Le suivi des diacres


Jacques Bouchet
vicaire général du diocèse de Marseille,
délégué diocésain pour le diaconat



Mon intervention s’appuie sur une expérience de douze années dans le diocèse de Marseille. En précisant cela, je veux rappeler que, comme toute expérience, elle n’est pas exemplaire, ni transposable ; son seul mérite est d’exister comme service d’un ministère particulier dans une Eglise particulière, celle de Marseille.

Relisant l’expérience de ce que nous appellerons le « suivi » des diacres, je m’aperçois qu’il revêt des formes très diverses, et qu’il met en œuvre un grand nombre d’acteurs :
• rencontre personnelle et commune avec l’archevêque,
• rencontre avec la famille,
• rencontre avec l’épouse,
• temps de partage des diacres entre eux,
• travail avec les équipes ou services dans lesquels les diacres sont insérés.
Ce partage, que nous allons effectuer ensemble, comprendra trois aspects que je dégage de mon expérience et de la relecture du suivi des diacres.



Le diaconat comme don à accueillir


Pour l’Eglise

En préparant mon intervention, j’ai feuilleté l’annuaire diocésain et j’ai remarqué que l’état des statistiques du diocèse ne comprend pas les diacres. Pourquoi ?
• Une maquette que nous n’avons pas changée ?
• Une demande que les instances officielles ne font pas ?
• Une difficulté, pour nous, à les intégrer ?
Sans vouloir répondre à ces interrogations, il me semble que l’enjeu du suivi des diacres est en premier lieu celui d’imprimer sans cesse dans la réalité le don que l’Esprit fait à l’Eglise diocésaine du diaconat.

Quelques illustrations :
L’ordination d’un diacre marin, pilote au port autonome de Marseille, a donné au diocèse une grande ouverture au monde maritime, en prenant ou soutenant des initiatives :
• l’accueil des marins,
• l’attention aux familles des marins,
• l’école nationale de la marine marchande,
• la situation des accidentés, des familles des disparus en mer.

La pastorale du deuil, initiée par un diacre, a permis à notre Eglise diocésaine de prendre davantage conscience des mutations qui se vivent, de donner des orientation diocésaines, et d’ouvrir un lieu d’accueil à proximité de la maison funéraire.

Un autre aspect peut être souligné : en effet, au fur et à mesure qu’un ministre ordonné prend sa place, avec tout ce qui fait sa vie professionnelle, mais aussi familiale, nous sommes appelés dans l’Eglise à prendre conscience de cette réalité que le cardinal Coffy aimait à souligner : « Le Seigneur ne nous a pas donné des ministères mais des ministres. »


Pour les ministres ordonnés

Un rapport nouveau aux ministres ordonnés apparaît : il s’enrichit, il s’humanise d’expériences humaines quand on partage avec les diacres leurs épreuves, leurs joies et qu’on porte cela avec eux dans la prière. Ceci n’est pas sans répercussion pour les ministres ordonnés qui partagent la vie des diacres, ni pour les communautés chrétiennes dans lesquelles ils sont insérés.
Le ministère diaconal apporte quelque chose de particulier et de riche qui se traduit :
• dans la manière de faire une homélie,
• dans la façon de se situer dans un conseil pastoral,
• dans l’approche de la réalité humaine.
L’élargissement de leur ministère au-delà d’une communauté chrétienne enrichit la façon d’appréhender les événements. Ces ministres que Dieu donne à son Eglise, il nous faut les accueillir, les accepter dans leur mission, dans tout ce qui les constitue.
La rencontre régulière avec les diacres permet de vérifier leur enracinement dans la communauté eucharistique rassemblée le dimanche. Ce point est important pour que, dans la célébration eucharistique, se déploient la diversité des ministères et l’expression de la richesse des charismes que l’Esprit fait surgir ; sinon on court le risque de voir les diacres se transformer en « chapelains », baptisant, mariant « les siens » et de ne développer qu’un service au gré de leurs relations humaines.


Pour les diacres eux-mêmes

Suivre les diacres, quelle que soit la forme que cela peut prendre, rappelle au diacre, à son épouse, à sa famille, qu’ils ont du prix pour l’Eglise et que leur ministère a pleine valeur dans la mission de l’Eglise. Dans ce domaine, la lettre de mission est un élément de partage de la mission confiée. Si elle n’est pas à sacraliser, elle n’en reste pas moins une référence objective pour reprendre les points de la mission.
Les sollicitations, voire les appels pour des changements de carrière professionnelle ne manquent pas et il est important, suivant le cas, que l’on puisse se référer à la mission confiée pour éclairer les décisions à prendre.
Il y a ce que j’appelle un suivi aux « moments-clefs », souvent suggéré par un ami, une épouse, un prêtre… Quels sont ces moments-clefs ? Les moments difficiles, les problèmes de santé ou les passages à la retraite… Tous ces moments ne sont pas sans répercussion sur la mission confiée ni sur le rapport à l’Eglise, à l’évêque ; un suivi régulier permet souvent de préparer les choses sereinement.



Le diaconat comme ministère de service :
pour qu’une Eglise reste en tenue du service



La relation au Christ

Il est indispensable que la vie de prière des diacres soit assurée, ce qui n’est pas toujours facile du fait de multiples facteurs. Cette vie de prière comprend :
• la prière personnelle,
• la prière au nom de l’Eglise (liturgie des Heures)…
• une relation avec la Parole de Dieu,
• une régularité dans l’accompagnement spirituel,
• une vie sacramentelle régulière.
L’accompagnement des diacres dans cette dimension essentielle de leur vie comporte aussi des temps de retraite spirituelle, des week-ends de formation, d’approfondissement, un pèlerinage…
Il est aussi nécessaire de les aider à trouver leur place dans la liturgie (leur rôle n’est pas secondaire) : ils manifestent par bien des façons la figure du Christ, par le service de la Parole, de la table eucharistique, par le soin de l’assemblée.


La relation à l’Eglise

Cette dimension s’exprime dans divers domaines que je voudrais évoquer. Il y a un rapport au peuple de Dieu. Un diacre disait : « Ce n’est pas facile d’être admis, on a l’impression que l’on arrive comme quelqu’un qui vient faire, avec une autorité donnée par l’Eglise, du fait de l’ordination, ce que d’autres font sans cette autorité. »
Il y a matière à réflexion dans cette remarque. En tout cas, il apparaît de plus en plus qu’un travail doit se faire à l’intérieur d’une communauté pour que le ministre soit reçu comme un don de Dieu et soit reconnu comme tel et non comme un concurrent.


L’attention aux autres

Le ministère des diacres traduit une multitude de formes et de richesses du service qu’il serait trop long d’énumérer. Mais cet aspect du ministère est trop souvent perçu par un groupe très restreint, ce que ne permet pas de signifier suffisamment ce don de service de l’Eglise. Les diacres ont autorité pour cela, par leur place à la fois dans l’Eglise et dans la société.
Ils ont un rôle à jouer pour élargir, sans cesse, le regard des membres d’une communauté par le large champ d’action et d’initiatives de leur mission, comme par leur enracinement social. Que d’horizons dépassés par l’apport d’un diacre, obligeant à aborder à frais nouveaux les problématiques nouvelles (avec le monde de la mer, de la santé, le dialogue inter-religieux, les catéchumènes).
Voilà, me semble-t-il, ce qui maintient une Eglise en tenue de service. Ils peuvent aider à ce que des conflits inévitables ne deviennent pas de guerres intestines. Ils permettent que des « chapelles » ne deviennent pas des « cathédrales ».



Le diaconat comme ministère d’initiative :
« Vous n’avez pas fini de courir… »


Accompagnant les diacres, je pense souvent au texte des Actes des Apôtres dans lequel ceux qui sont appelés au service des tables sont décrits comme poussés par l’Esprit, annonçant la Bonne Nouvelle de la Résurrection. Le ministère diaconal est un ministère en pleine vitalité, de cette vitalité que donne l’Esprit.


Une lente maturation

Le ministère qu’exercent les diacres demande que nous acceptions une lente maturation. Il faut du temps pour que la mission confiée prenne sa pleine dimension. Ceci demande à la fois proximité et patience pour éviter le découragement, voire la déception après la joie de l’ordination.
C’est avec le temps que, petit à petit, se découvrent la vitalité et la puissance d’initiative qui découlent de la mission confiée.


Des déplacements

Le déploiement d’une mission peut conduire à des déplacements pour répondre à de nouveaux appels. Appels qui surgissent du fait de personnes rencontrées, d’aspects nouveaux qui prennent forme au fur et à mesure. Pour cela, quelques points d’attention sont à souligner :
• ne pas figer la mission dans un cadre trop rigide, qui pourrait tuer toutes les initiatives ;
• accepter le mûrissement nécessaire ;
• discerner et reconnaître le travail de l’Esprit ;
• reprendre régulièrement tous les aspects de la mission : en effet, des chemins nouveaux peuvent s’ouvrir, qui étaient au départ insoupçonnés.


En guise de conclusion

Depuis vingt-neuf ans, l’Eglise de Marseille a reçu le don du ministère des diacres, de cette histoire. Que puis-je en dire aujourd’hui ? Les diacres sont une grâce et une chance pour l’Eglise diocésaine. Leur ministère, en plein développement, demande attention et discernement. C’est une grande grâce que d’être appelé à accompagner les diacres et toute leur famille. Cet accompagnement ouvre sur la découverte de personnes nouvelles, de catégories professionnelles souvent inconnues.