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Donner sa vie, donner sa mort
Sur le terrain, la Vie Consacrée conduit parfois à l’offrande de sa vie humaine... C’est aussi cela la "Suite du Christ" non pas rechercher la mort... mais mettre sa vie dans une totale disponibilité. Nous reproduisons ici le mot d’accueil du Père François Richard, Supérieur des Pères Blancs, à la célébration qui a eu lieu à l’église St Sulpice à Paris en hommage aux quatre Pères Blancs assassinés en Algérie.
"C’est le mardi 27 décembre, jour de la St Jean, que les Pères Jean Chevillard, Alain Dieulangard, Charles Deckers et Christian Chessel ont été tués dans la cour du presbytère de Tizi Ouzou, en Kabylie.
Vendredi dernier, 30 décembre, j’étais, avec le Père Boz, à Tizi Ouzou pour l’inhumation. Une foule d’environ trois ou quatre mille personnes avait envahi le cimetière chrétien. Ils avaient insisté pour que l’inhumation ait lieu à Tizi Ouzou. "Ils sont de notre famille, ils doivent reposer parmi nous", avaient-ils dit à Mgr Teissier. Quand les corps sont arrivés au cimetière, ils ont été salués par des applaudissements et des youyous (qui sont réservés aux martyrs). Après la lecture des Béatitudes, Mgr Teissier a salué l’amour qui se donne jusqu’au bout. Les témoignages de sympathie ont été innombrables. Les gens, nous ont dit et répété combien ils avaient honte de ce qui s’était passé, et que cela était contraire au Coran et indigne de l’Islam. Pendant toute la durée de la cérémonie tous les magasins de la ville étaient fermés. On sentait combien les quatre Pères étaient devenus membres de la communauté locale, et combien c’était une population qui pleurait des amis. En sortant du cimetière, la sœur du Père Dieulangard me disait : "Maintenant je comprends pourquoi ils ne voulaient pas partir." Et Mgr Claverie, évêque d’Oran pouvait dire : "C’est sans doute la première fois que tant de musulmans assistent à l’enterrement de quatre prêtres catholiques. "
Dimanche matin, à Alger, c’était la communauté chrétienne qui célébrait l’eucharistie à Notre Dame d’Afrique. Lieu hautement symbolique pour les Pères Blancs, puisque c’est le lieu de nos origines, lieu qui a vu les premiers engagements et les premiers départs pour l’Afrique subsaharienne. La messe était présidée par l’archevêque d’Alger, entouré du cardinal Duval, du Nonce apostolique, des trois autres évêques d’Algérie et d’une grande partie des prêtres et religieuses d’Algérie, ainsi que des chrétiens algériens. J’ai pu admirer leur foi, leur sérénité, leur détermination et leur espérance.
Aujourd’hui, nous sommes rassemblés ici en communion avec la communauté musulmane de Tizi Ouzou, avec la communauté chrétienne d’Algérie, avec les familles de toutes les victimes de l’Islamisme (et tout spécialement avec celle de Yannick Beugnet), mais aussi avec l’Eglise universelle qui nous a exprimé de multiples façons combien elle se sent concernée par le sacrifice de Tizi Ouzou. Les messages innombrables qui nous sont parvenus de tous les horizons montrent combien le témoignage de ces quatre prêtres a porté et combien ce deuil est partagé aussi par des non-chrétiens. C’est avec cette foule immense qu’ici, aujourd’hui, dans cette église de St Sulpice, nous célébrons l’entrée de nos quatre confrères dans le Royaume du Père universel.
Notre assemblée est composée des familles, de Pères Blancs, de Sœurs Blanches, de nombreux prêtres, religieux, religieuses, d’innombrables chrétiens, et aussi de croyants de l’Islam. Tous ensemble, ici ce matin, nous réalisons cette communauté fraternelle pour laquelle nos quatre confrères ont donné leur vie."
Père François Richard