Le catéchuménat ou "l’entrée" en vocations


Les catéchumènes vivent une rencontre décisive avec le Christ. Ce retournement va donner à leur vie des couleurs indélébiles. Nous avons voulu en savoir plus sur le parcours que l’Eglise propose aux catéchumènes aujourd’hui. Dans un deuxième temps, le Père Guy Cordonnier, responsable national du Catéchuménat, explique pour nous la richesse que représentent les "commençants" pour toute l’Eglise.

La structure de l’initiation chrétienne

L’objectif du catéchuménat est d’initier les nouveaux venus à vivre toute leur vie la dynamique évangélique. L’initiation à cette vie n’est donc que la première étape, celle du commencement. En tenant compte de l’itinéraire spirituel des catéchumènes, ainsi que des circonstances de temps et de lieu, l’Eglise rythme cette initiation de trois grandes étapes liturgiques et de quatre périodes de recherche et de maturation.

Le pré-catéchuménat

C’est un temps de discernement initial où le candidat dit son projet de devenir chrétien, entend ce que l’Eglise annonce de l’Evangile. La reconnaissance d’une foi initiale et un début de conversion chez le candidat constituent les deux critères d’accès à l’entrée en catéchuménat.

L’entrée en catéchuménat
C’est le premier contact liturgique du candidat avec l’Eglise. Chacun est sur le seuil, les uns pour "entrer", les autres pour accueillir. Par l’entrée en catéchuménat, le candidat devient chrétien, participe à la vie de l’Eglise comme catéchumène. Cette étape consacre deux discernements qui se sont rejoints :

  • celui du candidat qui a opéré une réelle conversion, qui a fait un acte de foi initial en Jésus comme sauveur et fait confiance à l’Eglise dans ce cheminement avec Jésus ;
  • celui de l’Eglise qui a discerné dans la vie du candidat la même dynamique divine qui l’anime elle-même. Elle décide alors de "mobiliser ses énergies" pour "enfanter" d’autres chrétiens et se relance elle-même dans une conversion renouvelée à Dieu.

La signation des catéchumènes de la croix du Christ marque l’entrée en Eglise des catéchumènes. En écoutant la proclamation de l’Evangile, ils vivent cet "écho" que représente leur conversion.

Le temps de la catéchèse et de la formation chrétienne en Eglise

Le mot catéchumène signifie : celui aux oreilles de qui ont résonné certaines paroles, ou bien : faire résonner aux oreilles de quelqu’un. Ce sera aussi l’objet de cette période de formation chrétienne. C’est l’apprentissage de la vie chrétienne. Il ne s’agit plus, cette fois, d’une conversion initiale, mais d’une découverte de la vie chrétienne avec toutes ses composantes, à savoir : une catéchèse appropriée, progressive, intégrale, une pratique de la vie chrétienne (s’habituer petit à petit à prier Dieu, témoigner de sa foi, vivre dans l’espérance du Christ, se laisser conduire par l’Esprit à pratiquer l’amour fraternel), des rites liturgiques adaptés (liturgie de la Parole, bénédictions, onctions avec l’huile des catéchumènes, etc.) et la vie en Eglise missionnaire.

Au cours de cette période, il arrive souvent qu’on célèbre la transmission du Symbole de la foi et du Notre Père. L’Eglise transmet aux catéchumènes ce qu’elle regarde depuis toujours comme le résumé de sa foi et de sa prière.

L’appel décisif
Dans cette liturgie, l’Eglise appelle le catéchumène à recevoir les sacrements de l’initiation qui feront de lui un fidèle. L’appel décisif est le moment où se manifestent l’appel de Dieu lui-même (via l’Eglise) et la libre volonté de la personne de répondre à son appel. La démarche du catéchumène s’exprime par l’inscription de son nom dans un registre officiel.
Auparavant, il est requis, de la part des catéchumènes, une conversion de la mentalité et des mœurs, une connaissance suffisante du Mystère chrétien, un sens de la foi et de la charité ; il faut, en outre, une délibération sur leur aptitude à être appelés.
L’appel décisif apparaît comme la charnière de tout le catéchuménat. L’évêque préside cette célébration le premier dimanche de Carême.

Le temps de la purification et de l’illumination

C’est le temps de la préparation immédiate aux sacrements de l’initiation. Cette période se situe pendant le temps du Carême. Pendant ce temps, l’Eglise propose les scrutins.
Les scrutins, que l’on célèbre solennellement le dimanche, contribuent à ce double but : mettre à nu, dans le cœur des "appelés", tout ce qu’il y a de faible, de malade et de mauvais pour le guérir, et tout ce qu’il y a de bon, de valable et de saint pour l’affermir. Les scrutins sont orientés vers la libération du péché et de tous les tentateurs, et ils donnent aux futurs baptisés la force du Christ qui est, pour eux, le Chemin, la Vérité et la Vie.

L’Eglise prévoit de célébrer des scrutins les 3e, 4e, 5e dimanches de Carême, de telle sorte que toute l’Eglise soit, elle aussi, invitée à la pénitence.
Tout au long de ces trois dimanches, le catéchumène est conduit de façon de plus en plus profonde au cœur du combat spirituel du chrétien.

Les sacrements de l’initiation chrétienne
Les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’eucharistie constituent la dernière étape de l’initiation chrétienne. Recevant le pardon de leurs péchés, les catéchumènes sont incorporés au peuple de Dieu, adoptés comme fils de Dieu, introduits par l’Esprit Saint dans le temps de l’accomplissement des promesses. Par leur participation à l’Eucharistie, ils participent déjà aux noces éternelles.
Ces sacrements sont, en général, célébrés la nuit de Pâques. Le sacrement de confirmation est parfois célébré plus tard pour respecter le cheminement des personnes, les perspectives pastorales locales ou le souhait de laisser à l’évêque son rôle propre dans l’administration de ce sacrement.

Le temps de la mystagogie

On est initié aux sacrements et par les sacrements. Aussi, l’Eglise va-t-elle prendre le temps d’expliquer aux nouveaux fidèles ce qu’ils ont vécu par le baptême. La communauté devrait continuer à aider les nouveaux baptisés à méditer l’Evangile, à participer à l’Eucharistie et à exercer la charité pour progresser dans l’approfondissement du Mystère pascal et la traduire toujours plus dans leur vie. C’est le dernier temps de l’initiation, celui de la mystagogie.

Combien y a-t-il de catéchumènes en France ?

* Depuis quelques années, la tendance à une évolution importante du nombre de catéchumènes adultes en France se confirme :

1976
890 personnes
1980
4 006 personnes
1991
5 643 personnes
1993
8 430 personnes
aujourd’hui
plus de 9 000 personnes

Une enquête sociologique réalisée avec des spécialistes a permis de mieux cerner cette réalité catéchuménale.
Il s’agissait de mieux connaître le profil des catéchumènes et, pour la première fois, les accompagnateurs qui les préparent aux sacrements de l’initiation chrétienne. En voici quelques données :

70 % d’entre eux sont des femmes.
Ils sont assez jeunes puisque la moitié d’entre eux a entre 20 et 30 ans (+ de 80 % ont moins de 40 ans). C’est l’âge des grands choix de vie.
Un catéchumène sur cinq est étudiant (alors que ceux-ci ne représentent que 6 % de la population française). Ils sont presque tous nés en France.
80 % des catéchumènes sont nés en France métropolitaine et 80 % d’entre eux déclarent n’avoir jamais appartenu à une religion ou à un courant religieux.
7,8 % sont nés en Afrique Subsaharienne et 5,1 % disent avoir connu une religion traditionnelle (animisme, etc.).
3,8 % viennent d’Extrême-Orient et 2,65 % disent venir du Bouddhisme, 3,2 % sont issus du Maghreb et 3, 9 % confessaient la religion Islamique.

Le profil socioprofessionnel des catéchumènes est beaucoup plus proche de l’image de la population française que de celle des catholiques pratiquants qui sont plus âgés et plus ruraux.
33 % des catéchumènes sont ouvriers, employés ou personnel de service.
25 % sont étudiants, cadres, professions libérales.
13 % travaillent dans des professions intermédiaires de techniciens, agents de maîtrise, contremaîtres...
4 % exercent une profession indépendante d’agriculteur, artisan, commerçant. Les autres ne déclarent pas de profession (ex. : mère au foyer, militaire du contingent, etc.).

L’enquête de 1993 fait apparaître que la majorité des catéchumènes fait sa demande à une personne plutôt qu’à l’institution Eglise en tant que telle. Le rapport a changé depuis 1987 : en 1993, à la question "A qui avez vous fait la demande ?", c’est la réponse "à un prêtre connu" qui arrive en tête avec 38% des réponses (24 % en 1987) et la réponse "au presbytère" arrive en seconde position avec 26 % des réponses (38 % en 1987).
Même si la personne du prêtre représente l’institution, il semble que les relations personnelles priment de plus en plus.


Jeunes et Vocations  : Quel est le rapport des catéchumènes à l’Eglise ?

Guy Cordonnier : Ce que j’entends des catéchumènes, au sujet de l’Eglise, c’est qu’en fin de compte, pour eux, l’Eglise n’est qu’à sa vraie place. Leur projet c’est de découvrir toujours qui est Dieu et qui ils sont dans la vie de Dieu. C’est leur questionnement permanent. Ce qu’ils demandent à l’Eglise c’est de les aider à vivre cela, c’est-à-dire : "Dites-nous qui est Dieu." En ce sens, ils sont questionnants par rapport à l’Eglise telle qu’elle est aujourd’hui, qui s’occupe souvent beaucoup plus d’elle-même que du message qu’elle cherche à transmettre. Pas au niveau des intentions, parce que les intentions sont pures, mais au niveau de sa pratique. Et les catéchumènes, quelquefois, ont du mal à comprendre toute l’énergie que l’Eglise met à s’occuper d’elle-même, alors qu’ils auraient une petite tendance à lui dire : laissez-vous faire par Dieu, vous-même, vous : l’Eglise... Laissons-nous tous faire par Dieu, ne nous occupons pas de nous-même. Mais occupons-nous des gens et occupons-nous de dire Dieu. Voilà quelque chose qu’on entend régulièrement quand les catéchumènes parlent de l’Eglise. De plus, beaucoup de catéchumènes ont du mal à s’intégrer à l’Eglise. C’est lié à leur cheminement : ils viennent d’ailleurs. Pour eux, l’Eglise est une "culture" qu’ils ne connaissent pas bien, des gens à comprendre. Mais c’est aussi lié à l’Eglise qui a du mal à intégrer des "commençants". L’Eglise, et c’est la deuxième chose que je voulais dire, oublie souvent qu’elle a commencé un jour elle aussi. Aujourd’hui, elle ne sait plus ce que c’est que commencer dans la foi. Quand les catéchumènes viennent lui rappeler ça, ils rappellent sa jeunesse à une vieille dame qui l’a oubliée.

- Pratiquement, comment cela se passe-t-il ?

G.C. : Concrètement, il arrive que des catéchumènes quittent l’organisation de l’Eglise sur la pointe des pieds parce qu’ils sentent qu’ils ne sont pas compris avec leur spécificité, qu’on ne leur fait pas une place, que pour être un vrai chrétien il faut être un vrai chrétien de tradition, mais pas un vrai chrétien de commencement. Or, dans l’Eglise, un baptême égale un baptême, on est tous chrétiens de la même manière. Mais beaucoup de catéchumènes ont l’impression qu’ils sont un peu "immigrés" dans l’Eglise - au sens où les immigrés ne sont pas des français de souche dans notre pays - et ils sont toujours mal à l’aise. Pour une part, cela est dû au fait que les chrétiens oublient qu’ils sont chrétiens par leur baptême, par un don gratuit, comme les catéchumènes, alors que souvent ils s’imaginent chrétiens par tradition, par naissance.

- C’est un don et pas un dû...

G.C. : C’est un don et pas un dû, exactement. Et c’est un vrai problème dans l’Eglise sur le plan du discernement : qu’est-ce que c’est que commencer ? Quelles sont les conséquences du fait de commencer dans la foi, de recevoir la foi comme un cadeau ? Pour les personnes et pour l’Eglise elle-même ?

- C’est une déception qu’ils affrontent quand ils entrent dans l’Eglise. Est-ce qu’il n’y a pas une nécessaire déception dans tout chemin de croissance ?

G.C. : Oui, c’est vrai. Et dans ce sens l’Eglise leur rend service pour vivre cette croissance. Mais n’oublions pas aussi que, pour les catéchumènes, devenir chrétien est déjà une difficulté en soi. En même temps qu’ils sont dans l’espérance de la foi, ils sont dans la difficulté de la foi.
La première question de quelqu’un qui devient chrétien est de s’interroger sur le caractère loufoque de sa démarche. N’est-il pas conditionné ? Et puis il va faire des progressions dans sa vie de personne, dans sa vie chrétienne. Toutes ces étapes sont à chaque fois des naissances à faire, des ruptures à opérer, des conversions permanentes. Pour les catéchumènes, devenir chrétien c’est souvent un chemin de croix. Il faut être chrétien de tradition pour penser que c’est une merveille permanente. C’en est une mais c’est aussi un chemin de croix et la difficulté que l’Eglise leur fait connaître quand ils sont baptisés vient s’ajouter aux autres difficultés.

- Cette difficile alliance entre le "commençant" et l’Eglise est-elle vraiment nouvelle ?

G.C. : Dans l’époque moderne c’est quelque chose qui a toujours existé parce que les catéchumènes qui ont été baptisés eux-mêmes avant la guerre nous disent la même chose.
Il y a quelque chose d’un peu analogue, me semble-t-il, entre la querelle de Pierre et Paul et la difficulté que les catéchumènes vivent aujourd’hui dans l’Eglise. C’est, me semble-t-il, assez proche même s’il faut mettre les bémols d’usage pour ce genre de comparaison.
La première différence c’est que les chrétiens d’origine païenne des actes des apôtres avaient un héros, pour les défendre, qui était Paul. Il a eu raison contre tous, d’une certaine manière, dans la querelle avec l’Eglise de Jérusalem. Ce sont donc les catéchumènes et les païens qui ont fini par avoir raison contre les chrétiens de tradition juive.
La deuxième est d’ordre sociologique. Les chrétiens issus du paganisme au temps de Paul étaient majoritaires. Tandis qu’aujourd’hui les catéchumènes dans l’Eglise catholique en France sont ultra minoritaires. Et donc le rapport "de force" dans l’Eglise est différent. Et les minorités se gèrent toujours différemment des majorités. Ce serait intéressant de voir l’évolution s’il y a, d’ici quelques années, dans des petites communautés rurales en particulier, des communautés chrétiennes où lés anciens catéchumènes sont majoritaires..

- Que découvre-t-on en analysant les causes du développement du catéchuménat ?

G.C. : Je ne sais si ça fait découvrir des choses très originales, mais cela rappelle des choses fondamentales.
La première, me semble-t-il, c’est qu’on est appelé par Dieu. Dieu intervient dans l’histoire et il intervient dans la vie et l’histoire de chaque personne, il invite à la conversion, il est l’acteur de toute vocation.
La deuxième observation est plus sociologique. Dans notre société qui ne donne plus de repères pour vivre, chacun est renvoyé à lui-même pour se donner des points de repères. Il y a des évolutions plus philosophiques. Il me semble que dans la société aujourd’hui, en France, le rapport liberté/religion change et que les catéchumènes deviennent chrétiens pour être plus libres intérieurement. Alors qu’il y a quelques années - il faut se rappeler Sartre, la Révolution française - le rapport liberté / religion était antinomique. Troisièmement, vis-à-vis de l’Eglise, pour les "vieux chrétiens" (on dit vieux chrétiens en catéchuménat les gens qui ont été baptisés enfants, quel que soit leur âge !), pour les "vieux chrétiens", le rapport Eglise / foi fait que leur foi va de l’Eglise vers la foi et pour les catéchumènes c’est l’inverse. Le rapport va de la foi à l’Eglise, et c’est parce qu’ils sont chrétiens, ou c’est parce qu’ils deviennent chrétiens, qu’ils font partie de l’Eglise et pas l’inverse. Même si c’est l’Eglise qui les baptise. La vocation qu’ils reçoivent de Dieu les conduits à être chrétiens d’abord et "secondairement" à participer à l’Eglise, si je puis dire.
Quatrièmement, il y a un rapport au monde qui est différent. Les catéchumènes sont issus de milieux sociaux qui ne sont pas croyants, pas chrétiens et quelquefois pas religieux, et ils sont tout d’un coup les seuls dans leur milieu habituel de vie à avoir fait le choix du Christ. Leur milieu habituel de vie, ce n’est pas n’importe qui : ce sont leurs parents, leurs enfants, ce sont des gens avec qui ils sont liés d’une manière très forte.
Comment être chrétien dans ces situations nouvelles ? A la fois solidaire, par la naissance, d’un milieu qui ignore l’Evangile et solidaire, par le baptême d’une Eglise qui proclame la Résurrection du Christ. Pour beaucoup de catéchumènes cette question est un peu crucifiante.
II y a une manière originale d’être chrétien dans cette condition, c’est un peu comme une vocation particulière. Il faudrait qu’on entende davantage ce que les nouveaux chrétiens disent dans ces situations.
La situation que je veux décrire n’est pas tellement le rapport à la modernité, c’est le point de départ qui est le nôtre dans ce rapport à la modernité. Et c’est vrai que quelqu’un qui a une culture chrétienne - même si elle est ténue - part d’un milieu chrétien, il sait d’où il part. Tandis que les catéchumènes savent aussi d’où ils partent, mais de là où ils partent ce n’est pas l’univers chrétien. L’Eglise devient un univers qui leur est inconnu et il faut qu’ils l’intègrent. C’est la question du lieu de départ qui est la question la plus importante. ;

- Qu’apprend-on sur la vocation chrétienne en fréquentant les catéchumènes ?

G.C. : On découvre qu’il faudrait passer d’une pastorale de la tradition, de la communication, à une pastorale d’engendrement dans la foi, à partir de "rien". Quelqu’un devient chrétien parce que Dieu l’appelle à être chrétien, il l’engendre. On réalise ici que l’Eglise ne baptise pas les enfants de ses enfants seulement, elle baptise aussi ses propres enfants. C’est-à-dire qu’une Eglise qui fonctionne sur la tradition engendre les enfants de ses enfants, elle est une grand-mère quelque part. Tandis qu’une Eglise d’engendrement baptise elle-même de nouveaux venus, de nouveaux enfants et elle les engendre à la foi. C’est une première génération de chrétiens, si je puis m’exprimer ainsi.
C’est assez important, me semble-t-il, que l’Eglise en prenne conscience aujourd’hui. Il faut sans doute continuer une pastorale de la tradition, mais il faut aussi inaugurer une pastorale de l’engendrement dans la foi.

- Comment cela se passe-t-il ?

G.C. : Il y a, pour les catéchumènes, plusieurs étapes qui sont proposées. La première et la plus importante, me semble-t-il, c’est la période de discernement, quand un catéchumène ou un pré-catéchumène vient nous voir, la première démarche c’est d’exercer un discernement avec lui ou avec elle. Est-ce que la conversion qui est la mienne est bien une conversion chrétienne ? C’est leur première question. Est-ce que je ne suis pas entrain de divaguer ? Ils nous demandent d’exercer ce discernement. De notre côté, on leur demande aussi d’exercer un discernement : l’Eglise va vous proposer ceci en devenant chrétien. Est-ce que vous êtes bien dans cette perspective-là ? Il y a dans les deux sens un discernement qui s’opère.

 

- Pratiquement, comment cela fonctionne-t-il ?

G.C. : Presque tout le temps de manière individuelle. Pour une raison très simple : cela se fait sous le mode de la narration. Quelqu’un qui devient chrétien ou qui perçoit qu’il est en train de devenir chrétien, n’a pas de vocabulaire pour dire sa conversion, c’est un autre pays pour lui.
Le langage qui lui reste pour essayer de dire sa conversion, c’est de raconter lui-même son histoire, sa vie, sa conversion, ses échecs, ses espérances, parce qu’il ne sait pas dire autre chose que se dire lui-même. Du coup, il va demander implicitement : "Aidez-moi à formuler ce que je n’arrive pas à dire alors que j’aurais voulu le dire". C’est toujours très, très impressionnant, parce qu’en fin de compte, il demande le service de la révélation, au bout du bout du raisonnement. "Aidez-moi à me révéler à moi-même ce que j’ai en moi-même et que je n’arrive pas à vous faire comprendre". Et, en ce sens, on engendre quelqu’un à lui-même quand on lui rend ce service.
Au fur et à mesure que le temps va passer, cette personne va rencontrer d’autres équipes catéchuménales , elle va rencontrer la paroisse, d’autres lieux d’Eglise pour, petit à petit, arriver à une célébration diocésaine de l’appel décisif avec l’évêque, C’est une progression dans la découverte de l’Eglise. Au début on commence par . une toute petite équipe qui est constituée de quelques deux, trois catéchumènes. On proposera à des amis des catéchumènes, qui ne sont pas forcément chrétiens et à qui on ne demandera pas de l’être, de venir dans cette équipe. Leur présence est importante parce que ça va signifier aux catéchumènes qu’on ne leur demande pas de quitter son milieu incroyant pour devenir chrétien. Puis on va signifier à son milieu habituel que l’Eglise fait l’initiation en public : on n’a rien à cacher.
Un certain nombre de chrétiens vont prendre en charge ces catéchumènes pendant deux ans. Et ces chrétiens, dans lesquels il peut y avoir un prêtre ou un évêque, ou un diacre, un ministre ordonné, vont devoir exercer un certain nombre de services, auprès des catéchumènes. On s’aperçoit qu’il y a des services à rendre aux catéchumènes pour que l’acte de foi puisse être posé. Quand on ne leur rend pas ce service, ils nous le demandent. J’en ai déjà repéré trois.

Le premier, c’est le service du discernement. Aider les catéchumènes à exercer en permanence un discernement spirituel dans ce qu’ils vivent, pour les aider à comprendre leur conversion.

Deuxièmement, le service de la catéchèse. Ils entrent dans une Eglise, ils disent : qu’est-ce que dit l’Eglise d’elle-même ? qu’est-ce qu’elle dit de Dieu ? qu’est-ce qu’elle dit de la foi ? Je vais être baptisé, qu’est-ce qu’un sacrement ? etc.

Le troisième service, c’est le service de la présidence. Dans ce petit groupe il faut que quelqu’un exerce le rôle de rassembleur de cette petite équipe et qu’il la mette en lien avec d’autres communautés chrétiennes. On s’aperçoit que ces trois services-là sont nécessaires aux catéchumènes pour qu’ils posent leur acte de foi et quand on ne le fait pas, ils nous le demandent.
Ce sont souvent les catéchumènes eux-mêmes qui ont le "flair" spirituel de demander à des chrétiens d’exercer ce discernement. Je suis toujours impressionné de voir des catéchumènes demander à des chrétiens d’exercer ce service de discernement et de voir s’y lancer des chrétiens qui n’auraient jamais pensé qu’ils avaient ce charisme-là et qui ne l’auraient jamais exercé si un catéchumène n’était pas venu leur demander. C’est toujours très impressionnant, parce qu’il y a des gens dans l’Eglise qui ont des charismes qu’on ne fait pas vivre parce qu’on ne discerne pas les dons que Dieu leur fait à un moment donné pour la vie de l’Eglise. Les catéchumènes ont souvent ce flair de comprendre assez vite ce dont chacun est porteur dans sa vie de chrétien.
Cette expérience-là de charismes divers fonctionne un peu à la manière de ce qu’on lit dans les premiers écrits de l’Eglise et même dans les Ecritures : "Que celui qui a le don de discernement qu’il discerne, que celui qui a le don d’enseignement qu’il enseigne, que celui qui a le don de la présidence qu’il préside...."

- Ce service continue-t-il après le baptême ?

G.C. : C’est plus compliqué parce que au catéchuménat, on "met les gens à la porte !", on ne les récupère pas et on ne veut pas les garder pour nous. Il est vrai qu’il y a un passage difficile après le baptême. Nous sommes en train de mettre en place depuis l’année dernière un processus mystagogique pour les aider. Cela redémarre par un discernement personnel du cheminement du catéchumène, pour faire le point avec lui ou avec elle.
Mais on souhaite qu’un catéchumène quitte les sphères du catéchuménat. Donc on ne s’investit pas de la même manière sinon il n’y a pas de raison que ça s’arrête. On souhaite que ce soient d’autres chrétiens et d’autres partenaires dans l’Eglise qui prennent en charge les nouveaux baptisés. Cela va susciter d’autres formes de prises de responsabilité pour les chrétiens, on va découvrir des vocations de mystagogique !

- Qu’est-ce qui, dans ce chemin de catéchuménat peut être "transposable" dans les autres sacrements, dans les autres grandes vocations ?

G.C. : II y a deux choses. Je constate que, au moins pour le ministère presbytéral, mais je crois aussi d’une certaine manière pour les gens qui ont une vocation religieuse, l’Eglise procède par initiation. D’abord elle prend du temps pour former les gens. Pour le ministère presbytéral il y a des appels : premier ministère, diaconat, presbytérat... Cela veut dire que l’Eglise procède aussi à une initiation pour les ministères, d’une certaine manière.
Est-ce qu’il ne faudrait pas réfléchir à quelque chose de semblable pour le mariage ? c’est une de mes questions. Initier les gens qui veulent se marier, non pas à la réalité du mariage parce qu’ils le font bien eux-mêmes - encore qu’ils ont besoin d’être aidés dans cette affaire - mais à la réalité théologique du mariage : c’est quand même de l’union du Christ et de l’Eglise, l’union de Dieu avec l’humanité qu’on signifie en se mariant dans l’Eglise. Est-ce qu’il ne faut pas initier les gens à cette réalité théologique ? Quitte à les faire patienter avant de leur donner un sacrement dont ils ne saisissent pas encore le sens profond...

La deuxième chose c’est : quand on parle d’initiation, de quoi parle-t-on ? à quoi se raccroche-t-on ? à quel pré-supposé philosophique fait-on référence ? Nous essayons de réfléchir actuellement, pour les catéchumènes, à un processus d’initiation qui s’articule autour de l’initiation de l’artisan et de l’apprenti. C’est-à-dire quelqu’un qui est proche de quelqu’un d’autre et qui va découvrir petit à petit ce qui fait le
secret de l’autre. L’apprenti va apprendre la technique du métier et en même temps les secrets de l’art de son maître. Et si la technique du métier peut s’apprendre avec des cours, comme on le fait en catéchèse, le secret qui habite quelqu’un ne se découvre qu’en le fréquentant, par mystère de proximité, etc. Et, petit à petit, l’artisan va à la fois donner une technique à son apprenti, mais va aussi l’aider à découvrir le secret de l’art dont il est porteur et dont il ne pourra peut-être même pas rendre compte lui-même complètement. Jusqu’au jour où l’apprenti deviendra plus grand que son maître et transmettra son secret à un autre apprenti.
C’est donc une philosophie de l’apprentissage que celle du catéchuménat en matière d’initiation. Peut-être n’est-ce pas très éloigné aussi de ce que l’on vit pour d’autres vocations.

- Est-ce qu’il y a beaucoup de catéchumènes qui, dans la foulée de leur baptême, pensent à une vocation particulière. ?

G.C. Il arrive que des catéchumènes expriment une vocation au ministère presbytéral, ou à la vie religieuse. Nous sommes très prudents, d’abord parce que le droit nous y oblige : on ne peut pas ordonner prêtre quelqu’un immédiatement après son baptême. La deuxième raison, qui est plus importante, c’est que souvent, pour un catéchumène, dire qu’il veut être prêtre, religieux ou religieuse, c’est une manière de dire qu’il est en train de chercher sa vocation chrétienne. Et comme il n’a pas suffisamment d’expérience et de points de repère pour en voir toutes les facettes, il, ou elle, va vers le plus immédiat, le plus repérable pour lui, qui est la vocation chrétienne achevée, parfait, "supérieure" à ses yeux qui est celle d’être prêtre, religieux, etc. Pris par la dynamique de sa conversion il, ou elle, veut aller jusqu’au bout et dit : le bout, le mieux, le point final c’est ça. En fait, il recherche quelle est sa vocation particulière dans l’Eglise. Mais, en même temps, cette vocation particulière peut être d’être prêtre ou religieux, il n’y a pas à l’exclure non plus. Cela demande un discernement.

La deuxième chose qui m’impressionne en écoutant les catéchumènes et en voyant les actes qu’ils posent, c’est qu’ils cherchent souvent à être fondateurs d’une communauté ecclésiale, et c’est inhérent à leur acte de foi. C’est-à-dire qu1 ils veulent pour d’autres poser les fondations de la vie chrétienne. Quelquefois cela peut être tout à fait petit : dans leur milieu de travail, dans leur immeuble, dans leur village. Quelquefois ce sont des projets plus importants de missionnaires au sens strict du mot, Beaucoup d’entre eux y aspirent, et quelquefois la réalité les amène à être des fondateurs d’Eglise. Ils créent des communautés chrétiennes nouvelles, avec des gens nouveaux qui ne sont pas forcément d’origine chrétienne eux-mêmes. Il y a une dynamique missionnaire qui est inhérente à l’acte de foi ou à la découverte de la foi. ? Cela va souvent dans tous les sens et en même temps, on voit jaillir une autre manière de fonder l’Eglise à partir de leur expérience.
Même si c’est petit, même si c’est maladroit, même si ça n’entre pas dans les normes prévues par l’Eglise, il n’empêche qu’ils font l’Eglise. C’est-à-dire que quelquefois c’est fait avec l’enthousiasme, avec l’incompétence, avec les maladresses des néophytes, mais peu importe, c’est fait. Et c’est justement à ceux qui ont le charisme de "veiller sur" de faire en sorte que ce qui commence là prenne petit à petit une dimension de vie ecclésiale "normale". Je plaide pour qu’on fasse droit aux maladresses des commençants. Et je préfère les commençants qui fondent l’Eglise - peut-être au départ d’une manière maladroite, qu’à des gens qui ne feront jamais rien. Et l’on s’aperçoit qu’ils aspirent à ce que le ministère presbytéral ou épiscopal, en particulier, joue son rôle de veilleur. Qu’on ne les empêche pas de commencer mais qu’on veille sur ce commencement.

Propos recueillis par Eric Julien

Par qui les catéchumènes sont-ils accompagnés ?

En 1993, pour la première fois, le Service National du Catéchuménat enquêtait sur les accompagnateur(trice)s des catéchumènes.
Ils sont plus de dix mille à vivre ce service d’Eglise.
Si deux tiers des accompagnateurs sont des accompagnatrices, 35 % d’entre eux ont moins de 40 ans.
Ce sont des catholiques pratiquant régulièrement (83 % d’entre eux vont à la messe tous les dimanches), 82 % avaient déjà une activité dans l’Eglise avant d’accompagner un(e) catéchumène et 77 % d’entre eux l’ont gardé, tout en participant au catéchuménat.
48 % d’entre eux sont engagés dans des activités sociales, syndicales, politiques, etc.

Leur situation socioprofessionnelle ne correspond pas tout à fait à celle des catéchumènes :
6 % d’entre eux sont ouvriers, employés ou personnel de service.
2 % sont étudiants, cadres, professions libérales...
30 % travaillent dans des professions intermédiaires de techniciens, agents de maîtrise, contremaître.
8 % exercent une profession indépendante d’agriculteur, artisan, commerçant.
20 % sont prêtres, religieuses et le reste ne déclare pas de profession.