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Enquête sur la vie consacrée à Paris
A l’occasion des travaux du Synode romain sur la Vie consacrée, les religieuses de Vie apostolique de la région parisienne ont tenu à faire participer les laïcs à cette étude sur ce qui motivait leur place dans l’Eglise. Dans le XVème arrondissement, un questionnaire a été distribué aux fidèles des messes dominicales .
Questions posées :
- Avez-vous l’occasion de rencontrer des personnes engagées dans la vie consacrée ? Qu’est-ce qui vous semble essentiel dans leur vie ?
- Accepteriez-vous que votre fille (sœur, amie) choisisse cet état de vie ? Pouvez-vous expliquer votre réponse ?
- Voyez-vous des appels particuliers auxquels, aujourd’hui, la Vie apostolique doit répondre ?
- Comment comprenez-vous le sens des vœux religieux de pauvreté, chasteté, obéissance, ainsi que la vie religieuse aujourd’hui ?
Sur les sept paroisses alertées, nous avons récupéré 350 réponses. Parmi celles-ci : 106 hommes - 244 femmes - (182 mariés - 109 célibataires). 73 réponses venaient des moins de 25 à 45 ans ; 135 de 45 à 65 ans ; 133 de plus de 65 ans.
1 - La grande majorité des personnes répond par l’affirmative à l’appel d’une fille à la vie religieuse : non sans "mais", ni "si"... aux nuances profondes, toujours respectueuses de la liberté personnelle. "C’est une aventure immense ; et ce n’est pas sans serrement de cœur que je la laisserais s’y lancer" (Homme 45 ans).
Une réflexion exigeante apparaît nécessaire : "C’est à elle à s’engager... mais aussi à durer" (Couple 45). "Oui, si c’est une ’femme’ et que je la sente solide, volontaire et profondément croyante" (Femme 39)
La prudence, voire l’inquiétude humaine des parents se fait sentir : "Du moment où sa vie morale et physique ne se trouve pas en danger" (couple 45).
Certains s’interrogent sur "l’ouverture de la Congrégation". Certains appliqueraient, à cet effet, une étude rigoureuse : "Nos enfants savent que c’est l’état de vie le plus élevé mais que nous ne l’accepterons pas pour eux sous n’importe quelles formes. Celles-ci devront être éprouvées et jugées à leurs fruits" (F. 45). "Nous avons trop souffert, tous, d’une rupture horrible : notre fille religieuse ! N’être plus rien pour elle : c’est contre une vie évangélique" (Couple 65).
Quelques-un(e)s s’y refusent : " Certaines religieuses ne font pas passer dans leur vie le choix qu’elles ont fait..." (H. 50).
2 - Et c’est là qu’apparaît l’essence même de la vie religieuse : C’est, à une très forte proportion : la Foi, la vie de prière, la contemplation de Dieu, dans "un mouvement d’amour préférentiel". Et, ce qui frappe à la lecture de ces réponses, c’est que l’aspect évangélique profond est compris et désiré... C’est que "ce choix radical de l’union à Dieu" débouche sur l’ouverture aux autres, le "don à la mission", c’est un regard d’amour porté sur leurs frères. Leur vie est imprégnée de cette contemplation ; "elles expriment par leur vie l’absolu de Dieu..." "Cet amour préférentiel amène à une grande liberté vers l’autre". Et comme "fruit de cette attitude intérieure" on remarque "une disponibilité, l’humilité, la paix, l’équilibre."
Certains se sont posé la question : "La vie chrétienne implique, d’emblée, par le baptême, cette qualité de vie : dépossession de soi, et donc, abandon à la volonté de Dieu. Est-ce tellement différent de la fidélité à l’engagement conjugal, ou même de la fidélité à soi-même que pratiquent tant de célibataires qui n’ont pas choisi de l’être ? " (F. 45) Mystère de la vocation personnelle de chacun.
3 - C’est alors qu’arrivent les réactions de nos paroissiens devant l’engagement par les vœux de religion. On peut les classer en trois catégories :
- rejet - incompréhension "La vie matérialiste de notre époque tend à rendre ces vœux dérisoires." (H. 45) "C’est peu perçu par l’opinion générale : quelle différence entre une célibataire et une religieuse qui travaille ?" (F. 77) "L’obligation d’être chaste peut engendrer des comportements hypocrites et équivoques intolérables." (F. 45)
"Pourquoi pas des engagements temporaires ? Certains les assumeraient jusqu’au bout, en vérité." (F. +65)
- Une autre catégorie voit, dans l’exercice des vœux, comme une performance humaine : "Les vœux ne doivent pas nuire à la dignité humaine au risque de laisser paraître les religieux comme des êtres trop différents". (H. 65) "C’est dans les privations que l’homme se sent grandi, plus libre." (F. 25)
Quelques-uns pensent que c’est un allègement des fardeaux de la vie, tandis qu’une autre : "Je comprends ceux qui faiblissent" (F. 65) ; "Grâce à eux, la religieuse se structure, se façonne" (F. 45). L’exigence quotidienne de ces vœux semble trop rigoureuse pour beaucoup.
- C’est alors que nous trouvons, dans beaucoup de réponses, le fondement profond de ces vœux... "...qui n’ont de sens qu’au service de l’Amour en toute liberté." "Ils sont Signe tangible du règne de Dieu ici-bas." "Preuve de la confiance totale dans le Christ, le souffle de l’Amour." (H. 25) "La religieuse est saisie par un amour qui dépasse les limites de la tendresse humaine." (H. 45) "Devant nos manques de points de repère, le témoignage des vœux apparaît comme une balise" ,"une force dans le monde actuel." (Couple) "Comme dans le mariage, la vraie fidélité est dans la durée. Ils doivent (les vœux) se vivre comme réponse à un appel... mais qui ne peut connaître que faiblesse, péché et réconciliation pour devenir de plus en plus profondément vécus." Ils apparaissent comme un "Roc". "S’ils sont vécus intelligemment : bien ! Si c’est un règlement : zéro ! " On retrouve dans ces réponses, le balancement d’équilibre entre le don à Dieu, au Christ, et par là même le don aux hommes.
- Les appels de ceux-ci se révèlent exigeants à cette disponibilité par amour. depuis "l’accompagnement spirituel des chrétiens" jusqu’au... "secours aux mécréants", c’est un immense appel "au sens de la responsabilité et de la solidarité." Toutes les détresses physiques et morales semblent être le champ apostolique privilégié de prière et d’action des religieuses. "Rendre une colonne vertébrale à ceux qui n’en ont pas." On leur demande :
- "une charité inventive, surtout pas tournée vers le passé et sclérosée. A misères nouvelles, réponses nouvelles." (Couple 30) mais aussi "attention aux personnes fragiles qui se cachent" (F. 65)
- "qu’elles affichent la couleur, qu’elles montrent qu’elles sont religieuses." (F. 27) mais aussi "qu’elles témoignent de la mission prophétique de la femme."
-"qu’elles organisent de petites cellules de prière pour les jeunes." (H. 45) mais aussi "la protection de ces jeunes par la morale et la protection de leur vie par le préservatif." (F. 65)
- "qu’elles accompagnent la foi des gens simples." (H. 45) mais aussi "qu’elles offrent une formation sérieuse qui serait la preuve que ’Dieu, c’est important’." (H. 125)
- "qu’elles aident à cesser toute polémique dans les débats vis-à-vis des autres religions." (une dizaine de réponses) mais aussi "qu’elles affirment la valeur des ’petits pas’ dans la construction du Royaume"
- "qu’elles soient des maîtres pour l’apprentissage dans la prière" mais "qu’elles sachent écouter nos révoltes."
- "Qu’elles ne gaspillent pas leur énergie en s’activant à droite et à gauche pour le Seigneur, mais "qu’elles soient concentrées sur l’écoute du Seigneur pour réaliser son Oeuvre."
- "une charité inventive, surtout pas tournée vers le passé et sclérosée. A misères nouvelles, réponses nouvelles." (Couple 30) mais aussi "attention aux personnes fragiles qui se cachent" (F. 65)
On les appelle dans les hôpitaux, dans les prisons, au service d’accompagnement des sidéens, des malades, des drogués... "des plus petits, de ceux qui ne sont pas d’emblée (milieu social) dans l’Eglise et risquent (particulièrement à Paris où l’Eglise présente un caractère bourgeois-conservateur) de s’y sentir mal à l’aise et mal accueillis."
En résumé
Ce que l’on attend de nous, c’est "le don sans réserve", "la joie créatrice", "le témoignage que Dieu est une réalité vivante qui peut remplir une vie", la Joie...
Nous sommes ainsi projetées vigoureusement dans le plan d’amour du Christ pour son Eglise.
Nous sommes conviées à méditer à nouveau, et plus humblement, cette parole de Jésus à ses Apôtres : "Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est Moi qui vous ai choisis et vous ai institués pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et un fruit qui demeure." (Jn 15, 16).
Sœur Antoinette Hess