vie et non de la recevoir d’un autre, non de la subir en faisant respecter mes droits, ma dignité d’Homme).
Jésus, je l’ai découvert dans ma vie et non appris. Le projet de départ des copains, n’était peut-être de me parler de Dieu mais de parler de moi, de ma vie. Je crois que pour un jeune au chômage, en précarité, un jeune du monde populaire, il n’y a pas de meilleur moyen de lui parler de Dieu si ce n’est que de lui en parler en tant qu’Homme.
Mon troisième OUI, c’est d’avoir pris ma vie, ma responsabilité d’Homme en main lorsque j’étais au lycée en 1ère année de BTS. Je ne comprenais rien en cours, j’avais des problèmes énormes de fric, je n’acceptais pas ma différence (je n’aurai pas de permis, pas de calculatrice, pas d’ordinateur comme mes copains de BTS !). j’en ai parlé en JOC. Oh non ! ils ne m’ont pas plaint ! ils ne m’ont pas parlé de Dieu (en tout cas, pas apparemment). Je me souviens, la question était celle que je n’attendais pas : "Es-tu seul à vivre ce que tu dis ? Connais-tu des copains comme toi qui ne comprennent rien en cours et qui n’ont pas de fric ?" Evidemment, au début je ne connaissais personne. J’étais le seul petit idiot à ne rien comprendre en cours. Alors on m’a demandé d’en parler avec d’autres. Il a fallu du temps (un an) pour découvrir qu’il y avait des tas de copains qui vivaient les mêmes galères que moi. A la fin de l’année scolaire, j’ai pris la place d’une responsabilité, celle de délégué de classe et j’ai vécu un moment de solidarité intense. Vingt-deux copains ont signé (un tract) leur responsabilité par une action. Vingt-deux copains ont répondu OUI pour une vie en cours plus juste, plus égale. Les copains qui étaient au départ des inconnus, des ennemis sont devenus des témoins. D’après vous, on n’ a pas parlé de Dieu dans cette action ? non, on n’a pas dit "Dieu" mais on a vécu à la manière d’un Homme comme Jésus et on a sauvé au moins trois passages en 2ème année de BTS.
Toutes nos actions, on ne les invente pas. Elles partent de la vie d’un copain, d’une situation. On ne se bat pas à mon avis CONTRE mais POUR quelque chose qui nous fait vivre, qui nous rend heureux. On ne se bat pas SEUL pour un projet personnel mais AVEC les copains pour une vie commune plus juste.
Ce que j’ai découvert en JOC : mes convictions et ma foi
Quelle formidable aventure que Dieu me confie même si parfois elle nécessite du temps. Dieu, il m’emmerde tous les jours à travers ma vie et la vie des copains et copines. D’ailleurs s’il ne le faisait plus, je serais bien emmerdé. Il me fait confiance et c’est vrai que je ne réponds pas toujours à son appel mais il me fait aussi des signes dans ma vie pour me dire qu’il m’aime : j’en ai vu des "miracles" qui m’ont fait grandir dans la foi (la vie à la maison s’est transformée, mon regard sur mes parents est celui de complice mais plus celui d’accusateur. Olivier et Catherine qui prennent confiance en eux, des copains qui se transforment, prennent du temps pour parler de leur vie, de leur foi, des copains qui se mobilisent dans leur vie pour un monde plus juste, etc.)
Parler à Dieu, parfois ça prend du temps, ça commence par une parole, puis par un geste... On ne se dit pas toujours tout de suite chrétien. Aujourd’hui, j’ai découvert tout cela et je crois que je ne peux pas me dire disciple de Dieu si je ne prends pas le temps et les moyens d’apporter aux copains et copines ce que les autres ont su me faire découvrir (la dignité d’un Homme, les solidarités, la foi...). Chacun répond OUI à sa façon à condition de lui donner les moyens de répondre. Je crois qu’un jeune du monde populaire a seulement besoin qu’on lui ouvre les portes, il n’aime pas qu’on lui dicte sa vie, qu’on lui trace le chemin. Dans la vie on l’enferme assez comme cela (produire, être dans la norme, etc.) il n’a pas besoin que l’Eglise vienne en plus s’y mêler.
J’ai encore beaucoup à apprendre avec les autres. Cela ne sera que par ma présence parmi eux et non par une vie en paroisse. J’ai besoin d’eux dans ma foi comme ils ont besoin de moi. Je me suis donné cette mission : celle d’être proche de ceux qui font ma vie. Ce qui est une force pour moi, c’est que je me situe à égale distance des copains : on vit les mêmes galères, les mêmes joies. J’ai peur qu’en étant prêtre je me retrouve au-dessus d’eux et non plus à côté. Je n’ai pas envie de travailler l’exclusion par ma présence dans la prière ou en paroisse. La prière, je veux la vivre à la mesure de ce que l’autre peut m’apporter. Je ne veux pas être à des kilomètres de la vie des copains, je veux être parmi eux. Cela ne veut pas dire que j’exclus mes temps de réflexion, de prière personnelle.
Quand je regarde la vie de Jésus, je ne crois pas qu’il ait fait passer son message qu’à travers la prière. Je n’exclus pas du tout aussi mon témoignage personnel : je n’hésite plus à me dire chrétien. Je ne veux pas vivre quelque chose pour laquelle je ne me suis pas donné une mission. Peut-être, de nouvelles missions apparaîtront dans le temps. Je crois que le danger serait de vouloir tout faire et au bout du compte rien construire. Dieu a proposé la foi dans la vie de chaque homme (ses paraboles en sont un témoignage). Je ne crois pas qu’il nous est demandé à chacun de changer le monde. On ne changera le monde que quand on sera capable de changer nos vies et de proposer au copain de changer avec toi la sienne. Ma foi, c’est de croire en Dieu donc aussi de croire que c’est possible Ensemble de Bouger, qu’on n’est pas tout seul à vivre des galères et qui que l’on soit on est important sur cette terre, on a quelque chose à apporter aux copains. Changer les choses de l’autre bout du monde, ça passe pour moi d’abord par changer les choses autour de nous. Changer la vie des autres, c’est pour moi être attentif à ma vie et à celle des copains. Je crois qu’on est emmené à construire sa foi et pas seulement à utiliser ce que d’autres ont construit (Ex. : l’abbé Pierre ; les resto du Cœur, etc...). Notre vie, on est emmené à la construire en faisant valoir nos droits, notre dignité d’Homme ; mais aussi en construisant ce qui n’existe pas encore.
Ma Classe ouvrière
Je vais vous dire un mot sur le mot "ouvrier" qui me fait vivre. Je ne crois pas que je me bats contre le monde indépendant. Je me bats pour un monde plus juste : lorsqu’on dit qu’il ne faut pas faire de différence de classe, je ne trouve pas cela normal. Je crois que chaque classe a une culture. La classe ouvrière aura sans cesse besoin de se justifier devant le monde indépendant pour être reconnue, pour ne pas être diminuée, dévalorisée. On demande souvent au jeune du monde populaire de s’intégrer mais le fait-on avec les jeunes du monde indépendant ? Pas si sûr ! De plus, Jésus a travaillé pour les pauvres de cœur. Et parce que je crois qu’ils n’ont pas le choix, j’ai envie de montrer aux jeunes qu’ils sont eux aussi capables de construire, de choisir d’être pauvres de cœur et qu’ils sont capables de choisir ce qui est bien pour leur vie.
Au catéchisme, en paroisse, on mélange les classes pour soi-disant ne pas faire de l’exclusion. Mais j’aimerais savoir comment on respecte la vie des jeunes du monde populaire quand on parle d’être bien avec tous, d’aller faire la charité en aidant les pauvres, en organisant des voyages (qui leur sont payés !) mais qu’on ne regarde pas ce que le copain lui-même est, ce qu’il vit. On parle d’un monde qui s’éloigne tellement des réalités de la vie du jeune que je crois qu’il est normal qu’il ne reste pas. Je dis tout cela en connaissance de cause : mes présences en paroisse, au catéchisme, avec des jeunes de l’aumônerie pour préparer ma confirmation me confirment tout cela. Sans cesse exploités, les jeunes je crois ont besoin de croire en quelque chose. En se disant chrétien, je crois que les copains se sentent encore une fois exploités. Comment voulez-vous leur parler de la foi, quand ils ne croient même pas en eux-mêmes ?
Ma confirmation
Pour prendre un exemple concret : j’ai préparé ma confirmation avec les jeunes de 16-17 ans en aumônerie. Je crois qu’il y avait des jeunes de différents milieux avec différentes expériences. Tout cela aurait pu être passionnant mais je n’ai pas pu savoir pourquoi chacun faisait sa confirmation, ce qu’il vivait, ce qu’il était, ce qu’il faisait en aumônerie. On a pris tellement peu de moyens et de temps pour le faire que j’étais dégoûté. On a parlé de l’Eglise en parlant du pape, des grands comme l’abbé Pierre. On va me dire que c’est les jeunes qui refusent de parler de leur vie. Moi je crois que c’est la manière dont on leur a fait découvrir la foi, proposer la confirmation qui est un problème. Les animateurs parlent de la foi, des grandes idées mais tout cela est tellement loin de ce que peut vivre le jeune, que ça te passe au-dessus de la tête. Et eux, les jeunes, qui sont-ils dans cette Eglise ? Si on ne parle pas de sa foi, de notre vie, j’aimerais savoir à quoi sert la confirmation ? Je veux bien qu’on parle de l’Esprit Saint mais si c’est quelque chose qui vient de trop loin, je ne suis pas sûr que c’est comme cela que les copains vont vivre leur foi et surtout la découvrir. Tout ce qui a été présenté à la confirmation était à mon avis nécessaire : j’ai aimé le contenu mais détesté les moyens.
Mon intégration s’est mieux faite avec les jeunes de l’aumônerie qu’avec les animateurs alors que la différence d’âge était importante. Peut-être parce que par mes questions, j’étais plus proche de leur vie. Je me pose parfois des questions : quel projet on a concrètement pour ceux qui préparent la confirmation et ceux qui sont en aumônerie ? Qu’est-ce qu’on leur propose pour pouvoir vivre leur foi au lycée ? On leur apprend la foi par cœur et tellement loin des réalités ! On leur propose l’animation, la prière, mais jamais de vivre la foi dans leur vie si ce n’est que par la charité chrétienne.
On leur propose un voyage à Rome. Génial ! si tu ne peux pas y aller, la paroisse le paie ! cela va vachement enrichir la foi du copain mais surtout la dignité du copain qui galère dans la vie. (Le voyage, on ne m’en a même pas parlé). J’ai l’impression que les copains vivent la confirmation comme un club de loisirs, un passage obligé, un examen à passer, quelque chose à apprendre et ensuite chacun fait ce qu’il veut, comme à l’école. Je me demande aujourd’hui si on veut une Eglise bien pleine ou une Eglise bien faite.
Je regrette que lorsque j’ai proposé à la fin de la confirmation aux jeunes de se retrouver (distribution de tracts d’invitation), pas un adulte (prêtre ou animateur) ne m’ait suivi. Personne n’a été là pour relancer. Peut-être parce que l’idée ne venait pas du curé ou qu’il n’y avait pas écrit "prière" sur mon invitation. Le voyage à Rome était plus important.
A travers ma confirmation, Dieu a confirmé cette foi qui me fait vivre avec les autres. Il m’a demandé de confirmer les engagements que je me suis donné auprès de lui : celui de continuer de travailler auprès des jeunes du monde populaire, de reprendre cette vie dans la prière (Cahier du Militant, célébrations et révision de vie...) pour l’offrir à Dieu. Aujourd’hui, c’est une certitude pour moi, cette mission ne s’arrêtera pas en JOC, je continuerai de vivre une révision de vie, à travailler "l’entre eux, par eux et pour eux" avec les copains. Je continuerai à me battre pour un monde plus juste et j’agrandirai mon cercle de relation, c’est-à-dire l’Eglise de Dieu.
Les mouvements dans l’Eglise
Je crois que la responsabilité vient que la plupart des prêtres, jeunes ou adultes on les fait entrer dans trente mille structures dEglise et on se donne bonne conscience en faisant un peu de tout. On ne découvre pas ce qu’on fait comme une mission. Et je parle essentiellement des prêtres que je n’arrive plus à percevoir comme des missionnaires, mais des gestionnaires de boutique d’Eglise. Certains font en même temps la totale : - travail de paroisse (animation, célébration, catéchisme, groupe de prière, etc...) - mouvements (MJC, JOC, Scouts, ACE, etc...) - Services d’Eglise et autres services de fonctionnement (Loto, Finance, Mission à l’étranger...).
Bref, on fait de tout. On est ouvert à tout. Les boutiques à animation, évidemment ça marche bien puisque c’est ponctuel, pas besoin d’engagement, de suivi, on est sûr de ne pas avoir besoin de beaucoup de temps et on est sûr de ne pas déranger. Les personnes ne vivent plus rien comme une mission. Tout le monde travaille chez soi, produit sa petite boutique. Plus besoin ou plus assez de temps pour la formation, pour rencontrer les jeunes... Bien sûr, les jeunes fonctionnent comme les prêtres.
On fait par exemple en même temps de l’aumônerie et de la JOC, comme ça, il n’y a plus de mission, plus d’engagement, on mélange tout. Les adultes et les jeunes font de la JOC aujourd’hui comme s’ils allaient à un spectacle, voir une église. Si on manque une rencontre, on ne regarde pas ce que ça détruit puisqu’on ne s’est pas engagé et qu’on fait autre chose.
Si j’ai écrit cette lettre, c’est pour lancer un cri d’alerte. Je suis persuadé que chaque jeune du monde populaire comme moi peut découvrir, à travers ce qu’il vit, son action, une partie du message de Dieu. Peut-être que je me fais une mauvaise image de certaines pratiques mais on ne peut pas dire qu’on m’ait aidé à m’en faire une bonne. C’est vrai que je n’ai des yeux que pour la JOC, mais si ce n’est pas moi qui en parle qui le fera ? Je crois qu’elle n’est pas assez reconnue à la hauteur de ce qu’elle représente dans la foi et la vie d’un jeune du monde populaire. Et puis bien tôt pour moi la révision de vie continuera en ACO pour le même combat avec les jeunes (accompagnateur) et les moins jeunes (acteur). J’en ai trop ras le bol d’entendre les copains parler du catéchisme comme quelque chose loin de leur vie, quelque chose de mal vécu. Certains prêtres, jeunes, laïcs font des choses très bien (c’est d’ailleurs grâce à eux que j’ai découvert cette véritable joie de vivre). Dommage qu’on essaye de les faire entrer dans des structures d’Eglise qui les éloignent de la mission qu’ils se sont donnés. Je crois qu’on ne parle pas assez souvent de ce qui se fait de bien. Il faudrait savoir ce qu’on veut valoriser. Je crois que la foi se vit tous les jours avec autrui et que la JOC est très ouvert à ce type d’engagement.
Cette lettre est longue et pose plein de questions. Elle m’est importante pour définir comment je vais continuer à vivre ce que la JOC a produit en moi. Je suis conscient que je remets beaucoup de choses en cause mais je crois que beaucoup de jeunes se posent des questions sur l’état de l’Eglise aujourd’hui. Quelle place ils peuvent y avoir ? Croire oui mais en quoi et pourquoi ? Pour ce qui me concerne, vous pouvez compter sur moi, je continuerai à me battre avec les jeunes du monde populaire, à vivre cette foi qui m’enracine parmi les autres et à me battre pour que les mouvements tels que la JOC puissent continuer à vivre et à être mieux reconnus. Seulement, suis-je bien dans l’Eglise et ai-je une chance de vivre cette formidable aventure en tant que prêtre ?
Cette lettre est aussi un cri de colère mais d’espoir. Vous y donnerez la suite que vous voulez. Elle peut-être rangée au placard, discutée, partagée avec d’autres, etc... Toutes les questions n’ont peut-être pas de réponse tout de suite. Peut-être penserez-vous qu’elle n’est pas objective et sans intérêt. En tout cas cette lettre est un engagement : celui que je me suis donné à ma confirmation l’an dernier. Je crois que quelle que soit la suite que vous donnerez à cette lettre, ensemble tout est possible.
Alain