Travailler : une qualification pour la mission


Dans cet article, H. B., prêtre de la Mission de France, s’adresse aux séminaristes de la Mission de France pour leur rendre compte de ce qui est engagé fondamentalement par les prêtres qui exercent une activité professionnelle au titre de la mission.

Six années comme responsable du premier cycle du séminaire de la Mission de France m’ont placé sur la ligne de front de bien des approches différentes du travail des prêtres : la génération de mes aînés, la mienne et les vôtres se suivent et ne se ressemblent pas !

J’y ai acquis au moins une conviction : aucune avancée sérieuse ne peut se faire en ce domaine aux frais d’une seule génération, et ce serait perdre notre temps, parce que coudre telles quelles de l’étoffe neuve sur de la vieille, cela se déchire ! Nous sommes plutôt dans la situation de ce scribe du Royaume qui avait, un beau jour, à tirer de son trésor à la fois du neuf et du vieux ! Ce qui est ancien dans nos manières de dire et de faire doit être remis en question par la "nouveauté" de ce qui surgit avec vous ; ce qui surgit doit être passé au feu du discernement, celui que nous donne l’expérience, en Eglise, de l’Esprit.

Au début, dans des remarques historiques (1ère partie), je parlerai de la Mission de France à la première personne du pluriel : j’ai fait mienne, depuis mon premier engagement, cette tradition jeune d’à peine 50 ans dans l’Eglise. J’y trouve la liberté d’inventer, avec des frères, la fidélité à notre vocation. D’abord cinq années comme prêtre naviguant, embarqué comme électricien avec des gens payés pour partir, s’absenter, transporter, inventer avec les moyens du bord. Cette expérience du travail en mer et d’hospitalité à terre, escale par escale, a tissé l’Eglise. Elle va colorer ces pages et je ne l’ai quittée que pour vivre autrement la mission, en acceptant un service de formation.

Depuis plus de deux ans maintenant, j’ai rejoint l’équipe de la Mission de la Mer au Havre. Le matin, je visite les marins qui font escale et l’après-midi, je tiens la station-service pour l’approvisionnement des bateaux de pêche.

Aujourd’hui, avec vous, comment reparler de l’enjeu du travail, pour des prêtres en mission, dans les années à venir ? Sans doute, en insistant sur la structuration intérieure (2ème partie) qui est rendue possible et nécessaire dans cette vocation à être relatifs à l’autre de notre foi (3ème partie). Enfin, je crois que je réinsisterai sur la dimension fondatrice d’un tel ministère.

Rebalayons d’abord un peu l’histoire...

... pour essayer d’entrer dans un regard renouvelé sur deux ou trois choses simples. Pour commencer, je dirais que le cardinal Suhard n’a pas fondé de "prêtres au travail", et que les premiers envoyés l’ont été sous d’autres formes que celle de la condition salariée. De même, aujourd’hui encore dans la Mission de France, tous n’ont pas travaillé, et beaucoup sont maintenant à la retraite professionnelle ; pourtant, tous ont été marqués et changés dans leur rapport au monde et dans leur parole par cette expérience profonde faite par la majorité d’entre-eux. On y reviendra. Mais, à proprement parler, le travail n’est pas l’origine, ni l’état natif, ni le but de notre vocation, et ne suffit donc pas à nous définir...

A l’origine de la Mission de France, il y a eu plutôt un contexte très fort de contemplation : dans son carmel, Thérèse de Lisieux, avec notre monde et ses misérables, a connu la nuit de la foi, cherché le Christ et porté dans sa prière des frères prêtres missionnaires. Marqué par Thérèse, du cœur de l’institution, le cardinal Suhard a contemplé un monde distant de l’Eglise et de Dieu ; il devenait urgent de s’aider entre diocèses pour rejoindre les milieux incroyants, avec la liberté d’en inventer les chemins.

A l’état natif de la Mission de France, entre le séminaire de Lisieux et les équipes de terrain, il y avait un perpétuel va-et-vient, source d’invention : gratuité des sacrements, réforme liturgique avec langue française, insertion dans le pays, coup de main dans les fermes...

On peut voir là, bien sûr, les prémices du travail des prêtres tel qu’on le connaît aujourd’hui. C’est au même moment, à travers l’expérience vécue des séminaristes et des aumôniers clandestins au Service de Travail Obligatoire en Allemagne, que dans leur conscience apostolique et celle du cardinal Suhard, une nouvelle étape allait être franchie. C’est un peu plus tard, après les premiers pas sur les trottoirs de Pigalle ou à la sortie des usines Panhard - et devant le côté quand même insolite d’une annonce de Jésus-Christ après les heures de travail, après l’épreuve, après la bagarre de l’homme aux prises avec sa condition - c’est devant ce sentiment d’arriver après la bagarre, de l’extérieur, que se fit cette prise de conscience : et si nous franchissions la porte ?

"Un Macédonien était là, debout, qui adressait à Paul cette prière : ’Passe en Macédoine, viens à notre secours !’ Aussitôt, après cette vision forte nous cherchâmes à partir pour la Macédoine,... à y apporter la Bonne Nouvelle" (Ac. 16, 9-10). Ce qui est à l’origine et à l’état natif de la Mission de France, c’est l’appel à rencontrer l’autre de notre Foi, comme une passion, sans concession, et pourtant comme un cadeau, car cette rencontre de l’autre fait vivre une grande expérience intérieure et spirituelle, où l’on reçoit autant que ce qu’on voulait donner. L’autre de notre foi a été, par découvertes successives : l’incroyance athée, puis les autres croyances (et je pense en particulier à l’Islam), et aujourd’hui l’indifférence ambiante et massive, comme un nouveau défi à la foi.

Il faut ajouter ici que cet appel était doublé d’un autre : il y avait eu en effet - et il y a encore - dans le monde ouvrier, conjonction de deux défis, celui de l’incroyance, mais aussi celui de la pauvreté ; l’appel de l’Evangile à donner priorité aux pauvres va souvent de pair avec l’aventure de la Foi en "terre païenne".

Il faut noter aussi que ce double appel n’était pas entendu seulement par la Mission de France ! Par exemple, l’expérience des paroisses missionnaires en banlieue (Pères Michonneau, Rétif...), conduisit à découvrir qu’un tel type d’apostolat était insuffisant pour "pénétrer" ce monde. Passer vraiment sur l’autre rive, cela devait tôt ou tard se faire aussi par le travail, car c’était souvent un passage obligé pour être de ce monde, pour y être naturalisé. Le monde ouvrier était structuré (organisations politiques, syndicales ; culture propre...) : on ne pouvait pas y inscrire l’Evangile en restant au bord, en marge, ce qui était la situation de la paroisse.

Passer sur l’autre rive...

C’est sur ce chemin de la rencontre de l’autre que, longtemps après l’apôtre Paul (et à la suite de bien des curés de campagne !), l’Eglise a vécu le travail des prêtres comme une "retrouvaille" : pour que ses prêtres aussi puissent vivre la rencontre du monde en son incroyance et ses incroyables possibilités. Oui, ce monde est adulte, il a grandi dans ses blessures, et c’est ainsi qu’il est aimé de Dieu ! Ce monde n’a plus besoin d’un parrainage de l’Eglise pour construire son avenir, et c’est dans la reconnaissance de ce caractère adulte du monde qu’il y a, pour nous aussi, ici et maintenant, à décider d’en être acteurs, avec nos goûts, nos compétences et notre sens de l’Evangile. C’est un chemin privilégié pour y signifier la place du Christ, puisque cela nous rend effectivement acteurs de ce monde, pour le transformer dans le sens d’une plus grande justice. Nous savons que ce qui aura été fait aux pauvres, c’est au Christ que nous l’aurons fait.

Cette retrouvaille n’est pas de nous. C’est une grâce que nous avons reçue, dans une vision forte - une prise de conscience - et qui n’a pas fini de devenir celle de toute l’Eglise ; ce n’est pas si facile de faire prendre conscience de cette découverte à ceux qui n’ont jamais franchi la porte. Tout ce que l’entrée dans la condition de "ceux du dehors de l’Eglise" peut changer de notre regard à la fois sur le cœur de l’homme et le cœur de l’Eglise. Or, quand nous sommes là, nous sommes bien au cœur du mystère de l’Eglise ! Cette prise de conscience-là (être non pas à côté de ceux qui sont loin, mais être vraiment chez eux, dans leur condition de vie, pour recevoir d’eux tout ce qui va permettre de donner corps à une parole de Foi), ne peut pas être pour l’Eglise autre chose qu’une grâce reçue du Christ : c’est la démarche même de Son incarnation et de la naissance de Son Eglise !

Aujourd’hui, bien sûr, ce que vivent dans leur chair beaucoup de personnes, c’est le développement du chômage et de l’exclusion, tandis que d’autres qui gardent un travail y font l’expérience douloureuse d’une véritable sur-pression, ou d’une grande précarité. Mais c’est précisément dans cette précarité et cette oppression qu’il y a pour nous un appel à être présents, pour comprendre dans notre propre chair et accompagner les grands changements vécus par nos contemporains. Quant à ce que fait vivre et endurer le chômage, cela ne peut être vraiment compris que par celui qui a vraiment perdu un travail qu’il avait, et qui est en recherche difficile d’un autre travail. C’est dans ces conditions-là qu’une présence, au nom de l’Eglise, peut être juste et féconde.

Nous pouvons donc aujourd’hui nous sentir très libres devant les lanceurs de modes douteuses du genre : "le travail des prêtres, c’est dépassé ; il y a autre chose à faire", alors qu’il ne s’agit pas de faire autre chose, mais de le faire autrement ! Nous pouvons aussi nous sentir très libres face à ceux qui opposent partage de vie et fondation d’Eglise, alors que nous en découvrons la profonde unité, qui nous unifie nous-mêmes ! Essayons donc de découvrir le comment de cette unification.

Une structuration intérieure...

...pour être prêtres par les temps qui courent ! Par vos racines ou votre formation "profane", vous êtes déjà des hommes de l’autre rive, côté Macédonien. Il n’y a donc pas à vous retirer, mais à vous unifier dans cette expérience forte du monde, dont fait partie l’exercice d’un métier, y compris le plus humble, avec la crainte ou même l’expérience du chômage : cela nous y confère une responsabilité précise, ce qui est déjà structurant ; mais mettre ainsi la main à la pâte nous amène en retour à être nous-mêmes modelés, façonnés par notre monde.

Sûrement, nous nous structurons spirituellement dans la "façon" même dont ce monde nous oblige, nous éduque et nous appelle, comme lieu de la parole de Dieu. Le reste tient de la malfaçon...

L’empreinte de l’autre

Voilà l’enjeu profond : consentir à me laisser pétrir par un monde que j’aime, tandis qu’intérieurement, c’est le levain de l’Evangile qui travaille le tout et m’unifie dans le Christ : Dieu, peu à peu, ouvre mes mains et les lèvres pour Le louer au grand jour. Au moment de la prière je suis encore dans la peau d’Adam, en train d’être travaillé, façonné par Dieu : comme sur le célèbre tympan de Chartres, Dieu me recrée tout en regardant le visage de Son Fils, pour que toute ma vie, par mes compétences et mes choix évangéliques, puisse répondre au Christ !

De la même "façon", je me reçois de l’Eglise, et dans ce monde sécularisé et indifférent, je vois la nécessité de vivre le ministère profondément articulé à la prière et au symbole de la foi d’une communauté, quelle qu’elle soit. Cela ne veut pas forcément dire en porter la responsabilité principale. Je pense plutôt à ce qu’a dû être, pour saint Paul, l’Eglise d’Antioche : une communauté de "départ", structurante d’un bon sens ecclésial. Le vis-à-vis avec la communauté donne au ministre une bonne matrice pour ajuster sa place et sa signification dans bien d’autres types de communautés humaines (travail, loisirs, quartier, etc.) Ce sera aussi la communauté de "retour de mission", avec qui relire et célébrer tout ce que Dieu fait sur l’autre rive !

L’empreinte du temps

Il y a la durée d’une histoire avec d’autres, il y a aussi le rythme de vie quotidien, toujours significatif d’un certain rapport à l’autre. Quel témoignage d’humanité donne le ministère quand il est vécu comme une espèce de profession libérale, sans heure ni dans le corps, ni dans la tête, ni dans le cœur ? Rappelons-nous les rendez-vous du Petit prince et du renard qui lui expliquait : "De ce que tu as apprivoisé, tu deviens responsable !". Voilà un vrai sens pastoral, grandi dans une fréquentation, un compagnonnage, une solidarité qui se laissent marquer par la fréquence d’un temps, comme au rendez-vous de la prière. Eh bien, je peux dire que le temps de travail, imposé certes de l’extérieur - l’empreinte du temps des autres - peut aussi inscrire en notre chair un rythme structurant pour notre relation à Dieu et aux autres.

Prenons, par exemple, notre relation aux jeunes qui subissent la précarité ou le chômage. Supposons même que nous les rencontrons dans le cadre d’une aumônerie, d’un mouvement, ou d’une vie de quartier. Leur besoin vital n’est pas de nous avoir toujours avec eux, mais peut-être davantage d’entrer dans le jeu structurant d’une alternance présence-absence, de la rencontre d’un adulte. C’est-à-dire quelqu’un construit par ailleurs par un rythme et des relations avec d’autres adultes, parce qu’engagé par une compétence dans le corps social qui est, précisément pour eux les jeunes, l’horizon vital à rejoindre. La fréquentation de cet animateur le leur permettra.

Quelques faux-pas...

Ceci dit, il y a aussi des pièges dans ce type de vocation : cela arrive quand, à 30 ans, on veut "se faire prêtre" au travail pour "conserver" sa profession ; à 45 ans quand on se blinde dans une sécurité d’emploi ; à 55 ans quand on ne parle plus "qu’annuité" pour assurer "sa" retraite... Tout cela installe dans une carapace qui rend stérile, alors que nous avons cherché plutôt la colonne vertébrale qui, de l’intérieur, libère pour le chemin de la mission.

Etre relatifs à l’autre de notre Foi

Donner place à une compétence humaine au cœur de notre ministère va donc qualifier le service que l’Eglise nous demande de vivre dans le monde : il sera mieux inscrit dans la qualité-même de ce qu’on va tisser en participant à la "vie active" d’un milieu, d’une région ou d’un pays. En même temps, cette manière d’aller aux autres avec une compétence partagée - interdépendance, donc, solidarité - va peu à peu nous changer en profondeur... Etre changé par la rencontre de l’autre, nous pouvons le refuser, parfois par orgueil. Mais celui qui entend cet appel et qui, par le travail en particulier, consent à se laisser marquer jusqu’en son propre corps par les conditions de vie de ses frères, y puisera la joie des vraies rencontres et de la connaissance intérieure. En effet, par là, toute une manière d’être aux autres, avec notre corps et notre langage, va être mise en chemin. C’est toute notre intelligence des choses et du temps qui prend corps autrement, nous révélant des dimensions insoupçonnées de nous-mêmes et des autres.

Pour l’Eglise aussi...

Cette manière de se situer parmi les autres devient plus pertinente encore du point de vue de la mission... Nous voilà en effet en terre étrangère pour l’Eglise, chargés d’aventurer l’Eglise et la foi chrétienne dans quelque chose d’inconnu encore pour elles : une autre culture, une sous-culture, un milieu professionnel en pleine mutation. Ce monde-là a son histoire, ses rites, ses sous-entendus et ses symboles : comment, de la part de l’Eglise, prendre au sérieux cette altérité ? Comment nous laisser atteindre par l’autre jusqu’au lieu de nos désirs les plus profonds pour l’Eglise de Jésus-Christ ? Comment nous laisser pétrir jusqu’en notre propre symbolique de l’expression de la Foi ? Comment entrer dans le langage de l’autre pour y signifier Jésus-Christ et Lui donner Corps ?
C’est en osant l’aventure de la foi de l’Eglise dans des mondes culturels différents (qui sentent les choses et le monde autrement), c’est en la risquant dans les conditions de vie et les espoirs des pauvres de ce monde, que nous préparerons la rencontre du Seigneur avec eux, dans la vérité de leur existence. Or, ce sont bien des conditions concrètes d’existence (racines culturelles, formation reçue, type de travail, place dans le corps social...) qui les marquent : elles construisent un certain type d’homme et de femme, ou détruisent et déstructurent, sans que cela ne parle de Dieu ! La mission nous envoie donc vivre le ministère à ces jointures-là, avec nos compétences et nos charismes ; elle nous invite à vivre une histoire avec d’autres, où nous aurons subi ensemble les mêmes peines, fêté les mêmes joies ; elle nous invite à dire Dieu sur ces lieux de fracture ou de croissance humaine, à devenir ministres d’une liturgie (Rm 15, 15) de Jésus-Christ dans les mots et les gestes de l’autre de notre foi, pour qu’il devienne un jour lui aussi le Corps chargé de Ses louanges.

Pour le frère rencontré...

Pendant ce temps, l’autre de notre foi nous fait voyager en son propre pays. C’est un chemin à l’intérieur de sa culture, de son regard sur le monde et sur Dieu, voire de son absence de regard sur Dieu. Cette absence de Dieu dans son point de vue vient toucher en nous ce point profond de doute et d’incrédulité, et nous ne nous sentons plus tout à fait étrangers chez lui, nous pouvons comprendre... Mais ce qui est étonnant, c’est que dans le même moment, nous trouvons là aussi la chance sereine et la liberté de nous prononcer, car nous aurons retrouvé une attitude de chercheurs de Dieu : nous découvrons que le silence de Dieu n’est pas forcément Son absence, mais peut-être bien Son Amour ; nous entrons là dans la joie d’un acte de foi renouvelé, et nous en faisons part à celui qui restera peut-être l’autre de notre foi, mais est déjà aussi son hôte, et notre frère dans un chemin tout juste commencé.
De même, demeurer chez lui nous permet de voir l’Eglise autrement à travers son regard. Entrer dans ce regard sur elle nous causera parfois quelques désillusions, et quelques souffrances, mais ce sont celles des apôtres, c’est-à-dire de ceux qui, ayant l’Eglise à cœur, et parce qu’ils la fondent au-delà d’elle-même, sont au cœur de son mystère. L’apôtre ne perd jamais de vue le premier visage qu’a eu pour lui l’Eglise, celui reçu de l’intérieur de l’Eglise. Mais la rencontre de l’autre de la foi l’initie à la "double vue" dont parlent les guérisseurs africains : il "voit" aussi le visage qu’a l’Eglise dans d’autres yeux, dans le regard de nos contemporains et il "voit" les murs qui séparent, et c’est cela qui augmente son désir d’être fondateur, au service de la rencontre de ce monde avec Dieu. Notre capacité à fonder l’Eglise, nous la puiserons dans la qualité de notre inculturation, qui passera souvent par l’exercice d’une compétence professionnelle, aussi modeste soit-elle. Plus profonde sera notre inculturation, plus la Parole sera en pleine Terre, plus les fondations d’Eglise seront solides.

Conclusion

Travailler dans le ministère, n’est pas un "en soi" : cela s’inscrit dans un souci de fondation de l’Eglise, repérable et branchée. C’est être en prise avec le sérieux du monde pour donner corps à la proposition du Christ. Chaque fois que possible, on élargira le simple dialogue. On donnera à voir qu’on n’est pas là à notre propre compte, mais en lien avec d’autres croyants. On permettra que soient vus le fil et la trame qui nous tissent à d’autres dans l’Eglise.
Le principe de cette texture, qui donne corps à l’Eglise et signifie qu’elle est Corps du Christ, c’est le vis-à-vis entre prêtres et laïcs, qui ne structure pas seulement les moments sacramentels, mais aussi tous les autres moments et lieux de la vie chrétienne : non seulement la catéchèse ou l’aumônerie... mais aussi (et surtout) le plus quotidien de la présence des chrétiens dans le monde. Ainsi sur les différents lieux de travail qui marquent les hommes et les femmes d’aujourd’hui, l’Eglise a besoin d’être présente non seulement par ses laïcs, mais aussi par ses prêtres !
La seule condition, à mon avis, c’est que les prêtres revivent dans cesse la fraîcheur de cette "retrouvaille" de l’Eglise avec ce que cela suppose de souplesse, d’audace, de liberté d’esprit (dont un des fruits est la joie). Là, signifier l’initiative de l’Amour de Dieu demandera de trouver les gestes symboliques qui donneront corps, dans une culture particulière, à cet Amour de Dieu et au récit de la mort et de la résurrection du Seigneur. Dans le croisement du rite et du récit, la Parole de Dieu pourra être reconnue, elle pourra toucher, et faire renaître d’en Haut, de l’Esprit.

H. B.,
prêtre de la Mission de France