On demande des témoins


Avec le Service Régional des Vocations, a eu lieu, à Lyon, une session dont le thème était "Avec des jeunes, parler engagement... ?" Voici le texte que le Père Jean-Pierre Ricard, évêque auxiliaire de Grenoble, a bien voulu rédiger pour les services des Vocations à la suite de cette session.

Nous sentons bien aujourd’hui une difficulté pour des jeunes à envisager un engagement durable. Cette difficulté est liée à la prise de conscience d’une certaine fragilité, fragilité personnelle, affective mais aussi fragilité des supports sociaux. Cette situation est un défi, un défi qu’il est important de relever,

- non seulement en s’opposant au fatalisme de l’échec, de la peur de l’avenir, du transitoire,

- mais en prenant les moyens d’aider des jeunes dans une situation donnée, à mûrir un engagement.
Dans cette perspective :

1 - II est important d’accompagner des jeunes dans leur découverte d’un engagement. Il n’est pas bon de laisser le jeune face à lui-même, face à ses choix, face à des décisions sans cesse à prendre (il y a souvent là un poids très lourd qu’on fait peser sur lui). Cela implique :

  • la proposition d’un groupe porteur, un groupe de partage, d’écoute, un lieu où l’on peut parler et être écouté, un lieu de rencontre et de convivialité, un lieu qui soit comme on l’a dit aujourd’hui "une base sous les pieds". Ce lieu doit permettre de mûrir un projet avec d’autres, de s’ouvrir à une réalité plus large que son propre groupe. L’appartenance à ce groupe peut tout à fait s’articuler avec la participation à des temps forts permettant là aussi une rencontre avec un plus grand nombre, une ouverture à une dimension de vie d’Eglise plus large, plus ouverte sur le monde.
  • la proposition d’un accompagnement personnel, permettant d’aider à faire une relecture de sa vie, de voir comment se parcourt un chemin et comment des choses se mettent progressivement en place :
    • on s’inscrit dans la durée (série de rencontres, de rendez-vous étalés dans le temps),
    • cela apprend à ressaisir ce qu’on vit en l’exprimant à un autre : "On ne conçoit qu’en énonçant, on ne décide qu’en parlant" (J.L. Lemaire)
    • on apprend ainsi à relire une histoire, des passages et des temps de maturation. On entre dans une relecture de foi de sa propre vie,
    • cet accompagnement contribue souvent à redonner confiance à un jeune. Il lui permet aussi de mûrir un projet d’engagement, d’en parler à quelqu’un avant d’en parler plus ouvertement à d’autres (famille, camarades, entourage immédiat...)

2 - Notre accompagnement doit particulièrement mettre en valeur aujourd’hui :

A - le sens de la responsabilité
Je crois très important l’apprentissage du jeune à une prise en charge responsable de sa vie, par l’expérience de la prise en charge d’un groupe, par la participation à une vie communautaire. Guy Lescanne insiste fortement sur la nécessité de "desserrer des freins qui paralysent la prise en charge responsable". Il est vital de permettre à des jeunes à travers la conduite d’une action, de sa relecture, de découvrir leurs possibilités, éventuellement leurs limites, de leur faire exprimer leur désir de formation.

B - Le sens de la confiance en Dieu
Nous avons besoin de la confiance des autres pour grandir dans une confiance en nous-mêmes. Le jeune a besoin de sentir qu’il peut avoir confiance en Dieu et que Dieu a confiance en lui. Nous ne pouvons tenir que parce que Dieu est avec nous. Nous ne pouvons nous engager que parce que Dieu s’engage envers nous. Et c’est cet engagement de Dieu qui soutient notre propre engagement. Cela suppose qu’on se donne les moyens pour rester intimement liés à Dieu ("branchés" sur lui) : prière, lecture de l’Ecriture, partage avec d’autres, vie sacramentelle, expérience de temps fort, apprentissage de l’intériorité...

C - L’acquisition d’une certaine cohérence
Un engagement dans la durée suppose l’acquisition d’une certaine cohérence :

- cohérence de la vie (voir comment un choix de vie implique une série de choix dans la vie. D’où l’importance de l’accompagnement et de la relecture de l’expérience).

- cohérence de la pensée (on ne peut pas en rester à l’expérience d’un credo à la carte. D’où l’importance de l’entrée dans une intelligence de la confession de foi).

- cohérence de l’action (avec l’apprentissage de la responsabilité et de l’évaluation de ce qu’on fait ou met en œuvre).

3 - Le jeune doit pouvoir rencontrer des témoins qui vivent des convictions fortes. On a dit qu’il était important que le jeune puisse rencontrer des témoins, "des adultes debout et heureux d’être debout". Pour s’engager, le jeune a besoin de rencontrer des témoins qui témoignent de l’aspect passionnant de l’expérience évangélique, de ce que c’est que vivre à la suite du Christ. Des témoins qui ont pris au sérieux les paroles du Christ a chacun de ses disciples : " Viens, suis-moi" et "Va, je t’envoie" et qui peuvent témoigner de ce que ces paroles fortes de Jésus, vécues au quotidien, font vivre comme expérience humaine et spirituelle.

Il nous faut témoigner de l’aspect séduisant (et pas séducteur pour reprendre les termes de Luc Pareydt, dans son petit livre : "Le temps de la séduction") de l’Evangile et du service de l’Evangile au sein d’un peuple. Reprenez le contenu de cette journée et poursuivez la réflexion. Bon travail à tous et bon courage pour un effort joyeux et persévérant aux équipes diocésaines du Service des Vocations. o

Mgr Jean-Pierre Ricard