Permanents en pastorale


Bénédicte Fauvel, mariée et mère de famille, est permanente en pastorale dans le diocèse d’Evry (Essonne). Elle nous donne son témoignage et nous fait part de sa réflexion : métier, vocation, ministère, service ou travail ?...

Face à la situation telle qu’elle se présente actuellement en Essonne, Mgr Herbulot et le Conseil épiscopal ont réfléchi pour trouver des solutions d’avenir. Nous cherchons donc des couples qui accepteraient de vivre dans un presbytère, l’un des membres du couple étant permanent en pastorale pour la paroisse. Seriez-vous intéressés ? Quand pouvons-nous nous rencontrer pour parler de cette proposition ?"

C’est ainsi que nous avons été contactés par le diocèse il y a maintenant trois ans. De quoi s’agissait-il ? De venir s’installer dans un presbytère, avec nos enfants, à la fois pour un rôle de présence dans les locaux, et aussi, pour l’un de nous deux, travailler au service de la communauté paroissiale comme permanent en pastorale. Nous nous sommes sentis interpellés car, depuis quelques années, nous cherchions comment vivre une dimension d’accueil dans l’Eglise. Nous avions des amis qui vivaient dans un presbytère en ayant comme "loyer" cette charge d’accueil. Simplement, ici, cela allait plus loin : il s’agissait non seulement d’avoir un gîte en échange du service de l’accueil, mais surtout de travailler pour la communauté paroissiale, en tant que permanent.

Nous nous sommes posé beaucoup de questions sur les capacités de l’un et l’autre, pour assumer cette charge, sur les conséquences que cela pourrait avoir sur la vie familiale - nous avons deux enfants de 4 et 7 ans - sur le réalisme de cette proposition, c’est à dire sur la possibilité réelle de pouvoir vivre ce genre de responsabilité. Ayant bien pesé le pour et le contre, nous nous sommes finalement décidés. Mon mari ayant, par ailleurs, des pistes de travail qui aboutissaient, c’est donc moi qui ai pris la charge de permanente en pastorale, à mi-temps, afin de préserver du temps pour les enfants.

Nous n’étions pas seuls à nous lancer dans cette aventure puisque la proposition a été faite à trois autres couples pour trois autres lieux. Nous nous rencontrons régulièrement pour échanger sur ce que nous vivons dans les paroisses où nous sommes en mission. Les quatre situations sont très diverses, chaque communauté ayant une histoire et des réalités très différentes. N’ayant aucun modèle, cette situation de permanent pour une paroisse semblant être nouvelle, il m’a fallu trouver comment vivre cette mission avant de pouvoir mieux définir en quoi elle consiste.

Je suis donc, tout d’abord, au service de la communauté paroissiale, et plus particulièrement, au service de l’équipe animatrice. Celle-ci, composée de personnes élues ou cooptées, a reçu de l’évêque mission de "prendre soin de la communauté qui lui est confiée" (1). Un prêtre accompagne la communauté. Il a d’autres charges sur le secteur pastoral et ne réside donc pas au presbytère, rebaptisé Maison Paroissiale. Je travaille en étroite collaboration avec lui. En simplifiant, je pourrai dire que je fais ce que font les prêtres chargés d’une paroisse qui n’est pas spécifique de leur ministère presbytéral. Il est plus difficile de répondre à la question : qu’est-ce que vous faites au juste ? Je tenterai d’y répondre en retenant trois pôles d’action :

  1. un rôle de coordination : de par ma présence à la Maison Paroissiale, je suis au courant de ce qui se passe dans la communauté, je peux faire circuler l’information, signaler une formation, un rassemblement ... Pour cela, je participe à un certain nombre de rencontres, dont celles de l’équipe animatrice où je suis nommée par l’évêque, au titre de ma mission.
  2. un rôle de prospective : penser l’avenir, être attentif aux besoins des différents groupes, des personnes qui frappent à la porte de l’Eglise, appeler des chrétiens à prendre des responsabilités...
  3. enfin un rôle matériel : recevoir le facteur, commander les hosties, veiller à l’entretien du matériel (photocopieuse...). Tout ceci ne peut se vivre qu’en étroite co-responsabilité avec le prêtre accompagnateur et les laïcs engagés dans la paroisse.

J’ajouterai un quatrième aspect de ma mission : l’importance de la présence de la famille dans la Maison Paroissiale. En effet, un prêtre peut accompagner plusieurs communautés paroissiales, mais il ne peut pas résider dans plusieurs presbytères. La présence de notre famille à la Maison Paroissiale montre un nouveau visage de l’Eglise. Dans la ville cela commence à se savoir et il n’est pas rare qu’une maman à la sortie des classes me demande ce qu’il faut faire pour inscrire son enfant au caté, comment s’y prendre pour faire baptiser son enfant ou encore s’il existe une salle que l’on peut louer... Les personnes qui frappent à la porte de la maison paroissiale ne paraissent pas trop surprises de ne plus trouver de prêtres : du moment qu’elles se sentent accueillies et que leur demande est prise en compte.

Un tel engagement dans l’Eglise prend du temps. Si le contrat de travail précise que je suis engagée à mi-temps, je passe, de fait, bien plus de temps pour la paroisse. Cela a des retombées sur la vie de famille, sur le temps que je peux consacrer à mes enfants et à mon mari. J’ai fréquemment des réunions le soir, puisque je travaille avec de nombreux bénévoles qui ont une activité salariée. Une grande partie des activités de la paroisse se passe le week-end, je ne suis donc pas toujours disponible quand les enfants sont libres... Il faut donc trouver un équilibre entre le travail, fait de présence et d’accueil - donc de disponibilité, et la vie de famille. Ce n’est jamais acquis, il me faut y être constamment attentive. La difficulté vient du fait que le travail de permanent est difficile à cerner dans le temps : le téléphone peut sonner aussi bien pendant les heures où je suis à la paroisse que pendant les heures de repas que je prends avec les enfants. Je pourrais mettre le répondeur, mais nous avons fait le choix d’être disponible, et pour nous l’accueil passe par un téléphone auquel nous répondons.

Cette question d’équilibre de vie familiale a fait partie des questions que nous nous sommes posées avant d’accepter ce travail. Il nous a semblé que nous pouvions vivre cette "tension" pendant quelques années, sachant que toute modification de la cellule familiale (arrivée d’un autre enfant, par exemple) nous obligerait à revoir l’organisation matérielle de cette maison.

Certaines personnes que je rencontre semblent admirer mon engagement en Eglise. Pourtant, celui-ci me paraît tout naturel. Ce travail de permanente en pastorale n’est pas pour moi ce que l’on peut appeler une vocation. Non, j’ai, nous avons, répondu à un appel pour un service d’Eglise, pour un temps donné. Quand nous avons accepté de venir nous installer dans le "presbytère", nous avions précisé que c’était pour trois ans, éventuellement renouvelables. Nous savions que ce ne serait pas forcément évident, qu’il y aurait probablement des difficultés. Mais c’était pour moi l’occasion de servir l’Eglise de manière plus engagée, pour un temps donné. Je ne pense pas "faire carrière" dans l’Eglise. J’ai par ailleurs un métier - je suis infirmière - que je peux reprendre quand je veux. C’est vivre l’engagement de mon baptême, participer à la construction de l’Eglise, de l’Eglise de demain. Et c’est passionnant de participer à cette aventure qu’est la vie en Eglise.

Cet engagement est un travail : je suis salariée du diocèse d’Evry-Corbeil-Essonne. Ce qui est particulier, c’est que mon travail (contrat à durée indéterminée) est lié à une lettre de mission que j’ai reçue de l’évêque pour une durée de trois ans renouvelables. J’ai, en quelque sorte, un contrat moral avec l’évêché. Quand ma mission est terminée, mon travail est terminé, et en particulier les avantages en nature (logement) n’existent plus. Mais, de fait, aucun permanent n’est jamais resté sur la paille.

Ce travail fait que je vis ma foi différemment. Tout d’abord parce qu’être engagée dans la vie concrète d’une paroisse me fait côtoyer des réalités très variées. Je découvre que des sensibilités très différentes cohabitent dans une même communauté, et c’est cela qui fait sa richesse. Cette expérience me fait rencontrer beaucoup de personnes qui ont leur itinéraire propre (catéchumènes, jeunes parents demandant le baptême pour leur enfant, futurs mariés...), et cela m’incite à l’ouverture et aussi à une certaine remise en question. Nous faisons, je fais, tant de choses par "habitude"... mesurons-nous la chance que nous avons de vivre cette richesse de la vie de l’Eglise ?

Je ne suis pas la seule à être engagée dans la paroisse, beaucoup de paroissiens sont engagés dans le caté, les mouvements, les services... Comme moi, ils vivent leur engagement du baptême. Ils se donnent souvent beaucoup. Nous travaillons ensemble, ensemble nous sommes acteurs dans l’Eglise. L’aventure Eglise n’est plus la "spécialité" des prêtres, mais concerne chacun d’entre nous.

Je travaille aussi avec le prêtre accompagnateur et un diacre religieux qui collabore à la vie de la paroisse. C’est pour moi très important. Je ne pourrai pas vivre ma mission sans cette collaboration. Nous sommes en train de vivre une nouvelle manière de travailler en Eglise. Cela pose les questions du pouvoir et du ministère presbytéral. On ne peut pas réduire le prêtre à un distributeur de sacrement, ni l’assujettir au bon vouloir des laïcs. Il n’est pas question que je fasse tout, ni que les laïcs "bénévoles" fassent tout, comme il n’est pas du rôle du prêtre d’être "l’homme orchestre" d’une paroisse, chargé aussi bien d’accompagner les jeunes de l’aumônerie que de recevoir le plombier, de célébrer les sacrements ou d’organiser la kermesse... Mais prêtres et laïcs, et spécialement les permanents, devons avoir le souci commun de la communauté. Ensemble nous portons ce qui fait vivre la communauté, aussi bien au niveau matériel que spirituel. Nous ne sommes pas concurrents mais complémentaires.

Les laïcs se chargeant d’un certain nombre de soucis matériels et de présence (ce qui ne relève pas du ministère ordonné), le prêtre ne sera-t-il pas plus disponible pour se consacrer à son ministère de communion ?

C’est dans cette optique-là que j’essaie de vivre mon travail de permanente en pastorale. Et cela m’enrichit car nous sommes différents de par nos formations et nos itinéraires, et ces différences sont richesses pour l’un et l’autre. Par ce travail de permanente en pastorale pour une paroisse, qui est service d’Eglise, je participe modestement à la construction de l’Eglise, qui est perpétuellement en mouvement, et cela est passionnant.


Bénédicte Fauvel

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(1) In"Le courage de l’avenir" (Document de référence pour la vie pastorale du diocèse dans la suite du Synode diocésain) p. 17 §.2 : l’équipe animatrice - EA. "En coresponsabilité avec un prêtre de l’équipe presbytérale de secteur, l’équipe animatrice reçoit de l’évêque mission pour prendre soin de la communauté qui lui est confiée. L’équipe animatrice est responsable de la qualité de vie d’Eglise de sa communauté. Elle est au service des baptisés et des catéchumènes pour les aider à vivre pleinement leur Foi, leur Espérance et leur Charité chrétiennes. Elle met en œuvre le projet pastoral que la communauté paroissiale s’est donnée, et que l’évêque a approuvé." [ Retour au Texte ]