Dialogue S.D.V. - Monastères


Voici la retranscription d’un débat entre Sr Françoise Marguerite, Visitation St Héand, qui représente aussi les moniales au SNV le P. Christian Kratz, régional SDV région Est et le P. Paul Houix.

Père M. Riguet :
En prélude à cette session, soeur Françoise a fait une sorte de sondage, une enquête auprès des régionaux sur les liens qui existent entre monastères et SDV. On va lui demander de nous faire part des résultats de cette enquête. Ensuite auront la parole le Père Christian Kratz qui représente les SDV puis le Frère Paul Houix, nouvel abbé de Timadeuc.

Soeur Françoise Marguerite :
J’ai été amenée à faire cette enquête parce que je suis chargée des liens avec le SNV, à l’atelier des Supérieures Majeures. Là il faut que je dise un peu ce qui se vit entre moniales et la pastorale des vocations. Comme je n’ai pas la science infuse, il a fallu que je m’informe et j’ai correspondu avec les déléguées régionales SDM. J’ai senti ici où là, aussi par d’autres contacts personnels, qu’il y avait des moniales qui, au sein des commissions régionales des vocations, ou des SDV ou des ateliers "vie religieuse", n’étaient pas toujours à l’aise et se disaient : "Est-ce que cela sert vraiment à quelque chose que je sois là. Je ne dis rien, j’écoute. Est-ce que notre présence est vraiment utile, nécessaire ?" Le meilleur moyen de leur répondre sera de savoir ce que pensent les autres partenaires : les prêtres, responsables SDV.

Père M. Riguet :
Vous savez sans doute que dans chaque région existe une équipe dans laquelle sont représentés moines, moniales, religieux, religieuses, missionnaires, instituts séculiers. Tous participent normalement aux rencontres régionales des SDV. Ces personnes-là sont déléguées pour chacune des vocations représentées dans la région apostolique. Mais très souvent ces personnes ne savent pas à qui faire retour. Parfois la délégation est ancienne, et les gens qui les ont délégués ont oublié qu’ils ont délégué quelqu’un.

Soeur Françoise Marguerite :
Je me suis donc dit qu’il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent les autres partenaires, les prêtres, les religieux apostoliques, laïcs qui font partie aussi de ces instances. J’ai envoyé une lettre à tous les régionaux, en novembre 1993, j’ai dû la relancer, en janvier, parce que très peu avaient répondu. Sur neuf régions, sept ont réagi.
Je vais vous lire les trois questions posées :

o Vous rencontrez une ou des moniales en Conseil de la Vie Religieuse, Service des Vocations ou en Atelier Vie Religieuse. La présence de moniales dans ces instances vous paraît-elle utile, nécessaire au niveau ecclésial, pastoral pour les Moniales elles-mêmes ?
o Quel lien existe-t-il entre les monastères de votre région et les SDV ? les relations sont-elles vécues dans la confiance, une franche collaboration ou dans la réserve ? Y a-t-il encore une certaine peur à surmonter ?
o Dans ce domaine de la pastorale des vocations qu’attendez-vous personnellement de la part des moniales ?

En bref , je peux vous dire que la place des moniales est jugée utile, nécessaire, qu’elle est désirée. Que les liens en général sont bons ; qu’on souhaite qu’ils soient encore meilleurs ; qu’il y a peut-être encore par ci par là un peu de méfiance, de réserve ; qu’enfin on attend surtout des moniales la prière, le témoignage et l’accueil.

Père C. Kratz :
Responsable de la région Est, je voudrais vous dire les réponses que j’ai envoyées aux trois questions que Soeur Françoise vient de rappeler.
D’abord la présence des moniales dans les CRV (Conseil Régional des Vocations) est importante car elle témoigne de l’originalité de leur existence de consacrées et rappelle à tous que l’Eglise serait amputée si la vie contemplative n’y était plus proposée et vécue. Et en retour elles accueillent le travail spécifique des prêtres, des religieux, religieuses apostoliques, des missionnaires, des Instituts Séculiers qui les ouvrent à la vie de l’Eglise en plein monde et sollicitent leur prière. C’est important de souligner ce double mouvement du donner et du recevoir.
Lorsque la rencontre se vit bien, comme c’est le cas, je crois, chez nous dans la région Est, chacun donne et chacun reçoit et, par ce qu’il est, construit et enrichit le corps du Christ en vivant son charisme et sa mission propre.
Quels liens entre monastère et SDV ? (2e question). Je crois que dans la région Est des liens réels et réguliers existent car les moniales sont habituellement représentées dans deux instances, d’une part dans ces rencontres régionales dont je viens de parler, et d’autre part aussi dans chaque diocèse où existe ce qu’on appelle un atelier "vie consacrée" qui fonctionne plus ou moins bien selon les diocèses. A Strasbourg cet atelier fonctionne bien. Nous avons chaque trimestre une rencontre qui regroupe des représentants de toutes les congrégations et instituts masculins et féminins, y compris les instituts de vie contemplative. C’est un lieu d’échange, d’écoute, de partage des temps forts de chacune des congrégations. Mais chaque année aussi on s’attelle à un travail. Par exemple, une année on a proposé dans le diocèse une exposition aux Trois Epis (un haut lieu chez nous en Alsace) sur la vie religieuse apostolique et contemplative. Cette année pour se former davantage à l’accompagnement, on a proposé aux religieuses et religieux en lien avec des jeunes, des moyens et temps de formation. C’est ainsi que chaque année on se fixe un objectif .
Ensuite j’ajouterai aussi que l’information circule bien entre les monastères et les SDV. Les tracts, brochures, manifestations des uns et des autres sont annoncés et diffusés. Les relations sont vécues dans la confiance et sont le signe d’un partenariat fécond souhaité par tous. Je souligne avec insistance le fait que les monastères sont des lieux signe, des lieux source où peut se vivre cette communion dans la différence.
On est heureusement sorti de l’esprit "boutique" et à quelques rares exceptions près, les moniales manifestent un véritable sens ecclésial et un grand amour de l’Eglise locale. Je voudrais insister encore sur les liens personnels qui peuvent exister entre les SDV et les différents monastères. Liens personnels nés et entretenus par des rencontres, des visites avec des jeunes, des équipes.

Qu’attendez-vous, SDV, par rapport aux monastères ? (3e question). J’ai dit deux trois choses. Que les moines et les moniales vivent pleinement ce pour quoi ils ou elles sont faits : le témoignage de la prière, on l’a dit, le témoignage d’une vie fraternelle qui dit Dieu, le témoignage de la radicalité évangélique partagée avec tous les chercheurs d’absolu. Les monastères sont des oasis de paix, de silence, de plénitude dont le monde et l’Eglise ont besoin.
D’autre part, étant des lieux très fréquentés par des jeunes, les monastères doivent pouvoir informer, donner une adresse ou un tract, proposer un premier accompagnement, faire le lien avec l’Eglise diocésaine et pourquoi pas oser l’interpellation directe : "et toi, que veux-tu faire de ta vie ?"
Ce sont de petites choses, et pourtant je crois que si c’est vécu simplement au quotidien ce peut être très fructueux. Plusieurs fois des jeunes sont venus me voir parce qu’ils avaient trouvé un tract, parce qu’une moniale ou un moine leur avait parlé ou donné l’adresse du SDV . Inversement, lorsque nous, nous sentons chez un jeune une vocation monastique je crois que là aussi il faut lui donner des adresses, il faut l’orienter, l’aider à prendre contact et l’adresser là où on peut l’aider à réfléchir.
Je dirai pour conclure qu’il y a d’abord à décloisonner dans la reconnaissance de la vocation de chacun, des monastères et des SDV, il ne faut pas s’ignorer, vivre les uns à côté des autres, mais oser la rencontre simplement, naturellement dans les contacts personnels et dans les instances prévues à cet effet. Ensuite il faut s’informer réciproquement des temps forts, de ce qui existe, et enfin travailler dans la confiance ensemble au service de la même mission.
Je ne voudrais pas dresser un tableau trop idyllique, mais enfin chez nous, honnêtement, je crois pouvoir dire que les choses se passent plutôt bien. Peut-être que d’autres régions pourront intervenir dans le débat pour compléter, préciser ou nuancer ce que je viens de dire.

Père M. Riguet :
Soeur Françoise, dans les réponses que vous avez reçues des régions ou des régionaux, quels problèmes, quelles difficultés sont évoquées ?

Soeur Françoise-Marguerite :
Ce n’est pas un régional, c’est une régionale SDM qui m’avait écrit : "les relations avec les SDV sont bonnes de personne à personne ; mais connaît-on vraiment la vie monastique ? croit-on à la capacité des moniales d’accompagner des jeunes ?" Souhait de collaboration, donc. On signale aussi : un monastère trouve que le SDV ne fonctionne pas bien pour les filles.
Autre difficulté relevée par un régional : "Nous avons pour notre région un délégué moine. Il est aussi curé du village du monastère et à ce titre il doit participer à d’autres réunions que la CRV. Je sais qu’il souffre de cette dispersion qui nuit à l’équilibre de sa vie contemplative. Il s’est excusé auprès de nous tout en ajoutant : "Si vous les SDV vous ne comprenez pas mes réticences, qui les comprendra ?"
Le même régional se fait écho d’une autre tension : c’est une mère abbesse qui lui a confié sa méfiance vis à vis du SDV. Dans le passé, explique-t-elle, deux jeunes filles fréquentaient le monastère et envisageaient une entrée. Pour les aider dans leur discernement elle les a envoyées au SDV du diocèse et puis pendant des mois plus aucune nouvelle, alors que jusque là, elles venaient très régulièrement au monastère. Longtemps après une fille est revenue. Elle a confié à la mère abbesse qu’au SDV on lui avait conseillé de prendre du recul, de vivre une coupure radicale avec le monastère, de retrouver sa liberté. Le régional ajoute : on comprend les dégâts que peut opérer ce genre d’expérience.
Une autre moniale écrit : "Je me demande souvent si des accompagnateurs personnels jouent le jeu de la complémentarité".

Père M. Riguet :
A propos de la réaction de moines : "A quoi cela sert d’envoyer un délégué à une CRV ; depuis que tu es représentant des moines aux CRV ou aux SDV, il n’y a plus eu de vocations chez nous." Je pose la question au P. Paul Houix : est-ce que c’est la cause ou bien le hasard ?

Père P. Houix :
J’ai été délégué au SDV de Vannes pendant sept ans et également à la région apostolique de l’Ouest au titre de délégué de la vie contemplative.
Il y a un double aspect. Pour moi, cela a été une grande grâce de participer à la vie d’un SDV. Un ou deux ans après, j’avais fait un rapport et j’avais dit que trois choses avaient été importantes pour moi. Tout d’abord cela avait été de découvrir le SDV. Vous ne vous rendez pas compte. Pour moi c’était un univers complètement nouveau. Auparavant nous avions comme délégué le Père Hervé (maintenant à l’abbaye d’Acey). Il nous parlait de sa délégation à la région apostolique de l’Ouest mais j’avais l’impression qu’il nous parlait d’un monde différent du nôtre. Et on ne comprenait pas bien ce qu’il faisait là.
Quand je suis entré au SDV j’ai fait la même expérience. D’une part je découvrais un monde complètement inconnu, avec des sigles ! la première, réunion à laquelle j’ai participé c’était le SDV qui rencontrait la CSMV ! il a fallu que je m’habitue aux sigles invraisemblables de l’Eglise. Mais tout de suite cette première rencontre a été vraiment importante parce que j’ai découvert qu’il y avait des problèmes que j’ignorais complètement par exemple : les laïcs dans les SDV, le problème entre les religieuses et les SDV. Donc j’ai découvert un monde que j’ignorais.

Deuxièmement, j’ai communié profondément à la vie de ce SDV de Vannes et tout ce qui s’y passait était pour moi très intéressant, car de fait j’ai été mis devant des réalités nouvelles : des antennes relais, le journal "Vocations", les CM2 .

Troisièmement, j’ai pu participer à des choses précises et en particulier on m’a confié la réunion entre le SDV de Vannes et les maisons d’accueil du diocèse. Nous avons à peu près 20 maisons d’accueil qui se réunissent une fois par an et j’étais chargé de les convoquer au carmel de Vannes une fois par an et d’animer la rencontre. J’ai vraiment découvert alors une conviction que, je pense, je portais en moi mais que je n’avais pas encore explicitée à savoir qu’il n’y a de vocation que dans l’Eglise peuple de Dieu. Pour moi cela été la grande grâce de ma participation au SDV. C’était vraiment le fruit direct de Vatican II : toute vocation appartient au peuple de Dieu. Donc la vocation ce n’est pas quelque chose qui nous appartient et s’il y a des hommes et des femmes qui sont appelés c’est parce que l’Eglise elle-même est appelante et appelée. 1e crois pouvoir dire que le SDV me révélait que c’était important que je sois là ; j’avais l’impression que cette présence était importante pour l’équipe. Je crois que, de fait, en tant que moine ou moniale, nous avons une parole qui est originale en ce sens non pas qu’elle est particulière, enfin qu’elle est riche, mais nous avons une approche particulière du mystère de Dieu, du mystère de l’Eglise. Donc ils étaient intéressés quand j’intervenais, me disaient-ils. Jusque-là il n’y a pas de problème.
Mais le problème que je voudrais poser ce matin, c’est la relation entre le moine qui fait partie du SDV ou de la CRV et sa communauté, ou les communautés. C’est là, à mon sens, qu’est la question. J’ai beau faire des comptes-rendus, cela leur parait extra-terrestre ou je ne sais pas quoi ! Ils se posent des questions : que fais-tu là-bas ? A quoi cela sert ? est-ce efficace ? Maurice a exagéré ! ce n’est quand même pas vrai que Timadeuc est devenu stérile depuis que je suis au SDV ! Mais il y a une grosse question ecclésiale, je me rappelle que Yvon Bodin avait la fameuse formule "Une pastorale ecclésialement bonne". II y a huit jours a débarqué au monastère un évêque melchite catholique du Brésil, un libanais. Il m’a dit : "Comment faites-vous pour avoir des vocations ? " J’ai dit : "On attend qu’elles arrivent ! on ne va pas les chercher". On n’a pas de pastorale des vocations, on prie et on attend qu’elles viennent et si elle ne viennent pas , les monastères meurent. En Bretagne il y a quatorze monastères cisterciens en ruines et Timadeuc est un quinzième qui existe. Je fais un peu d’humour. Mais c’est vrai : les monastères n’ont pas de pastorale des vocations. Dans la région Ouest c’était Soeur Thérèse (de Martigné-Briand) qui était avec moi comme déléguée des moniales. Nous avions deux réunions , nous faisions un compte-rendu, elle les envoyait aux 40 monastères de la région Ouest et moi je les envoyais aux 10 monastères masculins de la région. J’ai été sept ans délégué des moines : j’ai envoyé sept comptes-rendus. Je n’ai jamais eu de réponse sauf un moine, un abbé, qui me répondait toujours, gentiment d’ailleurs, mais les autres ne me répondaient jamais.

Est-ce qu’ils lisaient mon rapport ? ce n’est pas sûr. Je pose la question. Et pourtant je persiste à penser que c’est important qu’il y ait des moines et des moniales dans les SDV, et dans les SRV et bien sûr à l’atelier national.
J’ai très peu rencontré de difficultés par rapport aux SDV et la vie monastique, j’ai toujours été bien accueilli et j’ai toujours eu l’impression qu’ils connaissaient bien la vie monastique, et qu’ils étaient très respectueux de la vie monastique.
La question pour moi, est celle que je viens d’exprimer.

Soeur D. Sadoux :
En réponse à ce que vient de dire le P. Houix, deux choses. Il dit qu’il n’y a pas de pastorale des vocations dans les monastères et il s’interroge sur le bien fondé des moines et des moniales dans les commissions régionales ou dans les ateliers. Je voudrais dire que mon expérience me montre que cela dépend des personnes. C’est plus facile pour eux de sentir ce qu’ils font dans le sein de la commission régionale que de sentir ce qu’ils font vis à vis de leur monastère qu’ils ont à informer. Dans la commission régionale, il faut prendre sa place, c’est à dire il ne faut pas attendre qu’on vous donne la parole, il faut l’arracher quelquefois. Si on est "pot de fleurs" cela ne sert à rien. Par rapport à l’information aux autres monastères, je ne sais pas. Je crois que cela touche le point que vient de signaler le Père Paul, quand il dit : il n’y a pas de pastorale dans les monastères. Je dirais oui mais... il n’y en a pas au sens où vous n’avez pas, dans votre vocation, à sortir pour aller proposer vos charismes ou les nôtres et organiser des choses à l’extérieur pour des jeunes ou des communautés chrétiennes. Mais je crois que la première pastorale des vocations , c’est la prière à cette intention et vous le faites, et la deuxième, une information et une ouverture à ce qui se fait dehors. Il y a pastorale quand il y a un va-et-vient avec les SDV, les autres congrégations, les autres branches de vie consacrée, pour un meilleur discernement. C’est vrai qu’il n’y a pas de pastorale, mais c’est vrai qu’il y en a une aussi !

Père P. Houix :
Un évêque nécessairement va constituer un SDV, c’est normal, mais un père abbé ou une mère abbesse n’aura jamais l’idée de créer une commission des vocations. J’ajoute une chose. Ce qui est important pour moi : je suis du diocèse de Vannes, je suis déjà très enraciné dans le terreau de Vannes, j’ai un oncle qui est prêtre à Vannes, je connais beaucoup de prêtres de Vannes. Si bien que pour moi il était très facile de débarquer dans le SDV de Vannes, ils me connaissaient bien, ils connaissaient mes frères et soeurs en ACO... Mais un moine peut être de Timadeuc et être né ailleurs que dans ce diocèse ou même cette région.

Père P. Agneray :
Tu as dit tout à l’heure "un évêque va constituer un SDV", moi je dis : les monastères ont des SDV parce que les SDV sont ceux de toute l’Eglise, donc ils ont les SDV à leur service !

Soeur M. Maréchal !
C’est un peu rapide comme réaction, mais je suis d’accord avec ce que dit Paul : ce devrait être cela. Pourtant même nous, religieuses apostoliques, on ne le sent pas forcément comme cela, même en étant dans le SDV. Je crois qu’en tant que religieuse et religieux, quelle que soit la vocation monastique ou apostolique, on a souvent à se battre et à vraiment ramer pour reconnaître et faire reconnaître que le SDV est aussi porteur de toutes les vocations . C’est pour cela que l’atelier" vie consacrée" est très important et que la présence, là aussi, d’un religieux ou d’une religieuse dans le service est importante pour incessamment être un rappel que le SDV n’existe pas seulement pour le ministère presbytéral. Je sens qu’il y aurait risque d’un service à deux vitesses : un vrai service pour les prêtres et un service "toutes vocations" plus ou moins bidon qui ne pourrait nous satisfaire. Je ne sais pas si vous sentez comme moi la question qui me paraît très importante aujourd’hui. Il faut simplement qu’on soit vigilant.

Père C. Kratz :
Je crois que c’est au SDV d’être celui qui constitue aussi une altérité par rapport à l’évêque. C’est vrai ; quand mon évêque m’a nommé, ce qu’il attendait de moi, ce qu’il attend de moi aujourd’hui, c’est que je lui ramène des jeunes pour le séminaire, c’est clair. Il ne m’a jamais demandé en quatre ans combien de jeunes étaient entrés dans un monastère ou dans la vie religieuse apostolique. Mais moi je suis celui qui doit dire aussi à l’évêque que les autres vocations existent et qu’on doit travailler en Eglise ensemble dans le respect de la liberté des jeunes. Les évêques ont leurs préoccupations un peu immédiates, mais je crois que c’est au SDV de faire droit à toutes les vocations.

Père M . Riguet :
Je voudrais aussi ajouter quelque chose. Ce qu’a dit Dominique me semble important : il faut que le délégué des moines ou moniales ou religieux, religieuses n’ait pas peur de prendre la parole avant qu’on la lui donne. J’ai vécu cette expérience aussi pendant huit ans en représentant les Supérieurs Majeurs pour le Centre-Est, il est vrai qu’au début je balbutiais et je me disais que la vie religieuse masculine apostolique n’était pas vraiment prise en compte. Mais je me suis aperçu que si je parlais, si je prenais la parole et disais : attention ! et la vie religieuse où est-ce qu’elle est ? après les choses étaient beaucoup plus faciles. Encore faut-il qu’il y ait l’accueil de la part du responsable SDV.

Père P. Houix :
Paul a dit quelque chose qui est très, très profond. Mais est-ce que c’est perçu comme cela ? Tu as raison au plan théologique, c’est très sûr.

Père P. Agneray :
C’est une position de principe. Cela dit, il ne suffit pas d’avoir des positions de principe. Comment cela peut se passer ? Depuis lundi, matin, je me dis ceci : ceux qui ont le plus besoin du travail que nous faisons ici, ce ne sont pas ceux qui sont ici et qui sont déjà convaincus, ce sont les autres monastères, en particulier masculins, qui sont les moins nombreux ici, et les autres SDV.
Alors notre question maintenant c’est : comment allons-nous faire pour qu’ils puissent profiter des fruits de notre travail ? Comme tu l’as dit toi-même, envoyer des comptes-rendus, c’est bien mais cela a une efficacité limitée, parce qu’un papier n’est jamais qu’un papier et il est surtout utile s’il accompagne une rencontre personnelle, au téléphone ou de préférence en tête-à-tête. Alors comment faire ?
Il me semble qu’il faut qu’il y ait une information dès maintenant, d’abord, et puis quand on aura des outils un peu plus développés, le compte-rendu, il faudra qu’on approfondisse le travail.
Deuxièmement, comme je l’ai dit, il faut qu’il y ait des rencontres. Je crois que ce sont les responsables des SDV qui doivent aller dans les monastères de leur diocèse. Il faut que nous prenions contact avec les responsables des SDV pour qu’ils fassent les facteurs, qu’ils aillent porter les papiers, que les papiers ne soient pas envoyés par la poste mais qu’on aille avec. le rapport, ou avec le compte-rendu, et qu’on en discute, monastère par monastère. Il me semble que c’est une lourde tâche et je me méfie de moi-même, je sais qu’ici je suis très disponible mais dans un mois ou deux, je penserai à autre chose ! c’est là qu’il ne s’agit pas d’être agressif en disant : mais l’autre ne s’occupe pas de mes affaires ; il faut savoir que mon frère a bien d’autres soucis, donc il faut que je rappelle à mon frère de tenir ses promesses, il faut que je rappelle à mon frère de me laisser à moi, moine ou moniale, la parole dans la commission régionale des vocations. Il faut que nous nous donnions ici des rendez-vous, que nous fixions des exigences, que nous fassions des alliances et que nous nous rappelions ces promesses, ces rendez-vous, ces alliances à la rentrée. Il faut que nous prenions des rendez-vous pour septembre. Il me semble qu’il y a des choses très concrètes à faire avant 16 heures si nous voulons que ces pétitions de principe ne soient pas des paroles en l’air.

Mme B. Le Gall (laïque, SDV Orléans) :

- A la suite de ce qu’ont dit Paul et Christian, au sujet des priorités de nos évêques, en tant que laïque je peux vous donner notre expérience. Quand nous sommes arrivés dans le SDV nous avons été un facteur d’équilibre entre moines, moniales, prêtres étant donné que nous n’avions pas d’a priori ! Je crois que le SDV, par sa position, peut mettre tout à fait un lien entre tout le monde. Au niveau de la région aussi. Mais je vous assure que ce n’est pas très drôle quand on vous pose la question et qu’on vous appelle en tant que laïcs.

Soeur Berthe, clarisse de Sigolsheim :

- J’ai donc participé durant trois ans aux CRV de la région de l’Est et je peux dire que j’ai vraiment beaucoup reçu, sans doute plus que j’ai donné, mais je pense qu’il ne faut pas avoir de complexe parce qu’on a l’impression de moins donner. En effet, nous ne sommes quand même pas sur le terrain. Chez nous, chaque diocèse a ses projets, des choses différentes d’un diocèse à l’autre, mais nous communions à tout cela, nous le portons dans la prière. Si on a quelque chose à dire, on le dit. Je pense comme le Père Paul que c’est l’information qui doit circuler, qui est très importante et qui ouvre quand même les monastères à plus grand que le monastère. Il peut arriver qu’une soeeur dise : "A quoi cela sert, cela ne nous rapporte pas de vocations ! " Nous faisons tous les mois une journée de prière pour les vocations. C’est vrai nous prions durant des années et pour autant personne ne vient ! mais ce n’est pas pour cette raison qu’il faut s’arrêter non plus. Je pense qu’il ne faut donc pas nous complexer en disant "nous n’apportons pas grand chose". C’est vrai, il se fait beaucoup de choses au niveau du SDV, je crois qu’il faut le reconnaître et que notre présence me semble aussi nécessaire. Soeur Marie Chantal, qui me remplace depuis quelques mois était très surprise de tout ce qui se fait, et je pense qu’elle continuera aussi à apporter le meilleur d’elle-même.

Père C. Digonnet :
En tant que responsable de la pastorale des vocations, à l’écoute de tous les délégués diocésains, je me pose des questions fondamentales. Vous vous rappelez un numéro de "Jeunes et Vocations" avait pour titre : "la pastorale des vocations sert-elle à quelque chose ?" Quelquefois on s’entend dire qu’effectivement on ne sert pas à grand chose, que beaucoup de jeunes arrivent dans des institutions (noviciat ou séminaire) sans avoir transité du tout, sans avoir eu aucun contact avec le SDV. Réfléchissant à cela je reste persuadé tout de même que la garantie d’une pastorale des vocations qui soit ouverte à toutes les vocations, c’est une pastorale qui vient de l’évêque, parce que l’évêque par sa propre vocation est rendu responsable (voir le décret conciliaire sur la charge pastorale des évêques) de toutes les vocations dans l’Eglise. Donc, c’est notre rôle, au fond, de lui rappeler que le mandat qu’il nous a donné, très normalement est pour toutes les vocations. Je pense à ce jeu d’affiches qui voudrait bien montrer qu’on porte souci de la vocation religieuse dans tous ses états, dans tout son éclat, bien sûr, mais aussi de la vocation missionnaire, des instituts séculiers, du ministère ordonné. De même on prépare un document grand public qui doit servir dans les salons de l’Etudiant, Forum des Métiers, où il est bien entendu que toutes les vocations seront présentées.
Une réflexion que je me fais, c’est que pour avoir travaillé en secteur de mission, dans une équipe composée de gens expatriés, où figuraient des religieux, des religieuses, un prêtre diocésain, nous savions bien que tous nous étions là pour l’Eglise locale, pour implanter l’Eglise locale, parce que c’était cela l’avenir. Alors je dis aussi faisons attention à ne pas, ici même, laisser mourir l’Eglise locale ; toutes les vocations y perdraient. Il est clair que dans le passé, c’est là où il y avait des Eglises locales très vivantes que s’épanouissaient toutes les vocations. Alors je comprends qu’il y a une certaine urgence, pour un évêque, à faire vivre cette Eglise locale. Ce qui est peut-être le plus préoccupant c’est qu’on entend dire, et on l’entend dire beaucoup par des laïcs qui travaillent avec nous : les prêtres sont un peu démobilisés par rapport à l’appel. Je crois qu’il faut vraiment se dire que l’avenir de l’Eglise est entre nos mains à tous et qu’il faut essayer de travailler vraiment ensemble pour évangéliser le monde d’aujourd’hui pour qu’il y ait des ouvriers et des témoins de l’Evangile.

Père J. Anelli (SDV Nanterre) :
Ce que je voulais dire c’est que nous sommes tous marqués par le poids du jour et la fatigue du chemin. C’est vrai qu’un évêque voit la difficulté qu’il peut avoir à trouver quelqu’un à mettre à tel endroit, et cela fait toujours de la peine à un évêque de voir que tel ou tel secteur de son diocèse n’aura plus de prêtre, avec la démobilisation et les problèmes que cela pose pour la communauté chrétienne. Je pense que pour vos congrégations, pour vos monastères il en va de même lorsqu’on voit que le vieillissement, ou la maladie ou le rétrécissement des effectifs fait que tel ou tel service ne peut plus être assuré . Alors je crois que le paradoxe de la situation qui est la nôtre actuellement c’est qu’on arrive tous, d’une certaine manière, avec ce poids du jour, et on a à se retrouver fraternellement, parce que si on commence à se dire est-ce que je fais assez , est-ce que l’autre fait assez pour moi, on risque effectivement très rapidement d’entrer dans des procès d’intention. Voyons plutôt ce qui a peut-être progressé sur ces dernières années, sur 20 ou 30 ans. Je suis seulement depuis un an délégué des vocations : donc l’histoire qui a précédé, je la connais assez peu, mais j’ai quand même l’impression que cette dimension de pastorale des vocations s’adressant à tous , à tous les aspects de la vie de l’Eglise, c’est quelque chose qui a progressivement pris corps au fil des ans . Et si j’en crois ce que nous disait soeur Marie Jean tout au début, il a fallu huit ans pour passer de sa question d’une session précédente à la rencontre d’aujourd’hui. Plutôt que de regarder les petits problèmes qui peuvent encore se poser, essayons peut-être plus souvent de nous situer dans cette perspective heureuse de voir qu’on apprend, que ce soit au niveau régional, diocésain ou comme ici national, on apprend progressivement à marcher ensemble, à avoir des perspectives communes en matière de vocations, ce qui nous permettrait d’être ensemble davantage des témoins de l’espérance.

Colette Frossard, Institut séculier :
J’avais juste deux mots à dire, mais il y a eu tellement de choses entre temps. Je reviens à votre intervention à propos de la place des religieuses et de la vie religieuse en SDV. Tout ce que vous avez dit, c’est très bien mais alors que peut-on dire pour le laïcat consacré ! la place du laïcat c’est assez difficile ; je rejoins ce que soeur Dominique et Maurice disaient : quand on arrive dans un SDV il faut savoir, mais on ne nous le dit pas toujours, qu’il ne faut pas attendre qu’on nous donne la parole. Et au bout de quatre ans, je commence à comprendre cela, je tâcherai de bien former mon successeur, celle qui me succédera.

Philippe Brach (laïc en SDV) :
Dans le diocèse on avait l’impression d’une démobilisation des prêtres par rapport à l’appel, plus particulièrement à l’appel au ministère presbytéral. C’était quelque chose qu’on sentait diffus dans le diocèse de Nancy, et récemment il s’est passé qu’on a demandé à tous les prêtres du diocèse (on a envoyé 400 lettres) de venir se rencontrer pour dire comment eux vivaient cet appel, faisaient cet appel, au presbytérat entre autres, mais pas exclusivement. C’était notre démarche. 70 prêtres sont venus, trente ont répondu qu’ils ne pourraient pas être là. Ce qui fait, en sachant que sur les 400 du départ il y en a 300 qui sont effectivement valides, cela fait en gros un tiers des prêtres qui se sentaient tout à fait mobilisés par rapport aux appels. Comme tout à l’heure j’entendais Claude Digonnet nous dire qu’il y a parfois une démobilisation des prêtres, je reconnais qu’il y a peut-être eu une démobilisation, il fut un temps, mais j’ai l’impression que chez nous il y a quand même, au fond, des choses qui renaissent . Et si cela existe chez les prêtres, cela existe aussi ailleurs.

Père Albéric, abbaye d’Acey :
Lorsque tout à l’heure le Père Paul parlait de la sensibilisation dans les monastères, j’étais étonné de la difficulté d’établir un ordre de priorité entre les multiples appels qui nous sont adressés. Au plan diocésain par exemple ce qu’on a appelé "Paroisses 2000". Une restructuration des paroisses dans le diocèse de Saint Claude. A côté, ce sera un autre diocèse tout proche avec un autre objectif "l’année de la famille". Il y a les textes qui viennent de notre ordre, il y a les appels des missions, dont on est tout de même très proches, j’ai vécu huit ans au Rwanda . Je me disais tout à l’heure : ce serait très bon que le P. Paul envoie une lettre un peu plus provocante, un espèce de cri pour les abbés de notre ordre, mais cela va arriver parmi quinze autres lettres aujourd’hui. Comment mettre un ordre de priorité ? Nous avons à Acey la chance d’avoir frère Daniel comme délégué à la région ; il a été prêtre diocésain ; il est entré chez nous après dix ans ; il connaît pratiquement toutes les paroisses du Jura et il fait partie du SDV, très convaincu ; c’est un peu exceptionnel, cela passe bien grâce à lui, je crois . Actuellement cette attention est un peu privilégiée parce que Daniel est là ; mais il ne serait pas là, qui pourrait apporter et soutenir cet intérêt parmi cent autres qui vont venir ? Je suis toujours effrayé par la pile de courrier qui arrive à un abbé !

Père C. Kratz :
Je crois que les curés ont exactement le même problème. Quand on arrive quelque part, en tant que SDV, on nous dit : "Tu es bien gentil mais tu sais, tous les services se croient uniques et croient que c’est eux qui ont le plus à dire". L’important, je rejoins Paul Agneray, l’important si on veut faire passer quelque chose, ce n’est pas d’envoyer un courrier par la poste, mais c’est le contact personnel.

Père C. Defrance (SDV Saint Etienne) :
Par rapport à ce qui a été dit, je voudrais souligner la grâce de la visite ou de la visitation, et quand par exemple, il y a beaucoup de priorités, je suppose que dans un monastère on est capable de se réunir pour choisir ces priorités au milieu de dix ou de quinze ou de vingt, et je pense qu’après, quand un SDV, mobile, comme dit Paul, va rencontrer un monastère ce n’est pas pour dire : voilà il y a telle directive qu’on vous donne, mais pour écouter ceux des monastères dire "voilà quelles sont nos priorités". Ca me paraît important qu’un SDV au lieu d’être le service qui distribue des affaires, soit aussi celui qui reçoit et soit un peu au diapason des différentes communautés, de leur charisme, de leurs choix pour pouvoir en tenir compte. II me semble que là il y a quelque chose de précieux, on n’est pas là pour brasser trop, on est là pour saisir la grâce de chacun et cela me paraît important.

Père M. Riguet :
Je vais demander à Sr Françoise de conclure en disant éventuellement ce que le SDM attend aussi des SDV.

Soeur Françoise-Marguerite :
Je peux encore signaler trois petits points rapides. Par rapport à ce qu’on disait au sujet des prêtres, j’ai une réflexion d’un monastère de moniales : des séminaristes nous ont confié leur regret de ne pas recevoir dans leur séminaire une formation qui les prépare à accompagner des jeunes et des personnes de tous âges en quête de Dieu. On veut des prêtres, c’est bien, mais il faudrait les préparer aussi à être éveillés à toutes les vocations.
Un autre appel d’une co-régionale : beaucoup de jeunes passent dans vos monastères, y a-t-il dans votre communauté une soeur qui a suivi une session d’accompagnement ?
Pour conclure, je me permets de citer encore ce passage d’une lettre d’un régional qui rejoint ce que Dominique disait le premier jour : "Dans notre diocèse, ces deux dernières années, deux filles sont parties pour le Carmel, une pour les Dominicaines, une chez les Cisterciennes, une chez les Missionnaires de la Charité de Mère Teresa, et une dans un institut missionnaire. Cela peut provoquer une petite déception humaine chez des Soeurs qui travaillent en SDV de voir que des jeunes filles qu’elles voient passer ne choisissent pas la vie apostolique". Si je relève ce fait , c’est parce que je le reçois personnellement comme un appel à la gratuité, comme disait Dominique et que je crois que si nous sommes les uns les autres habités par cet esprit de gratuité, la collaboration sera facile à tous les niveaux.